Chapitre 13 Le passage

Enfin, Luna et Enfermo arrivèrent à la tribu. Dès qu'ils y mirent les pieds, tous les habitants restèrent ébahis de les voir surgir. Cependant, ce ne fut pas de la joie qu'exprimèrent les membres de la communauté, mais plutôt de la crainte. Rapidement, Enojada vint à la rencontre des deux nouveaux arrivants. Elle maugréa tout au long de son chemin en glissant son bâton sur la roche. Les lèvres pincées, la vieille femme laissa entendre un petit grognement tandis que les membres de la tribu lui laissèrent la place. Lorsqu'elle arriva enfin devant Enfermo, elle demanda de sa voix rauque.

― Vous avez vu ce signe de la fin des temps?

Le petit guerrier arqua le sourcil, puis il comprit rapidement ce qui se passait.

― Ce n'est pas un signe de la fin des temps. C'est un signe d'un temps nouveau.

― Les esprits ont parlé. Le soleil est tombé du ciel.

― Remplacé par un nouveau, plus brillant et plus chaud que l'ancien.

La matriarche serra les dents, puis elle susurra:

― Êtes-vous les auteurs de ce méfait?

― Ceci n'est pas un méfait. C'est un miracle. C'est Luna que nous devons remercier.

La vieillarde prit son bâton et le pointa en direction de l'exploratrice qui se tenait derrière le petit guerrier.

― Toi! Tu te pointes sur nos terres. Tu rends jalouses toutes les femmes en les humiliant. Tu contreviens à mon ordre de ne pas aller aux ruines des anciens. Tu oses défier la grande bouche. Tu reviens inexplicablement vivante de cet affrontement. Ensuite, tu fais tomber le soleil!

Luna en avait plus qu'assez de l'affront de la vieille dame, alors elle repoussa le bâton et s'exclama:

― Il y a des choses qui dépassent ta compréhension, Enojada! Tu as laissé la routine et la peur devenir guide de tes actions. Les temps changent et je compte qu'elle change pour le mieux. Vous ne sentez pas? L'air plus frais? Je ne peux peut-être pas faire tomber ce brouillard vert, pour l'instant. Mais, vous trouverez probablement une chaleur perdue dans votre tribu grâce à ce nouveau soleil.

― Est-ce que tu crois que nous pouvons... avoir des enfants? demanda Cicatriz non loin de là.

―Je ne peux rien promettre, mais il vaut la peine d'essayer.

― Quelle insolence! s'objecta la matriarche. Laisser des femmes croire en de faux rêves. Tu es une briseuse de coeur, Luna!

― Vous avez raison, Enojada. Je crains avoir brisé votre coeur en détruisant votre souhait d'être la dernière mère de ce monde. Vous allez voir, vous ne serez pas les derniers. Je suis sur une piste qui me mènera vers la clé qui nous sauvera tous!

Ces mots réchauffèrent le cœur de chaque individu qui les entendit. Avec réjouissance, les membres de la tribu commencèrent à discuter de l'avenir plutôt qu'à remuer le passé. C'est alors que Cicatriz s'éloigna du groupe pour s'approcher et dire à l'aventurière :

― Merci, Luna. Merci du fond du coeur.

― Ce n'est rien, Cicatriz.

― Tu dois être exténuée par ta longue aventure. Nous devrions prendre le temps de manger et de discuter. Tu dois tout nous raconter.

L'exploratrice hocha la tête et elle se laissa mener jusqu'au centre de la tribu. Les membres lui amenèrent de la nourriture, de l'eau et des chants musicaux. La tribu fêta cette victoire et Luna prit le temps d'expliquer son incroyable récit. Tous furent heureux et tous fêtèrent jusqu'au coucher du soleil, à part quelques rabat-joie. Puis, lorsque le soleil se coucha enfin, il fit place à la lune et, malheureusement, comme le pensait Luna, le brouillard vert reprit le contrôle de ce monde. L'odeur quasi irrespirable s'étendit jusqu'aux tréfonds de la chaine de montagnes. L'aventurière aurait aimé mieux dormir, mais depuis plusieurs jours, elle n'avait pas autant repris du repos. Elle ne rêva pas à la grande bouche ni à la fin du monde.

Lorsque le soleil se leva, un air frais se fit sentir. Luna se réveilla de bonne humeur et fut heureuse d'avoir un repas, même s'il était infect, avant de reprendre sa route. Elle marcha avec Enfermo jusqu'à la lisière la menant à l'autre monde. Lorsqu'ils arrivèrent enfin devant la bordure de ce monde, le petit guerrier interpella pour une dernière fois son amie.

― Fais bien attention à toi. Je ne sais pas ce qui se cache derrière ce mur. Nos anciens disaient que nous ne devions jamais le traverser, car tous ceux qui s'y aventuraient ne revenaient jamais. Nous savions qu'ils avaient été capturés par ceux qui marchent sans vie. Nous voyons ces créatures que de ce côté de la montagne. J'espère sincèrement que ton destin sera plus radieux que ceux des anciens. J'espère que tu trouveras les réponses que tu cherches. Je crois en toi, Luna. Tu peux y arriver si tu te fais confiance.

― Merci, Enfermo.

― Avant que tu partes, les membres de la tribu voulaient que je t'offre ceci. C'est une gourde qui peut contenir une bonne portion d'eau. Tu en auras probablement besoin. Nous avons aussi de notre nourriture sèche. Si tu trouves des fruits, ils seront bien mieux que ceci. Mais, si tu ne trouves que la désolation, alors cette nourriture te sera très utile. Si jamais tu abandonnes, sache que tu peux faire demi-tour. Tu es la bienvenue. En tout temps. Peu importe ce que dit Enojada.

― Merci, dit de nouveau la jeune femme.

Puis, son compagnon fit une dernière salutation et reprit le chemin vers la tribu tandis que l'exploratrice se tourna vers la lisière du monde. Elle commença son voyage à travers l'épais nuage vert qu'Elle traversa à l'aveugle jusqu'à l'entre-monde. Une fois de l'autre côté, elle ne manqua pas de lever les yeux pour regarder le ciel étoilé, puis elle entra dans la plaine fantôme. Un soleil mauve dominait la grande plaine et Luna put y apercevoir des fantômes par milliers. Ceux-ci vagabondaient sans but précis autre que de trouver une âme qui vie. L'aventurière resta à la bordure de ce monde obscur en s'avançant lentement, le coeur battant de peur que l'un de ces nombreux fantômes ne remarque sa présence.

― Je n'aime pas ça, dit Arbol. Je n'aime vraiment pas ça.

― Moi non plus, chuchota Luna.

Toutefois, elle continua son chemin en longeant la plaine. Elle s'assura de ne croiser aucun fantôme sur son chemin. En tout temps, l'aventurière resta vigilante. Puis, elle aperçut le grand arbre au loin. Tellement de fantômes se tenaient tout près. La jeune femme avait de la difficulté à croire qu'elle allait devoir passer dans ce champ mortel. Cette idée lui donna froid dans le dos, mais cela ne la découragea pas. Elle était déterminée à trouver la vérité. Alors, elle continua son chemin vers la lisière des mondes.

Le soir venu, Luna aperçut la transformation du soleil de la plaine fantôme en une lune. Petit à petit, les murs contenants chacun des mondes rétrécirent, ce qui permis à l'exploratrice de tous les voir. Elle observa la montagne verte et plus loin, la forêt blanche. Elle aperçut aussi le monde rouge. Plus haut et plus loin se trouvait la lune du monde d'Arbol. Celui-ci était si près et pourtant si loin. La lisière de ce monde se terminait sur une face très escarpée de la montagne. Rien que Luna pourrait escalader. Elle devait donc passer par le monde rouge si elle voulait atteindre son objectif.

Puis, le regard de Luna se tourna un peu plus loin sur la lisière de la plaine fantôme. L'esprit mauve avait raison, cela semblait tellement étrange que le monde s'arrête là. Il devait y avoir forcément quelque chose au-delà de sa vision. Quelque chose de plus loin. La jeune femme avait fait l'expérience de l'entre-monde. Était-ce possible qu'au-delà de la plaine fantôme se trouve un entre-monde immensément grand? Puis, l'exploratrice repensa à ce que l'esprit mauve lui avait révélé. Celui-ci avait mentionné un monde noir. Est-ce que celui-ci existait ou était-ce l'entre-monde?

― Qu'est-ce que tu fais? Pourquoi t'es-tu arrêtée? demanda Arbol.

― Je ne faisais que regarder. Je me demandais s'il y avait quelque chose au-delà de l'horizon.

― Un endroit où les grandes bouches et les fantômes dominent. C'est possible, Luna.

― Tu crois qu'il y a un monde pour les grandes bouches? Que ceux-ci survivront la fin des temps?

― J'en doute. Les fantômes ne sont pas vivants. Je ne sais pas quelles interactions ils ont avec les grandes bouches, mais une chose est certaine, c'est que les fantômes ne peuvent pas être mangés. Lorsqu'ils auront tout détruit, même les grandes bouches ne pourront pas survivre.

― Je n'arrive toujours pas à l'accepter. Ce ne peut pas être la fin. Nous allons réussir. Nous le devons.

― Je suis en accord avec toi, Luna.

L'aventurière fit quelques pas, puis elle regarda de nouveau au bout de la plaine fantôme. Elle plissa les yeux avant de demander:

― Est-ce que je vois bien?

― Cela dépend. Qu'est-ce que tu vois?

― Il y a quelque chose là-bas.

Arbol s'approcha de la plaine, puis il s'exclama:

― Une structure. Ce n'est pas une montagne. Cela ne semble pas... naturel.

― Ce sont des portes... je crois. Les portes d'entrée d'une ville ou d'un château. Elles sont larges.

― Ce n'est pas possible. Il ne peut rien y avoir derrière. À moins que... pourrait-il y avoir un sixième monde? Le monde noir dont on nous a parlé. Est-ce qu'il existe?

Luna observa les étoiles pendant un instant. La nuit, elle pouvait les apercevoir, mais la lumière ne parvenait pas à ses yeux avec la même netteté que dans l'entre-monde. Au-dessus des portes, aucune étoile n'était visible. Apparemment, quelque chose se dressait devant la jeune femme, mais elle ne pouvait le voir.

― Il y a forcément quelque chose, commença Luna en fronçant les sourcils. Je ne sais pas si c'est une grande structure ou un autre monde. Cela ne fait qu'ajouter des questions sans réponses. Nous ne pouvons faire que des suppositions.

― Ce pourrait être un monde mort. Un monde où le soleil s'est éteint.

― Peut-être. Nous ne pouvons pas savoir. Ne perdons pas plus de temps. Le chemin ne restera pas visible longtemps. Nous devons nous rendre au monde rouge.

Luna marcha vers ce monde étrange qu'était le monde rouge. Lorsqu'elle s'approcha,elle aperçut des arbres morts en bordure de la plaine fantôme. Elle les regarda brièvement, puis elle passa dans l'entre-monde. L'aventurière marcha lentement en se penchant et elle fit attention à chacun de ses pas, car elle savait que les fantômes passaient eux aussi par ce chemin. Elle traversa entre les deux mondes, puis elle aperçut finalement le ciel rouge. 

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