Kaïa tenta de me consoler, mais je m'étais pris d'affection pour une pierre. Et c'était tout ce qui me restait de mon père. Pourtant, je ne pouvais retourner en prison.
Ma mère et mon oncle me conseillèrent d'écrire une lettre de remerciement à Hélène. Nina et Christophe m'aidèrent. Ce fut pompeux, mais je supposais que la Grande Reine aimerait cela. Je regardais la pierre quelques minutes avant de la poser dans l'enveloppe. Kaïa, Nicolas, ma mère et même les Cadowell m'avaient tous proposé d'être là pour me soutenir, mais je voulais rester seul avec elle pour nos derniers moments. C'était si difficile. J'avais besoin d'elle.
- On va devoir se séparer, lui dis-je finalement pour retarder l'échéance.
- Triste, me répondit-elle.
- Tu vas beaucoup me manquer.
- Moi aussi petit mouton !
- Amuses-toi bien avec Hélène !
Je la posai dans l'enveloppe, avec émotion. Quand sa voix retentit une dernière fois dans ma tête :
- Merci de m'avoir retrouvé !
Je confiai l'enveloppe à Christophe plus tard qui la donnerait en personne à Hélène.
Pour me consoler, je jouai sur une console de Nicolas. Il s'amusait avec ma sœur, alors je pouvais bien en faire autant avec ses jeux. Ils revinrent avec une Kaïa assez sombre.
- Je rentre dans quelques jours à Haldar ! nous déclara-t-elle. Ma tante n'a pas aimé que j'aide un criminel à fuir des prisons de Barcelia. Elle a exigé mon retour. Et comme ma mère a créé déjà pas mal d'ennuis, mon père a décidé qu'on rentrerait tous, en attendant qu'il soit muté autre part.
Sa voix tremblait. Camille lui prit la main. Je la regardai sombrement. Je n'avais plus la pierre et ma douce amie, si magnifique, s'en allait.
- Merci, nous dit-elle avec émotion. Pour une fois j'ai vraiment eu des amis.
- Non tu as toujours des amis, rectifiais-je.
- Oui. On se reverra. Et on sera toujours là pour toi, déclara Nicolas.
Je lui souris, reconnaissant. Mon meilleur ami avait eu tant de mal à accepter celle que j'aimais tant. Et maintenant, il lui faisait un promesse qu'il ne briserait jamais.
Dans les jours qui suivirent, je repris l'école et créais quelques dégâts avec ma magie fluctuante à nouveau.
Mon oncle, pour ne pas partager son lit avec ma mère, passait ses nuits chez Olivia. Ce qui engendra de nombreuses questions de ma mère sur elle : quand est-ce qu'il allait lui présenter ? Est-ce qu'ils avaient une relation sérieuse ? Ils se connaissaient depuis combien de temps ? Allaient-ils se marier ? Mon oncle évitait de répondre. Ce qui nous faisait rire Camille et moi et animait nos souper. Puis au cours d'une soirée, elle croisa Olivia au bras de Xavier et elles sympathisèrent. Au point que je les retrouvais souvent toutes les deux à la maison quand je rentrais.
Elle avait déjà une amie.
Pour l'instant elle hésitait à reprendre son travail d'herboriste ou à réaliser son rêve d'enfant et devenir fleuriste. Elle s'accorda un mois de réflexion ce qui ne me déplaisait pas, elle était toujours disponible pour moi du coup. Ce qui me plaisait moins par contre, ce fut le fait qu'elle commença à s'intéresser à quelques hommes célibataires. Certes mon père lui avait menti, mais c'était un peu tôt non ? Mon oncle lui semblait trouver que c'était une excellente idée, surtout si ça empêchait ma mère de se mêler de sa vie amoureuse à lui. Et je suppose qu'il pensait que n'importe qui sera mieux que mon père.
- Tu sais, j'étais jeune, me dit-elle un jour en me parlant de mon père. Je ne réfléchissais pas vraiment. J'ai eu le coup de foudre et j'avais du mal à voir les choses objectivement. Aujourd'hui avec le recul, je sais que c'était stupide d'aller aussi vite avec un inconnu aussi mystérieux.
- Mais tu ne te doutais de rien ?
Évidemment que non. Jusqu'à, ce que peu de jours avant sa mort, où elle avait reçue un exemplaire des trois mousquetaires où le nom d'Athos était souligné. Elle n'avait jamais eu le temps d'en parler à mon père. De plus, son physique était très différent à l'époque où elle l'avait connu de celui du Grand Roi. À son époque de grand roi, il était très musclé au niveau des bras mais avait quelques kilos en trop sur les hanches. Son teint était assez mât. De plus, ses boucles blondes impeccablement coiffées étaient coupé courtes et ses yeux étaient verts. Ma mère avait pourtant connu un homme sec, au teint pâle, aux cheveux noirs en bataille lui allant aux épaules, portant des lunettes devant des yeux bleus.
Je commençais à me demander si c'était bien le même homme.
Je n'eus aucune difficulté à me retrouver en tête à tête avec Kaïa. Nicolas et Camille roucoulaient loin de mes yeux. Je passais alors d'un coup beaucoup plus de temps en tête à tête avec elle.
Un après-midi, je finis par lui avouer mes sentiments. Nous étions chez moi. Assis contre mon lit, nous révisions des combinaisons de sortilège en faisant léviter, brûler et tourner une boule de papier, en discutant. Pendant que Kaïa se concentrait, je ne pus m'empêcher de la contempler. Elle était si belle. Je devais lui dire. Et, alors que cela faisait neuf mois que je n'arrivais pas à m'y décider, cela sortit tout seul :
- Je t'aime Kaïa !
- Je sais, me dit-elle tout en restant concentré.
Je la regardai surpris. Elle soupira et laissa tomber son sort pour me regarder.
- C'était assez évident.
Je souffris alors, d'une manière assez inédite pour moi. Si elle le savait et qu'elle s'était tut c'est parce que notre relation amical lui plaisait telle qu'elle était. Elle ne m'aimait donc pas.
- Je t'aime beaucoup Théophile. Mais pas de cette façon, me confirma-t-elle.
Jamais je n'avais pensé qu'une phrase si simple, dit avec tant de tendresse pourrait me briser le cœur. Et pourtant c'était le cas. J'avais l'impression que le monde entier s'écroulait, de me noyer dans une obscure mer de désespoir. Kaïa, ma Kaïa, la princesse de mon cœur, La Femme avec un F majuscule, celle avec qui je devais passer le restant de mes jours, voyager partout et faire des tas de bambins ne m'aimait pas.
- Et tu ne changeras jamais d'avis ? demandais-je avec espoir.
- Personne ne peut prédire l'avenir, assura-t-elle en me serrant la main.
Les jours suivant furent difficiles. Nicolas comme ma mère tentèrent de me consoler comme ils purent, mais ce fut maladroit. Je pensais alors à ma chère pierre, qui elle aurait sans doute su trouver les bons mots, ce qui me mina plus encore. Je fus donc content que Nicolas et ma sœur se fassent discrets devant moi. Même si, par moment, ils se regardaient d'une façon, qui me mettait plus mal à l'aise encore, que si je les surprenais échangeant un baiser. Je commençais à me rendre compte que j'étais plus seul que jamais.
Je pus au moins retirer une bonne chose de la relation entre ma cadette et mon meilleur ami. Ce fut une discutions qui m'arriva avec Clément, qui m'attrapa un jour après les cours :
- Écoute ! Je sais que tu vas avoir du mal à me croire, mais Nicolas et Camille sortent ensemble.
Je le fixai, incrédule qu'il vienne me parler pour les dénoncer.
- Je sais, lui répondis-je.
- Et Nicolas à l'air en pleine forme, fit-il remarqué.
Un sourire naquit sur mes lèvres. Finalement cette conversation m'amusait.
- Il l'est.
- Tu ne lui as rien dit ?
- Non. Pourquoi ? demandais-je avec un visage ingénu.
- Pour moi tu n'as pas eu autant de scrupule ! s'irrita mon ancien ami.
- C'est différent !
- Ah oui ! C'est Nicolas ! Lui il peut faire tout ce qu'il veut ! Tu ne lui en voudras jamais.
Il partit de mauvaise humeur. J'étais bien content qu'il soit si embêté.
Enfin on fit nos adieux au Blanktest. Kaïa nous serra dans ses bras et pleura des larmes de sang.
Nils me tendit la main et me déclara :
- J'ai connu ton père tu sais.
Je compris que mon amie lui avait tout raconté. Je lançai un regard de reproche à la bavarde.
- Écoute, je sais tenir ma langue. Ce que je voulais dire c'est que bien qu'on a jamais été très amis lui et moi, il a toujours été un homme.... D'honneur, qui a toujours tout fait pour les siens. Je suis vraiment triste de savoir qu'il n'est plus.
Je le remerciai. C'était la première personne qui avait bien connu mon père qui m'en disait du bien. Cela me soulagea d'un poids que j'ignorais porter réellement.
Puis, une semaine et demi plus tard, alors que je retournai de l'école avec Camille et Nicolas, comme toujours chez les Cadowell, Nina m'accueillit d'un air paniqué :
- Camille et toi devez rentrer, tout de suite !
Ma gorge se serra. Que se passait-il encore ?
En arrivant à la maison, je vis ma mère et Xavier assis à la table, l'air sombre. Ils n'étaient pas seuls. Paul était là. Paul de Barcelia, le capitaine des gardes. Qu'est-ce qu'il faisait ici ?
- Théophile Gironnant, vous êtes amicalement convoqué chez notre Grande Reine ! déclara-t-il solennellement.
- C'est une blague ! déclarais-je.
- Pourquoi ? demanda Camille.
Xavier me tendit une lettre. Le seau de Barcelia était apposé à la fin.
Monsieur Gironnant.
Notre Très Grande Reine, Hélène la magnifique, requiert votre présence au plus vite pour une entrevue en huis-clos, en présence des seuls membres de la Grande famille royale.
La situation exige une discussion de toute urgence.
Un refus ne pourrait être accepté.
Ce n'était pas si amicale.
- Je dois aller à Barcelia ?
- Oui. Tout de suite.
- Il ne peut y aller seule ! protesta ma mère.
- Sa famille est conviée également.
On se dévisagea, alarmé. Étais-ce à propos de Voroï ? Mathieu le Terrible était de leur famille après tout. Et j'avais dévoilé leur secret au grand jour, même si la version officielle suggérait qu'ils ne savaient rien. Peut-être avaient-ils à subir des reproches des autres familles régnantes depuis mon retour, qui eux devaient savoir.
Et qu'allaient-ils me faire là-bas ? La panique me saisit. Je ne savais comment agir, ou que dire. J'écoutais sans avoir l'impression d'être là ma mère, Xavier et Paul débattre. Ne pouvait-on pas nous laisser en paix ?
Finalement ma mère et Xavier convinrent qu'elle nous accompagnerait et qu'il resterait ici. Paul ignorait quand nous reviendrions. Ce qui m'inquiéta plus encore.
Mon ventre se serra. Mais nous le suivîmes.
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