•𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 𝟏𝟗•
Chapitre un peu plus long que les précédents, il sent bon les pâtes au fromage et le jus de pomme pétillant
Bon je ne vais pas vous embêter plus lontemps, bonne lecture *•u•*
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Je fis glisser le dossier cartonné sous le canapé et laissai tomber mon sac aux pieds de celui-ci dans un geste pas du tout adroit ou ordonné. Il était bientôt dix-sept heures. Red était sur le balcon et ne paraissait pas avoir remarqué mon arrivée au sein de l'appartement où une étrange odeur d'égout semblait s'échapper des conduits. Le couloir en était infecté, et l'ouverture de la porte sous la force motrice de ma main avait laissé entrer un peu ce cette senteur dans les pièces de notre chez-nous. Edge était avec Mettaton. En tout cas, c'était ce que m'avait dit Sans quand je le rejoignis sur la plateforme surélevée derrière la vitre. Je hochai la tête à la suite de cette précieuse information, et regardai le paysage avec lui, ignorant l'épaisseur de son exhalaison qui tachait le paysage citadin qui prenait vie aux premières lueurs d'une obscurité malfrat. Même s'il ne m'a jeté aucun coup d'œil depuis mon arrivée, il savait que j'étais près de lui. Je devais sentir la sueur après avoir couru dans mes vêtements d'hiver, et les bruits de ma respiration entrelacée avec les reniflements, cadeau du léger rhume que m'avait offert le froid de janvier, n'était pas des plus discrets. Quelques fois, je soufflais dans mes mains pour sentir un peu de chaud, et ma respiration ne se faisait pas muette. Cependant, pour répondre à une question silencieuse, il me tendit le paquet de clopes que je refusais poliment. Je n'avais plus envie d'essayer, finalement. Peut-être par peur de me faire prendre par Edge, ou par le cancer des poumons que les squelettes ne risquaient pas d'avoir. Je ne savais pas trop, mais l'odeur ne m'attirait pas plus que ma curiosité.
- Comment a été ta journée... ? risquai-je de demander pour faire la conversation, intimidée par la quiétude du monstre qui se refusait à m'adresser la parole.
- Normal.
- Qu'est-ce que tu as fait de beau ?
- Rien de spécial.
Je tapotai nerveusement la barrière du bout des doigts. Bon, il me répondait, c'était déjà ça. C'était bien la première fois que je priais pour qu'il m'interrompe pour faire une calembour bien placée mais de mauvais goût, mais comme je ne croyais pas en Dieu, lui non plus ne me croyait pas lorsque je demandais une chose aussi insensée que celle-ci. Juste pour briser la glace. Un mur de glace qui s'était bâti entre nous.
- Comment va ta blessure ?
J'aperçus l'adulte esquisser un mouvement involontaire en direction de la cicatrice qui naissait de son orbite gauche sur quelques petits centimètres plus au nord.
- Ça va.
- Si je te promets de ne plus fouiller dans ta vie privée, tu accepteras de me pardonner... ?
Il tira une profonde latte et jeta le mégot dans le vide. Il gardait le silence et faisait mine de m'ignorer. Je détestais cela. Gonflant légèrement les joues, comme pour retenir ma frustration, je serrai la barrière des deux mains jusqu'à rendre mes jointures aussi blanches que ses os. J'insistai en l'appelant sèchement par son prénom.
- Sans.
- Je n'sais pas, d'accord ?! s'énerva-t-il en serrant les poings.
Il me fallut quelques secondes pour digérer l'information avant de rentrer, prenant soin de frapper le sol avec mes pieds. Je balayai le salon qui me servait de chambre avec un regard vide d'espoir mais noir de frustration, avant de me diriger vers la cuisine et constater que Papyrus nous avait fait des lasagnes. Cela voulait dire qu'il ne reviendra pas pour le repas, et voulait aussi dire que je serais seule avec Red jusqu'aux prochains rayons de Soleil. Dans des gestes lents et sans vie, je mis à réchauffer deux plats et m'assis devant mon assiette, fixant la vapeur qui s'émanait de sous mon nez, culpabilisant déjà de ne pas être la petite fille modèle qu'ils auraient peut-être espéré avoir. Sans ne venait toujours pas. J'ai arrêté de l'attendre. Finalement, alors que j'étais à la moitié de mon plat sans vraiment de saveur, il finit par me rejoindre mais ne me jeta aucun regard. Comme si je n'existais pas. Et il ne me remercia même pas pour avoir réchauffé la nourriture qu'il allait s'obliger à manger pour ne pas succomber à la famine.
- Hé, Red, tu connais la différence entre le squelette et la petite fille ?
Je fus bien surprise qu'il lève ses pupilles rouge sanguine sur moi, comme si, malgré qu'il soit très furieux, il attendait réellement une réponse. Je déglutis difficilement et pris un air détaché avec un sourire amusé. Je m'étais lancée, autant en finir, n'est-ce pas...
- La fillette, elle, se sent os-litaire.
L'ombre d'un sourire étira ses lèvres tandis qu'il commençait à manger. Il n'avait pas ri, mais cela semblait suffisant pour me faire redonner espoir.
- Tu souris. Ça veut dire que ma blague était « bone » ?
Silence. Il faisait mine ne pas m'écouter.
- Tu manges de la lasagne avec de la moutarde ? Hé, écoute ça. Tu connais l'histoire de la lasagne qui était mou, tôt ? À moins qu'elle soit mou, tard-e...
J'entendis un légèrement ricanement. Il reposa son attention sur moi, et je sentais qu'il voulait dire quelque chose. Il mit un certain temps à trouver quoi.
- Tu espères vraiment te racheter en faisant la guignole avec la grammaire ?
- C'est toi qui me dis ça ? T'es pire qu'un clown !
- Un clown ?
- Ouais, t'as le maquillage et l'habillement, mais le nez rouge en moins.
- Et toi alors, je dois dire quoi ? Tu joues la comédienne alors que tu n'aimes même pas les blagues.
- Je n'apprécie pas l'humour noir, nuance.
- Mon « Sans » de l'« humérus » est irréprochable, s'offusqua-t-il dans une position faussement dramatique, avant d'avoir un rire gras.
Le genre de rire que seul lui avait le secret.
- Gna gna gna, bien sûr.
- Si peu de répartie... Eurk, mais il a foutu quoi dans ses lasagnes !!
- De la viande... Du fromage... Des haricots... Des trucs quoi.
- « Lhea » -ricots tu dis ?
- Tu vas vraiment me tuer, Red.
- Une étude raconte que mourir est nuisible pour la santé. J'imagine que c'est mieux la vie ?
- Ande.
- La viande serait donc la réponse ? demanda-t-il dans une vraie position de réflexion.
Je me contentai d'hausser des épaules en cherchant une boutade à peu près correcte afin de poursuivre, mais j'étais à cours d'idée.
- Pas celui que met Edge dans ses plats. Ça, ça te tue.
Bon. Pas très correct, mais l'idée était là.
Il fallut un moment pour que nos sourires s'étirent jusqu'à se transformer en éclat. En prenant notre temps, nous terminâmes de rire et, une fois apaisés ou du moins diffusant un air de semblant, nous nous regardâmes avec gêne. Je me souvins alors de la raison pour laquelle j'avais voulu attirer son attention, et la tête basse, je me mis à marmonner :
- Je suis sincèrement désolée, Red... Je ne veux pas que tu sois fâché contre moi...
Il souffla du nez, comme s'il se rappelait lui aussi qu'il était censé me tenir tête. Et pourtant, après quelques battements d'âme, il me tendit la main.
- D'accord. Mais on ne fouille plus dans ma vie privée.
- Je te le promets !!
[...]
La reprise d'école est toujours pénible. Tu es fatigué, tu veux juste rester chez toi et profiter d'un sommeil réparateur. Douce illusion. Bien loin de ma propre réalité. Ce lundi matin, lorsque je mis les pieds à l'ECM, je fus bien surprise de voir Susie courir vers moi avec une petite boîte rouge entourée d'un joli ruban noir argenté. Par reflexe en la voyant aussi près, je me protégeais le visage. Mais aucun coup me vint, alors je risquai un regard vers elle. Elle était plus violette que d'habitude, et avait une coupe de cheveux plus arrangée qu'à l'accoutumée avec une simple barrette qui dégageait entièrement un œil.
- L-Lhea ! Hum. D-dis. Est-ce que tu pourrais par le plus grand des hasards donner cette boîte à... L... Lancer .. ?
Il me fallut quelques secondes pour comprendre l'information. Elle semblait essoufflée et tremblant des jambes. Quelque chose me disait qu'elle voulait le faire elle-même, mais qu'elle n'en avait pas le courage, finalement. C'est sur un ton moqueur que je lui demandai :
- Pourquoi je le ferais ?
- PARCE QUEEEEeeee... Si t ne le fais pas je te pète la gueule.
- Tu pourrais me demander plus gentiment aussi, rouspétai-je en remontant légèrement la bandoulière de mon sac à dos. Pourquoi tu ne le fais pas toi ?
Elle jetai des regards stressés vers le jeune garçon sans trouver quoi répondre. Finalement, prise de pitié pour le monstre qui me rendait la vie scolaire tellement rude, je pris sans vraiment de délicatesse sa foutue boîte et retrouvai notre camarade de classe à l'autre bout du périmètre de notre école, ignorant tant bien que mal le regard pesant du Roméo transgenre qui n'osait pas lui faire la cour. Malheureusement, Lancer était en compagnie de Noelle, comme à son habitude bien habillée et bien coiffée, peut-être même légèrement maquillée ce jour-là. Je tournai légèrement la tête vers le dinosaure violet en haussant des épaules, et tout ce qu'elle trouva à me répondre fut un geste obscène de la main pour m'obliger à aller au bout de son plan. Charmant comme moyen de persuasion.
Je pris une profonde inspiration et continuai d'avancer jusqu'à eux, assis sur un banc et papotant joyeusement comme deux Underfelliens qui n'auraient pas leur place ici. Le duo m'aperçut et me sourit. Enfin... Surtout Noelle. Je crois me souvenir que Lancer m'en voulait toujours, mais c'est pourtant vers lui que je me tournai, prenant soin de ne pas me laisser déstabiliser par l'interrogation de son amie.
- H-hey, hm... Lancer, y'a Susie qui m'a demandé de te donner ça, dis-je peu rassurée en lui tendant la boîte.
Surpris, il me remercia dans un murmure timide et ouvrit l'objet en carton. Il y avait des chocolats en forme de cœur, si beaux que même Noelle en bavait silencieusement dans son coin, à l'écart de notre conversation.
- Mais c'est trop gentil ! Je vais la remercier de ce pas ! s'exclama le petit monstre en se levant d'un bond.
Il salua rapidement la jeune biche et s'en alla vers Susie, à première vue ravie que son plan fonctionne comme elle l'avait prévu. Noelle, un peu vexée de se faire lâcher de la sorte, le regarda s'éloigner avec un sourire qui se voulait crispé.
- B-bon, bah... J-je vais y aller dans ce cas... balbutiai-je en reculant discrètement.
- Attends.
Je me figeai en redoutant ce qu'elle allait me dire.
- Est-ce que Lancer et Susie sont...
- Amis... ?
- Ensemble ?
- Hm... Ho-onnêtement, si j'étais toi... J-je ne sortirais pas avec lui. Parce que Susie semble avoir un crush sur lui et te dégommera au moindre regard, expliquai-je rapidement comme si c'était la meilleure chose à dire, alors qu'au fond de moi, je me mettais une claque monumentale pour être aussi stupide et ne pas connaître le tact.
- Oh... Merci pour ta sincérité, dit-elle tristement en baissant les yeux.
Moment de silence. Je devrais vraiment apprendre à me la fermer de temps en temps.
- Comment t'appelles-tu ?
- Lhea. On est dans la même classe je te rappelle...
- Oui, désolée, c'est juste qu'on n'a jamais travaillé ensemble alors je n'ai pas jugé important de le retenir, rie-t-elle dans une douce timidité de jeune fille délicate.
- Sympa...
- Bon, je vais y aller dans ce cas. Ça va bientôt sonner, conclut-elle, l'air soudainement pressée.
La jolie blonde se leva du banc et disparut dans l'établissement, me laissant totalement seule devant ce vieux banc dégarni et moche. Bah, qu'est-ce qui lui prend d'un coup ?
C'est alors que j'entendis notre futur-couple préféré dans mon dos, et discrètement, je tendis l'oreille pour capturer au mieux leur passage.
- Tu es vraiment la meilleure de toutes les meilleures amies, Susie !!
- Ouais... Toi aussi Lancer...
Et c'est ainsi que mon travail s'achève. La friendzone, quelle magnifique création !
Mais je sens que Susie va encore me demander de l'aide pour sortir de ce mauvais pas...
[...]
Le cours avait commencé depuis quelques minutes à peine, et j'étais déjà au bout de ma vie. Notre enseignant nous parlait de beaucoup de choses sur la vie des monstres, notamment notre échelle de mortalité qui n'était pas la même... Dépriment de savoir que je risque d'être plus marquée par la vieillesse que mes parents adoptifs, dans le futur. Urg. Je me voyais mal avancer avec une canne auprès d'un squelette resplendissant la vie et la jeunesse, avec une dents en or et sa magie plus puissante que jamais.
Alors que je prenais des notes, que je ne relierais certainement jamais, ma voisine de banc se mit à me donner des coups de coudes frénétiques. Au bout d'un certain temps, je lâche un « quoi ?! » pas du tout discret mais que le prof prit bien soin d'ignorer pour ne pas perdre de temps sur notre programme. Je rougis légèrement en me faisant toute petite, tournant la tête vers celle qui m'importunait pour l'interroger du regard.
- Dis, à ton avis, qu'est-ce qu'il faut faire pour qu'un garçon te remarque ? me chuchota Susie comme si c'était le meilleur moment pour le faire.
- J'en sais rien, lâche-moi la grappe.
Elle m'attrapa par la nuque, le regard sombre et sa prise se resserrant à chaque seconde que je me refusais de répondre. Je ravalai mes paroles et pris une voix douce et lèche-botte.
- Et si je t'aidais... ? ~
- Quelle excellente idée, me répondit-elle en me lâchant, comme si elle ne m'avait en rien menacé dans ce choix.
Le reste du cours passa dans les oubliettes de ma mémoire à court terme, et je n'ai même pas réussi à prendre des notes vu que j'avais perdu le fils du long, très long monologue du prof.
À midi, j'étais avec Susie. Elle mâchouillait ses craies pendant que j'observais notre cible. Enfin, si je pouvais l'appeler comme ça. Lancer mangeait son sandwich, vérifiant l'arrivée d'un potentiel ami pour lui tenir compagnie. Mais il n'était pas très populaire et n'avait que Susie et Noelle à son actif. Je me tournai vers ma camarade de classe, songeant à la suite des évènements. Plus vite je l'aidais à sortir avec, plus vite j'allais être débarrassée d'elle.
- Et si tu lui avouais simplement tes sentiments ?
- Genre, je lui demande de sortir avec moi direct ?
- Peut-être pas aussi cash mais... Euh... C'est l'idée.
- T'as fait comment, toi ? Genre t'as déjà été en couple ou...
Je réfléchis. C'est vrai que je n'ai eu qu'une seule relation amoureuse dans ma petite vie, et encore, rien de bien sérieux. Je devais avoir neuf ans. À tel point que je ne sais même plus comment on s'était mis ensemble, et c'est à peine si je me souvenais de son nom. Thierry je crois, en fait. Une vraie tête à claque.
Alors, pour répondre à sa question, parce que visiblement elle n'attendait que ça, je fis un haussement d'épaules.
- Jamais été en couple.
Elle souffla des narines comme si elle n'avait pas l'air surprise – bien que j'aie menti, et c'était un peu vexant – puis refit face à son Love Interest. Seulement une petite dizaine de mètres nous séparaient de lui. Elle prit une dernière grosse inspiration, puis s'approcha de lui. Je restais derrière l'arbre, redoutant la suite.
C'est alors que tout s'enchaîna.
Une nouvelle quinte de toux m'attrapa à la gorge, si bien que je dus alerter la moitié de la cours avec mon étouffement. Dont Lancer qui était le premier à réagir et qui traça à côté de Susie, qui elle impuissante, regardait son moment voler en poussière.
- Lhea, qu'est-ce qui t'arrive ?? s'inquiéta le petit monstre rapidement suivi de quelques autres curieux, dont certains interpelaient déjà des profs.
C'était plus violent que d'habitude. Ma cage thoracique se compressait et je sentais que quelques choses me chatouillait le fond de la trachée.
C'est alors que je perdis connaissance, certainement à bout d'oxygène.
[...]
J'étais dans un train. Assise sur un siège. Vide. Voisiné de plusieurs de ses semblables. Vides également. J'étais dans un tunnel. Une lampe tous les cinquante mètres éclairait d'un rayon voyageur l'intérieur de la cabine. Il n'y avait personne. Juste moi et le bruit du train qui tambourinait les rails inlassablement dans ce bruit répétitif bien particulier. Je regardais en face de moi. Le souterrain ne semblait pas avoir de fin. L'électricité ne fonctionnait pas à l'intérieur, si bien qu'une fois sur deux, à l'intervalle de quelques secondes, tout était sombre. Comme si je clignais rapidement des paupières. Les ampoules ne fonctionnaient pas.
Puis lors d'un des brefs moments d'éclairement, une silhouette apparut sur le siège face à moi. Je ne sursautai pas. Comme si je savais que cela allait arriver. Sa dent en or se reflétait dans ma direction, et ses pupilles rouge carmin me fixèrent avec un air calme, doux, souligné de son éternel sourire. Il était affalé sur le siège, les mains dans les poches et le pied frappant un tempo lent mais régulier. Surement des battements d'âme. À côté de lui apparut son frère. Il lisait un journal, les jambes croisées et le dos bien droit. Je me sentais mal à l'aise pour une raison que j'ignorais.
- Quand est-ce qu'on arrive ?
Aucun des deux ne me répondit. Soudain, le train s'arrêta. Nous étions dans un arrêt de métro que je reconnus pour y avoir mis une fois ou deux les pieds. C'était l'arrêt à quelques minutes à pieds de notre appartement. Le grand squelette se leva, son journal roulé sous le bras et il s'approcha de la porte qui s'ouvrit devant lui. Red suivit le mouvement, et moi aussi, inapte à comprendre ce qu'il se passait. Mais ils ne semblaient pas se rendre compte de ma présence près d'eux. Soudain, Edge s'arrêta face à la voie d'en face, pensif. Il semblait avoir mis le doigt sur quelque chose. Quelque chose de vraiment important.
- À quoi tu penses, Boss ? demanda Sans, curieux, passant à travers mon corps fantomatique.
- Cette humaine.
- Ouaiiis... Bah quoi ?
- Et si on l'adoptait ?
Le plus petit squelette s'étrangla dans un rire gras à la limite d'être forcé. J'en fus vexée, mais ils ne pouvaient pas me voir froissée par cette attitude.
- A-attends, quoi ? T'as perdu la tête ??
J'essayais de m'interposer entre eux mais je semblais vraiment ne pas être matérielle. Serait-ce un souvenir ? Mais... De qui ? Comment c'est possible que je vois cela ?
- Boss, sérieux, on a déjà du mal à finir not' mois avec la merde que je reçois pour c'boulot pourri. Et toi tu... C'est quand que tu deviens le boss des boss ?! Si t'étais mieux gradé, on pourrait déjà se permettre d'avoir un meilleur appart', voire une vraie maison !
- Là n'est pas la question, Sans.
Le cadet soupira et jeta sa lecture dans une poubelle à proximité.
- Non, en fait tu n'es pas loin... Le boss des boss, comme tu dis, Monsieur Boltonn, est père de famille. Il a quatre enfants à nourrir. Correct ? Son boss, Monsieur Read, a trois enfants. Il fait des heures supplémentaires pour les jumeaux qui doivent naître le mois prochain.
- Mais t'as bouffé leur dossier ou quoi ?! Comment tu sais tout ça ?
- Le boss des boss des boss, interrompit durement Papyrus. Monsieur Dreemerr, avait deux enfants, dont un que tu connais très bien.
Red garda le silence. Parlait-il d'Asriel, le fils d'Asgore et Toriel Dreemerr ?
- Mais il a sa fille, elle travaille maintenant mais fut un temps où il a dû s'en occuper.
- J'pense savoir où tu veux en venir, grommela son aîné en regardant ses vieilles baskets. J'suis pas stupide tu sais...
- Donc, en suivant cette logique, reprit Edge, déterminé à exploiter le fond de sa pensée. Que lorsque tu as une famille et des enfants à t'occuper, on te respecte plus et tu as plus de chance de grimper en popularité. Dans la pyramide, je ne suis pas très haut, mais je suis prêt à tout pour atteindre le sommet !!
Il rit, les mains sur les hanches, dans un éclat haut perché qui me fit tressaillir.
- Et cette petite humaine tombe à pic !
J'avais écouté leur conversation avec dédain. Ouais, je savais que j'ai été exploitée, mais ça c'est bien fini !! Quel souvenir stupide qui n'est même pas à moi... Pourquoi me montrer quelque chose que je savais déjà ? Pour remuer le couteau dans la plaie ?
- Bah, ils sont passés où ? demandai-je tout haut alors que je cherchais mes deux tuteurs du passé qui semblaient s'être volatilisés alors que je levai les yeux au plafond.
Un nouveau train apparut derrière moi. Je râlai et montai à son bord, n'ayant d'autres choix de toute manière. Je ne pouvais visiblement pas sortir de là, alors autant suivre ce que voulait mon cerveau. Je repris donc la même place que tout à l'heure et attendis. Quoi exactement ? Honnêtement, je ne savais pas. Un autre souvenir peut-être ? Que le train s'arrête à nouveau ?
- Bon, il se passe quelque chose où m...
Mais le son d'une alarme déchirante me coupa et je me sentis lourde, comme si mon corps pesait mille tonnes. Je voulus m'accrocher à quelques choses mais je ne trouvais qu'une barrière à deux mètres de moi. Si je risquais un seul mouvement pour l'atteindre et me hisser vers le haut, je me mangerais le sol sans avoir la certitude de pouvoir me relever.
Nouvelle douleur qui se propageait dans mon corps, et le train semblait faire un bond. Je glissai de mon siège et cognai la tête parterre. Je me mis à supplier une force divine inexistante pour me sortir de là, et j'ignore si elle m'entendit ou non, mais le train finit par sortir du tunnel et je fus éblouis d'une affreuse lumière blanche.
[...]
Lorsque je rouvris les yeux, j'étais dans mon lit. Enfin, mon canapé. Mon corps se faisait douloureux, mais au moins, je pouvais bouger. Je voyais trouble, double, flou, comme si j'avais consommé quelque chose de pas très illicite. Un peu hasardeuse, je touchai la serviette humide qui rafraichissait mon front, laissant des perles ruisseler le long de mon visage comme des larmes artificielles, et je me rendis compte que Sans s'était endormi, à genoux parterre, le corps sur mes jambes. J'avais les fourmis aux pieds. Vue le peu de luminosité, il devait être la nuit. Un peu tiraillée par ce réveil brutal, il me fallut quelques secondes pour comprendre qu'il s'agissait de son téléphone portable qui sonnait et vibrait près de ma tête. Il a dû lui échapper en s'assoupissant. Vue la lourdeur de son sommeil, il a dû rester éveillé pendant longtemps, alors, jugeant meilleur le laisser à son repos, je répondis à sa place, réduisant au silence l'affreuse sonnerie qui faisait bourdonner mes tympans.
- Allô...
- SANS ! J'ai reçu un appel de ton patron, est-ce que tu lui as prévenu que tu ne travaillais pas cette nuit ??
- E-Edge, crie pas...
Il eut un moment de silence. Il semblait réaliser une chose qui ne m'était pas inconnue.
- Lhea ?
Je fis un oui de la tête même s'il ne pouvait pas me voir.
- Ça fait longtemps que tu es réveillée ?
- Une minute ou deux, je n'sais pas...
- Te sens-tu bien ?
- Je me sens barbouillée comme si j'avais mangé trop de lasagnes...
Nouveau silence. Puis soupir. Je n'étais de toute façon pas en état pour m'excuser.
- Sans est là ?
- Non, mentis-je pour ne pas être obligée de le réveiller. Je l'entends prendre une douche. Sûrement pour évacuer le stress.
- Quand il aura fini, tu lui diras ce que je t'ai dit !
- Ouais, mentis-je encore une fois, parce que je ne savais même plus pourquoi il téléphonait à l'origine.
- Je rentre demain soir, je dors chez Mettaton cette nuit. Je vous fais confiance ! Rah, qu'est-ce que je dis... NE CASSEZ RIEN ! Nyehehehe ! À demain !
Il raccrocha. Je fixai l'écran du téléphone de Red dans ma main, mais il avait mis un mot de passe. Je ne pouvais plus voir ses conversations.
- Ce n'est pas bien de mentir.
Je sursautai en voyant le petit squelette avec les orbites grandes ouvertes me juger d'un regard qui se voulait amusé.
- Remercie-moi plutôt, tu ne passes pas pour un gros flemmard qui dort sans cesse...
Il me répondit par un simple sourire.
- Tu te sens toujours barbouillée ?
Je ne pus qu'hocher la tête en déposant le téléphone dans un coin du canapé. Il posa une main qui me parut beaucoup trop froide sur mon front, profitant que j'ai enlevée la serviette pour apprécier ma température.
- T'es brûlante de fièvre.
Il fit apparaître mon âme. Je note qu'il ne m'a pas demandé mon avis, mais n'en fis aucune remarque, sachant pertinemment bien que je n'aurais pas refusé dans le cas contraire.
- Elle a une fissure, constata-t-il en tenant le cœur transparent devant lui avec une certaine inquiétude. Qu'est-ce que tu as fait ?
- J'ne sais pas.
- Tu savais qu'elle était dans cet état ?
- Non, je viens de le voir.
- Ça fait longtemps que tu ne te sens pas bien ?
- Non, c'est récent.
Tout était mensonge sauf pour la fissure. Je viens de la remarquer, effectivement. Et le fait que je ne sache rien sur ma santé ne semblait pas lui plaire.
- Bon, c'est peut-être juste le froid aussi, conclut-il, à bout d'idée. Je ne m'y connais pas vraiment en humain, je ne sais pas trop comment fonctionne votre santé ou ce genre de chose. Peut-être que ce sont des séquelles à cause de la commotion cérébrale du nouvel an, même.
Si c'était ça, ils ne m'auront pas renvoyée à la maison en prétendant que j'allais bien. Mais je pris soin de ne pas le relever.
- Straw, sérieusement, qu'est-ce qu'il se passe ?
Cette fois, ses pupilles avait disparu et il semblait désespéré de comprendre. Sa main se resserra autour de la mienne, comme s'il voulait m'empêcher de partir.
- Ça fait des heures que tu dors, personne ne sait ce qu'il t'arrive, tu n'as rien. Ton corps pète la forme mais ton âme et ton état ne peuvent pas mentir. Tu vas mal, Straw. Tu vas mal et je n'en sais pas assez pour t'aider. J'étais un adolescent surdoué qui faisais des études et des expériences, je sais tellement de choses ! Mais... Tu es un mystère, je ne sais pas comment t'aider...
Sa voix tremblait et menaçait d'éclater en sanglot. Je pus reconnaître l'ombre d'une larme se former aux coins des yeux, menaçant d'éclater au prochain clignement d'orbite.
Inquiet.
Désespéré.
Misérable.
Finalement, je pris une profonde inspiration et lui répondis. Ma voix était faible et mon ton fade. Et ces simples mots auraient pu stopper les battements de son âme s'ils en avaient le pouvoir.
- Je ne sais pas, mais je crois que je suis en train de mourir.
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