Réinvention d'une fête
Et si le lapin de Pâques n'existait pas, et que ce n'était pas les cloches qui amenaient des chocolats ? Et pourquoi du chocolat à Pâques ?
En avril, nous avons proposé à nos membres de réinventer cette journée et son organisation de la manière qu'ils le souhaitaient : texte de 1 000 mots maximum, poème, chanson...
Quelques petits mots ont été imposés, histoire de corser un peu l'affaire : divulgâcher (à conjuguer ou pas), embrouillamini, hurluberlu de rien, c'est cadeau
Merci à trois de nos auteurs de s'être prêtés au jeu !
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Les Ouillamis
L'éternuement secoua tout le corps de mon amie. Elle renifla exagérément en soupirant de désespoir.
— Je n'en peux plus de ces maudites allergies ! rouspéta-t-elle.
— Tu sais ce qu'on dit...
Elle me jeta un regard noir et s'affala contre le dossier de sa chaise de jardin. Installés au soleil, sur sa belle terrasse en teck, nous prenions le temps de savourer une limonade en écoutant les enfants hurler leur joie. Ils couraient partout sur l'herbe, chassaient les papillons et profitaient de la douce chaleur de ce printemps.
— Je ne veux rien entendre, je souffre, ok ?
Un éclat de rire s'échappa de ma gorge avec automatisme. Elina détestait qu'on lui rappelle le côté féerique de cette manifestation corporelle désagréable. Ses cheveux roux foncé donnaient des reflets cuivrés grâce aux rayons de l'astre solaire et son petit nez retroussé sublimait son expression renfrognée.
— Je ne fais qu'exposer une vérité, soulignai-je, un léger sourire aux lèvres.
— Une légende, Max, c'est une légende, rectifia-t-elle en plissant les yeux.
— Une légeeeeeeeeende ! hurla tout à coup l'un des mioches de ma meilleure amie.
Julia courra aussi vite qu'elle le pouvait, considérant ses minuscules jambes. Son frère, Matteo, l'imita et la dépassa naturellement. Il fallait dire que ses jambes, à lui, étaient plus grandes ; à huit ans, on se déplaçait plus vite qu'à cinq !
— De quoi tu parles, tonton ? s'enquit le mioche numéro un en me regardant avec des gros yeux.
— Rien du tout, il dit des bêtises, comme d'habitude, répondit sa mère.
— J'adore les bêtises ! Tu me racontes, tonton, hein, s'il te plaaaaaaît !
— Je ne faisais que parler des Ouillamis, indiquai-je.
La tête que fit le môme me renseigna sur son ignorance absolue. Sa sœur arriva enfin, essoufflée et les cheveux en bataille. Une brindille se dressait au sommet, comme pour scander qu'elle s'était roulée par terre.
— Les... quoi ? souffla-t-elle de sa voix cristalline.
— Les Ouillamis, répétai-je. Vous ne connaissais pas ?
L'étonnement dans ma voix transparaissait sans mal, je jetai un coup d'œil vers Elina et elle haussa les épaules.
— Possible que j'aie oublié d'en parler.
— Tu as oublié ? Comment peut-on oublier de parler de ces merveilleuses créatures ?
— Des créatures ! Quelles créatures ? cria Julia.
— Les Ouillamis, ce sont de petites bestioles bienfaisantes qui apparaissent au printemps.
Mon explication fit réagir les enfants de concert, tandis que Mattéo écarquilla les yeux, la petite rousse, portrait de sa mère, ouvrit la bouche en grand et regarda partout autour d'elle.
— Ne fait pas ça, Max, soupira mon amie en fermant les yeux.
— Oh que si !
D'un bond, je me levai de ma chaise et fis signe aux enfants de me suivre pour s'assoir sur l'herbe. Pour une fois, ils écoutèrent sans broncher, avec docilité et impatience.
— Alors c'est quoi, tonton, les oullemamies ?
— Ouillamis, Julia.
— Oui-ouilla-
— Bon, tais-toi et laisse-le raconter, gronda Mattéo.
— C'est une petite bestiole qui né à l'équinoxe de printemps et vit seulement jusqu'à l'été. On fête sa naissance le 21 mars, lorsque le jour et la nuit sont égaux, en s'habillant en jaune et en buvant du sirop de miel. Durant sa courte vie, la petit bête sème partout où elle passe une fumée jaune.
— Une fumée jaune ! s'exclama le gamin numéro un. Comme Smoker ?
Cette énième interruption m'interloqua suffisamment pour que je plonge mon regard dans celui du petit bonhomme. Même nez que sa mère, yeux noirs comme son père, il ferait des ravages plus tard.
— Comme qui ? demandai-je en sachant déjà que je le regretterais.
— Smoker ! Dans One Piece ! TU CONNAIS PAS ONE PIECE ?!
— Tais-toi toi-même d'abord ! s'écria Julia en direction de son frère. Je veux savoir la suite des Oullalamis.
Mattéo plissa les yeux de manière exagérée et s'apprêta à répliquer, certainement une grossièreté. Ainsi, je m'interposai rapidement :
— Et donc ! Cette fumée a le pouvoir de rendre vivace ce qui est endormi, d'embellir les couleurs, de faire éclore les bourgeons...
— Pourquoi j'en vois jamais ? demanda minus numéro deux.
— Parce que les Hommes ne sont plus capables de voir la magie et les êtres enchantés. Mais les Ouillamis sont là et même si nous ne les voyons pas, nous les sentons, expliquai-je.
Le rire tonitruant de ma meilleure amie déchira le silence paisible. D'un même mouvement, nos têtes se tournèrent vers elle.
— Pour les sentir, on les sent ! rigola-t-elle. C'est une horreur.
— Ces bêtes puent ? interrogea Mattéo en ricanant.
— Pas du tout, protestai-je avec vigueur, elles sentent les fleurs et elle agit sur les humains aussi.
— Ouais, elles nous filent des allergies ! On se retrouve en vrac à cause de ces Ouillamis, d'ailleurs, on devrait les appeler des Embrouillaminis, ça leur irait bien mieux. Je suis sûre que ça vient de là, râla Elina.
— Cesse de divulgâcher mon récit !
Mon amie leva les yeux au ciel et croisa les bras sur sa poitrine. Les enfants, perdus, rivaient leur regard tantôt sur leur hurluberlue de mère, tantôt vers moi. Je me raclai la gorge et repris ma petite explication :
— Cette fumée jaune est là pour insuffler un renouveau à la nature et chasser les dégâts de l'hiver. Pour les humains, c'est pareil, elle provoque des éternuements, des pleurs, mais c'est pour sortir toutes les énergies négatives de leur corps.
— Maman, elle les sent beaucoup ! MAMAN ! TU LES VOIS AUSSI ? s'émerveilla la petite fille en se dirigeant à toute vitesse vers sa mère.
— Nom d'un leprechaun, heureusement que non ! marmonna Elina.
— Et ils ressemblent à quoi ces machins bidules ? demanda Mattéo.
— D'après les légendes, ce sont de petites bêtes au pelage scintillant, ils se déplacent soit en bondissant comme les kangourous, soit grâce à leurs ailes aussi fines que des libellules.
— JE CROIS Z'EN AI VU ! hurla Julia en revenant vers moi.
Son frère s'esclaffa, moqueur, mais ne répliqua rien. Dans son regard d'obsidienne s'allumait une petite lueur, celle que l'on avait enfant et qui nous poussait à croire. À croire en ce qui a de plus beau dans la nature, ce qui ne se voit pas, mais qui se ressent tout de même, parce que c'est là, que c'est partout autour de nous et que c'est essentiel. Cette étincelle mourrait en grandissant, en tout cas, chez la majorité des adultes.
Mais certainement pas chez moi.
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Pâques, joyeuse et douce, fête, réchauffant les cœurs et remplissant les ventres de délicieux chocolats... Mais, est-ce vrai partout, dans tous les mondes et toutes les ères ? Bien-sûr que non...
J'ai cherché, cherché et cherché encore un long, très long moment, une "fête de Pâques" assez étrange pour être racontée ici. J'ai fini par tomber sur une histoire venant d'une autre Terre, une légende contée par les VarksIdram, "ceux qui ont fui"... Enfin, je ne vais pas vous la divulgâcher, plutôt vous la conter...
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Fras Retales
(Peut être traduit par : Fête du renouveau ou joyeuse réinitialisation)
Autrefois, la vie était pourtant assez normale.
Les anciens terriens avaient une vie banale...
Mais, un soir d'une beauté printanière,
Apparue une bizarrerie maintenant familière...
Un embrouillamini, acronyme terrifiant
Embroui Lla Mini, "destruction avec rire"...
Bête infâme et trompeuse au grand sourire,
Tuant et sacrifiant de jeunes inconscients.
Au début, ils apportèrent la joie,
Monstres à deux faces aidant les villageois,
Sauvages à la voix mielleuse et enjôleuse,
Furries dangereuse à la fourrure fabuleuse.
Ils conquirent facilement les cœurs,
Même si ce n'était que pour leurs propres mœurs.
Ils voulaient assouvir leur sombre dessein
Qui nous mènerait à une boucle sans fin.
La première fois, nous étions heureux,
Ces étranges êtres voulaient partager leur fête.
Du moins, jusqu'à ce que tombent des têtes
Et que les sacrifices deviennent nombreux.
Tout le monde fut tué,
Tout le monde fut sacrifié,
Tout le monde avait oublié,
Mais, les resets nous ont fait se rappeler...
Un, deux, trois, nous ne nous souvenions pas,
Quatre, cinq, six, leur sourire, notre moral abat,
Sept, huit, neuf, seul la peur resta,
Dix, onze, douze, plus aucun espoir n'est là...
▓▓▓▓, ▓▓▓▓, ▓▓▓▓, la folie corrompt nos cœurs,
▓▓▓▓, ▓▓▓▓, ▓▓▓▓, elle anéantit nos peurs,
▓▓▓▓, ▓▓▓▓, ▓▓▓▓, nos sourires joignent les leurs,
▓▓▓▓, ▓▓▓▓, ▓▓▓▓, nous devons lui trouver plus de serviteurs.
▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓
▓▓un dernier mot, ▓▓ pour ceux ▓▓encore ▓▓ sain d'esprit,▓▓
▓▓pour▓▓ ceux▓▓ dont la▓▓ conscience▓▓ n'a pas encore ▓▓ périe, ▓▓
▓▓les apparences▓▓ sont si▓▓ souvent▓▓ trompeuses,▓▓
▓▓que le commun▓▓ n'y voit que▓▓ coïncidence hasardeuse...▓▓
▓▓
▓▓À l'avenir, ▓▓vous devrez ▓▓vous méfier, ▓▓
▓▓de créatures ▓▓à fourrure aux ▓▓griffes acérées, ▓▓
▓▓et à l'apparence ▓▓pourtant d'une ▓▓grande beauté, ▓▓
▓▓Pour ne pas vivre le ▓▓même sort d'une ▓▓grande cruauté... ▓▓
▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓▓
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Évidemment, j'ai voulu vérifier cette histoire, mais j'ai préféré ne pas y aller moi-même. J'y ai donc envoyé un hurluberlu, Humanoïde réellement lucide portant une besace avec radio-émetteur à longévité ultra-élevée... Et j'ai reçu un signal annonçant sa mort une fois par an et chaque année le même jour et il n'y a aucun moyen de le ramener... Je peux donc affirmer que cette légende est vraie...
✨
— Ce s'ra quoi, c't'année ?
— Comme si j'allais te le dire ! Il est hors de question que la surprise soit divulgâchée !
Je le fixe avec mes grands quinquets dorés. Il est sérieux ?
— J'veux pas finir comme l'année passée ! Cent aigles qui lâchent des tomates depuis l'ciel, c'est vraiment trop barbouillant. J'ai mis deux jours à reloqueter toute la chaumière !
— Promis, les tomates ne pétaraderont plus au sol.
Mes mirettes se posent sur la closerie tandis que je gamberge. Tous les 31 avril, cent bestiaux rappliquent avec cent tomates dans cent piaules de cent patelins différents. Les pays, les maisons et les légumes changent jamais, à la différence des porteurs.
L'an précédent avait été foireux à souhait. Non seulement les zoziaux s'étaient cru tout permis et avaient envahi chaque recoin de notre bicoque, mais en plus ils avaient laissé les tomates bien rouges et juteuses dégringoler depuis les airs ! Ils pouvaient pas cogiter deux secondes, ces stupides piafs ?
Je me tourne vers mon hurluberlu de mari, bien résolue à choper une piste.
— J'veux qu'tu m'dises tout. Ok, les animaux-porteurs sont tous pépères, mais j'lourderai pas Catsou au mitan d'tigres.
— Arrête avec ce chat ! Il peut très bien se débrouiller tout seul. En plus, il avait adoré les ours blancs.
Ah ça, pour kiffer, il avait kiffé. Griffes rétractées — enfin, j'espère —, il s'était jouqué et avait caracolé sur tous les dos blancs qui passaient à sa portée. Et vas-y que je me juche à deux mètres de haut ! Et vas-y que je me garroche depuis le gîte sur une caboche ! Et vas-y que je me case devant une gueule aux crocs bien aiguisés ! Un peu plus et je faisais une crise cardiaque.
Bon, il y a eu pire. Les bulldogs ont dégueulassé le parquet avec leur bave bien sale. Les sabots des chèvres, leurs petites crottes et leur odeur infecte se sont fourrés partout. Les putois... ça, je préfère oublier. Parfois, un relent de leur ancienne présence se rappelle à mon mauvais souvenir.
Nos pénates ont failli s'effoirer à cause des castors. Les meubles ont été troués par les pics-verts. Le garde-manger s'est fait dévaster par les écureuils.
Quand on venait d'emménager ici, ça devait être la deuxième ou la troisième année, une énorme vague a trimballé des orcs. La flotte montait jusqu'au premier étage. Techniquement, c'est pas possible, mais je jure que j'ai pas rêvé. La preuve, c'est que les bêtes s'amènent chaque fin avril, sans faute.
Bref, les murs étaient gorgés d'eau, de la mousse a poussé, j'ai passé des heures à tout nettoyer.
— Pourquoi y font ça ? J'me souviens plus.
— C'est mère Nature qui, à travers eux, nous montre qu'elle ne nous flushe pas. On a beau faire n'importe quoi, elle continue à veiller sur nous et à nous pardonner.
— Et tout c'qu'elle a trouvé pour l'faire, c'est d'nous balancer des tomates en pleine poire ?
— Non mais, rah ! Tu comprends pas, s'agace ma moitié en claquant la langue.
— Ben explique-moi.
— Les tomates, c'est un symbole.
J'éclate de rire, tellement que j'ai l'impression de me pisser dessus. Un symbole, qu'il dit ! Mes fesses, oui ! Un symbole, ça pue pas quand on l'oublie dans un coin. Et faut pas poutser pendant trois heures pour le faire partir.
Je reviens au hic principal.
— C'est quoi, c't'année ?
— Je. Ne. Te. Le. Dirai. Pas, énonce-t-il en détachant chaque mot.
Je lève les calots au ciel. Il est imbuvable ! Et pourtant, malgré tous ses défauts, je l'ai dans la peau. Merde.
L'horizon se morpionne. Je commence à craindre les animaux-porteurs, ils sont encore plus enquiquinants quand ils ont besoin d'un temps particulier.
Une gouttelette se fracasse sur mon bras, illico presto suivi par une deuxième. La flotte nous rince en deux secondes, on se grouille de rentrer. Mon jules me balance sans aucun glamour une couverture.
Des clapotis résonnent dans l'air, de plus en plus fort. La pluie torrentielle se transforme en brouillasse. La gadoue se fait piétiner par des centaines de petites pattes. Quand je les vois débarquer, je sens toutes les heures de briquage à venir qui me narguent.
Cette année, ce sont cent grenouilles qui se radinent avec cent tomates.
Il leur suffit de trois secondes pour envahir mon espace vital. Une fois de plus, c'est un sacré embrouillamini.
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