•𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 𝟑𝟐•

J’étais avec Red lorsque s’était arrivé. Son téléphone vibra. Pensant qu’il s’agissait de Papyrus, il décrocha sans même un regard sur l’écran et attendit qu’un flot d’insultes lui arrive en pleine face. Mais il n’y avait rien eu de tout ça. Juste une phrase. Une seule phrase que j’ai pu capturer avant qu’il ne bondisse hors du canapé pour courir jusqu’à sa chambre, portable en main. Au téléphone, j’ai entendu « Je suis désolé » et je sus qu’un soldat venait de réapparaitre. Nous étions le premier mars quand il est revenu dans notre vie. Par respect, je n’ai pas suivi Sans jusque dans sa chambre. J’ai attendu son retour pour lui demander des explications, mais il est resté silencieux. Il a fini la soirée la tête sur mes genoux, les pupilles rivés sur l’écran de notre série. Je n’ai rien su ce soir-là, sur la disparition de PurpleFire.
J’attendrai qu’il soit prêt de lui-même pour tout m’expliquer.

C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé le lendemain soir, après quelques heures au Mushroom Dance. Comme souvent, je l’attendais à l’entrée. John Kevinston, le propriétaire du Buckstars, passa à côté de moi sans me voir. Ses cornes d’ivoire manquèrent d’assommer un monstre noir et gluant que tout le monde appelait Vidoco. Ce dernier adore les shoots de venins. Ce type est un sociopathe, moi j’vous dis… Bref. Donc j’attendais sagement que Red sorte, parce qu’il devait attendre un plongeur avant de lui remettre les clefs. Bah oui, c’est pas nous qui allons faire la vaisselle encore, non mais oh.

C’est alors que je l’ai aperçu. Il était tout sourire mais faisait mine que non. Quand il arriva à ma hauteur, il me décoiffa d’une main et me fit un signe silencieux de le suivre.

« Tu ne nous téléportes pas ? »

Il ricana doucement de sa voix rauque.

« Il fait doux, tu ne trouves pas ? »

Subtile comme invitation de marcher un petit bout. Comme il n’avait pas tout à fait tort, je lui emboitai le pas après avoir réajusté mon sert-tête. Mon collant troué me donnait presque chaud, signe que la douceur du deuxième jour du mois de mars se faisait réellement ressentir. Les immeubles grattaient le ciel de leurs hauteurs surplombantes, et le ciel dégagé, d’un noir d’encre profond, se laissaient intimement picorer de taches de rousseur coruscants. L’une d’elles, filantes, déchira l’espace dans une trajectoire bien définie. Je fermai les yeux pour faire un vœux.

Faites que je sois heureuse.

En les rouvrant, c’était pour remarquer que Sans avait fait halte. Je l’interrogeai du regard lorsqu’il tourna la tête vers moi, le visage passif.

« Oui ? »

Une seconde suffit pour que je retrouve son sourire.

« Rien, désolé. Je réfléchissais.

- À ton amoureux ? »

Silence.

« Pourquoi tu ne veux rien me dire, Red ?

- Heh, et dire quoi ? Il travaille, tu sais, et entre temps il s’est passé plusieurs choses. Il n’avait pas le temps. Et puis ses amis lui ont interdit de me répondre pour ‘voir’ ce qu’il se passerait, et quand il était tenté, on lui confisquait son portable. Je lui en ai voulu seulement le temps d’un appel téléphonique. »

Il tourna le visage vers le ciel et les étoiles se reflétèrent alors dans ses pupilles rubis.

« C’est pas cool de leur part.

- Nope.

- … Dis, Red, tu as peur que votre histoire ne dure pas ?

- J’ai peur qu’elle ne commence jamais. »

Sa voix me parut bien bleue à cet instant.

« Red, de quoi as-tu si peur ?

- Je ne sais pas.

- Tu sais que je ne laisserais plus personne te faire du mal, Red.

- … Je sais.

- Et tu sais aussi qu’on s’est promis de ne plus rien se cacher.

- On est deux gros menteurs, pas vrai ? »

Son regard ne me jugeait pas, et son constat sonna affirmatif. Je préférai ne pas y répondre.

« On s’est rencontré sur internet. J’avais commenté une horrible musique et il s’est moqué de moi.

- Ah oui ? »

Il hocha vaguement la tête tout en sortant une cigarette. Il l’alluma d’un tour de magie. Sa première latte me sembla particulièrement épaisse.

« La chanson dit… : Cela fait longtemps que j’ai décidé de ne plus tomber amoureux. Et c’est là que tu es apparu.e, mon chaton chaton chaton. »

Il avait soufflé ses paroles sans mélodie, juste une vulgaire poésie.

« Je ne suis jamais tombé amoureux auparavant, mais je sais ce que c’est que d’aimer. J’ai profondément aimé Paps. Et puis j’ai toi, maintenant.

- Alors c’est quoi le problème ? »

Un second rejet de fumée se dispersa dans l’air tandis que nous reprenions la marche.

« Le problème ? Il n’y en a pas, justement. C’est trop simple. Je crois que c’est ça qui me fait peur. »

Lorsque nous sommes rentrés à l’appart, il devait être trois heures passées. Je remerciai ma Créatrice – cette tchoin – que je n’aie pas cours aujourd’hui, et me laissai tomber dans mon lit de fortune. À travers la brume de sommeil qui me parvenait difficilement, je distinguais les bruits de pas de Sans qui déambulait jusqu’à sa chambre, dans l’obscurité, sur le parquet usé.

[…]

Le vingt mars, soit deux semaines après cette conversation, aurait dû être un jour comme un autre. Je me suis levée vers neuf heures, le soleil de dimanche avait déjà percé les immeubles, et je me suis sentie… Vide. Comme si quelque chose me manquait, et après m’être vue dans le miroir de la salle de bain, je me suis dit que c’était l’absence de mon horrible père qui me rendait ainsi.
Je me suis changée. Un pull rouge à col roulé et un pantalon large pour briser les habitudes – comme mes deux-trois jupes étaient à la lessive – et oh putain, où est-ce que j’avais rangé mon sert-tête ? J’enfonçai mon collier sous mon haut et partis à la recherche de mon bien précieux. Tiens, il n’y avait personne, comment cela se faisait-il ? Edge, d’accord, il partait souvent courir en fin de semaine, mais Red ? Curieux.

Sans parvenir à trouver mon couvre-chef, je dus me résoudre à attacher mes cheveux avec un élastique usé qu’utilisait généralement Papyrus pour fermer des paquets de pâtes. Ma crinière avait suffisamment poussée pour que je puisse me le permettre.

Sur le balcon, le cendrier était vide. Je sortis mon portable et tentai d’appeler Red. En vain.

En voulant rentrer dans le salon, j’entendis un bruit d’explosion. Je sursautai. Mon âme apparut, brillant d’un éclat blanc, et des fleurs me poussèrent sur les épaules. Je secoue la tête, chassai la végétation de ma peau et le cœur s’évapora. Je retournai sur le balcon et aperçus la source de ma frayeur. Juste deux voitures qui s’était heurtées, et les conducteurs, visiblement un humain et un monstre, étaient à deux doigts de se tabasser. Après avoir refermé la porte du balcon, je me permis de soupirer.
J’entendis alors mon téléphone sonner, brisant ma bulle de tranquillité en mille éclats. Là encore j’avais sursauté, là encore ma magie s’était activée. Jurant dans ma barbe, poussant les feuilles portes avec le pied, je décrochai.

« O-ouais…

- Strawberry, tu es debout ?

- Non je dors, Red, je suis somnambule. Tu fous quoi ? T'es où ?

- Va au Muschroom Dance, tu dois y être pour dans trente minutes.

- Hein ?? Mais pourquoi ?

- Tu verras. Et prends ton sac mais vide-le avant.

- Red, à quoi tu penses… Oh le con il a raccroché. »

Je fixai l’écran de mon cellulaire avec un étrange présentiment. Hâtivement, je vidai le contenu de mon sac à dos sur la table basse, enfilai mes baskets et quittai l’appartement, sans oublier de fermer la porte après mon passage, bien entendu.

Le bar était fermé et il n’y avait personne devant lorsque je suis arrivée. Adossée à même le mur, je patientais, les yeux rivés sur les voitures qui traversaient mon champs de vision. C’est alors qu’une boîte de conserve roula à mes pieds. Je m’éloignai de mon mur, surprise, pour la regarder continuer sa dégringolade un mètre plus loin. J’allais me retourner pour voir de qui cela venait, mais ma vue fut alors étouffée par un foulard noir qu’on me jeta sur la tête. Un crie peu virile m’échappa tandis que d’un geste brusque je le fis choir, avant de tomber nez à nez avec Red, qui s’efforçait de ne pas éclater de rire.

« Sympa.

- Désolé, c’était tentant. »

Il ramassa le foulard.

« Tu as peur du noir ?

- Euh… Non ? Pourquoi ?

- Je peux te bander les yeux alors.

- …

- Aller, Straw, fais-moi plaisir.

- Red, à quoi tu penses ?

- Je vais t’emmener quelque part.

- Où ?

- Si tu veux le savoir… »

Il remua le foulard sous mon nez. Foulard que j’arrachai de ses mains pour le nouer autour de ma tête, marmonnant dans ma barbe.

« Sage décision, gamine. »

Il nous téléporta et, main dans la mienne, me tirait silencieusement. Mon estomac faisait des nœuds tant j’appréhendais la suite. Oh non, et s’il m’abandonnait dans un endroit perdu ? Où il me serait impossible de retrouver mon chemin ? Il m’a trouvé une nouvelle famille d’accueil. Oh bordel. Ou pire, il compte me vendre comme esclave. Une esclave sexuelle mineure ! Putain putain putain ou alors je vais me faire descendre. Oui, voilà. Ils en avaient tous marre de se coltiner une humaine insignifiante. Le sac vide sert à y ranger des morceaux de mon corps découpé. Ou alors une diversion ? Merde, et si…

« Nous y voilà. »

Mon cœur menaça d’arrêter de battre.

« O-où sommes-nous ?

- Paps va pas tarder à nous rejoindre. »

Alors comme ça lui aussi était dans le coup ? J’aurais dû m’en douter… Je note qu'il n'a même pas répondu à ma question, surtout.

« Sans ! Lhea ! Vous voilà enfin !

- Yep.

- Vous avez tout ?

- Yep.

- Lhea ? »

Je demeurais silencieuse. J’étais profondément angoissée. Et j’avais très peur de retirer mon foulard.

« Straw, tu te sens bien ? s’enquit alors Red, sa main sur mon épaule.

- O-oui, ça va… mentais-je en arborant un sourire forcé.

- Bon, alors si tout va bien, nous pouvons terminer ce que nous avons commencé ! Nyehehe, suivez-moi ! »

Red me poussa doucement et, docilement, je me laissai guider. Une porte s’ouvrit. Une étrange mais douce odeur régnait en maître dans le lieu dans lequel nous sommes projetés, et toutes mes angoisses disparurent. Je pus baisser le foulard et admirai, les yeux écarquillés, ce que j’avais en face de moi.

« Une… Une librairie…

- Eh ouais, répondit le plus âgé des squelettes en m’envoyant un léger coup de coude dans le bras.

- Une putain de librairie géante…

- Nous sommes dans une ville voisine, il n’y en a pas de ce genre chez nous, renchérie Papyrus.

- Comme tu adores lire et que tu as déjà dévoré celui que l’on t’avais offert pour Noël, on s’est dit que tu pouvais en choisir ici ?

- Ch… choisir des livres ? répétai-je, les yeux humides. J’adore lire…

- On sait ! soupira Edge.

- ‘Bone’ anniversaire Straw. »

Finalement, le jour de mes quinze ans se passait plutôt bien.

[…]

Finalement, la vie se passait plutôt mal.

La mort. J’y pense souvent, un peu trop, peut-être, pour mon âge. C’est un sujet qui m’écœure et quand même, elle est l’unique but de notre vie.

La mort.

C’est joli comme mot, n’est-ce pas ? À entendre, je veux dire.
Pourquoi penser à la mort ? Eh bien, c’est ce qui arrive. À tout le monde. L’immortalité n’existe pas, pas à l’échelle planétaire. Tu nés, tu vies, tu meurs. Un petit noyau avec de l’ADN et de la magie.
Marrant, n’est-ce pas ?

L’Underfell était vraiment un monde pourri. Pourri jusqu’à l’os. Et moi, j’étais seule. Dans cette rue. Un corps de monstre immobile à mes pieds.

La mort... Plus j’y repense, et plus on dirait un souvenir qui ressasse encore. Et encore. Et encore. Dans ma tête. Dans mon âme hyalin. Putain. Je vois encore ses yeux vides. Son genoux gauche a heurté le sol en premier. Je me rappelle de chaque détail de sa chute. Et moi, ridiculement immobile, je n’ai rien fait. J’ai cru mourir à sa place. Mes battements de vie s’étaient tus. Du sang. De la moelle. De la moelle partout. J’en avais reçu plein le visage et c’était à peine si, à travers l’impact corporel, je pouvais apercevoir le visage de l’arme encore fumante qui m’avait objectivement pointée.

La vie est un mensonge. La mort, au moins, a l’audace crue d’être honnête.

Mais revenons-en à quelques heures plus tôt…

-♡-♡-

... Au prochain chapitre :3
*se protège la tête* NE ME FRAPPEZ PAS NE ME FRAPPEZ PAS ! Ouais, moi aussi je vous aime. Comment allez-vous en ce joyeux confinement ? Moi ça va. J'ai choppé un gros coup de soleil dans mon jardin la veille. C'est le deuxième (ou le troisième ?) depuis le début de cette pandémie... Je vous en parle parce que ça a un lien avec l'histoire. Je vous explique : Tout est beau, le soleil brille, tu lis tranquillement dans le jardin pendant 2 heures et PAF coup de soleil. Urg. Et c'est ça qui m'a inspiré (j'ai eu beaucoup de peine à trouver la fin de ce chapitre, il faisait un peu court) bref et du coup voilà. Coup de soleil dans la vie de Lhea.

Ouais moi aussi je vous aime les coco, à la prochaine ! ♡

Et joyeuse Pâques :3

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