Mettre ses personnages en scène (2)

Ophidia_auteure

Première rencontre entre 2 de mes personnages de mon roman "Les Chroniques d'Avallon":

 C'était stupide. Elle n'aurait pas dû venir seule.

Alice avait pourtant passé des jours à tout planifier. Le choix de ce bar, encastré entre deux immeubles, au beau milieu d'une rue passante, lui était apparu comme une évidence : lors de l'heure d'affluence, elle serait ainsi certaine d'être entourée, quand bien même ce serait de parfaits inconnus.

Son diabolo citron coincé entre ses mains tremblantes, elle ne pouvait s'empêcher de jeter un œil vers la porte toutes les 5 secondes.

Comment saurait-elle que c'était lui ? Quelle idée. Elle avait toujours le chic pour se fourrer dans les situations les plus improbables. Mais elle était résolue : elle ne quitterait pas cet endroit sans quelques réponses.

La lourde porte de verre et de bois mêlés battit à nouveau. Et elle sut. Car l'homme qui venait de pénétrer dans la grande salle n'avait rien d'ordinaire. D'une taille impressionnante, il se mouvait pourtant avec l'allure calme et assurée d'un prédateur. Tout dans sa posture criait le danger. Il ferma la porte avec un soin calculé, et la pièce sembla rétrécir sur elle-même. Comme s'il l'emplissait par sa simple présence. Le brouhaha des conversations mourut, les bruits s'atténuant. Alice força la lampée de sa boisson qu'elle venait d'ingérer à descendre dans sa gorge serrée. Son instinct lui hurlait de fuir, de partir le plus loin possible de cet homme pendant qu'il en était encore temps. Trop tard, elle entreprit de se lever. L'homme pivota sa tête au port altier avec une lenteur irréelle, et ses yeux d'un vert changeant se rivèrent immédiatement aux siens. Un frisson parcourut Alice tout le long de l'échine, et une peur sourde s'insinua en elle centimètre par douloureux centimètre. Avec le même calme contre nature qu'il affichait depuis son entrée dans le bar, l'homme se dirigea vers elle. Elle était acculée, piégée.

L'inconnu se coula dans le siège en face du sien avec la grâce d'un félin. Il fit glisser sa veste de cuir noir de ses épaules pointues. Malgré le nez long et fracturé qui dénotait au centre du visage divin, Alice fut incapable de détacher son regard des deux iris émeraude qui l'étudiaient avec une curiosité malsaine. Un sourire amusé déforma les fines lèvres de l'homme, mais n'atteignit jamais ses yeux.

La jeune femme rassembla les quelques onces de son courage qui gisaient éparpillés partout à la ronde et avança vers lui une main qu'elle s'évertua à empêcher de trembler dans le but de se présenter.

— Je sais parfaitement qui tu es, la coupa l'inconnu de sa voix acide. Alors si nous gagnions du temps, et que tu me disais comment tu as appris notre existence, et ce que tu veux de moi.

Alice se redressa, tentant de paraître beaucoup plus sûre d'elle qu'elle ne l'était réellement. L'inconnu passa sa main aux phalanges démesurées dans sa chevelure d'un noir profond avant d'ajouter :

— Et sache que je suis beaucoup moins patient que mon second. Si tu me fais perdre mon temps, je n'hésiterais pas à aller chercher directement l'information à l'intérieur de ton esprit. Mais je ne préjugerai pas de l'état dans lequel ce dernier se trouvera lorsque j'aurais fini de jouer avec tes souvenirs.

Le souffle se bloqua dans la gorge de la jeune femme : étaient-ils réellement capables de faire ça ? Ses recherches n'étaient parvenues qu'à effleurer le spectre de leurs pouvoirs. Le sourire carnassier s'élargit, comme s'il pouvait effectivement lire tout le cheminement de ses pensées à l'intérieur de son crâne.

— Dites-moi au moins votre nom, parvient-elle à articuler malgré ses cordes vocales tétanisées.

Il s'adossa dans le fond de son siège et continua de l'étudier avec froideur.

— Tu n'as pas besoin de connaître mon nom. Mais sache que mon collègue a tenu sa parole : je suis le chef de notre Ordre.

Alice déglutit à nouveau. Sans quitter l'homme des yeux, elle ouvrit son sac à main, jeta un coup d'œil pour s'assurer que personne ne les regardait, et en sortit un couteau suisse. Avec un cliquetis qui sonna tel un glas, elle déploya la lame. Puis, serrant les dents et se blindant contre la douleur anticipée, elle retourna sa main, planta la pointe dans sa paume exposée, et entailla les chairs sur plusieurs centimètres.

Pas une réaction n'entacha le visage à la pâleur de porcelaine. Ses yeux où brûlait une intelligente irréelle ne la quittèrent pas. Alice prit une grande inspiration. Bizarrement, son contrôle sur son corps s'était affermi maintenant qu'elle s'était jetée dans la gueule du loup. Aussi, sa main ne trembla pas lorsqu'elle se concentra, et appela cette force qui était apparue en elle quelques semaines plus tôt. Pas plus qu'elle ne tressaillit lorsque l'épiderme se reconstitua, couche après couche, ne laissant bientôt plus qu'une traînée de sang au beau milieu de la main.

Alice releva les yeux vers le chef de l'Ordre d'Avallon, le défiant du regard.

— Je veux apprendre, dit-elle d'une voix sans appel.

L'homme se pencha, et se saisit de sa main avec une étrange douceur. Sa peau était plus glaciale encore que l'air d'hiver qui soufflait à l'extérieur. Il caressa doucement la ligne qu'aurait dû laisser la blessure. Pour une raison qu'elle ne s'expliqua pas, Alice frémit de nouveau, mais d'un tout autre type de frisson. Le canif quitta la table, et voleta dans les airs jusqu'à l'autre main de l'inconnu, mût par une force extérieure. Le sorcier le fit tournoyer dans sa paume, et en referma la lame dans un claquement. Lentement, sa langue humecta ses lèvres exsangues, et il reporta son attention implacable sur elle.

— Si tu intègres l'Ordre, tu dois comprendre qu'il n'y aura pas de retour en arrière. Tu devras sacrifier toute la vie que tu as toujours connue, laisser derrière toi tes amis, ta famille. Tu connaîtras des souffrances telles que tu n'aurais pu les imaginer même dans tes pires cauchemars.

Alice se redressa de toute sa petite taille. Elle mit dans sa voix toute sa conviction, tous ses espoirs :

— Quand est-ce qu'on commence ?

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BeatriceLuminetdupuy

Le général Athéon, d'un pas conquérant, entra dans l'établissement enfumé. Des exhalaisons de graillon le saisirent à la gorge, mêlées à divers autres relents malodorants. Il fronça le nez de dégoût, tout en cherchant des yeux la personne qu'il devait rencontrer en ces lieux sordides. Ses prunelles, uniformément dorées effleurèrent successivement, une servante dont les appâts avantageux débordaient de son corsage taché, un homme au visage aviné qui tentait de quitter sa table en chancelant et une prostituée, exagérément fardée, accoudée au bar.

Elle lui décocha, d'ailleurs un sourire aguicheur. Il l'ignora avec dédain, son attention se porta sur le fond de la salle. Là, quelqu'un de relativement jeune le scrutait avec intérêt. Installé seul à une table, il semblait attendre.

Humain

Cette exclamation intérieure, largement teintée de xénophobie, surgit en lui naturellement. Il espéra brièvement que ce n'était pas son contact. Mais, il lui faisait déjà discrètement signe. Athéon étouffa sa déception, ravala ses a priori et s'approcha. Il examina mieux le quidam. Assez jeune, en effet, peau pâle, yeux d'un noir d'encre, vêture assez recherchée (pourpoint de velours rouge foncé, brodé d'or, pantalon de toile solide noire, bottes de cuir). Ses mains chargées de bagues étonnèrent le guerrier féérique.

Il ne craint pas de se faire dévaliser dans ce bouge infect.

Ainsi jugeait-il la mise ostentatoire de l'individu. Ce dernier lui désignait un siège et l'invitait, ainsi, à s'installer en sa compagnie. Athéon obtempéra ; par contre, il rentra aussitôt dans le vif du sujet.

— Qu'avez-vous pour moi ?

— Comme vous êtes pressé, le peuple féérique n'a vraiment aucune éducation ; bonjour en premier lieu, je suis Sylverio d'Odawur !

— Plus personne ne se réclame de l'ancien royaume d'Odawur, à moins de vouloir être occis par la soldatesque Elfe.

En réponse, son contact claqua des doigts en direction de la servante au buste opulent.

— Deux pintes de bières des pierres !, lui lança-t-il.

Elle s'empressa d'obéir. Sylverio attendit qu'elle pose deux chopes de grès débordantes d'une mousse ambrée et se soit éloignée, pour répondre :

— Ma famille a repris le nom depuis plusieurs générations déjà, avec la bénédiction des autorités Elfes. Mais, nous ne possédons que le rang de gouverneur, nous faisons le lien entre les deux peuples pour que tout se passe pour le mieux.

— Je vois, vous n'avez pas l'impression de trahir les vôtres, parfois ?

Le visage de l'homme se durcit aussitôt, ses lèvres se serrèrent, il jeta :

— Nous sommes tous citoyens libres, sachez-le, en Odawur.

Un sourire narquois fendit le faciès céruléen du général, il savait fort bien que cette affirmation était fausse. Cependant, il s'abstint de toutes autres remarques à ce propos. En vérité, il s'en fichait bien.

Sylverio se détendit imperceptiblement, il passa sa main sous son pourpoint, en sortit un pli cacheté de cire et le présenta à Athéon en déclarant :

— Vous trouverez, dans ce document, tout ce qu'il y a à savoir sur Lothéo d'Odawur.

Le guerrier féérique allait s'en saisir, mais l'homme se déroba légèrement en demandant :

— Vous avez mon paiement ?

Apparemment, il ne comptait plus prolonger l'entrevue. Athéon se saisit de sa chope, puis la but lentement. Il reposa, le récipient, rota et s'essuya les lèvres d'un revers de manche. L'autre, un peu dégouté, grimaça.

Enfin, Athéon décrocha sa bourse de sa ceinture, l'ouvrit et en extirpa une dizaine de pièces d'or. Il les aligna sur la table de bois.

Sylverio objecta aussitôt :

— Le prix convenu était fixé à vingt écus.

Le général soupira, ajouta cinq pièces supplémentaires.

— Je vous conseille de ne pas en demander davantage, si vous ne voulez pas d'ennuis, gronda-t-il ensuite.

Le ton bas et menaçant fit pâlir l'humain, qui empocha sans mot dire, les écus. En échange, il poussa vers le guerrier aux yeux d'or, le pli. Il se leva ensuite, adressa à Athéon un vague salut et quitta les lieux sans prendre le temps de boire sa consommation, sans payer non plus d'ailleurs.

Athéon sut qu'il devrait le faire, alors sans hésiter, il vida la seconde chope.

Ceci fait, il ouvrit le document et avec avidité, prit connaissance de son contenu...

(Extrait de "l'Éternel")

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dragoness_blue

Rencontre dans une auberge

Elle expira lentement, vidant ses poumons de leur air. Ouvrant les paupières, redressant la tête et les épaules, la jeune femme aux longs cheveux clairs et aux yeux bleus poussa la porte de l'auberge, décidée. Rester debout devant l'enseigne ne lui apporterait rien, il fallait qu'elle se lance.

Son regard parcourut les lieux. Quelques habitués discutaient accoudés au comptoir, une bière à la main. La tenancière participait à leur conversation, profitant du calme avant le service du soir.

Il n'était pas encore arrivé. S'installant à une table près d'une cheminée où crépitait un joyeux feu, elle s'assura que sa capuche était bien relevée. Elle voulait passer inaperçue, malheureusement une femme seule attirait l'attention par les temps qui courraient. En effet, le monde de l'ischys était ébranlé par les conspirations se tramant dans l'ombre. Chacun des peuples intelligents cherchait à s'emparer des sources, ces lieux offrant une quantité presque infinie d'énergie. Il était devenu rare qu'un elfe, un ogre, un particulier ou encore un vampire se croisent sans qu'une dispute éclate.

— Vous buvez quoi ?

Sursautant, elle se redressa. Ce n'était qu'une serveuse.

— Vous avez du thé ? Ah, je vois que non, alors je prendrai du lait chaud. Il ne vous reste que celui de chèvre, je sais.

Le regard interloqué de la locale ne lui échappa pas, la voyageuse baissa la tête. Sa particularité lui valait souvent ce genre de situation gênante, elle avait tendance à en dire trop. Ce n'était pas sa faute si elle avait accès à toutes ces connaissances, elle n'avait pas demandé à se différencier ainsi.

Le temps passa, son rendez-vous était en retard. Une information s'imposa à elle comme une évidence, il se trouvait à trois rues de l'auberge et avançait dans sa direction. Elle surveilla la porte, il entra quelques minutes plus tard.

Vêtu d'un grand manteau dissimulant ses traits, il marqua un temps de pause sur le seuil.

La jeune femme se demanda brièvement s'il la verrait au milieu de la salle commençant à se remplir, il se tourna finalement vers elle. Croisant ses yeux aux iris d'un rose pâle surnaturel, elle lui fit un léger signe de tête. Il s'assit à sa table. La vision qu'elle avait eue lui revint en mémoire et se superposa aux traits dissimulés dans l'ombre. Elle se souvient de son visage fin, de sa peau aussi claire que ses cheveux opalescents et, surtout, de ses oreilles pointues indiquant son appartenance au peuple elfique.

— Qui êtes-vous ? Pourquoi m'avez-vous fait venir ici ?

Elle prit une gorgée. C'était leur première rencontre, pourtant elle savait déjà tout de lui. Ses aptitudes hors normes, son besoin d'aventure, le rejet de sa famille. La vie solitaire qu'il avait menée. Son incapacité à trouver sa place.

— Répondez-moi, dit-il d'un ton menaçant en se penchant en avant. Comment avez-vous su que j'étais dans cette ville ?

— Je connais beaucoup de choses.

Il recula, relevant à peine la voix féminine de sa locutrice. S'appuyant au dossier de sa chaise, il croisa les bras et la toisa.

— Naertho Farven, elfe blanc albinos, votre corps ne vieillit plus grâce à votre lien avec l'ischys développé avec l'aide de votre professeur Luirlan...

Une force invisible la prit à la gorge puis serra, l'empêchant de parler et de respirer. Sa vision se brouilla, des taches sombres dansèrent devant elle.

— Qui. Es. Tu, demanda-t-il en détachant chaque syllabe, ses yeux la transperçant, une aura redoutable émanant de lui.

Elle suffoquait dans le silence le plus complet.

Dace... aide-moi... parvint-elle difficilement à réclamer par télépathie à son allié. Rapidement, les ténèbres envahirent l'auberge, plongeant le monde dans l'obscurité la plus totale. La pression se relâcha, elle prit une grande inspiration tandis qu'une main se posait sur son épaule dans un geste rassurant. Un sourire effleura ses lèvres, elle se demanda si son sauveur pouvait le voir. Il en faisait toujours trop,

surtout lorsqu'elle était concernée.

Une seconde plus tard, la brume sombre se dissipa, dévoilant des clients endormis sur les tables et des serveuses somnolant à même le sol. Seuls étaient éveillés la jeune femme, l'elfe ainsi qu'un grand homme aux cheveux d'ébène, aux yeux noirs et dont une corne blanche saillait de son front.

— Qui êtes-vous ? demanda ce dernier d'un ton autoritaire.

— Ferme-la.

Instantanément, il se retrouva incapable de parler.

— Dace, tu ne trouves pas que c'est un peu violent ?

— Il a voulu te faire du mal.

— Je n'ai rien.

— Ta voix est rauque.

— Ce n'est pas le sujet, rétorqua-t-elle avant de se tourner vers l'individu aux yeux rose pâle. Je m'appelle Rhys, et voici Dace. Nous cherchons à rassembler les personnes les plus puissantes de ce monde pour mettre fin à ces temps troublés et à cette quête insatiable de pouvoir. Vous ne savez rien de nous, Naertho, cependant je vous connais. Vous êtes passé par des épreuves difficiles et que vous êtes seul. Ma proposition est la suivante : rejoignez-nous, aidez-nous et nous vous rendrons la pareille en vous offrant notre soutien ainsi qu'un endroit où vous reposez. Vous devez être fatigué d'errer sans but, je me trompe ? conclut-elle d'une voix douce.

Les lèvres de l'elfe bougèrent, il retrouva la parole.

— Je ne vous fais pas confiance.

— Vous n'avez qu'à nous accompagner quelque temps afin d'apprendre à nous connaitre. Ou vous préférez rester seul, Naertho ?

— Ne prononcez pas ce nom.

— Comment dois-je vous appeler ? questionna-t-elle gentiment.

Il hésita un long moment. Sa réponse déciderait de la suite, s'il ne souhaitait pas se lier avec ces deux inconnus, il lui suffisait de partir. Nonobstant, ces étrangers étaient bien trop instruits et dangereux pour être ignorés.

— Nodj, dit-il avec un signe de la tête leur indiquant qu'il acceptait leur proposition.

Ce fut de cette manière que l'elfe rejoignit un groupe qui deviendrait plus tard légendaire, celui des Puissants, des personnes capables de changer le monde par leur simple volonté.

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