CHAPITRE 7:Mercredi 12 mai/ 2


J'ai refermé la fenêtre puis j'ai enfilé un sweat à l'aveuglette en descendant pied nu les escaliers, priant pour ne pas faire craquer les lames du plancher. Dans le couloir du vestibule, le tic tac de l'horloge résonnait tout seul dans le silence de la maison endormie.

Le vieux cadrant à aiguille indiquait 03h26. Que diable venait elle faire chez moi à une heure pareille?

J'ai déverrouillé la porte d'entrée et je l'ai refermé derrière moi dans le plus grand des silences. Elle était assise dans le noir sur les marches du perron et j'ai allumé la lumière du porche. Je me suis assis à coté d'elle, ni trop près, ni trop loin et j'ai attendu. Je n'avais aucune idée de ce qu'il fallait dire pour entamer la discussion.

Alors que le silence hésitant s'étirait trop longtemps, j'ai compris que ça n'allait pas être simple.

J'ai attrapé une brindille et nerveusement je l'ai fait tourner entre mes doigts.

_ Faudrait peut être qu'on parle... ai je commencé.

_ Oui, je sais, tu me l'as déjà dis la dernière fois, m'a t'elle répondu de sa voix un peu cassée.

Alors je me suis lancé.

_ Je faisais un cauchemars.

_ Oui, et... ? a elle demandé puisque je n'ajoutais rien de plus.

_ Je rêve que je nage dans la mer puis que je m'y noie.

La brindille s'est brisée entre mes doigts. On ne pouvait pas faire plus court comme résumé mais ça me rendait nerveux de lui raconter mon histoire.

_ Enfin... c'est un peu plus que ça, me suis je repris. Je me vois partir de la plage à la nage puis je me sens de plus en plus mal comme si je perdais connaissance. J'écoute mon cœur qui s'arrête, comprenant doucement que je me noie.

Elle a laissé un long silence avant de se décider à répondre.

_ Moi aussi, j'ai fais un même cauchemar pendant longtemps, a t'elle avoué d'une voix calme. Je suis en haut d'une falaise, debout. La culpabilité qui m'emplit le coeur est tellement violente qu'elle surpasse presque tout le reste. Doucement je m'avance vers le bord avec ce sentiment de perte tellement douloureux que j'en ai la nausée. Puis je ferme les yeux et je saute.

Ses paroles restaient suspendues dans un silence électrique avant qu'elle ne reprenne sa narration.

_ C'est drôle, c'était toujours là que je me réveillais. Depuis cette soirée chez Dupont, je n'ai pas refais ce cauchemar. 

Elle s'est tournée pour me regarder de ses yeux sombres et j'ai frissonné. 

_ Je pense que c'est pour ça que j'ai cette impression étrange quand je te croise. Cette peur qui grandit chaque fois qu'on se rapproche trop l'un de l'autre.

_Quelle impression ? Tu penses qu'il y'a un rapport entre moi et ton cauchemar ?

Plus le temps passait plus cette conversation prenait des tournures qui me plaisaient.

_ Peut être, a t'elle répondu le ton brusque.

_ Pourtant c'est impossible que tu m'ai tué si je me suis noyé, lui ai je fais remarquer ironiquement.

_ Je ne sais pas. m'a répliqué sèchement. Je n'inventerai pas un tel sentiment.

On est resté un moment silencieux à écouter les bruits de la nuit.

Elle savait des choses qu'elle ne me disait pas, son changement d'attitude le prouvait.

_T'es venue à pied ? lui ai je soudain demandé pour revenir sur un sujet plus léger.

Elle hoché la tête.

_Comment t'as su ou j'habitais ?

_ J'ai demandé à Dupont, m'a t'elle répondu.

Décident de ne pas m'en arrêter là dans notre discussion initiale, j'ai rassemblé mon courage.

_Tu sais, j'ai pensé à un truc... ai je repris en suivant une fissure dans le carrelage du bout des doigts.

Lui expliquant le parallèle que j'avais fait entre mon cauchemar et la vision de chez Dupont, omettant cependant de lui parler de la lettre pour ne pas paraître complètement fou, je lui ai dévoilé une part de la réflexion que j'avais eu un peu plus tôt dans la nuit.

Quand j'ai eu fini, j'ai relevé les yeux pour croiser les siens, grands ouvert avant qu'elle ne se lève brusquement.

_ Peut être mais j'ai plus envie de parler de ça ce soir, s'est elle exclamé d'une voix changée.

A mon tour je me suis levé et craignant sans doute que je ne cherche à la retenir elle a fait un pas en arrière:

_ Je vais rentrer chez moi. Salut. 

_ Ouais, à plus, lui ai je répondu en remontant l'escalier du perron sans trop savoir quoi penser de cet échange.

J'ai refermé la porte à clef tout doucement puis je suis passé dans la cuisine boire un verre d'eau.

Un peut éblouie par la lumière cru je n'ai pas vu tout de suite ce qui m'attendait sur la table. Je me suis servi un grand verre d'eau pour noyer toutes les questions qui restaient encore bloquées  au travers de la gorge puis je me suis retourné pour m'adosser au bord de l'évier. C'est là que mon regard s'est posé sur le papier plié, coincé sous un verre vide retourné. J'ai immédiatement su de quoi il s'agissait. La bouche sèche j'ai déroulé la suite de la lettre.

« Un jour, comme toutes les jeunes fille dans ce genre de milieu, il m'a fallu épouser un homme. J'avais dix-huit ans et mon père m'en a choisi un à son goût. Léopold, sur sa photo il ne souriait pas. Il était brun, seulement de dix ans mon aîné et fils de de bonne famille.

Je n'ai rien dis, dans ce genre de famille on ne passe pas outre la loi du père.

Durant nos longues balades au bord du canal ou nos sorties mondaines je me montrais exemplaire, douce, serviable, le laissant me courtiser à sa guise.

Plus le mariage approchait plus je sentais l'étau des conventions et la bonne conduite m'étouffer. Je maudissais cette vie qui m'enchaînait à une existence de femme au regard triste, moi qui rêvais de liberté.

Ce jour que j'avais tant redouté est arrivé. Comme le voulait la coutume familiale, il faisait nuit. J'étais coiffée, maquillée et désormais toute habillée de blanc. Seule dans ma chambre, je songeais à l'existence morose qui m'était réservée. Mon expression demeurait vide et mes joues pales. »

Quand j' eu fini de lire, j'ai plié le papier en deux, en quatre, en huit, en tout petit. Je ne comprenais pas pourquoi cette femme m'expliquait tout ça et encore moins comment le papier était arrivé là, dans ma cuisine. 

J'ai regardé partout autour de moi et pris d'une brusque angoisse j'ai contourné la table pour fermer les rideaux de la fenêtre.  

J'ai éteint la lumière et même dans le noir, j'avais l'impression qu'on m'épiais encore. 

Ce qui me faisait le plus peur c'était de ne pas savoir ce qu'on attendait de moi. Fallait il simplement que je lise des petits bouts de lettre pour découvrir des petits bouts d'histoire? 

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