Chapitre 8 Bosquexuberante partie 2
Luna, tremblante de peur, réussit à se remettre à bouger. Elle se tourna et passa de l'autre côté du muret avant de s'y cacher. Timidement, elle leva la tête, mais elle sentit les mains de Arbol sur son épaule qui la poussait à rester au sol.
― Pas maintenant!
La proie se coucha à terre tandis que le monstre regardait dans sa direction.
― Ne bouge surtout pas...
La jeune femme paniquait à l'idée qu'elle pouvait être vue par ce monstre. Tout en restant immobile, elle arrêta de respirer craignant qu'un simple souffle pût révéler sa position. Puis, le prédateur s'approcha en tournant la tête dans toutes les directions. Arbol comprit que la grande bouche pouvait les détecter. S'ils ne bougeaient pas, ils étaient morts.
― Lorsque je te le dirai, tu courras le plus rapidement possible. Est-ce d'accord?
Luna ne répondit pas. Elle n'en était pas capable. Elle attendait simplement le signal de son ami, en craignant que celui-ci signe son arrêt de mort.
― Maintenant!
Si Arbol se trompait, elle mourait. Si elle ne courait pas assez vite, elle mourait. Si le monstre tournait sa tête au même moment, elle mourait. Dans tous les cas, sa chance de survie était mince. L'aventurière se leva et couru jusqu'à tourner le coin du mur. Son compagnon resta légèrement à vue et aperçut le monstre se virer vers leur direction et hâter le pas. Horrifié, l'être spectral cria:
― Je crois qu'il nous a vus! Cours!
Cependant, c'était déjà ce que faisait Luna. Elle courait le plus vite qu'elle le pouvait. Puis, elle risqua son regard vers l'arrière pendant l'espace d'un moment. Elle aperçut la grande bouche qui tournait le coin.
― Ne regarde pas derrière! s'écria Arbol. Je m'occupe de cela. Concentre-toi sur la course!
L'adolescente tourna les talons et entra dans une petite pièce détruite. Elle enjamba un muret, puis elle sauta sur une grande palissade. Elle s'empressa de le traverser et passa ensuite d'une petite pièce ouverte à une autre. Elle eut l'espoir que ce fut suffisant, mais lorsqu'elle tourna la tête, elle aperçut le monstre dans la rue à la même hauteur qu'elle. Le prédateur savait qu'elle était là à courir dans les décombres. Alors, Luna passa dans une petite porte à sa gauche pour s'éloigner de la créature. Elle se mit à courir dans la direction opposée de la grande bouche, mais cela ne fut pas assez. Sans attendre, l'infâme fit tomber les murs et les obstacles le séparant de sa proie. Luna émit un cri et se pencha au sol. Des roches la frôlèrent et de la poussière se répandit dans la cité.
Le monstre continua de détruire les bâtiments à la recherche de sa prochaine victime. Accroupie au sol, incapable de comprendre ce qui se passait, Luna se fit rapidement ensevelir sous les bâtiments de pierre. C'est alors qu'elle aperçut un petit interstice dans laquelle elle pouvait se faufiler. Elle n'attendit pas, elle fonça en s'écorchant les bras au passage sur les roches au sol. L'instant d'après, la grande bouche marcha sans le vouloir à l'endroit exact où elle se trouvait précédemment. Si l'aventurière n'avait pas bougé, elle serait morte écrabouillée. Toutefois, Luna ne pensa pas à ce scénario, elle réussit à se relever et elle se mit à courir malgré le sang qui coulait de ses avant-bras.
L'exploratrice traversa à la course un grand bâtiment fermé et sortit par ce qui devait être une fenêtre à l'époque. De nouveau dans la rue, elle reprit sa course folle. Son coeur battait à la chamade, son rythme respiratoire était très rapide et bruyant. Elle ne pouvait pas continuer ce sprint. Dès qu'elle le put, elle se cacha. Sa respiration était trop bruyante, mais elle était incapable de se calmer. D'un bruit sourd, la grande bouche fit tomber un grand bâtiment. La jeune femme émit un cri aigu au même moment, mais le bruit de la destruction couvrit son angoisse. Le monstre se mit alors de nouveau à chercher sa proie. Il ne pouvait pas la voir et la poussière troubla son odorat. Toutefois, il se mit à écouter.
― Luna, il est tout prêt. Tu dois te remettre à courir.
L'aventurière en était incapable, elle devait trouver un autre moyen de s'en sortir. C'est alors qu'elle prit un caillou dans ses mains, puis regarda au loin avant de le lancer. Le caillou percuta un mur, mais le bruit qu'il produisit était trop faible pour attirer l'attention du colosse. Alors, elle en prit un plus gros et recommença. Le caillou percuta le mur et attira légèrement l'attention de la grande bouche, mais cela ne dura qu'un instant. Elle devait utiliser une roche plus grosse. Elle en prit une et tira du plus fort qu'elle le pouvait, cependant, elle ne visa pas aussi bien. La direction du projectile fut trop prononcée vers la droite et elle percuta un mur tout près d'elle. Cette fois-ci, le monstre l'entendit. La grande bouche s'approcha et huma l'air. Il trouva immédiatement sa proie.
― Cours, Luna! Il t'a repérée! cria Arbol.
La tête de la grande bouche s'approchait dangereusement de sa position. Incapable de le distancer une première fois, comment pouvait-elle assurer de garder ses distances avec le prédateur dans les conditions actuelles? Cette peur de ne pas lui échapper la fit trembler de la tête aux pieds. L'idée qu'elle assistait à ses derniers instants la dérouta tandis que son imaginaire la prépara à son sort. Finir compressé dans un œsophage humide sans pouvoir reprendre son air. C'est alors que la voix de son compagnon spectral déclencha un instinct de survie.
― Cours!
Elle obéit, se leva et fila. Sa position fut révélée à la grande bouche qui n'avait plus qu'à mettre à mort sa prochaine victime. Rapidement, il reprit la poursuite. Ce moment parut à la fois prendre une éternité et pourtant qu'un instant. Luna courait à toutes jambes, mais elle n'était pas assez agile pour distancer le monstre. Il n'y avait plus aucune issue à l'exception d'une seule, le boisé. Un endroit bien connu par la bête habitué à chasser dans cet espace. Cependant, sans avoir d'autre choix, la proie piqua vers le bois même si cette voie l'emmenait en direction opposée à la montagne verte. Cette décision prise sans réfléchir la mena vers le large, là où aucun abri ne l'attendait.
La forêt s'étendait à perte de vue et l'aventurière s'apprêterait à se lancer plus profondément dans le territoire de chasse du puissant prédateur. Une tentative vaine de fuir que plusieurs avant elle avaient eu l'erreur fatale d'essayer. Toutefois, il y avait quelque chose que la jeune femme possédait que les membres de la tribu ne détenaient pas.
― Luna!
L'aventurière aperçut à l'orée du bois les esprits des arbres qui apparurent les uns derrière les autres formant ainsi un chemin.
― Par ici, dirent-ils les uns après les autres.
Le monstre se trouvait juste là, derrière elle. Cependant il ne réussit pas à l'empêcher de pénétrer sous la voûte forestière. D'un autre côté, la grande bouche se moquait de cette vaine tentative de fuite. Il connaissait les humains pour en avoir mangé sur plusieurs générations. Il savait qu'elle se fatiguerait. Qu'elle ralentirait et qu'il la tuerait ! Il ralentit un peu lorsqu'il entra dans le boisé pour s'assurer de mieux manœuvrer entre les arbres.
Luna sentit ses jambes devenir molles. Son mollet devint très douloureux et le manque d'oxygène au cerveau eut raison de sa vision qui s'assombrissait. Elle frappa à plusieurs reprises des racines sur son chemin tandis que les bruits causés par la créature qui marchait derrière martelaient ses oreilles. Luna ne voulait pas mourir, elle espérait que tout cela s'arrête le plus rapidement possible. Elle aimerait revenir en arrière et prendre la fuite avec Enfermo quand elle le pouvait encore.
Toutefois, le regret ne lui servait à rien. Elle ne survivrait pas à cet affrontement, Sauf si les esprits réservaient une surprise de taille. Suivant le chemin indiqué par les arbres, l'aventurière comprit que la montagne ou même une grotte ne pouvait être atteinte avant d'être rattrapée par la bouche géante qui la suivait. Même si les esprits indiquaient le chemin le plus court vers un abri, jamais elle ne pourrait y parvenir. Ses forces s'évanouissaient trop rapidement et la distance entre le prédateur et sa proie s'amenuisait.
Cependant, ce n'était pas une grotte ou un flanc de montagne qu'indiquaient les esprits. Après seulement un petit instant supplémentaire de course, Luna aperçut une tanière construite par les humains d'autrefois. Le sol avait été délibérément relevé pour y installer une porte menant immédiatement à des escaliers. La jeune femme s'y jeta juste avant que la grande bouche ne la saisisse, puis elle déboula jusqu'en bas. Avant même d'avoir atteint la dernière marche, l'exploratrice entendit le monstre tenter en vain de se faire un chemin. Heureusement, il était beaucoup trop grand pour la structure. Alors, il essaya de détruire la porte, mais ce fut sans succès. Mécontent de son échec, il tenta d'écrabouiller la tanière, mais la terre et les racines des arbres l'avaient fermement solidifié. Voyant qu'il ne pouvait atteindre sa proie, le monstre relava la tête au-dessus de la cime des arbres et rugit de toute ses forces. Un rugissement qui fut entendu par Enfermo qui se tourna vers la forêt. Perché dans la montagne, le petit guerrier aperçut la tête du monstre qui se trouvait non loin de la cité perdue. Il le vit ensuite s'éloigner, démontrant que la chasse était terminée. Enfermo mit la main sur l'épaule de Cicatriz qui regardait elle aussi, inquiète.
― Il a fait une autre victime, déplora le petit guerrier.
Puis,le petit groupe reprit leur marche vers leur tribu au sommet de la montagneverte.
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