Chapitre Dix, Marga
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Marga Dell'Garh avait toujours été une fille mondaine. Une rose parmi les pissenlits. Continuellement à la pointe des modes éphémères de la cour, sans cesse aux premières loges des spectacles les plus en vue et constamment au fait des derniers potins courtisans. Une femme que l'on avait élevée pendant vingt ans, afin qu'elle devienne Reine. Qui, à l'instar des enfants princiers, n'était en rien étrangère aux arcanes de la diplomatie et des complots politiques. Son père - l'un des Haut-Conseillers de la reine Louve Elanora Roy'Quin - s'était assuré qu'elle reçût l'éducation adéquate, juste au cas où... Juste au cas où Tillian n'aurait pas eu à épouser la princesse Ombrienne à laquelle il était promis depuis le jour de sa naissance.
Marga était née sous la lumière. Aujourd'hui, elle côtoyait les ombres. S'en était cousu un manteau doux et accueillant qu'elle ne paraissait plus quitter.
Elle écoutait les murmures, les non-dits. Se faisait discrète afin d'assister à tout ce à quoi on ne la conviait pas. Tout ce qui n'aurait pas dû atteindre ses oreilles indiscrètes.
Silla Mhùron ne se doutait pas qu'il n'y avait plus une seule information dans tout le château qui n'arrivait pas jusqu'à elle. Que cette dernière s'était créé un large réseau de petites souris, qui lui rapportaient tout ce qu'elle avait à connaître. Des serviteurs conciliants et manipulables qu'elle avait mis dans sa poche à force de petites attentions et de faveurs. Car tout s'achetait. Même la fidélité.
Elle n'avait pas eu à faire beaucoup d'efforts, après tout, elle était la favorite du maître.
Marga serra les dents.
Sa favorite... ? Non, plus depuis qu'il avait pris dans son lit, près d'un mois plus tôt, cette chienne de rousse qui avait eu la bonne idée de tomber enceinte et d'ainsi, offrir au seigneur Mhùron ce qu'il attendait tant depuis des années : un second héritier. Le roi souhaitait étendre son sang et faire en sorte que nulle lignée en ce monde ne soit plus affiliée à la sienne. Qu'il engendre des bâtards, ne le dérangeait en rien, il les reconnaîtrait à la naissance, leur donnant ainsi, toute légitimité à régner.
Dans le cœur de la petite brune aux yeux marine, quelque chose se pinça.
Si seulement elle avait pu, lors de leurs nombreuses nuits ensemble, porter dans son ventre un enfant ; peut-être aurait-elle pu garder l'attention et les faveurs de son roi ? Mais elle était désespérément restée stérile. Elle avait d'abord cru que le problème venait de Silla, mais s'était vite rendu compte qu'elle était la seule fautive dans l'histoire. Alors qu'Euridice...
La colère montait peu à peu en elle à mesure que ses jambes accéléraient le pas, parcourant le parc, les yeux à la recherche de cette chevelure si caractéristique.
Elle resserra le col montant de son long manteau en jacquard bleu brodé d'argent, doublé de lapin et frissonna.
L'hiver n'était pas encore à leur porte, mais le froid matinal se faisait de plus en plus vif à mesure que les jours passaient et raccourcissaient. Bientôt, les cols seraient enneigés et l'unique route menant au château, presque impraticable, transformant l'endroit en véritable forteresse. Les dernières récoltes étaient, de ce fait, en train d'être stockées dans d'immenses greniers à l'abri des intempéries et des parasites.
L'une de ses mains descendit jusque dans sa poche et ses doigts caressèrent le verre délicat d'une petite fiole. Elle était là, sa solution. Elle...
Alors qu'elle continuait sa route, le menton enfoncé dans la douce chaleur de son col fourré et la tête pleine d'un plan qui éclaircirait à coup sûr son avenir, une main se posa sur son épaule. Elle se retourna d'un bloc, les yeux écarquillés, prête à hurler et à se cabrer au cas où son assaillant n'aurait pas eu d'intentions amicales à son encontre. Mais son cœur affolé se calma soudain lorsque deux yeux d'un noir d'encre pétillèrent de sa frayeur.
— Alors, mon intrigante, susurra la voix suave, tu n'as donc pas l'esprit tranquille, pour sursauter au moindre contact ?
Superbe dans son propre manteau rouge et or – les couleurs du blason ombrien – Silla Mhùron la surplombait de son grand corps musclé. Malgré, le vent plutôt frisquet, dessous, il ne portait qu'un pantalon bouffant blanc en soie icarienne, sans chemise et sans chaussures. Sur son torse, Misia Lo Gaï pulsait faiblement. À sa ceinture agrémentée de grelots dorés, un sabre, dans son fourreau ouvragé, ornait sa hanche. Ses longs cheveux blancs couraient dans son dos, juste maintenus par deux fines mèches nattées.
Marga n'arrivait pas à se faire à la beauté majestueuse et virile qui se dégageait de son seigneur. De deux têtes plus grand qu'elle, la jeune femme avait toujours l'impression de se faire engloutir, lorsqu'il la prenait dans ses bras.
— Vous m'avez surprise, lui rétorqua-t-elle de mauvaise humeur.
Dans un geste discret qui échappa au roi, elle lâcha le flacon et sortit sa main de sa poche, portant ses doigts sur son cœur, mimant l'affolement.
Il lui sourit en retour.
— Je ne t'ai guère vue, ces derniers temps, Marga.
— Qu'y puis-je ? Vous passez plus de temps avec vos prisonniers qu'avec moi.
— Serait-ce de la jalousie que je perçois dans ta voix ?
Marga fut tentée de mentir, mais se décida pour la vérité :
— Oui. Et elle est légitime ! Vous en avez plus pour l'engrossée que pour moi !
Les sourcils de Mhùron se froncèrent une seconde, puis ses yeux reprirent une lueur amusée. Marga se mordit la langue de sa bévue : son roi n'était pas homme à fâcher si l'on tenait un tant soit peu à sa vie. Avant qu'elle ne s'en aperçoive, il lançait son bras en avant, l'attrapant par la taille, et la plaquait avec brusquerie contre lui.
— Je crois que j'aime ça.
Ses lèvres prirent le même chemin que leurs corps, dans un baiser où leurs dents s'entrechoquèrent et leurs langues s'explorèrent avec avidité.
À quelques mètres d'eux, les vampires de la garde rapprochée de Mhùron s'écartèrent et leur tournèrent le dos. Au début, Marga avait été gênée par cette proximité, elle savait pertinemment que leur ouïe si fine leur permettait d'entendre le moindre gémissement, le plus petit frôlement de leurs peaux, mais elle avait appris à faire avec au cours de sa liaison avec le roi.
Son manteau fut déboutonné avec dextérité, et glissa sur ses bras, avant de s'étaler en corolle à ses pieds. Jetant un coup d'œil sur le sol, elle réalisa que la fiole avait glissé de sa poche faisant briller son liquide blanc sous les rayons rasants du soleil matinal. Les palpitations de son cœur s'affolèrent, erratiques. Contre sa poitrine, Mhùron sentit l'effarouchement de sa maîtresse, et prenant sa réaction pour une invitation à passer à la suite, lui empoigna les cuisses et, la soulevant de terre, la pressa plus intimement contre lui. Marga sut qu'il était fin prêt lorsque, contre son intimité, elle sentit son amant si dur.
Le roi fit quelques pas, la positionnant contre le mur d'un des nombreux cabanons de jardinier qui poussaient dans l'ensemble du parc. De là où elle était, la jeune femme pouvait voir la petite bouteille la narguer. Un seul mouvement de tête de Mhùron et il ne pourrait pas la louper. Dès lors, il devinerait immédiatement ce qu'elle contenait et à qui elle la destinait. Connaissant son amant, il ne lui laisserait pas le temps de s'expliquer et, lorsque sa fureur serait passée, elle ne serait plus que morceaux de chair sanguinolente. Elle avait donc tout intérêt à l'occuper jusqu'à ce qu'il soit assez enivré de plaisir pour ne plus faire attention à son environnement. À ce moment, elle pourrait récupérer son manteau.
Enroulant ses bras autour de la nuque du roi, elle plaqua sa poitrine aux tétons durcis contre son torse nu. Le manteau carmin et or tomba à son tour.
La main gauche de Mhùron quitta ses fesses, pour retrousser sa robe, caressant son bas de soie jaune et le ruban blanc qui le maintenait en place. Il arriva ensuite jusqu'à son dessous et glissa ses doigts entre le tissu et la peau brûlante. Plongeant lentement dans son intimité, il s'assura qu'elle était humide, la faisant rejeter la tête en arrière dans un long gémissement. Elle haleta, se cabra contre lui, griffa son dos nu. Entre eux, la pierre se mouvait lentement, parfait miroir inversé de leurs impulsions saccadées et sauvages.
Marga, dans son brouillard de plaisir, ne sut pas combien de temps dura la caresse de son amant ni comment il avait fait pour descendre son pantalon le long de ses chevilles, mais ce n'est que lorsqu'il la pénétra d'un puissant coup de hanche que sa bulle explosa.
Les va-et-vient furent d'abord lents, mais vigoureux, la plaquant plus étroitement contre la cabane. Puis le mouvement s'accéléra avec le souffle de plus en plus erratique de Mhùron. Il la fit soudain descendre de son perchoir, et la retournant d'un geste précis, la prit face au mur. L'une des mains du roi déchira le décolleté de sa robe et plongea à la recherche d'un sein, l'empoignant et le palpant comme un morceau d'argile. Le modelant avec une brusque sensualité.
Son autre main caressa en larges cercles la toison de son pubis avant de descendre plus bas, roulant, entre ses doigts, son clitoris. Le plaisir enfla, boule humide et chaude, jusqu'à ce que les balancements se fassent plus puissants, plus irréguliers. Mhùron quitta son intimité pour agripper sa croupe des deux mains, enfonçant ses ongles dans la peau blanche. Marga se décolla du mur, et se penchant en avant, plaqua ses paumes contre le bois rugueux. Derrière elle, alors que son propre orgasme était sur le point d'exploser, Mhùron cria dans un dernier coup de bassin. Marga vint à son tour, une poignée de secondes plus tard, ses doigts crispés sur la petite cabane de jardinier.
Alors que Mhùron se dégageait, remettant son pantalon, elle se retourna vivement, et colla son corps moite de sueur à celui de son roi. Il ne devait pas se retourner. Ses yeux plongés dans ceux de Mhùron, elle lui sourit, enjôleuse.
— Pourquoi ?
Comprenant sa question, il sourit, carnassier.
— Je n'aime pas laisser mes maîtresses insatisfaites.
Marga n'écouta que d'une oreille discrète tandis qu'elle repoussait son amant, le faisant reculer. Lorsqu'elle arriva enfin au niveau de son manteau, elle recouvrit la fiole avec le bas de sa robe, le dissimulant aux yeux du roi.
— Partez maintenant, reprit-elle quand elle fut certaine qu'il ne pourrait pas découvrir ses manigances.
Mhùron haussa un sourcil, mais ne dit rien. La jeune femme, immobile, le regarda récupérer son sabre et son manteau. Il siffla, et sa garde fut sur eux en un battement de cil.
— Que cette journée te soit douce, mon intrigante, murmura-t-il, ses lèvres à un souffle de celles de Marga, avant de s'éloigner en direction du château.
Une bouffée de soulagement s'engouffra dans la poitrine de la brune tandis qu'elle récupérait le flacon et remettait son manteau, fermant les boutons jusqu'en haut du col.
Serrée contre son sein, la fiole balança son liquide blanc au rythme de ses pas pressés. Elle devait trouver Euridice. Et d'après ce que ses petites souris avaient pu lui murmurer, la rousse passait, depuis quelques jours, toutes ses matinées dans un coin reculé du parc, à l'écart de toute agitation.
Elle traversa une roserait dont les fleurs éternelles ne fanaient jamais, et poussa un portail qui l'amena sur une allée dissimulée par des chênes-argent aux troncs aussi brillants que le métal dont ils portaient le nom.
Mhùron venait de lui accorder des minutes de son si précieux temps, mais la jeune femme n'était pas dupe. Elle avait bien conscience qu'elle était sur la touche et que les attentions du roi n'avaient été utilisées que dans le but de lui faire miroiter un plaisant avenir à ses côtés.
Mais Marga ne voulait pas se sentir une nouvelle fois rejetée. Elle refusait de revenir à son rôle de petite sotte, juste bonne à parader. Elle voulait régner, et rien ni personne ne l'en empêcherait. Pas même le bâtard qu'avait engendré Mhùron avec cette salope de rousse.
Le roi d'Ombria gardait rarement auprès de lui des jouets dont il n'avait plus l'utilité. Marga le satisferait encore un temps, jusqu'à ce qu'il se lasse et comprenne qu'espérer un enfant d'elle était vain.
Ce dont avait besoin la jeune femme, c'était du temps. Et ce répit, elle l'obtiendrait grâce au miroitant liquide blanc qui ondulait dans le flacon.
À l'ombre d'un chêne-argent trois fois centenaire, elle trouva enfin celle qu'elle cherchait. Baissant les yeux sur son buste, elle vérifia que son manteau était bien fermé - le tissu déchiré de sa robe, aurait fait mauvais genre -, puis s'avança d'encore quelques mètres, laissant une vingtaine de pas entre elle et Euridice.
Cette dernière, seulement vêtue d'une brassière de cuir marron et d'un caleçon court assorti, fendait l'air de ses mouvements lents et souples. Son corps dévêtu était recouvert d'une fine pellicule de sueur, mais, pourtant, elle ne semblait pas sensible au froid et à la bise qui faisait bruisser les feuilles du chêne-argent au-dessus d'elle. Son ventre plat n'était pas encore arrondi par la grossesse. Nul n'aurait pu deviner qu'elle était enceinte de trois semaines et demie, si ce n'était cette aura bienheureuse et commune à toutes les futures mères, qui enjolivait ses traits fins au point que Marga s'en mordit l'intérieur de la joue de jalousie.
En la voyant ainsi, souple et féline, la jeune brune comprit pourquoi il l'avait choisie, elle. Sa peau blanche, presque lactée, recouverte de taches de rousseur était tendue par des muscles aussi puissants qu'ils étaient fins. Euridice avait des formes toniques tout en longueur, et la poitrine menue de celles qui n'ont pas besoin de formes excessives pour être remarquées. Ses yeux verts étaient fermés et un pli entre ses sourcils démontrait d'une intense concentration. De son chignon d'un roux soutenu, presque rouge, des mèches échappées ondulaient au rythme de ses lentes parades. Le couteau qu'elle avait dans sa main droite brilla soudain, et Marga réalisa qu'elle s'entraînait au corps à corps, mais dans une technique lente qui lui était étrangère.
Si Silla avait vent de ces entraînements clandestins, il les condamnerait aussitôt. Car depuis, qu'il avait appris la grossesse de l'Algaël, cette dernière avait été interdite d'Arène : la sécurité de l'enfant, lui important plus que tout. Les armes avaient elles aussi été interdites hors des sessions d'entraînement de ses compagnons de peur, qu'elle ne s'en serve à mauvais escient. Mhùron n'avait pas poussé le vice jusqu'à la faire suivre et surveiller en permanence, mais Marga était certaine qu'il y viendrait tôt ou tard.
La jeune femme fit quelques pas supplémentaires, se demandant où diable, Euridice avait bien pu trouver sa lame. Cette dernière sentant son approche, ouvrit les yeux, mais continua son étrange et hypnotisant manège.
— Bonjour.
Euridice ne répondit pas. Son pied gauche se leva et elle le reposa doucement quelques centimètres plus loin, fléchissant la jambe.
Marga se racla la gorge, ses doigts pressés contre le verre de la fiole. Son cœur accéléré.
— Belle journée, n'est-ce pas ?
L'Algaël soupira.
— Plongez dans un nid de vipères et l'une d'elles viendra vous mordre.
Marga fit la moue. Décidément, la rousse était une épine dans son pied qu'elle se ferait une joie d'arracher.
— Je ne suis pas venue chercher querelle. Je suis là pour vous libérer.
Euridice parut surprise pendant un fragment de seconde, mais son expression retrouva sa façade lisse et neutre.
— À moins que tu n'aies caché Misia Lo Gaï sous ton jupon et que tu ne disposes d'une magie suffisante pour me débarrasser de mon foutu dispositif, je ne crois vraiment pas que tu sois en mesure de le faire.
Marga s'exhorta au calme.
— Je ne peux pas vous libérer de cette façon, non. Mais je peux vous ôter d'un autre poids.
Les yeux de la brune se posèrent sur son ventre et elle sortit ce qui ressemblait à un flacon de l'une des poches de son beau manteau bleu. Euridice stoppa net son entraînement, pour la fixer, ses yeux agrandis par la stupéfaction. S'approchant, Marga prit la main de l'Algaël, qui, les prunelles brillantes de compréhension, la laissa faire. L'objet fut déposé au creux de sa paume, et un frisson la parcourut. Marga lui attrapa le menton.
— Je vous offre l'opportunité que vous attendez.
Les mots eurent tant de mal à sortir de sa gorge, qu'elle resta un moment la bouche entrouverte, son esprit oscillant entre deux réactions, ne sachant laquelle choisir. Méfiance et espoir.
Quittant avec difficulté la bouteille du regard, elle plongea ses yeux couleur sapin dans ceux marine de Marga. La jeune femme, malgré sa petite taille et le haut de son crâne qui frôlait à peine son menton, la regardait comme une matrone sure d'elle-même.
— Pourquoi ? coassa-t-elle d'une petite voix faiblarde. Tu dois autant m'aimer qu'un caillou dans ta chaussure.
La commissure des lèvres de Marga se souleva dans un sourire si léger qu'il faillit échapper à l'Algaël.
— Vous venez de répondre. Cet enfant est un caillou dans ma chaussure. Je ne veux pas qu'il naisse, je ne veux pas qu'il vive. Et vous non plus. Ai-je tort ?
Pour toute réponse, elle secoua la tête.
— Bien. Buvez la potion jusqu'à la dernière goutte. C'est un puissant abortif. Bien plus que ce que vous preniez pour ne pas tomber enceinte. Il empoisonnera votre sang juste assez pour que le bébé meure. Je vous préviens, la douleur risque d'être insupportable. Vous saignerez pendant deux jours, et ce sera fini.
La brume qui enveloppait l'esprit d'Euridice se dissipa légèrement et elle rétorqua :
— Qu'est-ce qui me prouve que ce n'est tout simplement pas un poison destiné à me tuer en même temps que l'enfant ?
La brune haussa les épaules et recula d'un pas.
— Rien.
Elle recula encore et se détourna avant de poursuivre :
— Vous comprendrez que je ne peux rester. Si mon seigneur apprenait que je suis celle qui vous a fourni le poison, autant mettre fin à mes jours sur-le-champ. Ma mort serait mille fois moins douloureuse.
Euridice hocha distraitement la tête, les yeux rivés sur la toute petite fiole qui roulait désormais entre ses doigts. Focalisée sur le liquide blanc, elle ne vit pas Marga s'éloigner.
Cela faisait des jours qu'elle pensait mettre un terme à la vie du monstre qui grandissait en elle sans jamais trouver le courage nécessaire, et, maintenant qu'on lui offrait la solution sur un plateau, ses mains tremblaient de peur.
Un vent frais caressa sa peau et son corps humide frissonna.
Elle se laissa tomber à genoux dans l'herbe.
Descella le bouchon de cire.
Porta le liquide à ses lèvres.
— Je suis désolée, murmura-t-elle, son souffle s'engouffrant dans la fiole. Je ne crois pas que je pourrais te considérer un jour comme mon enfant.
Le liquide glissa sur sa langue.
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