Chapitre XIII - ... certes un peu brillant, mais un caillou quand même


Mais au milieu du mois de septembre, tout bascula.

On faisait des travaux pratiques sur la télépathie. En duo, on devait pénétrer l'esprit de son adversaire en le fixant et en se concentrant sur lui. L'autre devait se défendre, ce qui demandait une grande concentration. Dans l'un, comme dans l'autre rôle, j'étais pitoyable. Mais Kaïa, face à Clément, faisait des prodiges. Elle parvenait, sans la moindre difficulté, à bloquer son esprit, sans le moindre effort et sans incanter comme nous l'avait prescrit la professeure. Clément s'acharnait, mais elle continuait à se faire les ongles sans rien dire.

On finit tous par les observer.

Ce qui agaça profondément notre professeur.

Elle prit la place de Clément et mon amie repoussa son esprit sans plus de difficulté.

- Ce n'est pas la méthode que j'ai enseignée, finit-elle par affirmer.

- Non. Mais c'est celle qu'on m'a appris à Haldar.

- On n'est pas à Haldar ici ! Donc il faut utiliser les méthodes de Firento !

- Et comment savez-vous qu'elles n'ont pas changé, depuis le temps lointain où on vous a appris votre métier ?

Cette impertinence mit tout le monde bouche bée. Sauf la vampire qui fixait avec mépris notre professeur très en colère.

- Vous allez utiliser ma méthode où je vous renvoie chez la principale !

- Pourquoi, si la mienne fonctionne ? N'êtes-vous pas là pour nous apprendre comment obtenir quelque chose ? La manière importe peu.

On suivait tous le dialogue avec incrédulité.

- Vous allez le faire parce que c'est un ordre ! dit sèchement la professeure.

- Non !

- Vous n'êtes qu'une enfant gâtée ! soupira la professeure.

Elle jaugea mon amie qui ne semblait pas décidée à lui obéir et lui ordonna :

- Dans ce cas, pénétrez mon esprit ! Vous verrez que ma méthode est la meilleure.

- Non je ne peux pas, s'exclama mon amie malicieusement. Cela m'est interdit par les lois d'Haldar.

Je ne savais pas si elle disait la vérité, j'avais l'impression qu'elle faisait plutôt exprès pour embêter notre professeur, mais d'un autre côté je savais que certains pays avaient interdit qu'on force l'esprit des autres.

- Cela suffit ! Cette fois vous venez de me donner un motif de renvoi définitif !

Elle partit à son bureau, où elle écrivit une longue lettre, qu'elle enveloppa et me la tendit.

- Allez chez la directrice et amenez-y Kaïa !

Je fixai la professeur ébahi. Kaïa était mon amie, elle le savait, tout le monde le savait. Je ne pouvais pas aller la vendre. Mais ne pas obéir me vaudrait des problèmes à moi.

- Je ne peux pas ! protestais-je.

- Si ! Vous l'amenez, posez le mot et vous partez. C'est aussi simple que cela. Vous au moins, vous ne pourrez pas être corrompu par ses paroles. J'ai confiance en vous.

Quelques voix indignées montèrent dans la classe. Nathan se proposa pendant que Lucas expliquait que c'était injuste de m'y envoyer et que Tom l'insultait à voix basse. Mais je n'y prêtais pas intention. J'avais l'impression que les murs allaient m'écraser. Je me tournai vers mon amie, l'appelant à l'aide du regard. Mais elle servait son regard à faire peur à la professeure.

- Tu vas m'y emmener ? interrogea Kaïa une fois que notre salle de classe était dernière nous.

- Je ne sais pas, affirmais-je sombrement.

L'emmener c'était la trahir, elle que j'aimais. Elle avait toujours été là pour moi. Et elle était un de mes derniers soutiens.

Mais la professeure avait confiance en moi. Ce que peu de gens avaient fait. Et elle était la seule raison qui empêcherait mon propre renvoi de cette école. Je pensais à Nicolas, qui avait toujours les solutions les plus sages. Qu'aurait-il choisi lui ? J'avais presque envie de le faire venir. Mais je me voyais mal frapper à la porte de la classe de Korrigan, réclamer mon ami pour un conseil.

Je devais me mettre à sa place alors. Je devais devenir un ange à la mèche énervante qui ne faisait jamais rien de mal. Je repensai à tout ce qu'il avait fait pour moi. En discrétion, mais il l'avait fait. Parce que l'amitié est ce qui compte le plus. C'est éternel.

- Non. Je ne t'emmènerai pas ! déclarais-je.

Elle me sourit avec reconnaissance.

- Tu veux que je t'assomme ? Comme ça tu pourras prétexter que tu n'aurais pas pu me retenir.

Je souris à cette idée. Mais la réfutai. Si elle devait être punie, alors moi aussi.

- Non ! Pas question que tu fasses une fugue sans moi !

- On ne va pas fuguer ! On va chez ma mère.

J'avais trouvé cette idée étrange, mais les Blanktest étaient étranges.

Solveig soutenait les incartades de sa fille du moment qu'elles avaient une noble cause. Sa tenue vestimentaire en était une par exemple, car elle démontrait la liberté de penser de sa fille, son refus des conventions et son esprit critique. Mais mon amie me réexpliqua que sa mère était reporter et qu'ainsi elle avait des moyens que nous n'avions pas, nous pauvres écoliers. Même si je ne voyais pas ce que Solveig pourrait faire dans notre situation. Inventer des histoires sur Madame Mason peut-être mais qui y croirait ?

Néanmoins avec un peu d'invisibilité, et en évitant Olivier, on sortit sans problème.

Dans le palais, qui était toujours plein, on rasa les murs pour éviter de rentrer dans quelqu'un. Mais je me pris dans un nain que je n'avais pas vu.

Cela n'aurait pas été dramatique, si une fois tombé, il ne ce serait rien passé. Le nain aurait pensé que j'avais fui. Mais dans ma chute, la pierre quitta ma bourse, pour atterrir plus loin et briller de sa lumière étincelante.

Tout le monde l'observa avec des yeux ébahis.

Je la pris dans mes mains et, avec mon amie vampire, on partit en courant.

- Pourquoi tu m'emmènes ? Si tu savais combien de temps cela fait que le peuple ne m'a pas admiré ! soupira une voix féminine.

Je regardai tout autour de moi, cherchant qui pouvait parler ainsi dans mon esprit.

- Qu'est-ce que tu fais ? Dépêche-toi ! me conseilla Kaïa.

- Pas besoin ! Vous êtes invisible ! rappela la voix.

On se dévisagea, paniqués.

- C'était quoi ça ? demanda mon amie.

- Ça ? Moi je ne suis pas un ça ! Moi je suis puissante ! Moi je suis très admirée et je manque à plein de gens, protesta la voix.

- Tu l'entends aussi alors, dis-je soulagé.

Je n'étais donc pas fou.

- Ça j'en suis pas si sûre, mouton !

On fronça les sourcils. Elle était télépathe en plus. Et pourquoi elle m'appelait mouton ? J'avais l'impression que quelqu'un se moquait de moi. Mais qui ? S'il avait été invisible comme nous, on l'aurait vu. Mais impossible de voir que ce soit. Et puis pourquoi une inconnue viendrait nous parler pour nous raconter ce genre de chose.

- J'ai le droit de parler à qui je veux ! reprit la voix.

On regarda la pierre.

- Ah vous avez enfin compris !

- Il y a quelqu'un enfermé là-dedans ? interrogea Kaïa.

- Eh bien mouton, elle est lente à la détente ton amie ! Je ne vois pas vraiment ce que tu lui trouves. Surtout que je suis bien plus belle.

J'hésitais entre la gêne et le rire. Mon amie avait choisi le rire.

- Alors non je ne suis pas enfermée, c'est même un endroit plutôt agréable.

- C'est pas un peu étroit ? m'étonnais-je.

- C'est ton esprit qui est étroit. Comment les tiens font pour tenir dans une masse corporelle ? Ici c'est dix fois mieux.

- Pourquoi tu ne m'as pas parlé avant ?

- Pour dire quoi mouton ! On ne se connaissait pas et ton esprit m'était inconnu. En plus, je n'avais rien à te dire. Juste contrôler ta magie. Et les dieux seuls savent à quel point ce fut une lourde tache.

On rit un petit moment, jusqu'à ce que la pierre intervienne :

- Je ne veux pas paraître impolie. Mais un petit énergumène vous observe sans vous voir.

On tourna la tête vers une petite fille qui mangeait une immense sucette. Elle partit en hurlant :

- Maman ! Un fantôme !

Comme une foule approchait, mon amie décida de prendre une deuxième précaution en m'enfermant dans un passage secret qu'elle connaissait à côté du lieu où l'on se trouvait.

- C'est qui ? demanda une grosse voix.

Deux hommes étaient déjà là, dans le sombre passage. Ils portaient une cape sur leurs visages. On se figea de frayeur. Je bloquai même ma respiration.

- Sans doute quelqu'un qui l'a ouvert par inadvertance, déclara le second homme.

- Et si c'était la fée, fit le premier. Elle est encore plus à cran depuis qu'on a la fille.

L'autre réfléchit.

- Je ne sens pas de fée.

- Allons chez les démons, je serais plus tranquille.

L'autre se moqua de lui, mais accepta quand même. Une fois qu'on fut seuls la pierre souffla de soulagement :

- Sans moi c'était fini ! Vous pourriez dire merci !

- Comment cela ? intervins-je.

J'ai troublé l'esprit de ces deux sans-visages pour qu'ils ne vous remarquent pas. Ils n'aiment pas les étrangers ces sans-visages !

- Comment le sais-tu ? interrogeais-je.

- Qu'ils n'aiment pas les étrangers ? Car ton papa en a souvent rencontré. Que c'en était ? Je suppose que c'est parce que ce sont les uniques alliés des démons sur ce monde.

La vampire et moi on se regarda, effarés. Les démons alliés avec les terroristes ! C'étaient des monstres sanguinaires et sauvages. Ils étaient vraiment dangereux. Ce n'était pas une petite information. Le monde entier devait l'apprendre.

- On devrait aller prévenir Kamélia, supposa Kaïa.

- Fées ! Ton Papa n'aimait pas les fées. Moi non plus. Elles sont... Monstrueuses.

Je me remémorai l'avertissement de mon père. Pesant le pour et le contre, je choisis la fée.

On entra sans frapper dans son bureau. Elle nous jeta un sort, que je n'eus pas de mal à contrer. On réapparut alors. Elle nous sermonna un peu. Jusqu'à que je lui explique notre rencontre avec les sans-visages. Elle fut très intéressée. Mais pas vraiment surprise.

- Pour tous vous dire, je m'y attendais un peu. J'ai besoin de réfléchir maintenant. Merci pour toutes ces informations.

- Comment cela vous vous y attendiez ? réagit Kaïa.

- Ils veulent nous détruire, les démons aussi. Et à plusieurs reprises j'ai senti l'empreinte de la magie démoniaque sur un lieu qu'ils venaient de quitter.

Elle avait donc été parfois sur le point d'en attraper.

- Vous n'en avez jamais capturé un pour qu'il parle ? intervint la princesse.

- Tu crois qu'on n'y a jamais pensé ? Seulement, on ne connaît pas leur véritable image ou identités. Ils utilisent des faux noms, ne laissent pas d'empreintes. Et ils sont capables d'ensorceler les autres pour les pousser aux crimes. Alors on n'a pas vraiment réussi à en attraper vivant. Parce qu'en plus, ils sont tellement fanatiques qu'ils préfèrent se donner la mort que de trahir leur cause.

- Et pour ma sœur ? intervins-je.

- Justement, il y a un village suisse, en plein cœur des Alpes qui aurait mystérieusement disparu avec tous ses habitants. On dit le lieu hanté et personne n'ose s'y aventurer. Ceux qui ont essayé ne sont jamais réapparu. Une équipe de gardiens et de militaires va y aller.

Un fol espoir s'alluma en moi. Ils allaient retrouver ma sœur. Je remerciais Kamélia. Et après quelques civilités, on partit rejoindre la suite des Blanktest.

La pierre s'était faite très discrète durant l'entrevue. Quand je lui en parlai, elle m'avoua ne pas aimer les fées qui étaient trop dissimulatrices. Mais elle resta vague au sujet de Kamélia.

En entrant dans la suite, on tomba sur Inès qui faisait le ménage avec sa magie pendant que Madame était occupée à écrire un article.

- Maman ! appela Kaïa en rentrant.

Solveig se montra surprise, puis furieuse et enfin curieuse. Prise par ses réactions, elle n'eut pas le temps de parler avant que sa fille ne commence à lui expliquer le but de notre visite. Elle fut alors dans une rage monstrueuse. Ce qu'il faut éviter avec les vampires.

Elle appela un collègue bonimenteur, qui sont ce que vous appelleriez des journalistes à sensation. Elle le fit dans le but d'apprendre quelques secrets sordides sur notre professeur, mais visiblement rien. Pour le moment selon elle. Elle nous emmena donc à l'école. Chez la directrice. Où elle exigea la présence immédiate de madame Mason. Elle fut obéie. Après tous, elle était l'épouse d'un prince. Alors la reporter accusa la professeure d'acharnement sur sa fille. Que si on était renvoyés, elle n'hésiterait pas à la dénoncer aux autorités. Et publiquement. Elle affirma que Kaïa n'avait pas à être punie pour respecter les lois de son pays, dont elle était en plus la représentante, en tant que fille d'ambassadeur et membre de la famille royale. La renvoyer pour cette raison, c'était brouiller à jamais les deux cités. Si c'était pour avoir une méthode plus efficace, apprise ailleurs, là aussi, il y avait des risques de créer des tensions diplomatiques. Toutes leurs vies, on leur reprocherait alors, à notre directrice et à Madame Mason, leur petit choix. Et leurs noms seraient souillés à jamais dans l'histoire. Ensuite, elle accusa la professeure de montrer un cœur de pierre pour jouer ainsi avec moi, un si bon élève. Je venais de perdre ma sœur, et mes résultats étaient meilleurs que jamais. Elles ne pouvaient pas me renvoyer. Ou une autre école me récupérerait sans problème. Si les deux femmes s'inclinèrent devant les arguments politiques, à contre cœur, elles refusèrent de lever ma punition. Moi, j'étais renvoyé.

Nicolas, quand on lui raconta tout, fut très compatissant. Mais il devait aller chez Véronique. Il me promit cependant d'appeler sa mère. On voulut passer chez Kaïa, mais Nils rentra et cria sur sa femme. Elle avait, selon lui, mis une fois encore, sa famille en fâcheuse posture. Mon amie me fit signe d'y aller.

Je me précipitai donc chez Nina.

Elle et Christophe m'assurèrent qu'ils passeraient demain à l'école parler avec la directrice. Je pus passer une après-midi détendu, grâce à la merveilleuse tarte aux myrtilles qu'apporta Mamie Rosalie et à ma victoire aux jeux vidéo de Nicolas.

Quand mon oncle vint me chercher, je m'attendis à la tempête du siècle. Pas du tout, il était surtout embêté. Lui et Olivia évoquèrent la famille royale. Je ne compris pas trop pourquoi. Nils appela pour s'excuser de sa colère et me remercia d'avoir préféré défendre les intérêts de sa fille plutôt que les miens. Le lendemain, après la manœuvre de Nils, mon renvoi se transforma en une semaine d'exclusion, qui se transforma par une mise à l'épreuve grâce aux Cadowell, qui se transforma en aucune punition grâce au roi de Firento, prévenu par Xavier, mon oncle avait fait fort. Kamélia appela et réclama le renvoi de Madame Mason. Il fut obtenu dans l'heure.

Tous ces soutiens me firent chaud au cœur, au fond je n'étais pas si seul. Mais cela me mettait une sorte de pression. Ces gens avaient confiance en moi, ils pariaient leur réputation sur moi. Si je faisais une bêtise cela leur reviendrait dessus, pourrait nuire à leurs carrières, à leur famille peut-être même et surtout, à leur crédibilité.



Et voilà !! Rendez-vous lundi où on ira à Barcelia !!

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