Le grand jour arriva alors.
Encore une fois, nous prîmes des bus, car c'était plus rentable je pense et moins difficile à organiser. Mon cœur se serra en les voyant. Je songeais à Camille entre les griffes de ces monstres.
Kaïa débarqua vêtue d'un dos nu gris à paillette, d'une jupe très courte moulante et rouge, sur des collants violets. Aux pieds elle avait des bottines blanches et des guêtres rayées bleues et verte aux tibias. Avec son carré qui lui arrivait désormais presque à la poitrine et dont la teinture violette était presque effacée, cela faisait un effet vraiment très étrange.
- Permet-mois de m'absenter ou je vais étouffer de rire, me souffla mon meilleur ami.
Je lui lançai un regard noir. Il avait pourtant bien raison. Mais, aucun rire ne sortit de ma gorge, Kaïa me serrant dans ses bras, très fort. J'étais si content d'avoir le droit à de telle effusion, qu'elle me parut la plus magnifique des filles. Je la serrai, moi aussi, très fort, profitant de la situation. Elle finit par me relâcher, je dus en faire de même. Mais en se reculant, elle caressa ma joue qui s'embrasa automatiquement.
- Tout va bien se passer, me dit-elle avec douceur.
Elle se tourna vers Nicolas, qui la salua d'un signe de tête avec un sourire ironique aux lèvres.
On se mit tout au fond du bus. Kaïa s'installa près de la fenêtre et s'endormit, la tête sur l'épaule de Nicolas, avant même qu'on ait démarré. Lui et moi on décida de nous afficher avec sa superbe console portable nouvelle génération, alors qu'il détestait ça et que ce n'était pas la mienne, juste pour voir les têtes envieuses de nos camarades. Mais à mon grand regret, une autre raison les amena près de nous. La tête de Kaïa sur Nicolas amena tout le monde pour demander à mon meilleur ami s'il était le petit ami de la vampire. Je n'eus jamais autant envie de tuer tous ces gens.
Une fois arrivé, Barcelia recevant tous les élèves des douze cités, l'organisation fut plus carré, on passa par classe, Nicolas, fut donc séparé de nous. Mais on se retrouverait très vite. Les élèves de Barcelia, surtout les délégués, étaient là pour aider à tout organiser. Celle qui s'occupa de nous s'appelait Mathilde, elle avait quatorze ans, très petite et fine, son visage était recouvert de taches de rousseurs et elle portait de grosses lunettes. Elle fit l'appel, au nom de Kaïa, les adultes présents autour de nous fixèrent mon amie, qui défiait le monde du regard.
Elle nous fit rejoindre les élèves des autres cités de notre niveau et ceux de sa classe. Là on nous distribua des dortoirs. On s'installa loin de Clément qui, avec Arthur et Alexis semblait présider la bande des je-déteste-Théophile-Gironnant-et-je-suis-un-traitre, et on attendit Nicolas. Autour de nous, il y avait des élèves de toutes les nationalités, de toutes les espèces. C'était incroyable. Kaïa s'amusait à critiquer les tenues de chacun.
- Il y a d'autres membres de familles royales ? lui demandais-je curieux.
Je pensais que si Kaïa avait cours, pourquoi pas d'autres. Elle se tourna pourtant vers moi avec fatigue.
- Théophile, tu as vus mes parents non ?
- Oui. Et alors ?
- Tu sais bien que mes parents ont horreur de l'étiquette ! C'est pour ça que je vais à l'école !
Je ne dis rien. Nicolas choisit ce moment pour s'affaler avec nous. Il fut bien content de nous retrouver, au moins il n'avait plus à subir Christine qui le harcelait.
Enfin des professeurs vinrent nous informer du programme.
Aujourd'hui on devait juste visiter le château royal. Le lendemain ce serait une visite du musée le matin et la ville l'après-midi, le troisième jour on assisterait à une audience royale, le quatrième, petit cours d'histoire sur Barcelia, le cinquième, visite des monuments, le sixième, on passerait la journée dans un parc d'attraction, et le dernier jour ce serait quartier libre. Les règles étaient simples, assez similaires à Firento : Il y avait des endroits interdits, d'autre autorisés, on devait le respect à la famille royale, si on avait un doute, faire comme les autres autour de nous. Pendant notre visite, Kaïa dut partir « donner ses respects », c'est en tout cas ainsi qu'elle le présenta, aux Carignan. Je ne l'enviais pas.
Le palais royal était magnifique. Les murs bleus (chaque pièce avait une teinte différente) étaient ornés de fresques incrustées de diamants. Quant à la salle du trône, elle était encore plus immense que celle de Firento, plus éclatante encore. Il y avait de lourdes colonnes torsadées, d'un bleu presque blanc, jusqu'aux marches. Le sol et les murs étaient blanc nacré et paraissaient lisse comme du verre.
De petits portes-flames en cristal pendaient en cercle autour d'un autre, immense et fermé, orné de diamants dont le feu à l'intérieur avait une couleur bleue.
Un immense tapis bleu nuit parcourait tout le centre de la pièce. Il montait les trois immenses marches jusqu'au socle sur lequel était le Grand trône. Sur ce socle bleu ciel, on trouvait cinq marches, qui permettaient d'atteindre le trône lui-même, et les colonnes salomoniques qui le soutenaient. Ce trône était brillant comme une étoile.
Devant cet immense trône, il y avait les autres trônes, moins imposants, mais tout aussi bleus, brillants et lisses. Il n'y avait pas de marche pour les atteindre, il n'y avait pas de socle, ils ressemblaient plus à ceux de Firento. Sauf qu'ils n'étaient pas en or.
Derrière les trônes se trouvait une estrade pour les membres du gouvernement, finement sculptée. Et tout au fond, derrière tout cela, une immense tenture était accrochée : éclairée par des torches torsadées incrustées dans le mur, elle représentait le symbole de Barcelia : une hyène debout dans une couronne d'or, d'où sortaient des flammes bleues. De profil, elle vous fixait avec ses deux yeux de topaze en vous donnant des frissons.
La salle du trésor était, elle, tout aussi grandiose, mais d'un autre style. Totalement en or, les seules couleurs étaient dues à la frise au plafond, qui devait contenir toutes les différentes gemmes qui existaient. Le lustre lui-même était un trésor architectural, représentant un saule pleureur en or, orné de pierres précieuses. La Grande couronne, au centre de la pièce, était imposante. En or, elle était sertie de joyaux de toutes les nuances de bleu qui existaient. Les autres couronnes étaient plus petites, mais pas moins magnifiques. En argent, elles étaient très torsadées et recouvertes de pierres bleues.
Ce soir-là on eut une sorte de soirée dansante dans l'immense salle de bal. Totalement en or, elle était censée représenter une jungle. C'était assez réussi, les colonnes ressemblaient à des lianes, je m'y croyais vraiment. Kaïa y apparut dans une robe violette à pois noirs, recouverte de ruban, et pleine de froufrous. Elle retrouva quelques camarades de classe de ses anciennes écoles, qu'elle nous désigna, mais refusa d'approcher d'eux. J'eus le privilège de la faire danser, et m'en vanta toute la soirée auprès de Nicolas. Mais malheureusement, personne ne vint me demander si elle était, ou non, ma petite amie.
Le lendemain, on eut le droit à la visite du musée, dès le réveil il n'y a rien de pire pour vous donner plus envie de dormir. Au contraire de mes amis, visiblement passionnés, j'avançais à allure d'escargot. L'après-midi par contre fut merveilleux. On visita la merveilleuse, la grandiose ville de Barcelia.
On se promenait le long du marché, quand un garçon de l'âge de Camille, petit, le visage rubicond, portant de grosses lunettes rondes devant ses yeux bleus pâles, et aux cheveux blonds et gras, ayant autant de charisme qu'une pomme de terre, vint saluer mon amie vampire :
- Salut, moi c'est Antoine ! Je sais qu'on ne se connaît pas encore, mais je voulais juste te dire que tu es la fille la plus ravissante que j'aie jamais vue.
Il lui fit un sourire dévoilant un magnifique appareil dentaire, Ai-je précisé que la magie limitait normalement leur usage ? Lui, il devait avoir de sacrés problèmes de dents et fit apparaître des fleurs jaunes, qui pendaient tristement.
Je me retournai pour pouffer de rire sans que Kaïa me vît. Ce garçon était ridicule. Mon meilleur ami me chuchota discrètement :
- Je n'ai jamais vu une technique de drague aussi nulle !
- C'est parce que tu ne te regardes pas quand tu le fais ! commentais-je.
- Toi non plus tu ne m'as jamais vu le faire ! Alors que moi, avec ce que je t'ai vu faire, je pourrais écrire un livre qui s'intitulerait : Les cent erreurs à ne pas commettre avec les filles.
- Ah oui ? Alors pourquoi tu ne l'appliques pas ? Tu devrais te voir avec Camille, tu es pitoyable !
Le prétendant encombrant demanda alors à notre amie en nous désignant :
- L'un de ces damoiseaux est peut-être ton petit ami.
Nicolas et moi on échangea un regard. « Damoiseau » ? Cela ne se dit plus depuis au moins cinq siècles. Je voyais mon amie vampire hésiter sur sa réponse. Je me plaçais alors à ses côtés, l'air tout fier. Je pouvais jouer le petit ami super jaloux, hyper protecteur si elle le voulait. Ce serait pas si loin de la vérité, sauf qu'elle n'était pas encore ma petite amie, à mon grand regret. Bien qu'avec un garçon comme lui, je n'aurais pas besoin de me sentir jaloux. À côté de lui, je dois ressembler à George Clooney, en beaucoup plus jeune. Sauf que mon amie décida de dire la vérité et de nous adresser une petite pique par la même occasion :
- Non. Eux c'est des nuls !
Si je la fixais avec indignation, elle n'y prit même pas attention. Je me tournai vers mon meilleur ami qui la regardait avec agacement, les lèvres pincées. Il devait se dire qu'il valait mieux qu'elle.
- Ah ! fit son interlocuteur avec un regain d'intérêt. C'est que tu es tellement magnifique que ça ne m'étonnerait pas que tu aies les plus beaux hommes qui te courtisent.
J'évitai de regarder Nicolas, sinon j'allais éclater de rire, encore. Comment on peut sortir ça ?
- Non, c'est juste que tu ne m'intéresses pas, affirma la magnifique vampire en lui dédiant un magnifique sourire.
Comment elle faisait pour être aussi sérieuse ? À sa place je lui aurais ris au nez et lui aurais dit d'aller jouer avec les gens de son âge. Il partit sans pleurer, Kaïa, avec son charme particulier, avait réussi à lui faire croire que c'était mieux pour lui. Ce qui l'était à mon avis. Avant qu'on ait le temps de se moquer d'elle, elle nous montra Clément. Il était avec Mathilde, ce qui ne m'étonnait pas, elle avait l'air aussi arrogante et flagorneuse que lui. Mais qu'il ait faussé compagnie à Christine ou sa ligue d'anti-Théophile pour elle, m'étonnait assez. Sauf s'il était tombé sous son charme, Mathilde n'étant pas laide. Elle n'était certes pas une beauté, mais il était bien tombé amoureux de Camille. Alors qu'il était en général très difficile question fille.
- Si on les suivait ? proposa mon amie.
- Pourquoi ? questionnais-je.
- Pour voir ce qu'ils font.
- On s'en moque un peu.
Nicolas résumait très bien ma pensée et la sienne. Mais notre amie vampire voulait le suivre, pour le surprendre en plein dans un mauvais coup ou le déranger pendant qu'il batifolait, ce dont je doutais fortement. On préféra les suivre plutôt que de polémiquer. Cependant on les perdit très rapidement, les rues étant pleine de monde, à cause d'un concert de Cyril Stark, un chanteur pour adolescentes. On suivit la magnifique vampire qui avait eu l'idée stupide de suivre mon ancien ami à travers les rues. Sauf qu'on était définitivement perdus.
- Comment on fait pour rentrer ? lui demanda Nicolas.
- Théophile va utiliser la pierre !
Je soupirai, mais content de lui rendre service (qu'est-ce qu'on ne ferait pas par amour ?), je sortis la pierre qui immédiatement se mit à parler.
- Que se passe-t-il mes petits galopins ?
Visiblement c'était la journée du langage démodé.
- On est perdu dans Barcelia. Tu peux nous emmener près de quelqu'un ?
- Sans souci mon petit mouton. Qui cela ?
On se regarda avec hésitation. Kaïa proposa alors :
- Korrigan !
Comment la pierre put savoir qui se cachait derrière ce surnom, je l'ignore. Mais on atterrit derrière lui, avant même qu'on ait pu débattre de l'idée. J'eus le réflexe de mettre la pierre dans ma poche, au moment où il eut le réflexe de se retourner. Il fixa ma poche. Il avait vu, je ne sais comment, que j'y avais mis quelque chose.
- On faisait un test, se justifia mon amie auprès du professeur en rougissant.
- Un test ?
- Oui. On... Voulait voir si on pourrait retrouver quelqu'un... Dans la foule immense de Barcelia, broda Nicolas les yeux rivés au sol.
Mon ancien professeur examina mes amis, puis ma poche, avant de déclarer :
- Qu'avez-vous dans votre poche monsieur Gironnant ?
- Rien du tout, dis-je avec aplomb.
J'étais un parfait menteur, moi. Et Korrigan ne m'impressionnait pas. Bon d'accord il m'impressionnait encore un peu. Mais il n'était plus mon professeur. Il pointa le doigt vers ma poche et son contenu vola vers mon ancien professeur. Sauf la pierre, qui avait cessé de briller. Il examina mon paquet de friandise et mon communiqueur, avec suspicion. Pendant ce temps, j'entendais la pierre rire dans ma tête. Il m'observa alors étrangement.
Il nous laissa, mais lui et la directrice n'était jamais loin.
- C'est du harcèlement ! affirma Kaïa.
Je ne dis rien. J'étais rassuré qu'il n'ait pas vu la pierre.
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