CHAPITRE 5: Samedi 8 mai/ 3
J'avais oublié à quel point une glace pouvait être froide. J'avais également oublié à quel point je n'aimais pas les sorbets citron pistache.
Sur la plage de la baleine, il n'y avait que nous et un chien qui courait dans le sable comme un déluré. En ce samedi après midi tout gris, assis sur le ponton de bois, ma glace à la main, je frissonnais et j'ai fermé les yeux pour que le sable ne puisse pas y entrer.
D'une main j'ai resserré le col de ma veste; à ce geste anodin, il y avait deux raisons, la première c'était le vent qui me soufflait dans le cou et la seconde c'était mon malaise face à cette mer qui me terrifiait.
Juste pour en être sur, j'avais demandé à ma sœur en arrivant :
_ T'aimes bien ici ? Cette plage, elle ne te fait pas une sensation bizarre ?
Alizée avait froncé les sourcils l'air de réfléchir sérieusement à la question.
_ Non ! Au contraire, je crois que c'est mon endroit préféré, surtout quand je viens avec toi ! m'avait elle assuré avec un sourire sincère. J'aime bien imaginer que je pourrais y voir une baleine. Pourquoi ?
_ Comme ça... avais je répondu.
Elle était assise près de moi, avec le vent ses cheveux lui revenant sans cesse sur le visage et elle les repoussait d'un geste agacé en essayant de me convaincre de venir dans l'eau avec elle.
_ Mais tu veux jamais te baigner ! Viens avec moi ! insistait elle.
_ Bien sur que non, tu as vu le temps ? Il fait trop froid !
Mais il n'y avait pas que ça... Je me trouvais confronté à ma peur bleu de l'eau qu' Alizée n'avait jamais comprise.
_ Mais allez viens, fais pas ta chochotte !
Alors que j'allais encore refuser, mon téléphone s'est mis à vibrer dans ma poche.
Je me suis levé, dérangé par le nom qui s'affichait sur mon écran. Dupont.
J'avais tout fait pour l'éviter depuis cette soirée.
En sortant de l'hôpital jeudi, quand j'avais allumé mon téléphone dans la voiture, les cinq appels manqués et les douze SMS m'avaient mis mal à l'aise. Alors j'avais juste répondu « oui ça va t'inquiète. toujours vivant, je sort de l'hosto. Je reviens en cours lundi on s'appelle. A plus. »
Bien sur, je ne l'avais pas appelé, j'avais manqué de courage.
Je ne savais toujours pas quel mensonge lui servir et j'avais espéré naïvement qu'il ne me demande aucune explication.
_ J'arrive, je reviens... ai je informé ma sœur en m'éloignant.
J'étais plongé dans un débat intense avec moi même. Décrocher ? Raccrocher ? Je ne savais pas quoi faire.
Je n'avais pas envi de m'embrouiller avec lui lundi matin. C'est donc l'égoïsme qui m'a forcé à appuyer sur la touche verte pour décrocher.
_ Mattéo ! s'est aussitôt exclamé Dupont. Pourquoi tu ne m'as pas appelé ?
_ Ça va... marmonnais je. Je t'ai envoyé un texto. J'étais fatigué.
_ Deux jours après ! T'aurais pu penser à moi ! Qu'est ce que tu crois que j'ai pensé? J'étais en haut, j'attendais les pizzas tout seul dehors dans le froid parce que le livreur s'était trompé d'adresse... Je râlais contre toi et ta mauvaise humeur quand le livreur de pizza est finalement arrivé. Quand je vous ai appelé pour demander de l'aide et que personne n'a répondu, j'ai eu peur !
Malgré moi je ne pu m'empêcher de rire face à son discours emporté.
_ Arrête de rire Matteo! s'est il énervé. Après je suis descendu en panique et là, j'ai vu le sang sur ton front et... vos deux corps effondrés l'un sur l'autre ! J'ai rien compris et j'ai presque cru que vous étiez morts ! Je n'ai pas su quoi faire...
Après un silence Dupont a repris plus calmement.
_ Je suis remontée dans un état second et j'ai appelé les pompiers. J'étais en état de choque, incapable de redescendre, je suis resté là, à les attendre sur le perron de la maison. Après le livreur de pizza , c'est l'ambulance qui s'est trompée de rue. Ils sont arrivés dix minutes en retard et ils vous ont emmené sur des brancards. Ils m'ont demandé des explications mais je n'ai même pas su quoi dire ! Résultat ? Ils m' ont soupçonné ! J'ai failli passer le reste de ma soirée chez les flics et le reste de ma vie chez le psy... Et toi qui ne me répondais pas ! L'hôpital était injoignable et c'est seulement quand j'ai eu ta grand-mère au téléphone que j'ai appris que tu étais vivant !
J'écoutais en silence sa voix tremblante qui trahissait son état de stress et d'incompréhension.
_ C'était un accident Dupont... ai je répondu doucement. M'engueule pas c'est pas de ma faute, j'avais pas mon téléphone à l'hôpital. Mais écoute... je suis désolé d'avoir gâché la soirée, me suis je excusé.
_ T'es marrant toi. Et hier ? Et aujourd'hui ? T'avais toujours pas ton téléphone ? m' a t' il reproché.
Un long silence est passé.
_ Passe chez moi maintenant je t'attends. Je veux savoir ce qu'il s'est passé, s'est il repris.
Par dessus mon épaule, je me suis tourné pour regarder Alizée qui m'attendait toujours, assise face à la mer les cheveux dans le vent et les genoux remontés contre la poitrine.
J'ai glissé une main sur ma nuque mal à l'aise.
_ Non, là je peux pas.
_ Arrête de te défiler ! s'est il énervé à l'autre bout du fil.
_ Dupont, je te jure que je ne me défile pas, lui ai je assuré.
_ Ok. Alors explique moi maintenant.
M'éloignant encore d'Alizée, marchant sur le petite sentier de terre qui bordait la plage, j'ai commencé par la question qui me brulait le bout de la langue depuis le début de notre conversation.
_ Ta voisine, tu sais si elle va bien ? Si elle est rentrée chez elle ?
Dupont laissa échapper un rire jaune.
_ Oui. Elle est revenue chez elle mercredi !
C'était comme si tout mon corps s'était relâché d'un coup et j'ai bégayé sans plus savoir ce que je devais dire.
_ Alors Mattéo ?! s'est énervé Dupont.
Ah oui, la soirée me suis brusquement souvenu.
_ En fait, en me penchant pour attraper une manette de jeu, je me suis tapé le front dans le coin de la table, ai commencé maladroitement, tissant au fil des mots ma toile de mensonge. Rigole pas ! J'étais énervé, fatigué et... voilà. Elle, je pense qu'elle a comme... la phobie du sang. C'est partie en live et j'ai essayé de la calmer mais elle s'est évanouie. Après... dans la panique, je perdais pas mal de sang, je me souviens juste que je ne voulais pas tacher ton canapé. C'est devenu tout noir et j'ai perdu connaissance. Les médecins m'ont dit que j'avais fait une chute de tension et que j'avais un léger traumatisme crânien.
Mon mensonge était tellement bancale que j'ai fermé les yeux m'attendant de nouveau à une explosion de colère. C'était une toute nouvelle version de la soirée que je venais d'offrir à Dupont. Il ne répondait rien alors je me suis excusé.
_ Je suis désolé Dupont... j'avais trop honte. En plus, je sais que tu l'aimais bien cette fille... je pensais que tu allais m'en vouloir alors je t'ai rien dit.
Je brodais comme je pouvais pour rajouter du corps à l'histoire.
_ Mais non... a repris Dupont d'une voix adoucie. Je t'en veux pas mon frère... bien sur je comprends, tu sais qu'on peut tout se dire...
La culpabilité s'est envolée en même temps qu'est apparu le soulagement, laissant comme un grand vide qui me libérait le coeur.
Suite du chapitre 5: A suivre...
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