•𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 𝟑𝟏•
Le souvenir de cette journée fut la dernière chose à laquelle je pensai lorsque je fermai les yeux pour de bon. Cette nuit, dans le canapé où je dormais, une certaine fraicheur naquit dans la pièce. J’étais de retour dans le train. Ce train dont j’ai tant de fois rêvé, déjà. Les sceaux de lumière parcouraient le wagon à cadence effrénée, avec le son si particulier des roues dans les raies.
Tchouchou. Tchoutchou. Tchoutchou.
Les siennes étaient vides. Il n’y avait que moi et… moi ? Je fronçai des sourcils en concert avec les siens. Elle était moi mais… Mais comme si j’étais différente. Elle portait un sweat rose et des mitaines de mêmes rayures que ses chaussettes hautes, qui agrémentaient sa jupe en jeans. Ses cheveux, impeccablement brossés, lui tombaient quelques centimètres en dessous de ses épaules, son ruban blanc la rendait plus enfantine que ce qu’elle essayait de paraître. Ses deux yeux amethyste me dévisageaient avec beaucoup de questions.
« Salut ? »
Un virage dans le tunnel du métro manqua de nous faire perdre l’équilibre à toutes les deux. Je lui répondis dans un souffle.
« Salut… »
Elle balaya le wagon du regard.
« Alors comme ça… Nous sommes dans un train ?
- Il faut croire.
- Drôle de rêve, pas vrai ? Je savais que les songes avaient des interprétations mais je n’ai jamais rêvé de ça.
- Tu verras, on s’y habitue vite. Tu as le mal des transports ? »
Elle rit à ma dernière question. D’un rire beaucoup trop beau et joyeux pour que cela puisse venir de quelqu’un qui me ressemble.
« Je m’appelle Lhea.
- Moi aussi. Enchantée.
- Étrange comme rêve, en effet. Tu es quoi, une partie de ma personnalité ? »
Je penchai la tête sur le côté, interrogative.
« Non, je suis un être à part entière, aux dernières nouvelles…
- Ah, okay… »
Silence.
« Bordel, on se fait chier ici !
- Langage. Si tu es vraiment moi, tu ne dirais pas ce genre de vulgarité.
- Attends quoi ? … Mon cerveau est vraiment en train de pécloter. Moi qui ne dis pas de grossièreté ? Impossible.
- …
- Dis, est-ce que je suis vraiment en train de rêver ?
- Je ne pense pas, vu que… c’est mon rêve… »
Silence. Si encore nous en étions amusées quelques minutes avant, à présent, un certains malaise nous avait gagnées.
« Pour de vrai, qui es-tu ?
- Je pourrai te retourner la question.
- Tu es moi mais… En moins…
- Tu es moi mais… en plus… dit-elle en même temps que moi. Sombre ?
- Heh ! C’est toi qui est habillée bizarrement !
- Hein ?? s’outra-t-elle alors. Mais pas du tout ! Moi au moins j’ai pas l’impression de m’être coiffée avec une tasse ! »
Je passai une main dans mes cheveux courts.
« PUTAIN MAIS MES CHEVEUX VONT PARFAITEMENT BIEN ! »
Elle fronça des sourcils sans répondre. Un temps passa.
« Dis, est-ce que tu… es vraiment Lhea ?
- Mais oui puisque je te le dis !! »
Elle cogita quelques secondes encore.
« C’est tordu comme hypothèse mais peut-être que toi et moi, nous venons d’univers parallèles ? …
- Chelou…
- Tu me crois pas ?
- J’sais pas trop. C’est tordu comme idée, en effet. Mais présente-toi voir, que je juge si je peux vraiment accepter le fait que nous soyons la même personne. »
Elle eut une drôle de grimace avant de soupirer, vaincue. Elle se présenta :
« Je m’appelle Lhea. Ce sont mes parents adoptifs qui m’ont baptisée ainsi. Mes parents biologiques sont décédés un peu avant mes deux ans. J’aime lire et la confiture de fraise. J’ai quinze ans le mois prochain. »
Je lui fis les grands yeux.
« Bordel, comme moi… Comment elle est, ta ville ??
- Euh… Ma ville ? Bah, c’est une ville normale, quoi. Avec des bâtiments et des parcs.
- Non mais la vie là-bas en général ! Les monstres et humains, vous vous détestez ?
- Nous détester ? Bah, on a bien eu une guerre il y a deux cents ans mais après un pacte de paix, on cohabite ensemble. Imagine, on voulait enfermer les perdants dans une montagne. Mais on est plutôt cool, aujourd’hui.
- Un pacte de paix ?
- Hm Hm.
- Et comment se passe… Disons… Ta relation avec tes parents ? ...
- Et bien, mon père et moi habitons un appartement dans le centre. Il est alité depuis quelques mois à cause d’un infarctus en automne, mais j’ai réagi suffisamment rapidement, il est vivant mais très affaibli. Du coup je m’occupe de lui en espérant qu’il reste avec moi encore un temps… J’ai pas trop envie de me retrouver à nouveau dans une famille d’accueil. »
Je l’écoutais en silence, ébahie. Comment pouvait-on rassembler autant de points communs et de différences dans une affirmation ?
« … Et… toi ? me demanda-t-elle alors, un peu embarrassée de dévoiler sa vie sans que je ne réagisse.
- Moi ? Euh… Pareil que toi ! mentis-je. Ensuite ? Tu as des amis ? »
Un peu troublée que je ne dévoile rien, elle attendit plusieurs secondes avant de se lancer.
« Ouais, comme tout gamin de notre âge, en fait… Susie, Lancer, Noelle, Thierry, Dey, Mel, Ziam…
- Thierry ??
- … Oui ?
- Il est comment, Thierry, dans ton monde ?
- … elle fronça des sourcils. Le tiens est comment ?
- Super con.
- … La même…
- Ah. Et vous sortez ensemble ?
- Non ! C’est mon meilleur ami. »
Ouais, il est vrai que je suis sortie avec lui uniquement pour oublier que j’avais des problèmes à la maison… Mais une question ne parvenait pas à s’éloigner de mon esprit. Et j’avais peur de sa réponse.
« Mais j’y pense. Du coup. Tu ne connais pas Sans ? Ou Papyrus ? Si tu as encore ton père... »
Son visage s’illumina alors.
« Si, bien sûr que je vois qui ils sont ! Ce sont mes voisins ! Il arrive que Paps vienne nous dire bonjour et il m’aide à faire le repas, quelque fois. Sans est un peu plus… Fidel à lui-même, on va dire. Très flemmard et blagueur.
- Papyrus ? Dire ‘bonjour’ ? »
J’éclatai de rire.
« Ouais, il est certainement la personne la plus gentille et la plus naïve que je connaisse. »
Mes rires redoublèrent d’intensité.
« N’importe quoi ! m’emportai-je, au bord des larmes. »
Elle, calmement, me lorgnait comme si je tombais de Mars. Peut-être que la comparaison ne s’éloignait pas tant de la réalité, après réflexion…
« Oh, j’ai failli oublier. Si tu croises Fram ou Pine à l’avenir, ce qui risque d’arriver ah ah, profite pour leur demander comment elles ont fait, elles. »
La voix de ma Créatrice résonna alors dans mes oreilles, comme un lointain souvenir négligé. Je me calmai doucement, l’humeur chutant alors.
« D-dis, débutai-je, perturbée. Est-ce que… Tu aurais un surnom ? »
Clignant plusieurs fois des yeux, il lui fallut un certains temps pour s’habituer à mon changement d’agissement.
« Oui, Lhelou mais c’est quoi le rapport ?
- Non, pas c’lui-la. Sans ne t’en donne pas un ? Vous n’êtes pas suffisamment proches, dans ton monde ?
- … Si, il m’en donne bien un, pour m’embêter… Framberry… »
Elle s’empourpra. Quant à moi, ma réaction en fut tout autre ; l’exclamation.
« Tu es donc celle dont m’avait parlée ma Créatrice ! Comment tu as fait pour gérer la pression ??
- Hein ? Mais de quoi tu parles ?
- Ne cherche pas, juste, réponds. Comment tu fais pour ne pas avoir envie de tout laisser tomber ? demandai-je si sérieusement qu’elle en fut d’autant plus désorientée.
- En fait… Ma vie va très bien… J’ai pas eu un début facile, mais mon enfance n’était pas à déplorer. J’ai appris la vérité sur la famille et mon âme vers l’âge de neuf ans, et maintenant je me prépare à affronter le pire. Il me reste encore trois ans avant ma majorité, alors j’essaye de mûrir un peu pour que je puisse prétendre ne pas avoir besoin de dépendre d’un adulte. Au mieux, j’emménage avec Sans et Paps ; ils m’ont souvent accueillie quand j’avais le moral à plat, à cause de… De la pression que je mène… Avec la santé de mon père, le secret qu’ont laissé mes parents sur l’origine de mon âme, ces pouvoirs que je ne maitrise pas… Tous les gens que je connais… Et qui s’aiment… Et moi… Qui me sens comme un mouton à cinq pattes ha ha ha… »
Elle baissa la tête. Sa voix se fit plus dure.
« Je crois que j’ai peur que tout ce à quoi je tiens disparait. L’état de mon père me rappelle que rien ne dure, que tout est éphémère, et que sans aide… »
Silence. Elle avait les yeux humides, et lorsqu’elle releva la tête vers moi, j’y vis mon reflet. Le reflet d’une gamine seule qui avait besoin d’aide et d’affection. Le reflet de tout ce que j’aurais pu être mais que je n’étais pas. Le reflet vide d’une âme transparente.
« J’ai failli mourir… murmurai-je si bas qu’elle aurait pu ne pas m’entendre. J’ai vécu dans la rue. Je me suis fait battre. J’ai connu la peur, la misère et la solitude. Crois-moi, je comprends ce que tu ressens. Peut-être même en pire. »
Nous nous fixâmes, assises l’une en face de l’autre.
« J’ai essayé de m’intégrer dans un monde qui n’était pas le mien. J’ai cherché à aider des personnes que j'ai longtemps détestés et jugés. Mais je crois que personne ne me considère comme son véritable amie. Juste un bouche-trou ou une confidente. Au mieux, on me prend pour Cupidon. Sans et Papyrus, peut-être, à la limite, me considère comme un membre à part entière de la famille.mais je ne sais pas comment les aider encore. J’ai fait ce que j’ai pu et ils se disputent toujours entre eux. Sans me connait mieux que moi-même parce que je suis trop froussarde pour assumer ma véritable identité. J’imagine que tu connais notre vrai nom ? Eh bien pas moi. Je ne sais pas qui je suis, et si je le savais, j’ai peur d’être déçue.
- Notre prénom c’est…
- Non, ne dis rien. S’il-te-plait. Je ne me sens pas prête.
- …
- Je ne veux rien savoir. Tout doit venir petit à petit. Mais s'il y a quelque chose se vraiment important que je devrais savoir, alors je...
- Ils ont été tués. »
Mon cœur rata un battement. Je crus mal entendre et pourtant, je sus que j’avais bien entendu. Dans le doute, la question m’échappa d’elle-même.
« Quoi ?
- Nos parents. Quelqu’un a exprès fait brûler la maison. Dans mon univers, du moins.
- … »
Elle se leva précipitamment, les yeux rouges, et m’attrapa fébrilement par les épaules.
« Je ne viens pas du futur, mais il semblerait que j’en connaisse plus que toi. Il faut… Il faut absolument que tu m’aides à retrouver cette personne. Nous avons un pouvoir plus puissant que ce que nous le croyons, c’est pour ça qu’on a cherché à nous faire disparaitre !
- C-comment peux-tu le savoir… ?
- J’ai lu l’intégralité de mon dossier de l’orphelina, tout est écrit, noir sur blanc ! Il faut que tu le lises ! Il faut que tu saches qui nous sommes !
- S-Sans… j’eus la révélation. Sans est au courant. Il a tout lu.
- Et il ne t’a rien dit ?!
- J… je n’ai pas voulu le savoir ! Il a simplement respecté ma volonté !
- Je ne peux en parler à personne, moi, mais toi, tu as l’air d’avoir un lien particulier avec lui. Il peut t’aider.
- Pourquoi tu n'en parles pas, toi ?!
- Mon père adoptif va mourir ! Et Sans n'est que mon voisin de pallier et mon babyssiter quand j'étais enfant, je ne vois pas quelle autre relation je pourrais avoir avec lui si ce n'est qu'amicale.
- Sans est mon père !
- QUOI ??
- Longue histoire mais je dois savoir qu’est-ce que je dois faire ! Comment retrouver un type dont j'ai pas connu l'existence ni l'identité ?!
- Je ne sais pas ! Je... je n'en sais absolument rien... »
Sa prise se déserra d'elle-même. C’est alors que ma vue se brouilla et ma respiration se fit plus difficile. Je ne sentais plus du tout la prise de Fram, et mon siège sembla se dérober sous moi. J’eus la sensation de tomber en arrière. Tout disparut. Tout devint noir. Seul un petit cœur hyalin brillait devant moi.
Et puis soudain, elle se brisa dans une poussière d’étoiles.
…
Et je me réveillai en sursaut, en larmes, le souffle effréné.
[…]
Quelque part, dans la Timeline classique, une jeune fille se réveilla au même moment, larmoyante elle aussi. Elle fixa le plafond avec appréhension et sa poitrine lui faisait tellement mal qu’elle se recroquevilla sur elle-même, dans son lit. Elle essaya de faire le vide dans sa tête.
Éloigner le stress. Éloigner les problèmes. Tout éloigner. Tout repousser.
Des lianes poussèrent tout autour d’elle.
« Pourquoi… ce rêve ? … »
Elle tira sur ses bras et se défit des liens végétaux qui la retenaient dans son lit. Après avoir débarrassé sur le sol les restes, elle glissa hors de son matelas et avança pieds nus jusqu’à la chambre d’à côté. Son père était toujours là, endormi. Fram referma la porte avec délicatesse et s’aventura jusqu’au couloir de l’appartement. Elle était toujours en pyjama. Parmi les trois portes de l’étage, l’une d’elles menaient jusqu’à chez les frères squelettes. Sans réfléchir plus longtemps, elle frappa contre.
Quelques secondes.
Quelques secondes seulement pour qu’un grand squelette lui ouvre.
« Hm ? Qu… Que fais-tu ici ? Il s’est passé quelque chose ?
- P-Papyrus… Je.. j’ai besoin de parler à Sans, il dort encore ? … »
L’être osseux se gratta la nuque en reculant, jetant un bref coup d’œil dans son appartement.
« Sa chambre est fermée mais il y a du bruit.
- Je peux entrer ? »
Il hocha vaguement la tête et lui laissa tout le plaisir de s’installer. Sautillant légèrement à cause du sol froid, elle s’approcha de la chambre de Sans, au fond du couloir, et ouvrit à la volée sa porte. Le squelette sursauta et fit tomber la petite pile de livres qu’il tenait dans les mains, avant de poser l'une d'elles sur sa poitrine.
« F-Fram ! Je suis peut-être amédiaque ! Qu’est-ce qu’il t’arrive bon sang ? »
Elle s’arrêta sur le seuil pour dévisager le monstre en chaussons roses.
« Toi, qu’est-ce que tu faisais ?
- Je rangeais.
- Sérieusement ?
- Paps me l’a demandé. Qu’est-ce que tu voulais ? »
Lhea de la timeline classique regarda derrière elle en espérant que Papyrus ne soit pas dans le coin, et ferma la porte pour leur laisser tout l’intimité de discuter.
« Dis-moi, Sans, est-ce que tu as déjà entendu parler d’univers ou quelque chose comme ça ?
- Non, pourquoi cette question bizarre ?
- J’ai rêvé de quelqu’un, cette nuit. Quelqu’un comme moi mais différent.
- …
- Sans, il faut que tu me dises s’il existe quelque chose au-delà de notre monde. »
Il parut surpris, mais Lhea sut alors qu’elle avait raison.
« Il faut que tu me le dises.
- ... Il existe des AUs. Ce sont des univers alternatifs.
- D’accord, et ensuite ?
- Il y a une multitude de mondes, c’est tout ce que je sais... Mais dis-moi, gamine, tu dis avoir rêvé de quelqu’un mais tu as discuté avec ou…
- On a échangé ; elle me posait des questions, je lui répondais.
- … C’est bizarre. »
Il parut pensif. Elle, un peu troublée, chercha à lire sur son visage le moindre signe, la moindre chose qui pourrait lui être utile. Mais elle y lisait plus de confusion que de réponses.
« Sans, qu’est-ce que je dois faire ?
- …
- Sans…
- Rien du tout. Ne fais rien. Mais si tu devais rêver une nouvelle fois d’elle, ne lui dis rien. On n'en sait pas suffisament sur son univers et comment tes informations pourraient se retourner contre toi…
- … Je te fais confiance, tu le sais, ça. »
Elle pensa alors : « Mais si nos deux univers sont connectés, alors elle est en danger... »
◇♡♤♧
Nouveau chapitre, comme promis plus long que le précédent :D
J'ai fait un dessin aussi :3
Ça m'a pris 4h pour le faire et je ne vois que des imperfections x) Le fond est dégueulasse (c'est un train, oui oui) et on dirait que Straw fait un bonjour nazi à Fram (Fram qui, d'ailleurs, à l'air de vouloir se suicider) x')
Pour ceux qui voudraient faire des fanarts, sachez que j'ai une adresse mail où vous pouvez me les envoyer ^^ Je me ferai un plaisir d'agrémenter mes chapitres avec ! ♡
Vous n'avez pas besoin de me demander l'autorisation bien entendu, mais si vous n'avez eu aucune réponse c'est qu'il faudrait penser à m'envoyer un mp pour que je sache que vous m'en avez envoyé un ^w^
En fait c'est la même adresse mail que pour "Craquelés", pour ceux qui connaissent x)
Aller des bisous les bureaux (d'ailleurs, pourquoi un corbeau ressemble à un bureau ?)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top