Mettre ses personnages en scène (3)
Que se serait-il passé si l'élément perturbateur de l'histoire n'avait jamais eu lieu ?
C'est l'expérience que je vous propose en organisant un rdv dans un univers parallèle où mon protagoniste présumé n'est pas devenu celui qu'il est dans mon histoire.
Sur les rues de Démitria, un homme d'une allure bien trop sophistiquée pour une simple promenade en ville, regarde sa montre :
{ La réunion c'est éternisée, j'espère qu'elle n'est pas partie }
Il pressa le pas et arriva devant une inscription : Café Flow's
Il poussa la porte vitrée lui faisant surgir l'odeur de café et de crêpes qui emprègnent l'endroit ainsi que le brouha environnant. Il trouva du regard une belle jeune femme assise seule dans le fond du café avec pour seule compagnie une tasse vide et un sachet de sucre déjà ouvert. Il marcha alors vers elle, puis arrivé à sa hauteur, il prit la chaise d'en fâce pour s'asseoir et lui dit :
" Je suis soulagé que vous soyez encore là.
Cette phrase la fit sortir de sa rêverie, surprise qu'elle ne l'ai pas remarqué avant :
Je suis désolé de vous avoir fait attendre, ma réunion s'est éternisée
- Ce n'est rien, je comprends.
- Je vous offre une crêpe pour me faire pardonner ? Dit-il en lui faisant les yeux doux
Ce qui décrocha un petit sourire chez la femme qui répondit :
- Seulement si elle est à la crème de marron."
Il leva alors la main pour intercepter un serveur et commanda deux crêpes aux marrons sauf que le serveur lui répondit :
" Je suis désolée monsieur mais nous ne faisons pas de crêpes aux marrons. "
Abasourdi, il tourna alors la tête vers la femme qui rit de sa crédulité, ce qui le fit émettre un petit sourire :
" Et maintenant ? Devrais-je aller vous chercher une crêpe aux marrons dans toute la ville ?
- Pourquoi pas, je ne suis plus à une demie heure près.
- Haha très bien, j'ai compris. Je vous apporterai une crêpe aux marrons la prochaine fois qu'on se verra. Alors... Qu'aviez-vous de si important à me dire ?
- Vous perdez pas le nord à ce que je vois. Tu n'es peut-être pas si différent que ça finalement, il doit toujours être là, quelque part en toi.
Lui dit-elle d'un ton qu'il n'avait encore jamais entendu jusqu'à lors, comme si elle avait changé de personnalité en un battant de cil.
- Pardon ? Qu'avez-vous dit ?
- Je disais que vous me faisiez penser à quelqu'un que je connais.
- Ah oui ? Qui est-ce ?
- Un artiste, mon artiste. Il signe toujours ses œuvres sous le nom de Dhalia noir, le connaissez-vous ?
Il fronça les sourcils sous cette appellation { Comment peut-elle associer le Dahlia noir à un artiste ? }
- Non, je ne le connais pas. Quel genre d'oeuvre fait-il ?
- Le genre qui nous assister à un spectacle dont il est le maestro.
- Oh je comprends maintenant. C'est un dramaturge ?
- En quelque sorte.
- Quand est-ce sa prochaine représentation ? On pourrait aller le voir ?
Sur ces mots, elle se mit à rire. Ce qu'il ne comprend pas, qu'a-t-il dit de drôle ?
Ai-je dit quelque chose de drôle ?
- Nan.. C'est juste que nous y assistons en ce moment - même. Mais encore faut-il que l'auteur sache qu'il est vraiment de ce qu'il prétend être.
Il fronce les sourcils essayant de comprendre un traite mot de ce que cette femme lui raconte jusqu'à ce qu'elle continue :
- Haha c'est une citation.
- Ah oui Haha ! je ne comprenais pas. Que signifie-t-elle ?
- La peur de ne plus reconnaître qui l'on est lorsque l'on s'efforce de le cacher. C'est un comble pour ce dramaturge, il n'a de cesse de s'éloigner de sa nature profonde parce qu'il en a peur. Il suffit juste de lui le rappeler. C'est pour ça que je suis ici.
- Quoi ?
- Il existe un autre univers dans lequel tu t'exprimes. Comment ne peux-tu pas être indigné d'un père qui t'achète ? Et d'une mère qui te mente ?
Sur ces accusations, la colère monte en lui :
- ?! Pardon ? De quels droits vous vous perm-
- Ce soir-là.
Bizarrement, cette simple phrase le fit taire comme s'il savait de quoi elle parlait.
" Que se serait-il passé ce soir-là si je ne l'avais pas arrêté à temps ? "
- C- Comment, vous savez ça ? Qui êtes-vous ?
Elle se leva alors et lui dit en partant :
- Nous nous reverrons dans un autre monde Gabriel Farlein. Passe le bonjour à ta mère pour moi.
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La scène se déroule 3 ans avant les événements de Deals et 4 ans avant Exception.
Coup d'envoi
Bon sang. On crève de chaud, dans ce boui-boui.
La lumière tamisée se reflète sur les murs plâtrés de couleurs criardes. L'endroit est étriqué, vieillot et surtout bondé de soiffards en pleine décompression d'une énième journée pourrie. Le lieu idéal pour causer sans se faire entendre.
Dédaignant les regards curieux qui se tournent vers moi, j'avance d'un pas vif vers le fond de la pièce. Inutile de perdre du temps à scruter la foule, lui doit déjà m'avoir remarqué. Et comme j'aime pas bien me sentir en position d'infériorité, autant savoir tout de suite ce que me veut ce type.
Comme convenu dans le message, il s'est installé à l'opposé de la porte d'entrée. Facile à repérer, le bonhomme, c'est l'unique clampin seul à sa table. Renfrogné, j'avance jusqu'à lui et réponds à son rictus par un haussement de sourcil impatient.
Si j'avais imaginé tout et son contraire, j'étais pourtant loin de miser sur un jeunot pareil. Typé latino, cheveux en bataille et mine frondeuse, il ressemble à un de ces clichés pour minettes qui pullulent à la télé.
— Mr. Pearce, commence-t-il, visiblement amusé par mon hostilité manifeste. Asseyez-vous, vous voulez bien ? Qu'est-ce que vous prendrez ?
Circonspect, je reste immobile quelques secondes avant d'obtempérer. Même si ce morveux a piqué ma curiosité, hors de question de lui laisser croire qu'il me tient. Au barman qui flâne dans le coin, je réclame une bière avant de guigner plus en détail le mec en face. Bien mis, l'œil alerte, dégueulant d'arrogance. Le genre de débile que je mets au tapis en deux réflexions bien choisies, au Jackson Memorial.
Lui aussi m'observe, avec cette assurance pas vraiment agréable du gars qui sait tout de toi sans permettre la réciproque. J'ignore encore ce qu'il cherche, mais j'ai déjà envie de le cogner.
— Sois bref.
Au tutoiement, son regard s'étrécit. Il tique, parfait. Je ne vouvoie pas les mômes. S'il espère jouer les bravaches avec moi, il va être reçu.
— J'imagine que vous voulez savoir pourquoi je vous ai contacté.
— J't'ai pas demandé de sous-titres, mais d'être bref.
Il hoche la tête, d'un air affable si bien simulé qu'il réussirait presque à m'entuber.
— J'ai une proposition d'emploi pour vous.
Méfiant, je fronce les sourcils tandis qu'il continue, à l'aise :
— Je possède un garage spécialisé dans les voitures de luxe. Ce que je...
— On t'a mal renseigné, je coupe, flairant l'embrouille. J'suis médecin, pas mécano.
Il s'esclaffe, pas froissé pour deux sous, et une sensation déplaisante m'envahit alors qu'il plante un regard étrangement magnétique sur moi et dégoise, fielleux :
— Médecin, c'est un peu réducteur, je trouve... Daniel Pearce, chef du service de médecine interne au Jackson Memorial Hospital, enseignant-chercheur au pôle médecine de l'Université de Miami. Vous traînez une réputation d'asocial borderline, vos collègues vous détestent et vos étudiants aussi. Quant à vos patients, quand ils ne vous collent pas un procès au cul pour outrage, ils se débrouillent en général pour ne plus jamais foutre un pied à votre étage. Pas de famille, deux amis que vous appelez une fois par an, le double de connaissances avec qui vous tolérez de discuter en dehors de l'hôpital. D'ailleurs, quand vous n'êtes pas de garde, vous vous enfermez la plupart du temps au service de médecine légale, de sorte que votre appartement de West Flagler vous sert surtout à entreposer une bibliothèque spécialisée que vous n'avez pas besoin de consulter. J'ai oublié quelque chose ?
Soufflé, je reluque le petit con siffler tranquillement une gorgée de whisky. Si l'envie de le frapper n'a pas diminué, je suis forcé de reconnaître que son charisme prend de la place. Et qu'il se fout pas de la gueule des gens, question préliminaires.
— S'agirait de faire quoi, au juste ? j'interroge, prudent.
— Mes amis et moi évoluons dans un domaine qui attire pas mal de convoitise. Il arrive qu'un de nous récolte un bobo à soigner rapidement... Et discrètement.
— Convoitise, bobo... C'est comme ça qu'on appelle les règlements de compte entre gangs, maintenant ?
Un mince sourire étire ses lèvres. Plutôt que nier, il se contente d'un imperceptible acquiescement. Plus de faux-semblant, chacun joue cartes sur table.
— Les termes sont moins importants que les gratifications.
— C'est-à-dire ?
— Je sais me montrer généreux avec mes collaborateurs.
— Et en échange ?
— Je crois que vous pouvez deviner tout seul, Dan.
Évidemment. Loyauté, efficacité, silence. Je ne suis pas idiot, mettre un pied là-dedans, c'est s'obliger à rester une tombe pour ne pas s'en voir décerner une trop vite. Un monde immoral, dangereux, rempli de crapules en tout genre, où le moindre faux pas peut coûter très cher.
Louchant sur ma bière, je serre les dents et maronne :
— Faut que je réfléchisse.
— Pas la peine. On sait tous les deux que vous allez accepter, rapport aux dettes que votre père vous a laissées l'année dernière... Et parce que tu t'emmerdes royalement dans ta vie plan-plan d'ermite, ajoute-t-il, plus incisif. Ma proposition, c'est l'occase de t'offrir la pointe de frisson que t'es pas foutu de trouver ailleurs. Me parle pas de scrupules, tu serais pas crédible. Et pour ce qui est de la trouille, j'me chargerai de t'apporter les garanties nécessaires.
Désarçonné par son bagout, je dévisage un moment le bonhomme en face. Toujours trop jeune, trop arrogant, insupportable. Difficile, au premier abord, de voir autre chose qu'un morveux qui pète plus haut que son cul.
Mais il a un truc. Il se laisse pas bouffer. Mieux, malgré ses airs de glandu version antillaise, je commence à envisager que c'est peut-être lui qui bouffe les autres.
— Ça y est, tu te décoinces ? je lâche, vaguement satisfait.
— Je vouvoie pas mes subordonnés.
Salopard de gangster ! Un jour, j't'en foutrai vraiment une.
— Je marche, à deux conditions : je reste en dehors de ce que toi et tes gus trafiquez, et je veux connaître ton nom.
Le regard pétillant de malice, le latino ébauche un rictus goguenard avant de me tendre la main.
— Des conditions largement acceptables... Tobias Rivera.
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Un inconnu, pas si inconnu.
Extrait de ma nouvelle histoire "Entre Nous"
Encore une fois, je regardais le petit papier froissé, sorti de ma poche. L'écriture soignée indiquait un café du quartier, non loin de mon futur lieu de travail, ainsi qu'une heure de rendez-vous. Cette entrevue me paraissait vraiment étrange, même si elle était plus ou moins professionnelle. Mais quand même, inutile de me donner un lieu et une heure, comme si nous étions en train de jouer à une chasse au trésor !
Je replaçai le papier dans ma poche et avisai la devanture du café. L'enseigne « Chez Juliette » était écrit en calligraphie blanche sur un fond couleur cappuccino, ce qui me donna tout de suite envie de boire ce breuvage.
La fraicheur extérieure piquait mes joues et me décida enfin à pénétrer à l'intérieur. Les portes passées, une bouffée de chaleur m'enveloppa et déclencha un frisson de bien-être. L'odeur était si réconfortante, ce parfum riche du café avait le don de me rendre plus apaisé et serein, j'inspirai donc à pleins poumons pour me donner du courage. Les rencontres avec des inconnus, ce n'était pas mon fort, je stressais facilement.
Mes yeux furent immédiatement attirés par les petites lanternes chinoises suspendues au plafond puis je scannai chaque petite table qui foulait le parquet en bois vernis à la recherche d'un homme. Apparemment brun, d'après les dires d'Amélie, la responsable de l'association dans laquelle j'allais travailler.
Malheureusement, personne ne correspondait à ce profil, je devais être en avance. Pour éviter de rester planté au milieu du café comme un débile, je pris place à une table libre, proche de l'entrée. Une serveuse arriva rapidement, tout sourire, tablier rouge ceignant sa taille et récupéra ma commande. Capuccino, assurément.
J'espérais ne pas attendre longtemps, le stress commençait déjà à pointer le bout de son nez.
Était-ce un autre entretien d'embauche ? J'aurais dû rencontrer mon binôme hier, mais il s'était volatilisé, laissant simplement ce petit papier à Amélie. Vraiment étrange. Il me semblait avoir été engagé, mais travailler à deux pouvait s'avérer difficile, si je ne m'entendais pas avec cet homme, peut-être allais-je être viré, d'où cette entrevue. Je devais assurer !
Le centre aidait les jeunes gens en difficulté, mis à la rue par leurs parents à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Et puis il y avait un programme d'entraide pour les personnes qui souhaitaient entamer des démarches, qu'elles soient médicales, juridiques ou judiciaires. Lorsque j'avais fui mon foyer, ce type d'association m'avait sauvé. Cette pensée entraîna une tempête de souvenirs oppressants, coupant ainsi ma respiration.
— Salut, Eliott.
Cette voix à la fois grave et douce me surprit si violemment que tout mon corps sursauta, mon cœur se mit à battre frénétiquement, conscient de la situation. Mon cerveau savait aussi, je savais. Impossible d'oublier.
Lorsque je relevai les yeux vers l'homme posté près de moi, l'instant de flottement s'écroula. Plus de doutes, cette voix qui m'avait ramené trois ans en arrière n'était pas une coïncidence sonore, c'était bien lui.
Il y a des instants dans la vie qui nous marquent à jamais. Des moments décisifs, des expériences qui forgent ou détruisent nos personnalités. D'autres encore s'impriment comme des souvenirs gravés au fer rouge.
J'avais beaucoup de ces instants sur ma liste, en tête, mon expérience en pseudo thérapie de conversion lorsque j'avais dix-sept ans. Mes parents avaient eu dans l'idée de me confier à l'église afin de résoudre mon problème. Seulement, l'homosexualité n'était pas un problème. J'avais été dépossédé de mes vêtements, enfermé dans une chambre totalement vide et j'avais passé une semaine isolé dans le silence, sans nourriture, à dormir à même le sol et à faire mes besoins dans un seau.
Cette expérience était de loin la plus traumatisante de ma vie. Aujourd'hui encore, à l'âge de vingt-deux ans, je me sentais tétanisé par ce souvenir, en proie à l'angoisse et aux cauchemars.
Une expérience que j'avais dû subir à cause de l'homme qui se tenait face à moi. À cet instant, un autre moment crucial de ma vie se jouait. Je ressentais l'importance de cette rencontre s'imprimer dans chaque cellule de mon être. La bile me monta dans la gorge, mes mains se resserrèrent en poing et mes ongles s'enfoncèrent dans ma chair si violemment que la douleur m'aida à affronter ses yeux noirs.
Lorsqu'il bougea pour s'assoir à table, face à moi, mon corps se raidit imperceptiblement, toutefois, il le remarqua, et son faible sourire disparût.
— Ça fait longtemps, exposa-t-il simplement, le regard transperçant.
J'avais oublié à quel point il était beau. À quel point, être proche de son espace vital me bouleversait. Même après tout ce temps, j'étais toujours irrémédiablement affecté par Loïs.
— Qu'est-ce que-, commençai-je avant de m'étrangler avec mes mots.
— Tu as l'air d'aller bien, me sourit-il.
Ce sourire transforma son visage, il l'illumina de bienveillance et cela me serra le cœur. Incapable de répondre, je me contentai de fixer mon premier amour. Il n'avait pas changé, il était simplement devenu plus homme que lorsque nous avions dix-sept ans. Sa mâchoire carrée était habillée d'une belle barbe taillée, que j'imaginais douce au toucher, tout comme son corps l'était.
— Je suis ton binôme pour l'assos, m'apprit-il pour combler mon silence.
Je ne comprenais pas. Mon esprit ne parvenait pas à appréhender la situation. Loïs était en face de moi, à quelques centimètres, il me parlait. Que faisait-il ici ? Depuis quand était-il en ville ?
— Tu vis ici ? soufflai-je difficilement.
— Oui, depuis quelques mois.
Une montée de colère me brûla la langue. Quelques mois ! Il était là depuis plusieurs mois et il ne m'avait pas prévenu ? Aucun appel ?
Pas même un foutu message ?
Je l'avais fui autant que j'avais espéré son retour. Sa présence m'était devenue trop insupportable malgré l'amour, alors j'étais parti pour me reconstruire. Pourtant chaque jour depuis, j'attendais qu'il me revienne, qu'il me retrouve comme on s'était promis, trois ans plus tôt.
Que ce fut douloureux de constater qu'aucun de nous n'avait tenu sa promesse.
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