•𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 𝟐𝟓•

Je massais mon oreille endolori avec un regard morne. Red, stratégiquement tenu deux mètres devant moi, m’escorta silencieusement jusqu’à notre appartement avec une démarche rapide. Je refermai doucement la porte après notre passage, aussi calmement que possible, tout en évitant soigneusement son regard sévère. Et quand bien même je l’évitais, ses billes blanches – non, elles avaient disparu – s’emparèrent de mes yeux et, dans une étreinte froide, son regard me paralysa, à peine ma veste tombée parterre. Il pointa alors la salle de bain, sa phalange bien droite, et sans que je ne puisse contrôler mon corps fébrilement tendu, mes deux bras se croisèrent devant moi, une main placée méthodiquement juste devant le bas de mon visage. Il fronça des arcades et activa brusquement sa magie afin de s’emparer de mon âme, comme je ne bougeais plus, puis, il me propulsa contre le mur à ma droite. Je me ressaisis et, après lamentable interception, je déchainai ma médiocre rapidité jusqu’à la pièce demandée. Me prenant la basket dans le tapis, mes genoux furent les premiers surpris. N’ayant pas le temps de décroiser les membres, je me pris de plein fouet le carrelage froid contre l’épaule et le côté du crâne. Si mon cerveau eut la chance de survivre à la secousse, mon cœur, effréné, expulsa toute sa puissance dans mes veines. L’adrénaline me poussa à reprendre le contrôle et je pus me redresser suffisamment rapidement pour me protéger. Mais Red ne pouvait pas être violent. Mon père, mon premier père adoptif, l’était. Un homme, oui. Mais il était plus monstrueux qu’un monstre pur-souche. Je pouvais encore le voir s’approcher de moi avec une ceinture dans son poing serré. Lové sur moi-même, j’avais l’air d’avoir la tremblote. La cabine de douche n’était pas très grande, mais suffisamment pour qu’on s’y tienne tout les deux. Sa chemise trempe n’égalait pas mon tee-shirt. Mes cheveux, longs et fourchus, ruisselaient encore sous le pommeau allumé. L’eau ne me paraissait plus si glacée que ça, par habitude. Tous mes sens préféraient se tourner vers le véritable danger. La grande silhouette n’allait tout de même pas frapper une enfant de huit ans, n’est-ce pas ? Il ne ferait pas ça, il n’en avait pas le droit, pas vrai ?

« Pauvre conne, je vais t’apprendre à me répondre ! »

Il leva son bras et me claqua la cuisse avec son arme de fortune. Mon crie strident se mêla à l’épanchement de l’eau comme un utlime chant de détresse.

« Ne l’oublie pas, tu dois me vouvoyer. Tu me dois le respect. Utilise les formules de politesse, et peut-être que j’aurais pitié de toi. Mais plus jamais… tu ne me réponds… sur ce ton !! »

Il me brûla au même endroit, de la même manière. Je pleurais et hurlais de désespoir.

« Oui, excusez-moi Monsieur, s’il vous plait, ne me faites pas de mal, pensais-je à travers les dernières failles de conscience qui me restaient, à travers l’insupportable douleur qui me donnait la nausée. »

Parce qu’un troisième coup s’apprêtait à se superposer aux deux premières. Mais rien ne vint. Je risquais un regard vers moi, et vis Red fermer brutalement la porte. Je revins à la réalité grâce au claquement du bois contre son encadrement.

Red n’était, et ne sera jamais comme Lui. Il ne me fera pas autant de mal. Il est juste en colère parce que je lui ai désobéi ce soir, mais il ne me détestera pas. Il est à présent mon tuteur, et je n’aurai plus à avoir peur de la douleur.

C’est en écoutant le nouveau silence que mes souvenirs immarcescibles ne m’atteignirent plus. Mon cerveau et mon esprit en avait bloqué l’accès à l’aide d’un bruit blanc que je pouvais difficilement imaginer. Le calme n’était pas vulnéraire, mais mes membres, moins engourdis, se détachèrent de mon corps et je me mis à pleurer. Aussi silencieuse que cette pièce où, autrefois, j’avais fait semblant d’être morte pour qu’il arrête de m’asséner des coups de pieds.

Aussi silencieuse que sa putain de tombe sur laquelle je m’imaginais danser, le soir, juste avant de fermer les yeux.

[…]

Underfell est de loin l’air la plus terrible de l’entièreté vivante. Parfois, je m’imaginais flottant dans un vaste univers d’un blanc lacté, chaque extrémité de mon anatomie déconnecté du centre. Je n’étais qu’une âme, un cœur hyalin sans saveur, qui exerçait une pression casi-nulle sur les planètes, les astres, les roches, les satellites. Une petite chose insignifiante, inexistante. Rien ne tournait autour de moi. C’était moi qui tournait autour de tout. Je suivais le rythme. Endiablé, souvent, sans jamais faire de pause. Suivre notre passé terrible n’a rien d’amusant. Et se dire qu’un jour nous-mêmes aurons des enfants me parait impensable, presque… effrayant. Mais c’est amusant. Qui n’a jamais rêvé de donner l’espoir, le temps, l’autonomie, le savoir, les rêves, la Vie, à une si petite créature, et d’ensuite l’écraser au creux de sa main ? Amusant, n’est-ce pas ? C’est ce qu’on apprend de nos parents. Pas à l’école, voyons, inutile de répéter trop de fois les mêmes choses… Pour nous, la rivalité nous forge. La cruauté nous construit. La peur nous amuse. La mort nous excite. Et l’amour, le bonheur, tout ça… Ce n’est réservé qu’aux faibles bien entendu ! Edge, Papyrus, lui, est redoutable. Chaque jour dans son dur labeur, travailler pour la société et les gros clients, il savait s’y faire. Mais en amour, il n’est pas plus doué que moi en mathématique. Son frère, au contraire de celui-ci… Est d’un tout autre niveau. Pas qu’il soit bête ou quoi, non, je vois bien qu’il est très intelligent. Trop intelligent, peut-être. Mais c’est ce qui le conduisait à sa perte. Je le voyais bien. Accoudé au balcon, une clope entre les dents, je l’observais, maintenue dans ma bulle. Pour moi, Red était un satellite. Il tournait désespérément autour de quelque chose, il se prenait les astéroïdes, et son âme chiffoné ne brisait pas la croûte qui le cachait.

Être trop bête rend heureux et naïf. Mais Red était trop intelligent, le bonheur lui était tellement inaccessible qu’il était obligé de se le construire lui-même. Mais il était égoïste aussi. Et étrange. Il ne savait pas comment le maintenir près de lui. Le regarder était si subtile, si… intéressant.

Sans jeta sa cigarette et rentra. Ma bulle de sérénité éclata et je l’observai traverser la pièce. Son souffle rauque me rassura. Comme si j'avais peur qu'il ne cesse de respirer...
À l’entrée du salon, il s’y arrêta et tourna faiblement la tête dans ma direction.

- Qu’est-ce que t'as à me regarder comme ça ?

Déjà deux semaines que son mystérieux destinataire ne lui répondait plus.

- Pour rien. Comme ça. J’aime bien ta démarche.

Il ne le montrait pas…

- Ne te moque pas de moi, Straw, je ne suis pas d’humeur.

Mais il se brisait.

- D’accord. Je ne te gênerai plus.

Parce qu’il avait besoin de cet amour qu’il avait bâti pour être un soit peu heureux, et le silence de mort de Purplefire ne rassurait personne.

Red en était venu à penser qu’il devait envisager à faire un deuil, mais impossible d’en être persuadé.

Je soupirai. J’étais à nouveau seule dans le salon. Un rapide coup d’œil vers l’horloge, et je me rendis compte que j’allais être en retard si je ne me dépêchais pas. Mon sac sur l’épaule, ma veste enfilée à la va-vite, je pris tout juste le temps de saluer mon tuteur présent avant de disparaitre de l’appartement. Aucune réponse ne m’était parvenu, mais je n’y accordais que très peu d’importance. C’était devenu notre petit rituel, de toute manière. Je disais aurevoir, et on ne me répondait pas. Red n’a jamais été un grand bavard de toute façon.

[…]

Sur le chemin de l’école, je fis un énorme détour pour passer près du Buckstars de John Kevinson. Même s’il m’avait tenu tête la veille encore, j’avais besoin de lui parler. La boule au ventre me fit hésiter, cependant.

« Pourquoi ne pas prendre en un autre dans ce cas, le temps d’économiser suffisamment ? Ça ne serait pas plus logique de travailler dans un milieu plus approprié à votre choix de carrière ?
- J’ai essayé, mais les humains ne souhaitent aucunement embaucher un monstre… Et les quelques monstres qui travaillent dans le commerce sont si… sont si… têtus !
- Muffet, j’ai une idée qui pourrait vous plaire… »

- Pourquoi je lui ai proposé ça, déjà ? marmonnai pour moi-même en poussant la porte.

Je sentis alors une silhouette se détachait de moi. Grise. Qui avançait au ralentit devant ma position. Toute petite. Mais je pouvais facilement reconnaître la robe d’un rouge présumé qui caressait langoureusement ses fines jambes. L’illusion rejoignit un semblable, plus flou, plus fou, qui pointait lentement, toujours vitesse -0.5, une vieille cafetière.

Plusieurs clignement d’yeux me permirent à chasser mon souvenir d’enfance de la tête. Je croisai alors le regard de John. Il me sourit, mais il affichait un drôle d’air. Il ne devait pas comprendre ce que je faisais ici.

- Je dois juste lui demander de prendre Muffet comme apprentie, me disais-je en serrant les poings si fort que mes ongles auraient pu s’y implanter.

Un long silence plana dans le café. Mon cœur s’emballa. Ma gorge s’assécha. Et je sortis en panique. Affolée, troublée, frustrée, je courus comme je n’avais jamais couru le long du trottoir. L’aube avait peiné à pointer le bout de son nez, et mon sac qui s’alourdissait au fils des pas me contraignait à ralentir graduellement. L’air me manquait. Mes poumons étaient tout feu tout flemme et ma sueur menaçait de salir mon pull. Ma jupe se froissa alors que je m’asseyais contre un immeuble, à même la bande d’asphalte, mon sac à mes côtés. J’aurais pu l’utiliser comme pouffe, mais même mon cerveau ne parvenait plus à réfléchir. Les yeux fermés, je tentais de chasser mes dernières cinq minutes de ma tête. Que ma mémoire me fasse défaut, je m’en fiche. C’était une honte que j’aimerais ne plus à revivre, même par imagination.

- Lhea ? Qu’est-ce que tu fiches ici ?

Déplissant un œil après l’autre, je pus apercevoir, à travers le flou de mon regard, une jeune lapine à fourrure grise. Son collier à clou cuivré ne l’avait pas quitté, et aujourd’hui, une énorme doudoune mauve l’épaississait. Mel n’était pas du tout grande, mais elle me surplombait largement. On pouvait surplomber n’importe qui du moment qu’il se trouvait au fond d’un gouffre.

- De quoi j’me mêle ? lui crachai-je en détournant le regard, mon éternel masque d’insolence réajusté.

- Je t’ai vu courir en panique, je me suis dit que tu avais besoin d’aide…

- … De l’aide ? Venant d’une faible comme toi ? Sombre idiote, n’aie pas pitié du premier qui s’encouble à tes pieds, ça te rabaisse davantage.

- Tu n’es plus revenue en classe depuis l’incident. On a cru que tu t’étais fait virer.

- La preuve que non.

- Tu as besoin d’aide pour rattraper les deux semaines de cours ?

- Tch, t’occupe, je demanderais à cette pute de Noelle.

Il me crut apercevoir, semblerait-il, l’ombre d’un rictus au coin de ses lèvres.

- Si tu veux. Tu veux qu’on y aille ensemble ? On risque d’être en retard.

Sa main tendue ne m’intéressa pas. Je la repoussai d’un unique regard, et me relevai seule. Nous nous mîmes alors en route.

[…]

Monsieur Fluidshade était un excellent titulaire et professeur d’art plastique. Que je sois bonne ou pas, j’ai toujours adoré cette matière, car mes œuvres reflétaient constamment ce que je voulais qu’elle ressente à ma place. Ma colère. Ma frustration. Ma peine. Ma tristesse. Ma peur. Mais aujourd’hui, alors que, pour une fois, j’étais motivée à commencer une nouvelle et longue semaine, notre professeur principale mis un terme à notre routine du lundi troisième heure.

- Aujourd’hui, et ce jusqu’aux vacances de printemps, nous aurons la merveilleuse chance de participer à des cours spécialisés dans la pratique. Le directeur souhaite faire évoluer notre enseignement en nous apprenant ce que nous acquérons, à l’accoutumé, à la sortie du lycée, peaufiné avec une année sabbatique ou l’armée. D’après le ministère de l’enseignement publique, l’art de tuer est devenu un savoir bien trop indispensable pour attendre si tard.

C’est alors que l’entièreté de la pièce se figea, comme incapable d’en croire un seul mot. Nous, malingres collégiens d’avant-dernière année, allons apprendre à nous servir des armes que nous apprenons à lister depuis la primaire ? Si quelques-uns poussèrent des cries de joie, d’autres, moi comprise, sentîmes un frisson glacial se déchaîner depuis nos cervicales jusqu’aux bas de l’échine.
Et au vu du nouveau venu, l’homme, un humain qui s’attirait déjà des regards noirs dû à notre race commune, qui se tenait à ses côtés n’étaient autre que notre nouvel enseignant. Un adulte de carrure moyenne aux yeux plissés, une simple coupe au bol lui cachant à peine la vue, un top noir avec une unique rayure rouge à moitié entré dans un jeans trop large et un horrible sac en bandoulière usé, nous faisait face, impassible. Comme serein. Mais ce qui attirait le plus mon attention était ses bras musclés, méticuleusement chargés en tatouages.
Des flammes violettes.

- Bonjour, mon nom est Frisk. Je serai dès aujourd’hui votre professeur en assassinat.

•☆•☆•☆•

Hoyé hoyé ! Merci pour votre patience, je ne suis pas morte, du moins pas encore !

Je suis sincérement désolée d'avoir pris tant de temps pour publier un chapitre, mais j'avais besoin de me ressourcer. J'ignore si le chapitre suivant suivra celui-ci, mais sachez, ô lecteurs passionés, que c'est déjà un miracle que je sois là, aujourd'hui, à vous faire cette note d'auteur !
(Par contre, ouais, faudra remercier Gygouille. Elle ne doit certainement pas aimer ce surnom mais au moins elle va se reconnaître si elle passe par là. C'est elle qui m'a motivée. Merci ♡)

Bon, revenons en au fait. Un chapitre assez sombre (bon après, lequel ne l'est pas dans cette fic' ?) qui poursuit les péripécies de Lhea&co. Les éléments semblent faire des liens, certains se détachent et d'autres se ressèrent. Qu'en est-il de l'utilme vérité sur son monde ?

À suivre !! ♡

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