Chapitre 7 Les ruines des anciens partie 2

De l'autre côté se trouvait un vaste monde spectaculaire et couvert de verdure. Autour se dressaient de hautes montagnes qui isolaient ce lieu paradisiaque au grand plaisir d'Arbol qui n'osait imaginer le nombre d'esprits vivant dans cette contrée. De la végétation à perte de vue, de l'air frais et une brise rafraichissante. Un endroit parfait et splendide pour la survie des humains, mais Sangre s'empressa de mettre fin à cette idée délurée d'un monde parfait en levant le doigt et en pointant au loin un immense monstre qui se déplaçait en arborant une bouche géante. Le guide pointa ensuite les grandes ruines.

― Nous sommes chanceux, s'enquit l'habitué. La grande bouche est à bonne distance des vieilles ruines. Nous pouvons y aller.

― Je suppose qu'il y a des jours où le monstre se situe trop près de la ville des anciens, rétorqua Luna.

― En effet. Cela gâche nos expéditions. Mais, aujourd'hui, nous devrions avoir la journée.

Enfermo n'attendit pas plus, il se remit à descendre la montagne en direction des décombres. Sangre emprunta lui aussi le chemin suivi de Luna avec Cicatriz sur ses épaules. Le groupe descendit de la montagne et s'engouffra dans la forêt. Ils y aperçurent de petits animaux comme des lièvres, des souris et des ratons laveurs tout au long de leur chemin.

― La grande bouche ne mange pas ces animaux?

― Non, s'enquit Sangre. Ils sont trop petits et trop rapides. Tout l'inverse de nous qui sommes grands et lents.

L'exploratrice hocha la tête et après de longues heures de marche, le groupe atteignit enfin les ruines qu'ils espéraient atteindre. En arrivant, la jeune femme observa les grands édifices qui furent autrefois majestueux. Les murs de pierres couverts de végétation créaient une étrange symbiose entre la vie et les décombres. Une scène incroyable qui restera marquée à jamais dans sa mémoire. Des petites plantes vivaient au sein même des monuments et de grands arbres aux racines géantes engouffraient les toits des petites maisons. C'était là les ruines d'une énorme ville comportant autrefois probablement plusieurs centaines voire même des milliers d'habitants. Sangre fut le premier à passer l'arche d'entrée de la cité blanchie par les années. Luna leva immédiatement les yeux et remarqua que plusieurs bâtiments avaient été détruits. Toutefois, cela n'empêcha pas la verdure d'y croître. En regardant attentivement, l'exploratrice vint à se poser des questions.

― Est-ce que les murs détruits sont tombés à cause du temps ou de la végétation?

― Un peu des deux, je crois, avoua Sangre. Par contre, une partie a été dévastée par la grande bouche.

Luna avala sa salive en imaginant un monstre géant percutant la cime des bâtiments avec une telle force qu'elle pouvait les faire tomber. Cela l'impressionna. Toutefois, son attention se dirigea rapidement vers la structure de la cité qui s'entremêlait entre les maisons, les pièces et les routes. Il était difficile de s'y repérer et de bien reconnaitre à quoi servaient les compartiments de ce grand havre. Luna ne put s'empêcher de passer les doigts sur les pierres taillées qui formaient les murs. Arbol remarqua la nostalgie dans les yeux de l'aventurière. Du point de vue de l'arbre, tout ça n'était qu'un tas de cailloux empilés, mais pour l'exploratrice, c'était très différent. La ville lui donna des frissons qu'elle n'avait pas sentis en voyant les huttes de la montagne verte. Quelque chose l'interpela dans tout cela. Elle eut une sensation qu'elle avait déjà vu cet endroit, mais elle ne pouvait retrouver dans sa mémoire quelconques informations notoires. Elle resta là, immobile, les yeux rivés sur une palissade avec une sensation de bien être en elle lorsque, soudainement, Enfermo lui cria:

― Par ici, Luna.

Cicatriz fit signe à l'aventurière qu'elle voulait descendre. Aussitôt, la petite femme s'approcha d'Enfermo qui indiquait de prendre une petite route. C'est à ce moment que Luna remarqua l'absence de Sangre. Surprise, la jeune femme se mit à le chercher du regard avant de demander:

― Où se trouve Sangre?

Enfermo pointa une tour non loin de là. Elle y aperçut le guide qui, avec difficulté, escaladait l'édifice délabré pour y apercevoir la bouche géante.

― Il veille sur nous, reprit Enfermo. Nous sommes bientôt arrivés.

― C'est ingénieux, reprit Arbol.

― Ce n'est définitivement pas la première fois qu'ils viennent. Ils semblent si bien connaitre ces ruines, lui répondit Luna.

Sur ces mots, l'aventurière rejoignit Enfermo et Cicatriz qui s'étaient arrêtés dans un petit compartiment. La végétation avait été retirée des murs pour mieux voir des inscriptions gravées dans la pierre. Cicatriz glissa les doigts sur les symboles et une larme coula le long de sa joue.

― Rojo, c'est si beau. Comme tu me les avais décrits.

― Serais-tu en mesure de continuer son travail? demanda Enfermo.

Cicatriz sécha ses larmes et affirma la voix tremblante:

― J'ai des connaissances que mon Rojo m'a données. Mais, comment pourrais-je faire mieux que lui? Cela lui a pris tellement de temps.

― Cicatriz, la fin approche. Si tu en es incapable, il est peu probable que les humains vivent pour une autre génération.

― Je le sais, Enfermo. Je le sais que trop bien...

Séchant une nouvelle larme, la veuve se posa devant le mur et essaya de se souvenir ce que l'amour de sa vie lui avait dit à propos de ces caractères. Pendant ce temps, Enfermo se tourna vers Luna, puis il lui dit:

― Peux-tu faire quelque chose?

L'aventurière resta sans voix. Elle se sentit sortir d'un songe lorsqu'elle comprit alors qu'Enfermo s'adressait à elle.

― Je ne sais pas.

― Est-ce que ça va? Tu n'as pas l'air dans ton état, avoua son compagnon.

― Je suis désolée. Je suis distraite. Cet endroit est merveilleux.

― Je sais, mais malheureusement, nous n'avons pas le temps d'admirer le travail des anciens. Nous devons agir avant que la grande bouche n'approche. Ne peux-tu pas parler aux arbres? Peuvent-ils nous aider?

― Je... je pense que oui. Je vais voir.

Luna regarda Cicatriz pendant un instant, puis elle se remit à marcher dans l'ancienne cité. Elle chancela d'un côté à un autre, perdue dans les pensées que suscitait cet endroit.

― Qu'est-ce qui t'arrive? demanda Arbol.

― Pardon?

― Qu'est-ce qui se passe avec toi? Tu n'es pas concentrée. La bouche géante peut arriver à tout moment et toi tu ne fais que fixer les décombres.

― C'est... c'est parce que j'ai déjà vu cet endroit. Comme si j'étais déjà venue ici. Cet endroit me ramène des souvenirs.

― Tu aurais dû le dire plus tôt! s'égailla Arbol. Qu'est-ce que tu te souviens?

― Je ne sais pas. C'est comme lorsque nous avons un mot au bout de la langue. Je le sens, il est là, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

― Sur rien? Tu viens de me dire que tu as eu un souvenir.

― Je ne sais pas, c'est étrange.

― Alors, te souviens-tu de quelque chose ou ne te souviens-tu de rien?

― Je ne sais pas, Arbol. Je n'arrive pas à me rappeler.

Arbol serra les poings, déçu par le faux espoir suscité par son hôte. Il se mit alors à chercher l'arbre le plus proche lorsqu'il dit:

― Bien dans ce cas, tu devrais arrêter de chercher dans ta tête et tu devrais m'aider à chercher quelqu'un qui pourra nous révéler quelque chose.

Luna s'arrêta d'un coup, puis elle révéla haut et fort à son compagnon spectral:

― Je vivais ici!

Arbol se tourna vers elle, abasourdi par cette affirmation.

― Tu en es sûre ou c'est encore une sensation?

― Une sensation. Je crois que je vivais ici. Je suis peut-être née ici. Mais, ce n'était pas comme ça. C'était des routes et des maisons. Je crois que j'ai joué dans cette rue. Je ne sais pas à quoi ni avec qui, mais j'étais ici. Je le sens. Ma mémoire essaie d'attraper un souvenir, mais il n'y arrive pas. J'ai pleuré ici, j'ai ri ici, j'ai rêvé ici, j'ai vécu ici. Ma maison se trouvait par là.

Luna prit une route et s'arrêta devant plusieurs pièces à moitié détruites. Elle les regarda une à une, puis elle revint sur ces pas et elle les observa de nouveau.

― Qu'est-ce qui se passe Luna? Qu'est-ce que tu cherches?

― Je ne sais pas laquelle est ma maison. Elles me suscitent presque toutes des sensations de souvenirs. J'ai vécu dans chacune d'elle et pourtant une seule d'entre elles appartenait à mes parents. Je sais! C'était la maison de mes amies ou de mes cousines! Je vivais ici parmi les gens qui étaient près de moi. J'en suis persuadée.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top