Chapitre 15 Les peaux grises partie 1

Toujours prisonnière des mangeurs de chair, l'exploratrice regarda autour d'elle. Il n'y avait que des enfants qui produisaient un chant de sanglot. Une scène désolante et horrible au milieu d'une forêt sombre et silencieuse. Luna voulait tellement vivre et elle savait que ce cadeau lui serait arraché contre son gré par ces horribles bêtes. Les monstres se mirent à rôder aux alentours des cages avant que d'autres peaux grises n'arrivent dans cet emplacement.

Sur leur dos, gisait de nouveaux enfants capturés. Ceux-ci sanglotaient et se débattaient, mais cela ne changeait rien à leur destin. Leurs coups n'affectèrent pas les mangeurs de chair dont la peau était trop dure et les frappes trop faibles. Lorsque les abominations mirent les pieds dans le camp avec leurs otages, ils commencèrent à échanger des sons étranges avec leurs congénères. Rapidement, l'une des peaux grises se mit à pointer les cages du doigt. Décidément, ils étaient pris dans un dilemme.

C'est alors que l'un des monstres pointa la prison de Luna. La jeune femme se recroquevilla sur elle-même tandis qu'un mangeur de chair s'approcha d'un pas décidé de sa prison. Il se pencha vers la porte et se mit à l'ouvrir.

― C'est la fin, murmura la prisonnière.

Le monstre retira la porte et émit un grand cri à glacer les os. L'aventurière cacha son visage et plaça ses mains sur ses oreilles pour estomper la peur et la douleur produit par l'onde sonore. Lorsque le hurlement se termina, elle prit un petit temps avant d'ouvrir les yeux. L'abomination se tenait là, tout près d'elle. Il la fixa, puis il se recula. C'est alors que le plus vieux des garçons fit son apparition. Il avait été trainé par l'une des peaux grises jusqu'à la prison de la jeune femme. Celui-ci se débattit et essaya de prendre la fuite, mais la peau grise garda fermement son emprise sur lui. C'est ensuite que le jeune homme fut balancé dans la prison et la porte fut refermée. Les nouveaux otages furent ensuite entassés dans l'ancienne prison du jeune homme. 

Toujours apeurée, Luna cacha de nouveau son visage. Tout son être tremblait de peur. Elle souhaitait être à des lieux de cet endroit sordide. C'est alors qu'elle finit par regarder le jeune homme qui se tenait devant elle. Il regardait au loin, les mains cachées sous ses aisselles. Puis ses yeux se posèrent sur Gritas et il lui dit:

― Ne t'inquiète pas, Gritas. Cela va se faire vite. Je te le promets.

Ces mots ne réconfortèrent pas la petite fille, mais ils attirèrent l'attention de l'aventurière qui ne put faire autrement que de demander.

― Vous vous connaissez?

Le garçon la regarda longuement en plissant les sourcils de son visage. Décidément, il avait vécu plusieurs aventures, car son front portait des cicatrices bien étranges. Luna prit elle aussi le temps de scruter le jeune homme, mais rapidement, ses yeux d'un bleu vifs la rendirent mal à l'aise. Elle avait l'impression d'avoir posé une question qu'elle ne devait pas. Ce n'est que plus tard qu'il finit par demander:

― Qui es-tu?

― Toi, qui es-tu?

― C'est toi l'étrangère. Je ne t'avais jamais vue. D'où viens-tu? Comment as-tu réussi à devenir si vieille sans que personne ne te remarque?

― Je ne suis pas si vieille que ça.

― Oui, tu l'es. Comment as-tu réussi à survivre aux mangeurs de chair aussi longtemps?

― Je peux te retourner la question. Tu dois avoir le même âge que moi.

― Peut-être, mais je suis reconnu dans la communauté comme étant le garçon qui a réussi à vivre si longtemps. Toi, tu sors d'où?

― Je viens de loin.

― Où ça loin? Les marées? La forêt? La montagne? J'ai visité tous ces endroits et je ne t'ai jamais vue.

― Ne perds pas ton temps, c'est une folle, reprit Gritas.

― Elle ne peut pas être folle et avoir survécu aussi longtemps. Elle doit savoir quelque chose que nous ne savons pas.

― Je sais bien des choses, mais je compte que vous m'en appreniez davantage avant. Où sont vos parents?

― Elle délire, dit Gritas.

― Nos quoi? demanda le jeune homme.

― Ce n'est pas le temps de plaisanter. Tu sais ce que sont des parents? déplora Luna.

― Non, je ne sais pas.

― Comment est-ce possible? Il ne vient jamais un moment où vous arrêtez de grandir?

― Non. Tout le monde sait que l'on grandit jusqu'à ce que... On se fait attraper par un mangeur de chair...

― D'où viennent les bébés selon toi?

― Ils viennent de la nature!

Luna se pencha sur son côté de la cage et une larme coula le long de sa joue.

― Je suis foutue. Qu'est-ce qui se passe?

― J'aimerais que tu me le dises, reprit le jeune homme.

L'exploratrice releva la tête et regarda son compagnon de cellule d'un air dur, puis elle finit par demander:

―Ton nom.

Le jeune homme fit un grand soupir, puis il dit:

― Lamentar.

― Luna.

― Enchanté Luna.

― Lamentar, est-ce que quelqu'un a déjà survécu aux mangeurs de chair?

― Jamais.

― Comment as-tu connu Gritas? Est-ce ta soeur?

― Soeur? Je ne sais pas ce qu'est une soeur. Elle fait partie de la communauté.

― Quelle communauté?

― Tu en poses des questions! Comment ne connais-tu pas la communauté?

― Parce que je ne viens pas d'ici. Je ne suis pas originaire de ce monde.

― Quoi? Comment?

― Tu m'as bien entendu. Je viens de par-delà du monde. C'est comme ça que j'ai survécu aussi longtemps. Il n'y a simplement pas de mangeurs de chair là d'où je viens.

― Qu'est-ce que tu fais ici dans ce cas? Pourquoi n'es-tu pas restée le plus loin possible de cet endroit?

― J'essayais de retourner chez moi. Pour cela, je dois passer par ce monde sordide qu'est le tiens.

― Tu es folle. Personne ne peut fuir. Puis, comment peux-tu venir d'un autre monde? Les mangeurs d'âme vivent d'un côté, puis les mangeurs de chair de l'autre. Il n'y a pas d'issue. Ni d'entrée ni de sortie. Ils sont trop nombreux. Plusieurs ont essayé de passer et de revenir avec des secours. Personne n'a jamais réussi. Nous retrouvons souvent leurs ossements ici et là.

― C'était un risque que je devais prendre. Les mondes se meurent Lamentar. Peu importe là où je suis allée, la fin des temps approche. Si le soleil n'est pas réparé, ce sera la fin de toutes vies. Les fantômes envahiront tous les mondes.

Lamentar prit un temps pour reprendre ses esprits. Il ne pensait pas que son dernier soir se passerait à entendre des divagations d'une jeune femme de son âge des plus étrange. Après réflexion, il finit par dire:

― Les mangeurs d'âme se rendent toujours plus loin. C'est ce que pensent plusieurs membres de la communauté. Personne ne peut en être sûr. Nul n'a jamais vécu assez longtemps pour le voir.

― Même les arbres se posent la question.

― Les arbres?

― Vous ne leur parlez pas non plus?

― L'on peut parler aux arbres?

― Si vous savez écouter. Oui.

― C'est complètement impensable. En fait, je n'arrive pas à y croire. À l'aube de la fin, je rencontre une fille qui me dit que le monde que je croyais connaitre n'est pas celui qu'il est.

― Bientôt il ne sera plus, dit Luna d'un ton exaspéré avant de reprendre la discussion. Comment votre communauté s'agrandit? D'où viennent les enfants? Comment cela se passe?

― Nous trouvons les bébés dans la nature. Ils n'apparaissent jamais aux mêmes endroits. Ils sont simplement là. Près de la rivière ou dans les hautes herbes. Un matin l'on entend pleurer, puis la communauté l'adopte. Il vivra jusqu'à ce qu'un mangeur de chair l'attrape et le mange.

― Depuis quand cela dure?

―Je ne sais pas. Depuis toujours.

― C'est impossible. Tout ce que tu me dis ne fait pas de sens.

― Est-ce que le monde a du sens à ton avis?

― Il le devrait, ajouta Luna.

Puis, une main saisit l'épaule de l'exploratrice. C'était Arbol qui lui rappela:

― Il est bien de discuter. Toutefois, si nous voulons vivre, nous devons nous remettre au travail.

L'aventurière hocha la tête et se tourna pour travailler sur la porte avec l'aide d'Arbol. 

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