CHAPITRE 6: Mardi 11 mai/ 1
Je montais la rue un peut trop vite avec les grilles du lycée comme ligne de mire. Je détestais arriver en retard.
J'étais morose, samedi après midi pendant ma virée plage avec Alyzée, j'avais racheté un plein paquet de brosse à dents bleu. Ce matin dans le pot la brosse était de nouveau rouge et le paquet avait disparu, impossible de mettre la main dessus.
Parfois il m'arrivait de penser que ma vie entière était une illusion, une vaste blague. Que quelque part, on regardait mes aventures, on rigolait de mes tourments, on se divertissait de mes galères.
Les matins moroses et gris comme celui là, je les détestais. C'était étrange ces deux derniers jours passées, personne dans le bus, pas de lettre planquée dans le paquet de céréale et plus de cauchemar.
Deux jours affreusement banal mais contrairement à ce que j'aurais pu imaginer, ce silence m'angoissait.
Sous mes yeux les cernes ne s'estompaient pas si facilement, même si mes nuits étaient vides de songes, elles étaient remplis de questions.
J'analysais, je construisais des théories que je démontais ensuite, j'inventais des scénarios, je réfléchissais trop.
Combien de fois avais je repensé à cette dernière soirée chez Dupont, à ce qu'elle m'avait dit dans le bus, à la lettre que je ne comprenais pas.
J'ai relevé les yeux pour ne pas me faire écraser en traversant la rue puis comme un élèves modèle, j'ai sonné au portillon qui s'est ouvert dans un grincement de bienvenue.
J'ai grimpé les marches quatre à quatre et remis mon carnet à la femme de l'accueil. Visiblement elle était moins pressée que moi, elle mâchait son Chewing-gum d'un air placide en cherchant le stylo de la bonne couleur pour signer, le tampon de la bonne forme pour tamponner, le tout sans quitter des yeux sa partie de Candy Crush.
Quand elle m'a rendu mon carnet avec un mince sourire j'ai filé sans demander mon reste.
Une fois devant la porte de la salle E 205 j'ai pris une grande inspiration pour trouver le courage d'entrer.
_Yeeeeees? a répondu la prof d'anglais de sa voix de crécelle en ouvrant la porte.
Son crayon en l'air elle m'a regardé quelques instants en prenant un air théâtrale.
_ Matteo! Quelle surprise ! Je ne m'attendais pas à te voir ce matin, it's nice of you to come!
Son sourire trop grand m'agaçait puis d'une voix sans chaleur elle tendit la main.
_ Montre moi ton carnet.
Elle m'énervait elle et son air supérieur mais naturellement j'ai gardé mon calme et je me suis justifié.
_ Mon réveil n'a pas sonné.
Tous les yeux étaient braqués sur nous et quand je lui tendis mon carnet, deux feuilles pliées format bloc note de cuisine en tombèrent. Je les ai ramassé très vite pour les ranger dans ma poche.
Mme Traficar me tendît mon carnet du bout des doigts.
_ It's ok, go sit down ! A t' elle marmonné les lèvres pincées.
Les baissés, je me suis faufilé entre les tables jusque au fond de la classe pour rejoindre ma place habituelle.
Mais à mi chemin, l'oxygène m'a semblé brusquement chargé d'un parfum que je connaissais trop bien. Je devinais Dupont tout sourire à l'autre bout de la salle, cherchant à capter mon regard, comme si je n'avais pas compris à coté de qui il était assis.
Les larmes me sont montées aux yeux sans comprendre pourquoi. Comme ce jour ou je l'avais vu pour la première fois dans le bus.
_ Madame, c'est possible d'ouvrir la fenêtre s'il vous plaît ? ai je demandé d'une voix contenue.
Ignorant ma demande, elle poursuivit son cours un peu plus fort.
Me sentant de plus en plus mal à l'aise, j'ai fermé les yeux et posé la tête contre le mur. Je ne savais pas ce que j'avais le plus de mal à supporter, son parfum qui saturait l'air, la gène de la savoir dans ma classe ou la suite de la lettre dans ma poche que je ne pourrais lire qu'une fois rentré chez moi.
C'est encore une belle journée qui s'annonce, ai je pensé.
Suite du chapitre 6: A suivre...
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