CHAPITRE 5 : Samedi 8 mai/ 1
J'avais des chaussettes et pourtant le froid des carreaux de la salle de bain parvenait encore à me faire éternuer. « Mets des chaussons ! » m'a t'on pourtant répété toute mon enfance. Je crois qu'il y a des choses comme ça qu'on est prédisposé à ne jamais appliquer.
J'ai traversé la petite pièce pour ouvrir la fenêtre simple vitrage aux joins moisis, collée par l'air marin.
Dehors il faisait chaud, dedans il faisait froid. Je crois que je ne m'étais pas encore tout à fait remis de mon séjour à l'hôpital.
Les résultats d'analyses positifs étaient arrivés jeudi et puisque tout allait bien, j'étais sorti l'après-midi même.
J'avais passé les 48 heures suivantes à dormir, comme pour rattraper les heures de sommeil manqués de toute une vie.
Depuis cette fameuse soirée chez Dupont où je m'étais tapé la tête, je n'avais plus fait aucun cauchemar. En retrouvant ma maison, ma chambre, mes habitudes, je m'étais presque attendu à ce qu'il réapparaisse.
Ce ne fut pas le cas et ça me chamboulait. Je me rendais compte maintenant à quel point ce cauchemar influait sur mon existence.
Quand j'avais rallumé mon téléphone en rentrant de l'hôpital, j'avais fait le muet et le sourd à tous les messages que j'avais reçu. J'avais seulement répondu à Dupont par un SMS un peut vague pour éviter de perdre le seul ami que j'avais.
Je n'avais eu aucune nouvelle d'elle. Tans pis, après tout, qu'est ce que j'en avais à faire... ?
Debout face au lavabo, j'ai machinalement cherché ma brosse à dent bleu. J'avais toujours eu des brosses à dents bleu, c'était une habitude que je n'avais pas envie de changer. Pourtant, dans le pot il n'y avait qu' une brosse à dent rouge.
C'était la même marque qu'avant mais la seule différence c'est qu'elle était rouge. Impossible.
J'ai ouvert l'armoire à pharmacie au dessus du lavabo, il devait forcément en rester une bleue. Forcé de constater l'évidence qui me sautait aux yeux, j'ai refermé les battants.
_ Elle est passée où ma brosse à dent ? ai je crié du haut de l'escalier.
De la cuisine Jinette m'a répondu l'air agacée.
_ Commence pas ton cirque ! Je l'ai jeté ta vieille brosse... Il y en a un plein paquet dans l'armoire.
De quel droit se permettait elle de fouiller mes affaires ? Est ce que je triais ses tiroirs à chaussettes moi ?
_ Elles sont ROUGES ! me suis je récrié.
_ Combien de fois t'ai je demandé de venir faire les courses avec moi ? a t' elle répliqué aussi sec.
C'était la fin de la discussion je le savais, comme toujours elle avait gagné. En furie, j'ai rejoins la salle de bain.
_ Fais chier ! ai je ragé en faisant glisser une serviette accrochée à la porte. Puis en me penchant pour la ramasser et la raccrocher, elle tomba de nouveau au sol. J'ai serré des dents et je l'ai laissé là. La journée commençait bien.
La brosse à dent rouge dans la main gauche, j'ai plié le tube du pouce et de l'index de la main droite pour en faire sortir une limace de dentifrice rayé. C'était le même geste répété encore et encore.
Quand j'ai eu fini de me brosser les dents, j'étais redevenu calme.
En sortant, j'ai suspendu la serviette qui, cette fois resta accrochée.
J'ai descendu les escaliers et je me suis retrouvé seul ne sachant pas quoi faire. Pas d'ami à aller voir, pas de super sortie, pas de devoir à faire...
Je n'avais pas oublié ; samedi, c'était le rendez vous avec ma sœur, la glace citron pistache. Pour une fois je n'avais rien de prévu pour y échapper.
Assise au sol, ses cahiers étalés sur la table basse du salon, Alyzée faisait ses devoir, un crayon entre les doigts et un air concentré sur le visage.
Je trouvais qu'elle avait grandis ma sœur, comme si elle avait changé d'un seul coup.
Intimidé de faire le premier pas, je l'observais du seuil de la pièce, hésitant.
Entre nous depuis l'hôpital, c'était une partie de roi du silence ou personne ne voulait perdre.
Penaud je me suis approché.
_ Tu veux que je t'aide ?
D'un claquement sec elle a fermé son classeur faisant voler des feuilles au sol. Je me suis penché pour les ramasser, elle faisait des maths ou plutôt elle essayait d'en faire. Des gribouillages remplissaient les marges, une farandole de cœurs dessinés au marqueur rose et accompagnés d'un unique prénom écrit dans toutes les calligraphies.
Elle m'arracha la feuille des mains en me jetant un regard noir.
_ Tu ne m'as jamais dit qui c'était ce Hugo !... ai je souris en essayant de paraitre cool et détaché.
_ Et toi, tu as pensé à tout ce que tu ne m'avais jamais dit ? De toute façon, qu'est ce que tu en as à faire de mes histoire ? J'aurais pu me faire harceler et tu ne l'aurais même pas remarqué.
J'ai instantanément perdu mon sourire, que venait elle de sous entendre ?
_ Quoi ?! me suis je exclamé en posant la liasse de feuilles sur la table.
_ Ah ça y est ! s'est elle exclamé. Monsieur s'intéresse !
Dans un mouvement emporté, elle se leva pour partir mais les anneaux de son classeur lâchèrent. Dans un gros splasch sourd son contenu s'éparpilla au sol.
Marmonnant entre ses dents elle s'est accroupis pour rassembler les feuilles éparses.
_ Alyzée ? ai je demandé.
_ Quoi ? s'est elle exclamé exaspérée.
_ Tu te fais harceler au collège ?
Elle leva les yeux au ciel.
_ Tu ne m'écoutes pas où tu fais semblant ? Bien sur que non !
_ T'es sûre ? ai je insisté.
Emportée par la colère elle mélangeait les feuilles qu'elle rassemblait et moi je la regardais faire.
_ Tu ne sais rien de ce qui se passe dans ma vie ! Tu ne me demande jamais rien ! De toute façon tu t'en fiches. Tu n'écoutes même pas ce que je dis.
Elle s'est levée empoignant le tas de feuilles froissés et le classeur vide pour monter les escaliers rapidement.
Et moi je restais encore planté là comme un idiot, immobile et silencieux parce que je ne trouvais plus les bons mots pour lui parler. C'était pas possible cette vie...
_ Attend ! me suis je repris, tentant de la retenir. C'est vrai... tu as raison, je suis nul, je crois que je ne sais pas bien faire. Mais tu sais, j'ai pas oublié notre rendez vous d'aujourd'hui et j'ai bien envie d'une glace citron pistache, pas toi ?
J'ai attendu; qu'elle argumente, qu'elle s'énerve, qu'elle pleure. Pourtant elle ne disait rien.
_ Tu me pardonne ? ai je demandé d'une petite voix.
Elle continuait de monter l'escalier mais d'un pas moins pressé.
_ J'arrive, a t' elle finalement répondu sans se retourner.
Suite du chapitre 5: A suivre...
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