Chapitre 16 La communauté partie 3

Puis, pendant que Luna regardait les gamins, une chaine d'esprit se rendit jusqu'à elle. L'un de ces esprits s'adressa à celle-ci, puis il lui dit:

― Nous avons agi, car nous ne voulons pas avoir participé à la fin par notre inaction. Cependant, ce que nous avons trouvé... Bien, c'est une porte. Une porte étrange. Nous espérons que c'est bel et bien ce que tu recherches.

― Qu'est-ce qu'elle a d'étrange cette porte?

― Je ne le sais pas. Je ne l'ai pas vue. Je ne suis qu'un messager, reprit l'esprit.

Arbol fit un petit sourire, car pour lui, c'était d'une évidence que l'esprit n'avait pas la réponse à la question de l'aventurière. C'est alors que dans le but d'encourager Luna, Arbol s'avança en premier en criant:

― Qu'attendons-nous? Allons-y!

Cependant, l'héroïne sentait qu'il y avait quelque chose de probablement dangereux avec cette porte. Tout de même, elle suivit son ami dans cette forêt bercée par la rosée et le brouillard.

Dès qu'elle remit les pieds dans l'épaisse forêt, son coeur commença à battre à toute allure et son corps se crispa. Elle se mit soudainement à avoir peur de croiser une peau grise.

―Vous me le dites s'il y a un mangeur de chair dans les parages. N'est-ce pas?

Toutefois, les esprits ne répondirent pas. Ils firent simplement signe à Luna de suivre la route qu'ils lui indiquaient. La jeune femme regarda autour d'elle et ne se concentra pas sur ces pas. À plusieurs reprises, elle trébucha sur des racines. Heureusement, elle ne se blessa pas. Puis, elle continua son chemin jusqu'à ce qu'elle aperçoive le dernier esprit.

Elle venait d'aboutir sur un grand terrain vague mélangeant terre, végétation et eau. Un endroit qui ne rassurait pas l'exploratrice. C'est alors qu'un étang parsemé de quenouilles et de nénufars se dévoila devant elle. À l'extérieur de l'étang se formait une mince couche de végétation qui flottait sur l'eau. En aucun cas, Luna ne pouvait connaitre la profondeur de ce plan d'eau. C'est alors que la jeune femme tourna les yeux de chaque côté de cette portion ouverte de la forêt. En s'éloignant des arbres, elle s'exposait aux regards non désirés. Alors, pour se rassurer, elle scruta frénétiquement les alentours pour s'assurer que les mangeurs de chairs ne s'y camouflaient pas.

De sa position, elle pouvait aisément apercevoir l'orée du bois au loin. Ceci signifiait qu'elle allait devoir s'exposer au danger si elle traversait cet étrange endroit. Cette idée la rebuta aussitôt. C'est à ce moment qu'elle remarqua que dans ce vaste marais, aucun oiseau et aucun amphibien n'étaient visibles. Seules les plantes montraient de la vie et certaines affichaient une couleur rougeâtre. Une teinte de beauté de ce monde complètement désolé. Luna les regarda un instant, puis elle tourna son attention vers les nuages qui décrivaient une scène splendide avec le soleil et le ciel rouges. Luna prit alors une grande respiration qui amena un peu d'air frais dans ces poumons avant de se tourner vers le dernier esprit. Elle était prête à affronter les dangers rattachés à cette tourbière. C'est alors que l'être spectral pointa un monticule au centre de l'étang.

― Est-ce que c'est ce que vous cherchez?

Luna plissa les yeux, puis elle aperçut la partie supérieure d'une porte ensevelie. La végétation avait repris ses droits et couvrait entièrement le cadre d'origine humaine. L'exploratrice se sentit pleine d'appréhension. Cet endroit ne prévoyait rien de bon. Contrairement à la première porte, celle-ci était lugubre et peu rassurante. Toutefois, Arbol donna un petit coup dans le dos de son hôte, puis il lui dit:

― Nous y sommes. C'est la porte du temple. Il ne suffit plus qu'à entrer et mettre fin à ces monstres.

― En effet, soupira Luna incertaine.

La jeune femme s'approcha de la porte par la voie qui semblait la plus sèche. Elle marcha lentement sur les plantes qu'elle sentit s'enfoncer. Soudainement, de l'eau recouvrit son pied. Elle fit quelques pas qui s'enfoncèrent de plus en plus dans la tourbière. Relever les jambes devint de plus en plus difficile. Le sol commença à s'effondrer sous son poids. Lorsque Luna essaya de se relever, la couche supérieure se détériora très rapidement. Cela ne prit qu'un instant avant que l'aventurière ne comprenne qu'un gros problème s'opposait à elle. La jeune femme mena sa main toujours plus loin, mais elle continua de couler. Elle n'y croyait pas. Elle pensa qu'elle allait mourir ainsi, aussi idiot que cela pouvait sembler l'être. Rapidement, Luna perdit ses forces à essayer de rester à la surface de l'eau. C'est alors qu'elle aperçut Arbol, marchant sur la tourbière. Il lui dit:

― Tu y es presque.

L'exploratrice continua son effort, en maugréant et en maudissant cette tourbière qui semblait d'abord si calme, mais qui se montrait être un piège meurtrier. Puis elle réussit à se hisser sur une partie du marais qui mélangeait la boue, l'eau et les plantes. À partir de cet endroit, elle mit la main sur le cadre supérieur de la porte du temple. Ses doigts, crispés, se resserrent sur une végétation molle qui entourait l'entrée.

― Nous y sommes! Nous avons réussi Luna! l'encouragea Arbol.

Cependant la jeune femme savait qu'elle était loin de la fin de ses peines. Elle scruta la porte l'espace d'un instant en se demandant comment elle allait entrer. Le marais ayant repris ses droits, la partie supérieure de la porte ne laissait qu'une petite ouverture pour passer. L'exploratrice rassembla son courage, puis elle se tourna sur le dos et elle passa sa tête de l'autre côté. Ses oreilles bourdonnaient sous l'eau tandis qu'elle prenait de grandes respirations par la bouche. Ce passage fut très éprouvant pour la jeune femme qui ne voyait plus rien. Elle se sentait étouffée, prise au piège et elle avait la sensation qu'elle pouvait se noyer à tout moment. Ses pieds étaient à la fois dans l'eau, à la fois dans la boue qui retenait son corps. La jeune femme força comme elle le pus, puis finalement, elle réussit à sortir de l'eau. Toutefois, la terre s'était accumulée jusqu'à frôler le plafond du temple. Toujours humide, celui-ci se présentait sous forme de boue. Luna se glissa dans le noir entre le plafond dur et le sol mou sur lequel elle se faisait glisser sur le dos en frottant son visage sur les parois du plafond. La boue entra par le col de son gilet, créant ainsi une sensation désagréable. Prise dans le noir, ne sachant pas ce qui l'attendait plus loin, le coeur de Luna se mis à battre à la chamade. Cette épreuve l'effrayait et ses mains commencèrent à trembler. Cette sensation s'empira à mesure qu'elle sentait que l'espace entre la terre et le plafond se refermait sur elle. Sa respiration devint de plus en plus difficile. Ce fut rapidement trop d'angoisse pour que l'aventurière le supporte. Luna s'arrêta, le temps de reprendre ses esprits et ses forces avant de recommencer à gigoter pour se hisser un peu plus loin. Finalement, l'espace s'agrandit de plus en plus jusqu'au moment où elle put se tourner sur le ventre.

Elle en profita pour ramper jusqu'à ce qu'elle puisse se mettre accroupie, puis debout. Ce n'est qu'une fois le corps droit qu'elle remarqua que le couloir devant elle tournait à 90 degrés. Un son inconnu grondait sans arrêt, mais Luna n'y prêta pas attention sur le coup. Elle s'adossa sur le mur en profitant de la pierre dure qui la soutenait pour reprendre son souffle, puis elle dit:

― J'ai réussi, Arbol. Nous y sommes.

L'être spectral resta figé. Il ne dit rien. Il regarda derrière lui et hésita longuement. Cependant, cela, Luna ne le remarqua pas. Elle se tourna en disant:

― Il est temps de mettre fin au règne des mangeurs de chair.

Couverte de boue et de végétation morte, Luna se décolla du mur et s'engouffra dans le temple, éclairer seulement par la faible lueur que produisait l'être spectral. Elle tourna dans le passage, puis dans le prochain. C'est alors qu'elle remarqua une lueur provenant du passage suivant. Elle pensa immédiatement aux lueurs bleutées, mais cette fois-ci, elle était plutôt jaunâtre. Toutefois, à mesure qu'elle s'approcha de la source de lumière, elle remarqua le bourdonnement métallique qui devenait de plus en plus important. Cela l'intrigua, puisque les temples offraient habituellement un silence presque absolu. Après quelque pas, elle tourna de nouveau le coin et elle aboutit à une pièce sans précédent.

Des flammes jaillissaient des murs, éclairant ainsi la grande pièce en forme de corridor. C'est alors que le coeur de Luna arrêta de battre. Devant elle, un long chemin avec de grandes crevasses de chaque côté. Sur les murs, de grands pieux aiguisés. Devant elle, des haches au bout d'une chaine qui virevoltaient d'un côté à l'autre de la pièce. Des hachoirs se levant vers le haut pour subitement tomber au sol. Des roues couvertes de pieux raclaient la pierre. Des lances sortant violemment du plancher pour frapper le plafond. Des gargouilles en forme de peau grise arboraient les objets de la mort. Les yeux de Luna s'écarquillèrent devant ce macabre spectacle.

―Non! cria l'aventurière. Non! Non! Non!

La jeune femme s'approcha de ces objets tranchants, puis elle aperçut de très vieux décombres d'adultes ou d'enfants. Seuls les squelettes et quelques vêtements restaient aux pieds de certaines lames. Près du hachoir, une dépouille coupée en deux. Au niveau de la roue, un cadavre mutilé. Sur les murs, des restes humains mis sur des pieux.

L'exploratrice s'effondra. La scène fut trop horrible et effrayante à voir. C'est alors que la jeune femme comprit d'où provenait le grondement. Les machines de la mort provoquaient un grincement sans fin. Le feu sur les murs provenait de gaz naturel qui s'en échappait et qui brulait à mesure. La pièce macabre donna froid dans le dos de la jeune femme qui était complètement mouillée et couverte de boue. Ses mains tremblèrent devant la scène. Arbol resta lui aussi sans mots. Puis, il entendit un bruit insolite à travers ce vacarme. L'esprit se doutait de ce que c'était. Ce son venait confirmer ses craintes.

Pendant un instant, il se demanda s'il devait avertir sa protégée qu'un danger peut-être plus grand que les machines de la mort les guettait. Il devait s'assurer de ne pas se tromper avant de troubler davantage son hôte. Alors, Arbol se tourna vers la sortie, en espérant ne pas apercevoir une vision d'horreur. Malheureusement, sa crainte se matérialisa. Au fond du couloir se trouvait un mangeur de chair. Il resta là impassible.

L'être spectral avait entendu un esprit l'avertir qu'une peau grise les avait repérés lorsque Luna avait passé la grande porte. Arbol espérait que le monstre ne les ait pas suivis. Malheureusement, le mangeur de chair avait lui aussi sauté dans la tourbière et passé l'espace, pourtant étroit, qui menait à l'intérieur du temple. L'esprit ne savait pas comment l'annoncer à sa compagne qui resta les yeux rivés sur les appareils de la mort. Cependant, le temps se mit à presser, car le mangeur de chair se mit à marcher lentement dans leur direction.

Arbol ne voulait pas mourir. Il voulait vivre. Pour cela, Luna devait affronter les machines de la mort. Mais, l'être spectral savait aussi que l'esprit de son hôte s'était fragilisé avec le temps. S'il l'avertissait de l'imminent danger, elle pouvait très bien figer. Elle pouvait aussi simplement sauter dans le gouffre qui, selon lui, devait probablement contenir autant de pieux que sur les murs. Le temps passait vite. L'esprit paniquait. Le monstre s'approchait sans faire de bruit et Luna se trouvait juste là. À côté de lui. Elle ne voyait pas la peau grise. Comment lui dire? Comment lui faire comprendre qu'elle devait se hâter ? Qu'elle devait lancer sa vie dans la machine la plus meurtrière qui puisse exister.

― Nous devons y aller, Luna. Nous devons affronter le pire.

― Je ne peux pas, dit sa compagne à bout de force.

― Oui, Luna. Nous devons y aller. C'est une chance à prendre.

― Non, je n'irais pas. Mon chemin s'arrête ici.

― Il ne peut pas, reprit Arbol alarmé.

― Il le sera. Je m'arrête. Je ne veux plus savoir ce qui se passe. Je ne suis pas capable d'affronter cette épreuve.

― Tu n'as pas le choix.

― Non, Arbol. C'est fini.

― Luna, avance!

― Non.

― Luna! JE... Tu dois savoir... Il... Un mangeur de chair, Luna! Il y a un mangeur de chair!

L'exploratrice regarda les statues grandioses représentant les aberrations même de la vie. Elle chercha ce qu'Arbol voulait dire jusqu'à ce qu'il s'exprime plus clairement.

― Luna! Il y a un terrible mangeur de chair juste là derrière nous! Bouge!

L'aventurière se tourna et confirma les dires d'Arbol. Un mangeur de chair vivant se trouvait à portée d'elle. L'exploratrice se leva d'un bond, puis son esprit ne sut comment agir. Devait-elle essayer de passer derrière le mangeur de chair? Elle risquait de tomber dans l'un des gouffres et même si elle passait, le monstre n'aurait qu'à se tourner et l'attraper. De l'autre côté se trouvait la machinerie de la mort.

― Bouge! dit de nouveau Arbol.

La menace ouvrit sa bouche et laissa entrevoir ses grandes dents. L'aventurière prit la fuite. Une hache passa près d'elle, puis une autre. Si l'une d'entre elles entrait en contact avec l'exploratrice, ce serait la fin de son histoire. L'aventurière passa une autre lame. Mais le monstre en fit de même. Il réussit à toucher le col de la jeune femme de ses longs doigts et la faire tomber.

Luna se releva d'un coup et un hachoir fracassa le sol tout prêt de son visage. Elle passa de l'autre côté de la lame et elle aperçut le monstre s'approcher d'elle. Alors, l'héroïne s'accrocha au hachoir qui la leva dans les airs. Pendant un moment, elle se sentit en sécurité, le temps qu'elle se trouvait hors de portée du monstre. Mais, cela ne dura pas. Le hachoir retomba au sol et l'aventurière reçut un impact important à l'estomac dû à la hauteur de sa chute. Le monstre passa le premier hachoir et se pencha sur Luna qui se trouvait au sol. Il l'attrapa, prêt à la ramener avec lui. Cependant, sa proie se débattit et recula.

Elle donna des coups de pied que le monstre finit par recevoir au visage. Les frappes ne blessèrent pas la peau grise, mais cela lui permit de se rendre compte que le hachoir allait lui tomber dessus. Alors, il se recula pour ne pas être écrasé, prêt à reprendre son attaque lorsque le hachoir se lèverait de nouveau. Cependant, une hache au bout d'une corde lui frappa les côtes et le projeta sur un mur sur lequel il s'empala de tout son corps. En même temps, le hachoir derrière Luna retomba. Luna entendit un grand coup et ne sentit plus ses dix doigts.

L'aventurière, prise de panique, poussa un grand cri. Le hachoir juste derrière sa tête se mit à se relever et la victime regarda ses mains. Seule la peau à l'extrémité de l'un de ses deux majeurs fut coupée. Elle resserra ses mains sur sa poitrine, puis elle se mit à position fœtale. Entre deux hachoirs, elle arrêta de bouger. Chaque fois qu'une lame tombait au sol, son coeur arrêtait de battre. Soudainement, des larmes coulèrent à flots sur le visage de Luna. C'était terminé pour elle. C'était trop. Elle venait de craquer...

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