Chapitre 6 Viejopico partie 2
La route fut longue, périlleuse et désolante. Le paysage, qui aurait pu être extraordinaire en d'autres circonstances était plutôt sinistre. Aucune forme de vie et un épais brouillard verdâtre qui cachait la vue. Les pics des monts ressemblaient à des lames tranchantes et la plupart des roches étaient plates et coupantes. C'est alors que Luna aperçut un arbre mal en point au sommet d'un amas rocheux. Intéressé par l'un de ses semblables, Arbol s'approcha et l'appela, toutefois, celui-ci ne répondit pas.
― Tu crois qu'il y a un autre fantôme à proximité? demanda Luna.
Arbol fit le tour des environs, puis tous deux entendirent un bruit de roche qui dégringolait de la montagne.
― Je n'aime pas ça, dit Arbol.
― C'est étrange, les fantômes ne déplacent pas les objets. Ils sont immatériels.
― Je ne sais pas, reprit Arbol. Je n'aime juste pas ça. Tiens-toi sur tes gardes.
D'un coup, une roche vola à proximité de Luna et vint s'écraser contre une paroi près d'elle. La jeune femme se pencha et attrapa un gros caillou, prête à le lancer sur son adversaire.
― Ce n'est pas un fantôme. C'est quelque chose d'autre.
― Qu'est-ce qui peut se cacher ici? demanda Arbol.
C'est alors qu'un oeil apparut non loin de Luna. Dissimulée par un immense rocher, la créature la regarda scrupuleusement. L'adolescente la fixa, le bras en l'air, prête à lancer la roche qu'elle avait dans les mains. Elle resta surprise, lorsque la créature s'adressa à elle d'une voix faible :
― Tu parles seule?
Luna abaissa légèrement le bras, toujours prête à agir, mais aussi intéressée par cette chose qui lui adressait la parole.
― Qui es-tu?
La jeune femme s'approcha de la créature qui fit apercevoir un bâton aiguisé. L'aventurière comprit alors que la créature ne lui faisait pas confiance et qu'elle préférait que l'exploratrice reste au loin. Elle accepta ce désir et resta à l'écart.
― Tu me demandes qui je suis? C'est toi l'étrangère, dit la voix.
― Nous sommes autant étrangers l'un que l'autre, fit remarquer Luna.
Puis il y eut un silence pendant lequel l'inconnu scruta minutieusement Luna avant d'ajouter:
― Je suis navré de t'avoir lancé un projectile. Je devais m'assurer que mes yeux ne se trompaient pas. Que tu es bien ce que je crois que tu es et non une fabulation de mon esprit. Je ne pouvais croire qu'une personne aussi belle pouvait exister.
― Je vous en remercie du compliment, soupira la jeune femme qui ne savait pas quoi répondre à cette affirmation si soudaine.
― Comment est-ce possible ? D'où viens-tu?
― D'au-delà de la lisière du monde. Au-dessus des plus grandes montagnes.
― Personne ne vient de là.
― Je suis la première dans ce cas.
La créature hésita un instant. Elle semblait réfléchir avant de constater.
― Alors, il y a des humains là-bas...
En entendant le mot « humain », le cœur de Luna se mit à battre à la chamade à mesure que l'espoir naissait en elle.
― Je suis la dernière.
― Ce n'est pas de chance... En es-tu sûre? Ce serait bien qu'il y ait des humains comme toi. Belle et en bonne santé.
― Qu'est-ce que tu es?
La créature sortit de sa cachette et dévoila son corps presque nu. Un visage ratatiné et osseux, des bras maigrichons, des côtes bien apparentes, moins d'une trentaine de cheveux sur la tête, les yeux globuleux, le corps sale et couvert de cicatrice, la créature révéla:
― Je suis comme toi, sans être comme toi. Je me nomme Enfermo.
Arbol serra les dents devant la laideur du petit garçon et il avoua à Luna:
― C'est comme le cheval, il a des traits qui te ressemblent, mais il n'est pas comme toi.
Les yeux grands ouverts, épouvantée devant ce qu'elle voyait, Luna réalisa:
― J'ai bien peur qu'il soit comme moi. Un humain. Qu'est-ce qui t'est arrivé, jeune garçon?
― Jeune garçon? Tes traits sont ceux d'une juvénile, mais ton corps est plus grand que celui de l'adulte. Je ne pourrais situer à quel stage de développement tu es rendue. Pour ma part, je suis l'un des plus grands guerriers de ma tribu. Un adulte mature.
Arbol scruta attentivement son hôte qui agissait étrangement. Non pas à l'extérieur, mais bien à l'intérieur de son corps. Il sentit en Luna une colère grandissante et même un sentiment d'affront.
― C'est impossible! se fâcha Luna. Tu ne peux pas! Ne te moque pas de moi. Montre-moi les autres humains. Il doit y en avoir d'autres, moins horribles que toi.
― Que de mots malveillants! Tu es rapide pour me juger. Je suis en effet plus laid que toi, mais je ne suis pas le seul. Nulle ne te ressemble.
Ces mots se firent sentir comme des coups de poignard dans le coeur de Luna. Elle comprenait qu'elle n'était pas seule, mais elle n'acceptait pas qu'Enfermo soit un homme. Si c'était le cas, cela signifiait qu'elle n'avait toujours pas trouvé les humains comme elle.
Enfermo tituba en direction de la jeune femme et lui fit signe de le suivre.
― Les gens de la tribu seront contents de voir une humaine comme toi. Ils ne pourront arrêter de te regarder comme tu es belle et symétrique.
Luna avala sa salive pendant qu'Arbol lui demanda:
― Qu'est-ce que tu vas faire?
― Je dois aller voir. Bien que cela ne m'enchante pas.
Arbol arqua les sourcils, car il sentait que la ligne entre l'espoir et la colère n'était délimitée que par la confusion dans le coeur de son hôte. Tellement d'émotion contradictoire parcouraient l'aventurière.
― Qu'est-ce que tu cherches, Luna? Les humains ou des humains comme toi?
― Je cherche les humains.
― Tu les as trouvés.
― Non! dit Luna avec colère. C'est un humain, mais s'ils sont comme lui, ce ne sont pas les humains.
― Alors tu recherches des humains comme toi!
― Je ne sais pas. Je vais voir. Il a peut-être des réponses à mes questions. Je dois savoir.
Enfermo leva le sourcil, puis il fit comme si son invitée n'avait rien dit. Il se mit alors à marcher en direction de sa tribu.
― Vais-je connaitre le nom de cette charmante... personne que tu es? demanda Enfermo.
― Luna, je me nomme Luna.
― C'est un nom magnifique. Il évoque quelque chose de grandiose en moi, dit Enfermo en souriant.
C'est alors que Luna nota la respiration saccadée de son compagnon. Le pauvre avait besoin du soutien de son vieux bâton pour avancer. Rapidement, Luna le dépassa sous le regard ébahi du pauvre homme.
― Comme tu es rapide, Luna.
― Je ne suis pas rapide, c'est toi qui es lent.
Enfermo serra le peu de dents noires qu'ils lui restaient dans la bouche et il essaya de suivre la cadence de sa comparse, mais rapidement, il dut s'arrêter pour reprendre son souffle. Luna et lui toussaient sans arrêt, asphyxiés par l'air toxique. Après quelques arrêts, Luna finit par demander à Enfermo:
― Est-ce qu'il y a souvent des fantômes qui montent dans la montagne?
― Des fantômes?
― Les créatures avec les yeux rouges.
Le corps recroquevillé sur lui-même, la colonne vertébrale visible, Enfermo lui répondit:
― Ceux qui marchent sans vie. Je sais ce dont tu parles. Il y en a beaucoup au pied de la montagne, mais ils montent rarement jusqu'au sommet. Ils ne vont pas là où l'air n'est presque plus respirable. C'est à cet endroit que nous vivons.
― Vous vivez là où l'air est le moins respirable? demanda Arbol. Cela ne fait aucun sens. C'est l'endroit le plus inhospitalier de cette contrée.
Enfermo ne répondit pas. Très apparemment, il ne voyait pas ni n'entendait Arbol. Alors, l'esprit regarda Luna qui répéta ce qu'il venait de dire. Enfermo, prit une grande respiration. puis toussa avant de dire:
― C'est le seul endroit qu'il nous reste. Allez, viens, nous y allons.
Enfermo se releva et marcha en direction du sommet. Luna diminua la cadence pour ne pas exténuer le seul être humain qu'elle avait rencontré. Celui-ci eut tout de même de la difficulté à marcher jusqu'à sa tribu. Toutefois, après quelques heures, Luna aperçut une petite fumée noire sortant d'entre deux montagnes.
― Il nous reste un peu de marche, j'espère que cela ne t'effraie pas, lui dit Enfermo.
La jeune fille ne s'inquiétait pas pour sa condition physique. Elle savait qu'elle pouvait aisément atteindre ce lieu inhospitalier. Cependant, Arbol et Luna avaient tous deux peur qu'Enfermo tombe de fatigue avant d'atteindre la destination.
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