•𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 𝟒•

Les mains reliées entre elles avec l'aide de menottes, je suivais docilement le gardien. C'était un chien avec des dents pointues et un pelage grisâtre, dévoilant saleté et vieillesse. Cela faisait à peine quelques secondes que j'étais sortie de ma cellule, et nous voilà déjà dans une nouvelle salle, salle que je n'avais jamais vue auparavant. Elle ressemblait à la pièce où j'ai passé mon coup de fils plus tôt dans la journée, avant même que le Soleil n'ait fait apparaître le bout de son nez. Elle était plutôt spacieuse, bien qu'elle soit divisée en deux parties. Je n'avais accès qu'à la première, étant séparée par une vitre aussi épaisse que large. Une table trônait en son centre, en dessous d'un cercle gris avec des petits trous dedans.

Le gardien me libéra de mes menottes et m'enferma dans la pièce. Rapidement, je m'asseyais sur la chaise devant le bureau et attendis. Pas longtemps, heureusement, car la seconde porte - celle qui se trouvait dans l'autre partie de la pièce - s'ouvrit et laissa entrer deux silhouettes que je reconnaissais. La plus grande appartenait à Papyrus ; son imposante carrure ne laissait planer aucun doute... Quant à Sans, traînant derrière lui comme un compagnon canin mais sur deux pattes, peinait à suivre les grandes enjambées de son cadet.

Les deux squelettes s'installèrent sur les chaises en face de moi, toujours de l'autre côté de la vitrine.

- Lhea...

Il ne m'avait pas vraiment appelée. Papyrus avait simplement murmuré ces quatre lettres d'une voix rauque et cela suffisait à me faire frissonner. Il ria tranquillement, amusé de la situation, avant de finalement lever la tête pour me regarder. Ses orbites me dévisagèrent avec amertume, tandis que son grand frère tapotait nerveusement sur ses rotules du bout des phalanges, attendant que son Boss ne reprenne la parole. Ce fut moi qui me lançai, incapable de supporter davantage le manque de son qui rendait l'air plus lourd.

- Vous m'voulez quoi ? demandai-je amèrement, les bras croisés devant ma poitrine, ou du moins, le peu que j'en avais.

Le silence fut seule réponse à ma question.

- J'vous ai demandé quelque chose alors soyez un peu foutus de me répondre, merde ! m'énervai-je en tapant du poing contre le bois clair qui nous liait.

Papyrus n'était pas muet, loin de là. Il avait seulement cet air de malice dans le regard, quelque chose que je n'avais jamais vue auparavant et cela ne me plaisait pas, bizarrement. On dirait qu'il jouait avec mes nerfs.

- Bien, je vais parler si c'est ce que tu souhaites...

Son ton c'était adouci, ça me perturbait car jamais je n'avais vu Papyrus aussi calme face à mon manque de patience et de courtoisie. Bon, après, je ne le connais que depuis peu... Ce n'est pas comme si je le connaissais vraiment vraiment, non plus.

Je remarquais, du coin de l'œil, Sans qui portait le même pull que le jour de notre rencontre, à savoir, il y a cinq jours. C'était celui qui avait la belle couleur moutarde et je me demandais la raison qui l'avait poussé à choisir ce haut en laine en particulier, aujourd'hui. N'avait-il rien d'autre ?

- Boss, t'es sûr que c'est vraiment une bonne idée... ? avait soufflé le plus petit à son frère, plus bas qu'il ne fallait pour éviter que je ne l'entende.

En vain car je l'avais entendu.

Papyrus ne lui répondit pas et c'était avec un sourire - et je ne saurai dire s'il était malveillant ou non - qu'il reprit la parole.

- T'es vraiment une sale gosse, tu l'sais ?

Il laissa quelques secondes s'écouler avant d'enchaîner.

- Néanmoins... Ça te dirait d'avoir un endroit pour dormir ? De quoi vivre ?

Que devais-je répondre ? Bien sûr que je le voulais, mais je ne voulais pas qu'on me l'impose ! Voulait-il me narguer ? Me rappeler que je n'étais qu'une pauvre orpheline sans abri ? Je sentais le piège à plein nez...

- Vous m'demandez de vivre avec vous, hein ? Vivre avec des monstres ? Sérieusement ? Je sais que je suis désespérée mais pas à c'point.

Sans agita discrètement ses mains moites de stress, comme pour me demander de la fermer. Mais l'ignorance de mon prochain était un don de naissance.

- Bien sûr que j'veux une maison, mais j'sens l'piège, finis-je par dire en soupirant.

Papyrus ria, semblant ignorer son voisin.

- Comme tu veux, je souhaitais juste être... Comment c'est le mot déjà ?

Sans lui chuchota au conduit auditif.

- Ah oui, sympa. Mais comme tu refuses, je ne vais pas insister, c'est ton choix après tout morveuse.

Il se leva.

- Bien. Sans, on rentre.

Le plus petit squelette lui fit signe de l'attendre dehors. Lorsqu'il était certain d'être tout seul dans la pièce avec moi, il m'interpela.

- Gamine, si j'étais toi j'aurais accepté. C'est peut-être pas la meilleure des personnes, mais il sait se montrer bon envers les autres quand il peut en tirer profit. Alors... J'te laisse réfléchir. Mais si tu refuses, ça me laissera plus de place dans notre appartement.

Sans se leva et se dirigea vers la porte de sortie avec nonchalance.

C'est vrai qu'un appartement serait toujours mieux qu'une cellule de prison... Je devrais accepter.

- Attends, Sans !

[...]

- Tu vas dormir dans le balcon, mais si je juge ton attitude irréprochable durant les jours à venir, je t'autoriserai à dormir sur le canapé. Mais dans le cas contraire, je te punirai. Si tu veux un avant-goût de ce qui t'attend, demande à Sans. Tu iras au collège cinq fois par semaine, et le soir, tu travailleras pour gagner de quoi payer le repas, en plus du salaire de Sans. À deux vous aurez sûrement plus que des boîtes de raviolis.... J'm'occuperai de te trouver une place quelque part. Et tu participeras aux tâches ménagères. Des questions ?

Je regardai le canapé qui m'avait tant manqué en me demandant si j'avais bien fait d'accepter la proposition de Papyrus.

- Non, aucune...

Papyrus passa devant moi en posant les mains sur les hanches.

- Bien. Je vais passer aux vrais règles de vie commune, à présent. À l'avenir, tu m'appelleras Monsieur. Interdiction de m'appeler autrement. Tu devras me vouvoyer. Tu n'auras pas le droit de sortir après vingt heures. Tu as intérêt à avoir un comportement irréprochable à l'école ainsi que des notes de minimum seize sur vingt. À chaque fois que tu amènes des résultats en-dessous ou que tu ne respectes pas l'une de ces règles, tu seras punie, et sévèrement. Aux yeux de la loi, je suis ton nouveau tuteur temporairement, donc n'essaye pas de fuir.

Je soupirai. Bien sûr, il allait me rendre la vie dur, ce con. Mais c'est mieux que la prison...

Soudain, alors que Papyrus s'apprêtait à poursuivre son monologue, son téléphone vibra dans sa poche. Il regarda le message et enfila à nouveau sa veste.

- Même pas foutu de se débrouiller celle-là... Sans, tu vas accompagner Lhea au magasin pour acheter... De quoi remplacer ce drap. J'ai à faire.

Il me désigna d'un signe de tête.

- C'est un pull Pa... Monsieur.

Il ouvrit la porte en m'ignorant.

- Je reviens à dix-sept heures. Vous avez une petite heure avant que les magasins ne se ferment, alors si j'étais vous, et je ne serai jamais vous heureusement, je partirais maintenant.

Est-ce que j'ai bien fait d'avoir accepté ?

J'crois pas... Urg...

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