Épilogue

Courir dans le couloir blanc, sans fin, pressée. Plafond, néons. Plafond, néons.

J'étais arrivée première chez Akuma. J'avais dévalé les escaliers, je l'avais secoué, au début doucement, puis de plus en plus violemment. Rien à faire. Eden a ensuite débarqué, me trouvant sur le bord de la crise des nerfs. La voiture de Kenshi était arrivé avec les ambulances et je pus aller avec Akuma. Pendant tout le trajet, j'avais serré sa main.

Courir dans le couloir blanc, sans fin, l'angoisse au ventre. Plafond, néons. Plafond, néons.

Il avait l'air de dormir, si paisible, mais sa vie ne tenait qu'à un fil. Coma, ont diagnostiqué automatiquement les infirmiers.

Courir dans le couloir blanc, sans fin, vers la mort. Plafond, néon. Plafond, néon.

Les médecins avaient déboulé tour à tour dans la chambre. Il avait passé une batterie de test. Personne ne prêtait attention à moi, la jeune fille qui se tenait droite au fond de la chambre immaculé.

Assise, attendre. Pleurer. Néons au dessus de son visage, le rendant encore plus blanc.

Ses parents n'étaient pas là, j'étais dégoûtée. Les autres étaient tous venus, mais, finalement, il ne restait qu'Eden à mes côtés. Laos, aussi, dans la salle d'attente. Elle ouvrit la porte, apportant un courant d'air plus froid. Je frissonnai, peut-être à cause de toutes ses émotions, peut-être à cause de la température... Peut-être à cause de l'homme qui se tenait à ses côtés.

"Désolé" articula Laos silencieusement.

- J'ai... Entendu pour... Demon... dit Oscar avec hésitation.

Je lui jetai un regard noir. Je ne voulais pas le voir. Je ne voulais voir personne.

BIP, BIP, BIP fessaient les machines.

- Enfin... Tous les programmeurs ont vu cette douleur anormale l'atteindre en fait...
- Qu'est-ce que ça peut me faire? soupirai-je.

Silence. Eden ne bougeait pas, fixant toujours la fenêtre. Tendant l'oreille.

- Eh bien... Avez-vous entendu parler du projet Miroir?

Rester muette. Attendre.

- Non, évidement... soupira-t-il. Enfin, des expériences sont menés... Pour rentrer une conscience humaine dans le monde virtuelle.

Je relevai la tête vivement.

- Quoi?! cria Laos.
- Oui... Il faut des cobayes humains... Mais...  Toutes les expériences ont échoué jusqu'ici...
- Hors de question! hurlai-je en me levant si vivement que ma chaise bascula.
- Akuma est malade, au bord de la mort, et vous voulez l'embarquer dans vos expériences louches?! s'écria Laos en montant dans les aigus. Il a assez fait, merci!
- Mais vous allez-vous la fermer, oui ou merde?! s'écria Eden. Votre ami ou petit ami est dans le coma à côté de vous, donc cessez d'hurler! Et puis, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais, si on ne fait rien, il va mourrir! Donc écoutez-le et fermez là!

Je ne savais pas si je devais être choqué devant la colère d'Eden. Enfin, je supposais que le coma d'Akuma devait l'affecter comme nous tous...

- De toute façon, faut une autorisation parentale pour faire quoi que ce soit non? soupira Laos.
- Ou d'un tuteur.

En disant cela, Oscar brandit une feuille. Nous nous approchâmes. C'était une feuille légale qui décidait du tuteur d'Akuma. Sa tante avait été barré et on avait ajouté à la hâte... Miriam. La signature bâclé du malade avait été inscrite dans la marge. Je frémis.

- En quoi consiste votre expérience?... demandai-je finalement en levant les yeux.
- Nous allons le déplacer, opérer une incision à la base de son crâne pour...
- Non, dis-je fermement.
- Laisse-le finir Mimi bon sang! s'écria Eden.

Je pinçai mes lèvres. Je n'aimais pas la tournure que prenait cette conversation.

- Merci Angel, dit Oscar. Donc, nous allons pratiquer une incision à la base de son crâne pour connecter son cerveau à l'ordinateur principal. En gros, nous allons transférer sa conscience dans le monde virtuel. Là, il aura accès à tout le net et pourra prendre un corps "physique". Il sera alors éternellement préserver tant qu'un, un seul, serveur fonctionnera.

Il avait dit cette dernière phrase avec des étincelles dans les yeux, une lueur sauvage à faire froid dans le dos. Malgré cela, je restais de marbre.

- Attendez... Il pourrait vivre virtuellement?! Comme dans les films?! s'écria Laos.
- C'est de la folie... soufflai-je.
- Qu'avez-vous à perdre? Demon risque de ne jamais se réveiller de toute façon...
- Et alors? Il a des chances de...
- Pour vivre dans un corps qui sera à bout dans à peine un an? me coupa Oscar. Non, il nous en sera reconnaissant.

Combien de chances que ça réussisse? Et à quel prix? Il se retrouvera coincé dans un monde virtuel, seul. Il ne vieillira pas, n'aura pas d'enfants, il manquera toutes les expériences de la vie... Il ne sera pas à mes côtés. Et il vivra ma mort.

- Miriam...

Je sursautai alors qu'Eden posait sa main sur mon épaule.

- Je sais que c'est risqué, mais... Je le connais bien et il avait assez de cette vie. Il aurait pris cette chance, j'en suis sûr, me dit-il.

Je soupirai.

- D'accord, amenez-le.

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L'énorme écran surplombait le lit d'Akuma, affichant un énorme cercle avec un 0% au centre. La chambre n'était pas si différente de celle à l'hôpital, d'une blancheur extrême. Était-ce pour que le patient s'habitue aux nuages immaculés du paradis?

J'observai Akuma. Dans cette position, on ne voyait pas qu'on lui avait rasé la nuque, mais on voyait les gros fils noirs dépasser du lit, connectés aux immenses ordinateurs de la pièce d'à côté qu'on voyait à travers un écran de verre. J'étais debout, face à l'écran.

- Ok, Falen, vas-y dans 5... 4... 3... 2... 1...

1%

2%

Nous entendîmes un soupir unanime provenir du laboratoire. L'expérience se déroulait bien jusqu'ici.

9%

10%

11%

Tout le monde était ici. Alors qu'on installait Akuma dans le véhicule d'Oscar, j'avais contacté les autres avec le cellulaire de Laos. J'avais aussi averti mon père. Maintenant, ils étaient tous en train de fixer l'écran. À la limite de mon champ de vision, je voyais Eden qui se rongeait nerveusement les ongles dans les bras de Kenshi.

35%

36%

Kawa éclata en sanglot et Laos la serra dans ses bras. Akuma pâlissait à vue d'œil, mais il tenait le coup. Les pourcentages s'écroulaient de façon régulière.

51%

52%

53%

54%

Un énorme doute m'empara. Et si le processus plantait maintenant? Resterai fil coincé entre le réel et le virtuel? Est-ce que seulement une demie d'Akuma, une demie de sa personnalité, de ses souvenirs, résiderait dans le net?

73%

74%

C'était si silencieux... Si... Angoissant. L'atmosphère était lourde. Puis, soudain, nous entendîmes les halètements d'Akuma. Je me fais violence pour ne pas me jeter à son chevet au ries que de débrancher des fils. Mes ongles rentrèrent dans ma peau tellement je serrais les poings.

87%

- Tout ce déroule parfaitement, murmura Oscar. Il va réussi, c'est un miracle... Personne ne s'est jamais rendu aussi loin...

Je le regardais attentivement. Est-ce qu'il venait de dire qu'il avait déjà testé son projet, que des personnes en était mortes?! Je frémis. Ce type était malade, je ne lui parlerai plus jamais. Il me filait les jetons.

96%

97%

La tension était à son comble.

98%

Encore un peu...

99%

Panne générale. Juste au moment où le 99% allait se transformer en 100%. Si près du but... Les écrans étaient noirs, il faisait un noir d'encre. Il n'y avait pas de fenêtres, pas d'éclairage d'urgence. Je tombai, abasourdie. Les larmes ne sortaient pas. Avions nous tué Akuma?... Laos ouvert enfin la lumière de son téléphone, suivi de Kenshi, mais je fermai les yeux. Non, mon monde ne recelait plus de lumière...

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Je n'étais pas à l'enterrement d'Akuma, je ne voulais pas le voir dans ces costumes qu'il dédaignait. Je ne voulais pas le voir habillé de cette pâleur effrayante, irréelle, de la mort.
La cérémonie d'adieu était commencé depuis plusieurs minutes maintenant. J'étais couchée sur le dos, fixant le plafond. J'étais vidé, pas de larmes, pas de douleur, pas de bonheur. C'était fini. Je tournai la tête et mon regard se posa sur ce casque. Le casque holographique... Sa petite lumière verte brillait dans l'obscurité causé par mes rideaux tirés. Du vert... Oh mon dieu!

Je me relevai comme une flèche. Combien de temps? À peine 30 minutes. Le centre d'achat à 1o minutes, l'église juste à côté.

Courir, courir le plus vite possible. Ouvrir la porte de la petite boutique de madame Ginette, se précipiter devant sa collection de pierres. Une émeraude. Polie. Je lui demandai avec presse d'y incruster un anneau, comme celui dans Tenshi no Seicin. 1200$. Madame, c'est pour un enterrement... Je l'obtiens pour 800$ et lui promets de revenir la payer. De toute façon, elle me voit souvent aller dans la librairie d'en face.

Courir, courir encore. J'ouvre les immenses portes de la paroisse et elles claquent sur les murs. L'écho se propage dans la bâtisse vide. J'étouffe un juron. Le cimetière... J'ai peut-être le temps!

Courir, courir avec les poumons en feu sous l'air de novembre. Le mois des morts, quelle ironie. Les gens, tous en noirs, sont attroupés autour d'un trou. Il y a Kawa, Laos, Kenshi qui essaie maladroitement de consoler Eden, Rhin et Satsujin. Sa tante chérie est là aussi, sa voisine et notre professeur. Toujours pas de parents. Bon...

Tous me laissent passer. Il savent. Je fixe la boîte noire avec le bouquet de lys et je me retiens de rire. Des fleurs. Ils n'ont rien trouvé de mieux?

- Tiens. Je t'avais promis...

Et je lançai le pendentif qui descendit doucement le long d'un pétale, telle une larme, avant de disparaître entre les feuilles.

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Deux mois. Deux mois à vivre tel un automate. Deux mois à aller à l'école, à voir les regards compatissants de camarades qui ne le connaissaient même pas. Eden paraissait remis, on le voyait tout le temps en train d'essayer de me faire rire, sans succès. Oui, ça faisait deux mois que je n'avais pas ris. Je me contentais de forcer un sourire et de retourner à mes livres. Je devrais faire plus d'effort, c'est vrai, parce que je sais qu'au fond, Eden souffre terriblement de sa mort.
La compagnie d'Oscar a mystérieusement fait faillite quelques jours après l'enterrement  et on n'avait plus de nouvelles d'Oscar qui avait pris sa retraite. La production de casque c'était arrêté et on avait abandonné l'idée d'un jeu immersif. Tenshi no Seicin avait été abandonné.
J'entendais mes parents  s'engueuler dans le salon, j'avais envie de fuir. Mon regard tomba sur le casque, comme à chaque fois que j'étais particulièrement déprimée. Sa lumière verte était rassurante. Celle-ci, alors que je l'observais, vira au violet. Hein?! Avant de pouvoir cligner les yeux, la lumière redevint verte. Avais-je halluciné?
Je pris le casque, fixant le fond sans bouger. Tenshi no Seicin, un monde abandonné... Comme moi. Oui, je serai tranquille avec mes pensées.

Je le mis et me connectai. Le flot de lumières familières mît un baume sur mon coeur et j'apparus debout dans la cour du château abandonné. Le poids de mes ailes me rassurèrent malgré les souvenirs douloureux dont elles étaient associées.
Ça me prit quelques instants pour remarquer la silhouette dans l'ombre d'une balustrade. J'eus peur que ce soit Ombre, mais celui-ci était aujourd'hui en prison à vie. Attentivement, j'essayai de trouver pourquoi elle m'était si familière. Il s'avança à la lumière du soleil, mais une capuche cachait toujours son visage. Un poignard incrusté d'un onyx pendait à sa hanche, mais ce ne fut pas ce qui attira mon regard.

Non, ce qui attira mon regard, ce fut la pierre à son cou. Verte. Une émeraude.

- Lorsque je t'ai vu arriver, j'ai cru que l'autre avais décidé d'ajouter des anges à Tenshi no Seichin... dit-il alors qu'un sourire se dessinait dans l'ombre de sa capuche.

Non... Ce n'est pas moi l'ange, ce n'est pas moi qui est morte...

- Mais... Bon retour...

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NDA exceptionnel dans le prochain chapitre

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