CHAPITRE 6: Mardi 11 mai/ 2


Il était à présent 17h et je franchissais le portail du lycée dans l'autre sens. Je traversais le nuage de fumée de cigarette et slalomais habilement entre les corps pour m'extraire de cette foule mouvante dont j'avais l'habitude.

J'avais décidé de rentrer à pied pour éviter de la croiser dans le bus. Ça allait me prendre pas mal de temps mais tans pis, j'avais besoin de marcher pour me vider l'esprit.

Prenant la route, j'ai enfoncé mes écouteurs dans mes oreilles et j'ai rabattu ma capuche pour entamer la descente.

Rejoindre le centre puis longer la plage, tourner à gauche, sortir de la ville. Il fallait quarante minutes de marche au moins, mais j'étais vraiment futé d'y avoir pensé...

Puis sur le trottoir d'en face, j'ai repéré une silhouette qui marchait vite. Une silhouette qui me semblait bien pressée de disparaître au coin de la rue.

Je tombais des nues. Je me suis arrêté, les bras ballants, elle avait eu la même idée que moi.

J'ai serré des poings en envisageant aussitôt de faire demi tour. Cherchant une solution, j'ai regardé ma montre qui indiquait 17h10, le bus venait de partir.

Je me retrouvais bloqué et je me sentais idiot de ne pas savoir quoi faire.

J'avais honte, j'étais gêné par le souvenir de cette soirée catastrophique. J'avais l'impression que tout était de ma faute, qu'elle ne comprendrait pas, que j'allais devoir m'expliquer et je détestais devoir rendre des comptes.

Ne sachant pas quoi faire, j'ai augmenté le volume de ma musique et j'ai repris ma route.

Puis, arrivé au croisement ou je devais tourner, j'ai continué tout droit.

Les mains tremblantes et le cœur battant, soudain animé d'une pulsion contraire à mes idées premières, je l'ai prise en filature. Au pire qu'est ce qui pouvait bien m'arriver ?

Je la suivais maintenant depuis dix minutes et toutes les deux secondes j'avais peur qu'elle me crame. J'avançais en gardant une distance, l'air de rien, comme si c'était ma route.

Sans doute que je n'étais pas très bon puisque elle s'est arrêté brutalement au milieu du trottoir.

Je me retrouvais un peut piégé, devant continuer d'avancer comme si je savais ou j'allais. Puis quand elle a traversé la route pour venir se planter face à moi, je me suis maudit d'avoir eu cette idée.

Elle ne disait rien et me regardait droit dans les yeux avec un air qui me rendait nerveux. L'intensité de son regard laissait paraitre une grande détresse qui m'était familière.

_ Salut, ai je bredouillé maladroitement. Est ce que t'es libre pour un café ?

Elle gardait le silence et je me suis obligé à ne pas baisser les yeux.

_ Désolé je sais pas pourquoi je te propose ça, je déteste le café. C'était juste histoire de discuter, rien d'officiel...Une glace si tu préfères. Ou juste que je te raccompagne chez toi, en fait, on est pas obligé de parler tu sais. Je voulais m'excuser pour la soirée... Je comprends pas trop ce qui s'est passé mais...Enfin c'est pas grave.

_ Non, m'a t' elle coupé la voix cassée. Parce que j'ai peur pour toi.

Elle s'est tourné pour s'éloigner et j'ai cru qu'elle allait partir comme ça.

_ Attend! Pourquoi ?

_ Parce que j'ai l'impression qu'il ne faut pas qu'on se rencontre.

Cette fois c'est moi qui suis resté sans rien dire et elle a continué d'une voix plus douce.

_ Désolée, c'est pas contre toi mais je ne veux pas accepter, ni le café, ni...rien.

_Pourquoi t'es venu me voir alors ? ai je répliqué aussi sec.

_Parce ce que je voulais mettre les choses au clair.

Je sentais dans cette discutions que quelque choses avait changé entre nous, c'était plus calme, plus posé.

_Moi aussi j'aimerais bien qu'on mette les choses au clair justement. C'est pour ça que je voulais qu'on parle.

_Je sais pas Matteo... a t'elle répondu.

J'ai pris sur moi pour ne pas laisser transparaitre mon agacement.

_Ok. Tu pourras me dire quand tu le sauras ?

Elle a croisé les bas sur son pull .

_Alors ? Ai je voulu savoir.

_ Je vais réfléchir.

Sur ces mots, elle a tourné les talons pour traverser la route et elle est parti.

Les mains enfouies dans les poches de ma veste et le pas rapide, j'ai remonté la rue pour rentrer chez moi.

J'avais toujours quarante minutes de route et pourtant, perdu dans mes pensées je ne me suis même pas rendu compte d'avoir marché.

En arrivant au coin de ma rue, je me suis assis sur le banc de l'arrêt de bus et j'ai sorti le papier plié auquel j'avais pensé toute la journée. Je l'ai déplié et j'ai lu:

« Je m'appelle Samantha et pour ça, je n'avais pas mentis.

Je suis née un jour de mai dans une famille aisée, dotée d'un patrimoine important et d'une belle place dans la société.

Pourtant, de savoir que mes chaussettes étaient plus blanche que celles des autres ne m'a jamais vraiment importé.

Quand arrivait la nuit, trois fois par semaine je sortais de cette ambiance bourgeoise pour gagner l'effervescence de la ville, la modernité, les discothèque, les bals, les bars, la musique, le rock. Je voyais la débauche dans les rues, ces femmes vêtu très court et les rats qui courraient dans les ruelles sombres. Je baissais les yeux sur mes chaussettes blanches.

Je prenais toujours le même chemin, m'assurant de ne pas être suivie. Arrivé au porche, je frappais trois coups puis cinq puis un et la porte s'ouvrait.

Dans le vieux vestiaire, je troquais mes talons hauts et mes foulards de soie pour des shorts et des gants de boxe.

Je montais sur le ring. Les cheveux relevés et les mains bandées je m'entraînais au combat. J'étais première de ma catégorie et à 18 ans j'étais le nouvel espoir féminin de la saison.

Cette vie douce m'apportait ce dont j'avais besoin, c'était familier et vivifiant. Pourtant je savais que c'était éphémère et qu'il me devait d'être réaliste.»

Cette fois je ne l'ai lu qu'une seule fois. Je l'ai replié, l'ai glissé dans ma poche et je suis rentré à la maison.

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