Chapitre 2 Arbol Partie 2

Sans attendre, Luna toucha le bout de l'écorce de l'arbre en feu et ce fut pour elle une révélation. Un étrange personnage humanoïde avec de l'écorce pour peau se dressa devant elle en émettant une lueur bleutée. L'étrange apparition lui tendit la main et une tige s'accrocha autour de son poignet. La jeune femme eut un mouvement de recul qui la fit culbuter au sol, ce qui effraya l'apparition spectrale qui supplia:

― Ne me repousse pas. Je t'offre ma vie, si tu la repousses, tu me condamneras à l'abysse éternel.

― Qu'est-ce qui se passe?

L'esprit de l'arbre s'approcha de son nouvel hôte et il lui dit:

― Je te dirai tout, mais pas ici. Je sens ton corps, il est froid. Cette pluie t'affecte négativement. Nous devons absolument nous trouver un abri.

Puis, la créature mi-arbre mi-humaine se tourna vers les autres arbres. C'est alors que des êtres avec des auras de toutes les couleurs firent leurs apparitions. Ils étaient tous liés par une petite branche à un arbre différent, comme l'était la créature bleutée avec Luna. Les sentiments de la jeune femme allèrent de l'émerveillement à la peur en passant par la confusion. Ces créatures, habituellement invisibles à l'oeil humain, regardaient l'arbre brûlant, la peur dans leurs yeux. Puis, ils se concentrèrent sur l'apparition liée à Luna en penchant la tête sur le côté.

― Amis, commença la créature bleutée, j'ai besoin de votre aide. Où puis-je trouver une grotte pour m'abrier?

Les créatures posées devant Luna se tournèrent et posèrent la question à ceux derrières. Rapidement, une cacophonie envahit l'espace. Les arbres se parlaient. Les voix s'éloignèrent pour ne devenir qu'un murmure au loin. Puis, une voix revint jusqu'à Luna. Une créature jaunâtre lui dit simplement:

― Par ici.

La créature bleutée se pencha sur son hôte et lui accorda un petit sourire réconfortant en pointant, avec l'un de ses doigts ressemblant à une branche, l'apparition qui les invitait.

― Laisse-nous t'aider.

La jeune femme resta sans voix, estomaquée par ce qu'elle contemplait. Mais, étrangement, elle accepta rapidement l'idée que des esprits habitaient les arbres. Après tout, ce n'était pas plus loufoque que de l'eau qui tombait du ciel. En se levant lentement, elle prit le temps d'inspecter l'étrange apparition attachée à son poignet. Puis, elle posa alors ses mains sur l'épaule de l'esprit et sentit à la fois sa présence au bout de ses doigts et à la fois le vide.

― Nous ne devrions pas perdre notre temps. Tu es complètement gelée et ton état précaire pourrait s'aggraver jusqu'à entraîner la mort.

L'aventurière arqua le sourcil en entendant la possibilité qu'elle puisse mourir. Ce concept nouveau lui fut facile à assimiler en voyant ce qui venait de se passer au pauvre arbre qui se transformait en cendres. Elle s'approcha alors de l'esprit jaunâtre et réalisa que son compagnon, maintenant connecté à elle, restait derrière. Celle-ci regardait son ancienne enveloppe prendre feu. Il baissa la tête et ferma les yeux l'espace d'un instant, puis il se tourna vers Luna en lui disant:

― Nous devons nous mettre en route immédiatement.

La jeune femme laissa passer la créature devant elle. Celle-ci croisa l'esprit jaunâtre qui disparut aussitôt en laissant apparaître un esprit verdâtre attaché à l'arbre derrière. Celui-ci murmura à son tour :

― Par ici.

Ce rituel continua d'un arbre à l'autre. Chacun apparaissait pour répéter à nouveau :

― Par ici.

Les paroles formèrent un chemin à travers la montagne qui les mena jusqu'à une minuscule grotte. La jeune femme s'approcha en restant perplexe. La grotte n'était pas très grande et elle dut se pencher pour y pénétrer. Avec difficulté, la jeune femme put s'abrier de la pluie sous ce tout petit toit. La créature qui la suivait resta à l'extérieur et se pencha, accoudée sur sa jambe, la tête sur le côté, les yeux rivés sur Luna.

― Tu ne te mets pas à l'abri de ce phénomène?

La créature mi-humaine mi-arbre tourna la tête, un peu confuse elle aussi. Puis, elle regarda le ciel avant de dire calmement:

― De la pluie? Je suis un esprit. Je ne sens pas la pluie. Je ne sens rien de physique. Sauf lorsque je me connecte avec toi. Je peux ressentir tes émotions et tes sensations. Je ressens, ta peur, ta détresse et ta confusion.

― Qu'est-ce que tu es? demanda Luna.

― Un arbre. L'esprit d'un arbre que tu as accueilli. Merci pour le sauvetage, je croyais que la foudre m'avait eu. Mais, ma foi, que c'est étrange de sentir les sensations d'un être comme toi. Il y a de l'inconfort, pourtant je ne vois aucune fourmi te dévorer. Aucun insecte, aucune créature qui te monte dessus. Juste le fait de rester dans la même position me semble désagréable. C'est une sensation étrange. Je ne sentais pas cela dans mon corps d'origine. Je ne bougeais presque jamais et lorsque je bougeais, je le faisais très lentement. Vous êtes bizarre vous les...

― Les quoi?

La créature se releva et posa sa main sous son menton en posant comme question:

― Qu'est-ce que tu es?

― Je ne sais pas.

― Comment tu ne sais pas? Tu dois en avoir d'autres comme toi.

― Je ne sais pas... Il devait y en avoir d'autres comme moi?

― Ce que j'ai appris durant le dernier siècle, c'est que la nature ne fait jamais qu'en un exemplaire. Tu dois avoir croisé les tiens, au moins une fois.

― Non... je ne sais pas, dit Luna désemparée.

Pourtant, cela faisait du sens, car à son réveil, Luna avait regardé autour d'elle par pudeur. Elle avait eu peur qu'un individu comme elle la surprenne sans ses accoutrements. Cela signifiait que la jeune femme savait au fond d'elle qu'il existait d'autres individus de sa race. Toutefois, un peu embêté, elle avoua à l'esprit attaché à son corps:

― Je ne me rappelle de rien. Je ne me rappelais plus de la pluie. Heureusement, maintenant cela me revient.

La créature tourna les yeux, puis elle soupira, désemparée par la situation. Elle pointa ensuite Luna avec ses deux mains avant de demander:

― Est-ce que tu te souviens de quelque chose sur toi? Qui es-tu?

― Je me nomme Luna...

― Tu as un nom! Enchanté Luna! C'est un plaisir de partager ton corps.

Luna serra l'étrange main de la créature avec plein de questions dans sa tête. Comment pouvait-elle toucher cette mystérieuse apparition si elle ne sentait pas l'eau de la pluie? Tout de même, Luna resta courtoise et demanda:

― Enchanté... hum... qui es-tu, toi? Comment dois-je t'appeler?

― J'allais oublier de me présenter. Je suis... comment dire... Habituellement, nous communiquons par des odeurs. Alors, je n'ai pas vraiment de noms. Appelle-moi... mmmmhhh... Arbol

― Enchanté, Arbol.

En arborant un grand sourire, l'être spectral affirma :

― Nous avons tellement de choses à discuter. C'est une nouvelle vie qui nous attend tous les deux.

― Une nouvelle vie, balbutia Luna étrangère à ce nouveau monde.

― Oui, une nouvelle vie. Je ne suis jamais allé aussi loin. Lorsque nous sommes un arbre, la vie se passe très lentement et l'on ne se balade pas beaucoup.

― Comment peux-tu vivre hors de ton enveloppe d'arbre?

― Nous pouvons dissocier l'être de l'esprit. Pendant que je bougeais mes feuilles pour les orienter en direction du soleil, je pouvais discuter avec les autres esprits.

― Tu discutais avec les esprits grâce aux odeurs?

― En partie. Sinon nous communiquons comme nous le faisons en ce moment. Tu m'entends, bien que je ne crée pas de vibration comme tu le fais. Je ne fais aucun bruit.

― Lorsque la pluie te tombait dessus. Lorsque tu étais un arbre, est-ce que tu la sentais?

― Oui et non. Mon enveloppe spectrale ne ressent pas la pluie. Mais, mon corps d'arbre le sentait. Maintenant que je n'ai plus de corps, je ne sens plus la pluie, sauf si je m'ouvre à toi. Alors, je peux la sentir comme tu le sens. C'est une sensation étrange, car je n'avais jamais perçu la pluie de cette façon. Elle ne me semblait pas si froide et je n'avais jamais vraiment senti les gouttelettes tomber en amas. La pluie avait toujours été pour moi un nuage qui passait très bas.

― Est-ce que tu lis dans mes pensées?

― Non, je n'entends pas tes pensées. Mais, je les ressens, alors je me doute de tes intentions.

― Tout à l'heure, tu es entré en contact physique avec moi lorsque nos mains se sont touchées. Pourtant, tu es un esprit. Tu n'es pas matériel. Tu es vide...

― Je peux tout de même toucher mon hôte. Cependant, ma masse spectrale est très faible. Pour moi, tu es infiniment lourde. J'aurais de la difficulté à lever l'un de tes cheveux. En contrepartie, je suis infiniment léger, alors je ne vois pas la différence entre monter une montagne ou la descendre.

― Cette ligne qui nous connecte toi et moi. Qu'est-ce que c'est?

― Notre connexion. Elle peut glisser sur ton corps sans se rompre puisqu'elle est attachée à l'esprit qui t'habite et non à ton enveloppe charnelle. Toutefois, il est impératif de ne pas couper ce lien qui nous unit, sinon je disparaitrais à jamais.

― Si elle est attachée à mon âme et qu'elle glisse sur mon corps de façon à ne pas me gêner, comment pourrais-je couper cette ligne spectrale?

Le sourire d'Arbol disparut et son visage s'assombrit, devenant sérieux et même inquiétant. Pendant un instant, l'esprit se demanda s'il devait instruire son hôte sur cette vérité qui pourrait s'avérer fatale. Finalement, il pensa qu'il ne pourrait pas cohabiter avec l'âme de Luna s'ils ne se faisaient pas confiance mutuellement.

― Malheureusement, si tu en émets le désir le plus profond, alors dans ce cas la ligne se brisera.

― Qu'est-ce qui se passera après?

― Sans enveloppe charnelle, c'est l'abysse éternel qui m'attend. La grande Fin!

― Je ne t'imposerai jamais une condamnation à mort.

Arbol hésita, incapable d'afficher un sourire à l'idée que Luna pourrait ne pas tenir sa promesse. Alors, il gronda d'une voix basse.

― Je l'espère bien...

Luna capta son désarroi et voulut prouver sa sincérité. Toutefois, seuls le temps et les actes pourront gagner la confiance de son nouveau compagnon. Alors, l'adolescente se résigna, préférant ne pas s'étendre sur le sujet, puis elle voulut poser d'autres questions. Arbol suscitait tellement d'interrogations dont elle devait absolument obtenir les réponses. Cependant, les lèvres devenues bleues, cela devint trop difficile de parler ou même de se concentrer. Luna se recroquevilla sur elle-même et finit par prendre un peu de sommeil en se réveillant frénétiquement durant la nuit. À chaque fois, Arbol se trouvait non loin d'elle.

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