Chapitre I - ... pour laquelle je suis tout à fait à son goût, au sens propre.

Quand les cloches de dix heures sonnèrent, je vis Clément presque sauter sur la nouvelle et lui adresser quelques mots. Je fus pris d'un brusque sentiment de jalousie. Comment pouvait-elle me préférer cet hypocrite ? Après tout je décidais que c'était son problème, dommage pour elle, elle le regretterait en voyant à quel point j'étais génial ! Je sortis de cette salle de classe à toute vitesse, la tête haute. C'était en tout cas l'impression que je voulais donner. J'eus néanmoins la surprise d'être rattrapé par Kaïa.

— C'est génial ce que tu as fait tout à l'heure ! Ça t'était déjà arrivé ?

— Merci. Oui je fais cela souvent, me vantais-je.

— La chance !

C'est la première fois qu'on me trouvait chanceux pour cela. Je faillis en trébucher sur un objet non identifié traînant par terre, mais dans un réflexe inhumain, elle me rattrapa. La force qu'elle mit pour me redresser me provoqua une légère douleur dans le bras, mais je ne le montrais pas. J'étais un homme maintenant, je me devais d'être fort et plus qu'une fille quand même, bien qu'intérieurement j'étais vexé.

Je repris contenance et l'interrogea, une pointe de jalousie et de mépris dans la voix :

— Tu ne restes pas avec Clément ?

Elle me fit un sourire, dévoilant pour la première fois deux canines blanches, un peu trop pointues, et un peu plus longues que la normale. Super une vampire ! Ma tête me disait : DANGER ! FUIT ! Pourtant, mes jambes étaient incapables d'accélérer la cadence. Elles ne m'obéissaient plus, mon corps tout entier ne répondait plus. Je lui souris d'un air absent, je ne pouvais plus la quitter des yeux.

— Je ne l'apprécie pas beaucoup, m'expliquai-t-elle. Il a l'air très ennuyeux.

J'avais même oublié de qui elle parlait. Tout ce qui comptait, c'est qu'elle me préférait à cette personne. Mon sourire s'agrandit.

— Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? m'interrogea-t-elle.

Il fallait que je réponde. Mais quoi ? Où est-ce que j'allais ? Quelle heure était-il ? Mon esprit commençait à s'éclaircir.

— Je vais dîner et après je vais au palais auprès de mon maître. On t'a déjà délégué un érudit ?

Les érudits étaient de puissants magiciens, membres du conseil d'états pour la plupart. Un représentant de chaque profession en quelque sorte. Tout élève de notre école est sous la tutelle de l'un d'eux durant ses trois premières années. Ce qui était censé être un moyen pour nous d'apprendre à utiliser la magie de manière plus concrète qu'en classe. Mais en réalité, les érudits nous faisaient faire en général leur corvée, ou nous laissaient libres, puisqu'ils étaient trop occupés pour s'occuper de nous.

— Oui, me répondit Kaïa. Je crois que c'est le Général Nibray.

— La générale Prisca Nibray ! m'exclamais-je incrédule.

— Oui c'est ça.

— Vraiment ?

— Oui pourquoi ? Tu la connais ?

— Mon érudit l'admire !

C'était la chef de l'armée, un poste plus honorifique qu'autre chose étant donné que les douze cités vivaient en paix depuis leurs créations et qu'on s'était volontairement isolés de nos ennemis. Mais la générale connaissait tous les plus grands secrets des cités, Christian, mon érudit, lui vouait une admiration sans borne. Il me parlait sans cesse d'elle, au point que je pourrais donner tous les éléments nécessaires à Olivier pour rédiger un film sur sa vie.

— Qui est ton maître à toi ?

— Christian Keller, répondis-je fièrement.

— Le chef des gardes ?

— Tu le connais ? m'étonnais-je.

— Je l'ai déjà rencontré, m'expliquai-telle vaguement.

Je la dévisageai surpris. Quand on voyait Christian on n'était pas censé deviner qu'il était chef des gardes et il ne s'en vantait pas. Il devait protéger leurs majestés, cela exigeait de la discrétion comme il aimait tant le répéter.

J'invitai Kaïa à se joindre à moi pour le repas, bien que je doute qu'elle touche à quoi que ce soit, néanmoins elle accepta avec enthousiasme.

Nous dînions dans une cafétéria entre le palais et l'école. On pouvait aussi manger à l'école ou au palais. Mais au palais, tout le monde s'agitait autour de vous et vous deviez être le plus discret et rapide possible. Et on déjeunait à l'école le mardi et vendredi, puisque Nicolas avait son entraînement de hockey sur gazon. D'ailleurs à part ceux qui faisaient une activité l'après-midi, seuls les élèves plus âgés, ayant cours encore après, mangeaient à l'école en général. Les cuisiniers de l'établissement n'étant pas doués.

Avec ma nouvelle camarade je rejoignis Nicolas qui semblait soulagé de me voir. Je lui présentai Kaïa qu'il accueillit de son sourire d'ange.

— Kaïa c'est Nicolas Cadowell mon meilleur ami !

— Il est mignon ! dit-elle en lui faisant un clin d'œil.

Avant qu'il ne fasse quoi que ce soit, je le fusillai du regard, lui faisant comprendre qu'elle était à moi. Il baissa la tête d'un air soumis, me faisant comprendre qu'il avait saisi le message, puis relevant la tête nous demanda :

— Korrigan vous a donné un devoir ?

— Non, il m'a emmené chez la dragonne.

C'était ainsi que l'on appelait la principale, puisque c'était la seule dragonne de tout Firento. Il fit une grimace compatissante. La directrice pouvait être très sévère et faisait vraiment peur avec sa grosse voix caverneuse et son regard pénétrant. Mais ce jour-là, je n'avais pas à me plaindre, sinon, je l'aurais déjà fait.

— Il a fait quelque chose d'absolument génial, raconta Kaïa.

Elle lui expliqua avec amusement et enthousiasme mon excès de magie. Mon meilleur ami, habitué à mes dons défectueux, poussa de nombreux soupir et me jaugea d'une mous réprobatrice. Contrairement à moi, il était un élève sérieux et travailleur. Et l'on essayait tous deux de « corrompre » l'autre.

— D'accord mais pourquoi Clément n'était pas en pause ? intervint-il.

— Il me faisait visiter, expliqua Kaïa.

— J'ai dû supporter Christine, soupira-t-il.

— Tu devais être enchanté, ironisai-je.

— Qui est Christine ? interrogea la nouvelle.

— Une pauvre fille, répondit ma sœur en posant son plateau à côtés de Nicolas.

Ma cadette détestait Christine, la sœur cadette de Clément, du même âge que mon meilleur ami, pour des motifs purement féminins sans doute, cette dernière étant un peu sa rivale. La sœur de mon ancien ami était très jolie et mettait des tenues bien plus féminines que celles de Camille. Néanmoins comme elle vivait dans les quartiers extérieurs, trop proche des quartiers pauvres, les garçons se contentaient de la regarder. Ma sœur, elle aussi était plutôt celle qu'on regardait. Elle impressionnait trop les garçons pour qu'ils l'abordent. Pourquoi ? Je l'ignorais. Elle n'avait pas vraiment de charme, peu de grâce et était bizarre, s'habillait de vêtement trop ample qui en cachait le plus possible, elle ne supportait pas les gens qui montraient leurs sentiments et ne traînait qu'avec des garçons, quand elle ne restait pas seule.

— Christine est la sœur de Clément, expliquais-je.

— Pourquoi vous parlez de ces deux-là ? intervint ma sœur.

— J'ai dû passer la récré avec elle, expliqua mon meilleur ami.

Elle lui fit un sourire compréhensif. Et je me mis à présenter la nouvelle venue à ma nouvelle camarade :

— C'est Camille ma sœur ! Camille, voici Kaïa, une nouvelle de ma classe !

Ma cadette n'avait pas encore douze ans et nous étions vraiment très différents. Nous n'avions d'ailleurs que trois traits en communs : un grain de beauté sur la pommette droite, un nez qui déviait vers la gauche et un croissant doré sur la tempe droite, caché par notre masse de cheveux, roux clairs pour elle, brun pour moi. Ma sœur avait également un visage long et rougeaud, bien différent du mien en forme de cœur, au teint pâle. Son front était couvert de tache de rousseur, jusqu'à ses fins sourcils. Elle avait des yeux verts, qui flamboyaient à côtés des miens couleurs noisette, ainsi qu'un sourire dévoilant des petites dents blanches étincelantes et une fossette sur chaque joue. Quand elle réfléchissait, elle avait l'habitude de caresser ses lèvres de l'index droit, alors que moi je mordillais ma lèvre inférieur. De plus elle avait des ongles impeccables et non pas rongés comme les miens, était droitière quand moi j'étais un parfait ambidextre et je ne parle même pas de nos caractères totalement opposés. On pouvait donc difficilement deviner qu'on avait un lien de parenté.

— Qu'est-ce qui t'amène chez nous Kaïa ? demanda ma sœur d'un ton hésitant.

Elles s'étaient peut-être souris chaleureusement, ce qui m'étonnait de ma sœur, vu les couleurs éblouissantes et les talons hauts de Kaïa, mais cela risquait de ne pas durer, ma sœur n'étant pas douée avec les gens.

— Mon père aime beaucoup voyager, alors il est devenu ambassadeur. Et nous on le suit dans ses pérégrinations.

Nicolas et moi nous échangeâmes un sourire complice, son père à lui, qui travaillait bien souvent avec des ambassadeurs, passait son temps à les critiquer. Selon lui, la plupart d'entre eux étaient des nobles tellement irrécupérables que même leurs propres familles n'en voulaient plus et les avaient envoyés loin d'eux.

— Mais ma mère écrit dans une révélation et elle a tendance à dévoiler certaines choses qui devraient rester secrètes.

Les révélations étaient des journaux polémiques, coutumier du fait de révéler des scandales ou de diffuser des reportages en immersion. En général ils étaient dans le viseur de la cour. Alors ce que nous disait ma nouvelle camarade était plutôt logique.

— Du coup on ne reste jamais trop longtemps dans une cité, finit-elle. Et vous vos parents font quoi ?

On laissa Nicolas répondre fièrement :

— Ma mère est la maire de Firento et mon père est chargé de mission diplomatique entre Firento et les autres cités.

Il avait de quoi se vanter. Son père était l'homme que Nicolas admirait le plus au monde. Il voyageait beaucoup et connaissait énormément de choses sur les autres cités, nous racontait toujours des récits merveilleux de ses voyages et rapportait énormément de magnifiques cadeaux et de délicieuses spécialités.

Kaïa se tourna vers nous. Ma sœur et moi nous échangeâmes un regard. Ce fut Camille qui répondit :

— Nos parents sont morts.

Ma nouvelle condisciple nous regarda, peinée.

— C'est triste !

— C'est comme cela, dis-je d'un ton neutre.

Au moins elle nous épargnait le « désolé » habituel qui ne voulait rien dire puisque la plupart ne connaissait même pas les concernés.

— Cela fait longtemps ?

— J'avais quelques semaines, expliqua ma benjamine.

— Vous vivez à la cour ? interrogea la vampire.

— Non. On vit avec notre oncle maternel, un ancien garde. Alors dis-moi, pourquoi Korrigan est-il tout le temps après toi ?

Elle eut un sourire taquin.

— Disons que je ne suis pas une élève modèle. Je me suis souvent fait renvoyer. Ce n'était pas voulu ! ajouta-t-elle précipitamment.

Je lui souris avec compréhension et lui raconta que, quand j'étais l'apprenti de Charles Winnedy, le bibliothécaire, j'avais failli détruire la bibliothèque toute entière en voulant ranger des livres. L'érudit avait alors refuser de me reprendre.

Elle me sourit avec camaraderie et nous consacrâmes le repas à faire connaissance et je tombais de plus en plus sous son charme.

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