Chapitre XVI - ... derrière le masque, derrière le masque.
Après un long moment d'attente, les portes s'ouvrirent. Mathieu le Terrible arrivait enfin.
Dans un ensemble parfait on leva la tête pour découvrir le visage qui se transformait sans cesse. C'était encore plus fascinant à voir en vrai. Lui-même était d'ailleurs plus impressionnant encore avec sa haute taille qui nous dominait largement. J'eus un frisson devant cet homme qui ne pouvait que m'effrayer. Il avait eu le pouvoir de tuer mon père et détruire ma famille chaque fois un peu plus.
- C'est gentil de nous rendre visite ! ironisa-t-il.
- Je suis venu pour une visite familiale en réalité. Ne vous vexez pas.
- Tu verras ta sœur et ta mère. Mais chaque chose en son temps.
On se releva et il avança vers nous d'un pas martial. Il examina mes amis en se tenant à quelques pas de nous, m'ignorant, il s'inclina devant Kaïa.
- Désolé, je manque à tous mes devoirs ! Mes sincères salutations votre Altesse ! Je vous souhaite un bon séjour parmi nous, ainsi qu'à votre ami, dont j'ignore encore le nom.
Il dévisagea mon meilleur ami, qui lâcha sèchement :
- Nicolas Cadowell, Monsieur.
J'aurais pu rire de l'éducation parfaite de mon ami, qui faisait qu'il soit poli à tout instant. Mais je n'étais pas vraiment d'humeur. Une lumière de satisfaction brilla dans les yeux de notre ennemi. Il devait savoir qui était les parents de mon meilleur ami. Cela me surprenait. Nina ne devait pas vraiment être connue en dehors de Firento et Christophe faisait un travail qui le rendait plutôt discret. À part les ambassadeurs qui devaient avoir l'habitude de le voir et quelques monarques, je ne pensais pas que qui que ce soit puisse le connaître de nom. Alors cela signifiait-il que mon interlocuteur était un proche des Cadowell ? Ou au moins un firentais.
- Tu choisis bien tes amis, me complimenta-t-il, comme l'avait fait Kamélia quelques mois plus tôt.
J'en frissonnai.
Je me souvins de l'intérêt que portait la fée au sans-visage. Elle savait que j'avais la pierre et elle s'intéressait beaucoup à mon père. Elle était d'ailleurs revenue à Firento peu après sa disparition. Peut-être, parce qu'il la menaçait de tout révéler si elle se montrait. C'était pour cela qu'il fuyait, qu'il avait peur. La représentante des fées était quelqu'un de puissant, contre qui même le Grand Roi de Firento ne pouvait rien. En restant à Firento, sa cité à elle, il s'assurait sans doute qu'elle ne se cache pas pour s'opposer à lui. Et si elle, elle restait chez les fées, c'était parce qu'elle savait que s'il la revoyait, il avouerait la vérité au monde entier, y compris aux fées. C'est aussi pour cela qu'elle avait dû le tuer, pour ne pas rester terrer indéfiniment.
Tout collait. La pierre qui ne l'aimait pas, c'était parce qu'elle savait. La fée connaissait également mon emploi du temps et à quel moment j'étais seul ou non, parfait pour m'attaquer quand j'étais seul.
- Qu'allez-vous faire de nous monsieur ? interrogea mon meilleur ami.
- Eh bien, pour vous et son altesse royale, je suppose que vous rentrerez bientôt chez vous. Je devrais trouver un accord avec vos parents pour qu'ils vous revoient. Une petite aide financière devrait suffire. S'ils veulent vous revoir évidemment.
Mes deux amis baissèrent la tête.
À cette époque, ils vivaient seuls avec leurs parents. Ils étaient la fierté de ceux-ci, leur bien le plus précieux. Je savais et Kamélia également, que les Blanktest comme les Cadowell seraient prêts à mettre le prix pour les récupérer. Pour moi, qui ferait ça ? Je voyais mal Xavier, qui tenait tant à son argent, se ruiner pour me retrouver. Peut-être l'aurait-il fait pour ma mère, mais pour moi ? De toute façon, Kamélia avait d'autres projets pour moi sans doute.
- Et moi ? interrogeais-je donc avec rage.
J'étais furieux ! Furieux d'avoir été trahi par Kamélia. De ne pas l'avoir vu plutôt. De ne pas m'être méfié, quand tout m'y poussait.
- As-tu ce que je t'ai demandé ?
- Non ! Je n'ai pas pu la trouver. Je ne l'ai même jamais vue.
Il éclata de rire. Un rire sinistre à vous faire froid dans le dos.
- Crois-tu que je sois stupide Théophile ? Je sais reconnaître quand on me ment ! Une qualité essentielle quand on dirige une association de terroristes !
- Je dis la vérité !
- Pourtant, un sans-visage t'as vu utiliser la pierre, devant la Grande Reine !
On n'y avait pas pensé, mais toutes les cités devaient avoir appris ce qui s'était passé désormais. Les sans-visages aussi sans doute. Mon ennemi continua de se vanter en tout cas :
- Je commençais à m'ennuyer du temps que tu mettais pour venir Théophile. Pourtant, j'avais tout fait pour que tu saches où je me trouvais, en enlevant ces gardiens par exemple. Mais tu semblais hésiter. Je savais bien que tu jouerais le héros pourtant, tu tiens cela de ton père. J'ai donc perturbé l'esprit de ce ministre pour qu'il ait envie de tuer la Grande Reine.
- Comment pouviez-vous savoir qu'il aurait la pierre ? intervint Kaïa
- Connaissant le Grand roi Émile, il a dû la cacher quelque part. Il se savait en danger. Il savait également que je la convoitais et que rien ne m'arrêterais. Mais il devait être sûr que ta sœur ou toi puissiez la trouver en cas de besoin. Ton père n'aurait jamais accepté qu'un héritage familial soit perdu par sa faute. Il avait de l'honneur le bougre ! C'est ce qui l'a tué d'ailleurs. Il m'aurait donné la pierre et tout aurait été différent ! Tu aurais sans doute été élevé par tes parents.
- Je vous interdis de parler de ma famille ! m'emportais-je.
Entendre parler de mon père, de sa mort, d'un air si indifférent, de la bouche de son meurtrier me donnait envie de sauter sur mon ennemi. L'entendre blâmer mon géniteur de sa propre mort, pour laquelle il était responsable, me donnait la rage.
Le sourire satisfait que mon interlocuteur avait affiché s'était éteint alors.
- Je ne crois pas que tu sois en position d'ordonner quoi que ce soit !
- Je suis sûre que Théophile est bien plus puissant que vous ! me défendit mon amie vampire.
- Je n'en doute pas une seule seconde, concéda-t-il en se penchant vers nous. Mais j'ai ici des centaines de magiciens expérimentés, sous mes ordres, qui pourraient intervenir en quelques secondes. Un temps bien insuffisant pour me neutraliser, lui n'a que deux adolescents pour le défendre.
Un silence tomba. Il nous toisa avec suffisance. Je haïssais cet homme comme je n'avais jamais haï quelqu'un.
- Je veux voir ma sœur ! réclamais-je.
- Tu la verras ! La pierre ?
- Je ne l'ai plus. Hélène me l'a prise.
- J'ai des amis assez haut placés pour savoir que c'est faux ! Pourquoi crois-tu qu'aucun Carignan ne t'ais fouillé pour récupérer la pierre ? On leur a conseillé, pour leur sécurité, de ne pas t'approcher, parce que je l'ai décidé ! Et il t'aurait été impossible de t'évader de prison sans.
Tout le monde se tut. Je le toisai avec fureur.
- Je ne la donnerais pas et sans moi vous ne pourrez pas la trouver elle est invisible. Alors qu'allez-vous faire de moi ?
- Toi, tu vas rester ici, en famille. Tu m'aideras.
- Quel beau rêve vous avez là !
- Si tu ne veux pas me donner la pierre, peut-être accepterais-tu de l'utiliser pour moi ?
- Vous pourrez toujours courir pour que je fasse quoi que ce soit pour vous !
- Tu ignores pourtant quelle utilisation je veux en retirer.
- Une noble cause sans doute ! ironisais-je.
- Nous sauver des fées est une bonne cause.
Je le dévisageai ébahit. Soit elle était folle, soit elle mentait pour se couvrir.
- Vous êtes malade ! lâchais-je.
- Pourquoi en vouloir aux fées ? questionna Nicolas. Elles nous ont toujours été d'un grand secours.
- Un peu trop même ! Les fées nous manipulent pour je ne sais quelle raison. Mais je ne les laisserai pas faire. C'en est fini de diriger nos vies. Et quand tout le monde sera libre, grâce à moi, je serais un Dieu vivant.
- J'hésite entre parano ou monomaniaque pour vous qualifié, coupa Kaïa.
- Je sais juste plus de choses que vous jeunes gens. Savez-vous seulement qui sont les fées du destin ?
- Une légende ! renifla la vampire.
Un mythe même. On disait que chaque personne était suivie tout au long de sa vie par trois fées. Elles tissaient une tapisserie représentant votre vie, l'influençant de cette manière, jusqu'à couper le fil qui représentait notre vie. Alors on mourrait.
- Ce n'est pas une légende. J'ai déjà vu les fileuses. Et j'ai tué les miennes.
Mes amis et moi on échangea un regard perplexe.
- Ne plus être suivi par les fileuses, c'est comme une nouvelle vie. Vous pouvez faire ce que vous désirait, ressentir ou croire ce que vous souhaitez. Cela ne vous tuera pas mais vous libérera.
Visiblement, il y croyait. On préféra ne pas le contredire et revenir à nos affaires.
- Comment avez-vous su que Théophile avait la pierre ? Je veux dire, comment pouvez-vous être certain que son père la possédait et lui a léguée ? demanda la fille qui faisait battre mon cœur.
Il hésita avant de parler.
- J'ai toujours su qui était véritablement Denis Athos. Avant même qu'il ne prenne ce pseudonyme d'ailleurs.
- Vous allez bientôt me faire croire que mon père et vous étiez les meilleurs amis du monde ! l'interrompis-je.
- Pas du tout ! Je l'ai rencontré chez les démons. Comme moi, il haïssait les fées.
Je levai les yeux au ciel.
- Il n'était pas un sans-visage ! protestais-je.
- Pas vraiment. Ton père, en bon politique, voulait parlementer. Il me trouvait trop radical. Mais il m'a plusieurs fois financé quelques opérations. Car moi, je savais qui il était réellement, puisque les démons m'avaient appelé en le recueillant. De son côté, il en savait suffisamment pour savoir plus sur moi que ne le savent des personnes lambdas. Je savais donc qu'il valait mieux le laisser pour ne pas qu'il évente mon secret et réciproquement.
- Il savait qui vous êtes, c'est cela ? insistais-je
J'allais avoir confirmation de mon hypothèse. Mais mon ennemi s'esclaffa.
- Non. Il ne connaissait pas ma véritable identité. Très peu sont ceux qui la connaissent. Mais il savait que ceci est une imposture. Que Mathieu le Terrible était mort.
On le regarda avec surprise.
- Surpris n'est-ce pas ?
- Qui êtes-vous alors ?
Mon meilleur ami avait demandé ce qu'on se demandait tous les trois.
- Je suis le nouveau chef des sans-visages. On m'appelle Voroï.
On se regardait sans comprendre.
- Comment le père de Théophile pouvait-t-il le savoir ? interrogea Kaïa.
- Il faisait partie de la Grande famille royale. Mathieu le Terrible était un Carignan. L'oncle ou le cousin d'Émile, je ne sais plus. Il s'est disputé avec un démon et en est mort. Être tué par un démon laisse des cicatrices, que toute la famille royale a vues. Or, si on le déclarait mort, tout le monde découvrirait que les sans-visages étaient commandés par un Carignan. Quelle honte cela aurait été pour eux ! Ils ont donc fait disparaître toute preuve de la mort de Mathieu le Terrible et ils ont juste prétexté que Mathieu Carignan était mort dans un incendie. De notre côté, cela me rendait plus intouchable encore. Car si les Carignan parlaient pour dire la vérité, leur peuple n'aimerait pas cela. Donc au moment où j'ai remplacé Mathieu le Terrible, j'ai aussi pris son nom aux yeux du monde. Cela permet d'égarer les imprudents qui tenteraient de savoir qui je suis.
- Et vous avez pactisé avec ceux qui ont tué votre prédécesseur ! s'insurgea mon amie aux cheveux de jais.
- Tous les démons ne sont pas les mêmes. Et si tu sais comment te comporter avec eux, la plupart resteront inoffensifs.
- Mais pas tous.
- Et tous les vampires ou tous les humains sont inoffensif peut-être ?
On se tut. Il avait raison bien sûr. Même si je ne pouvais le croire, quand il affirmait les démons inoffensifs.
- Pourquoi avez-vous mis tant de temps à vous en prendre à nous ? interrogeais-je.
- Parce que, je n'avais aucun moyen de vous retrouver, ou même d'être sûr de votre existence. Ton père connaissant les risques vous entourant, vous a bien cachés. Il a mis sur vous des protections qui m'empêchaient de vous atteindre. En enlevant ta mère, je pensais pouvoir passer outre ces protections. En découvrant où tu étais, j'avais espéré pouvoir te contacter. Mais je ne pouvais passer que par elle. Jusqu'au jour où tu nous as fait ta petite démonstration de magie à la fête royale. Te retrouver a été un jeu d'enfant à ce moment-là. En te dévoilant publiquement aux douze cités tu as réduit à néant les protections que ton père avait tissées autour de toi.
Encore une bonne raison de me rappeler la honte de cet événement et la stupidité qui l'avait causée. Si j'avais su.... En fait je n'aurais sans doute rien pu faire d'autre. Je ne contrôlais pas ma magie après tout.
- Maintenant j'ai des affaires qui m'attendent ! Bon séjour parmi nous ! Théophile, nous évoquerons ta situation après le départ de tes amis !
On ne le retient pas. Mais avant de partir il appela dans son communiqueur :
- Romuald ! Viens ici !
Un garçon plus âgé que nous, grand et dégingandé arriva alors en sautillant. Il avait des cheveux bruns mi-longs mal peignés tombant sur son visage de manière désordonnés sous lesquelles je pouvais percevoir deux yeux bleus et un long nez. Ses lèvres fines affichèrent un sourire stupide quand il posa les yeux sur nous.
- Oui monsieur ?
- Montre-leur leur chambre ! Avec nos autres invités bien sûr. Puis fais venir le Consort dans mon bureau.
Il partit sans attendre de réponse. Il se contenta d'une parodie de révérence envers moi. On regarda la porte désemparée.
- Voroï te retient aussi ici ? demanda Kaïa au nouvel arrivé.
- Lui pas Voroi ! Joseph le Furieux ! Remplacer Voroi quand Voroi pas là. Prendre son apparence et faire croire être lui ! Voroi plus gentil avec Romuald.
Décidément, il y tenait à son anonymat ce Voroï. Et que devais-je penser de tout ce qu'il m'a dit alors ? À propos de mon père, de Mathieu le Terrible. Était-ce Voroï ou Joseph ? Tout cela devenait vraiment tordu et compliqué. Quant à ce garçon qui ne savait visiblement pas parler un latin convenable, il m'irritait au plus haut point. Mais peut-être en saurait-il plus. En tout cas Voroï était « gentil » avec lui, il connaissait peut-être quelques-uns de ses secrets.
Et qu'en serait-il pour nous ? Voroi serait-il plus clément ? J'en doutais.
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