Chapitre 15
Presque un mois à passer depuis qu'Albin a été puni et enfermé au cachot. Aujourd'hui, il en est sorti, après avoir passé quatorze jours, une demi-journée par semaine passée loin de l'orphelinat. Lorsqu'il a enfin été délivré, il tenait à peine debout, il était maigre et sa peau était aussi blanche que la neige. Ses cernes, aussi noirs que du charbon, lui donnaient un air cadavérique. Il faisait peur à voir. Albin a été traîné sans ménagement par le jardinier vers le dortoir des garçons, suivi de près par Annie qui le suppliait d'y aller doucement.
Un frisson d'horreur traverse mon dos en repensant à cette scène. Le pauvre Albin, lui qui est toujours si fier, faisait vraiment peine à voir... Mais en même temps, après avoir passé autant de jours en enfer, on ne peut pas en ressortir indemne. Ceux qui y ont été pour une longue durée, n'ont plus jamais été les mêmes...
Un nouveau frisson dévale ma colonne vertébrale. Je secoue vivement la tête pour arrêter de penser à tout ça et je me concentre sur le chiffon que j'ai entre les mains. Je me remets à frotter vigoureusement la table à manger. Comme après chaque repas, nous sommes chargés de nettoyer le réfectoire. Pendant que certains s'occupent de laver la table, les bancs et le sol, les autres font la vaisselle. Ce midi, je suis de corvée de nettoyage de la table, alors armée de mon chiffon, je frotte la table en bois massif pour y dénicher les miettes de pain niché dans les fissures de la table.
Alors que j'arrive enfin à retirer les miettes coincées, je remarque que plus personne ne bouge. Intriguée, je relève la tête. La directrice est là. Elle se tient debout dans l'encadrement de la porte, droite comme un pique, les mains jointes et le visage sévère, elle ne dit rien. Pendus à ses lèvres, nous retenons tous notre respiration, un milliard de questions nous envahissent, espérant silencieusement que ce n'est pas nous qu'elle vient chercher. Je commence à trembler en imaginant que j'ai bien pu faire quelque chose qui lui a déplu.
Après quelques secondes qui nous paraissent à tous une éternité, elle dit qu'une voix froide, sans émotion :
— Albin peut reprendre le travail, il commence maintenant, avec vous. Tâcher de le traiter normalement, il ne mérite pas de compassion de votre part. Est-ce clair ?
— Oui, Madame la Directrice, répondons-nous d'une seule voix.
— Bien, il arrivera dans quelques minutes, reprenez, maintenant, claque-t-elle avant de quitter la pièce.
Une fois la sorcière loin, nous reprenons tous notre souffle avant de reprendre notre travail.
Pauvre Albin... Bien sûr, je suis contente d'apprendre qu'il va mieux, mais est-ce que c'est réellement le cas, où juste que la sorcière ne voulait pas qu'il reste au lit un jour de plus ? Cela ne fait que dix jours qu'il est sorti de l'isolement, ce n'est pas assez pour récupérer...
— Comme si j'allais lui faire un traitement de faveur, raille un des garçons à côté de moi.
— Moi non plus ! enchaîne un autre. Il l'a bien mérité de toute façon.
— C'est clair, rit le premier.
Mes doigts se referment fortement sur le chiffon dans mes mains en entendant leurs paroles cruelles. Comment peuvent-ils dire ça ? Personne ne mérite une telle punition, même si la bêtise est grosse ! J'ai envie de leur dire qu'ils sont horribles et qu'Albin mérite notre soutien, mais je n'y arrive pas, les mots restent bloqués dans ma gorge...
— Tiens, le voilà, lance soudain le deuxième.
Je relève aussitôt la tête. Il est bien là, debout, là où la sorcière se tenait il y a quelques minutes. Il s'arrête un instant, sûrement gêné par tous les regards braqués sur lui, mais il ne le montre pas, il ébouriffe ses cheveux bruns avant de s'avancer l'air déterminé vers à seau d'eau ou repose un chiffon pas utilisé. Au moment où il s'apprête à se baisser, il s'arrête net. Il est complètement crispé et se pince les lèvres comme pour retenir un gémissement de douleur. Devinant que c'est son dos qui lui fait mal, je commence à m'avancer vers lui pour l'aider à attraper le seau, mais une main me retient par le bras.
— Tu fais quoi, là ? me demande à voix basse Charles, l'un des garçons, les sourcils froncés. On a dit qu'il ne fallait pas l'aider, tu te souviens.
Sur le moment, son air sérieux me déstabilise, je ne trouve pas les mots pour lui répondre, tout ce que j'arrive à faire, c'est donner un coup sec sur mon bras pour le faire lâcher, mais ça n'a aucun effet. Charles resserre sa prise me lançant un regard noir. Il le fait froid dans le dos et sachant qu'il ne me laissera pas aider Albin, je me contente de baisser la tête en me tournant vers ce dernier. Charles me lâche alors le bras. Je passe ma main pour y calmer la douleur qui commence à s'installer. Lorsque je relève la tête, je remarque qu'Albin a le chiffon imbibé d'eau dans les mains, entre-temps quelqu'un avait dû l'aider. Une fois qu'Albin se met à frotter la table, tout le monde recommence à effectuer ce qu'il a à faire en silence.
Une fois le réfectoire nettoyé, chacun vaque à ses occupations. Je suis rejointe par Adeline et Hortense et nous partons nous asseoir sur les escaliers. Nous nous installons juste au-dessus d'un groupe d'enfants qui entoure Albin, lui posant plein de questions à la fois, sur sa vie dehors, ce qu'il a vu, ce qu'il a fait et comment c'était. Mais Albin ne répond à aucune question, prétextant sur ce n'est pas intéressant. Mon œil, je pense surtout qu'on lui a interdit d'en parler, pour éviter qu'on découvre que le monde extérieur est un paradis bien mieux que cet enfer...
— Au fait, demande Albin pour changer de sujet, ou est Mathilde ? Je ne la vois pas, pourtant c'est toujours la première à venir me voir d'habitude ! Me dites pas qu'elle s'est encore fait punir ?
Un silence gêné se crée, avant qu'il ne soit brisé par Renée.
— Elle est partie, elle a été adoptée...
— Quoi ? s'écrie Albin, les yeux écarquillés de surprise. Impossible.
— Si, enchaîne une des filles, ça fait environ cinq mois, je dirais...
— J'vous crois pas, murmure Albin en secouant la tête, Élia est là et jamais elle ne serait partie sans elle. La dernière fois, elle a même craché au visage d'une dame qui voulait l'adopter pour ne pas être séparée d'Élia. Non, franchement, c'est impossible qu'elle soit partie !
— Bah, c'est pourtant c'est la vérité... dit Renée en haussant les épaules.
— Mais comment ? demande Albin en la regardant droit dans les yeux.
— Bin, on sait pas trop... Elle et Élia devaient se faire punir ce jour-là, et après elles sont jamais revenues, Mathilde a été adoptée et Élia est partie à l'isolement.
— Attends, attends, répète moi ça, y a rien qui va dans ce que tu me racontes ! De un, comment Élia a pu finir au cachot ? On parle bien d'Élia, la petite, haute comme trois pommes, les cheveux bouclés et toujours la tête dans les nuages ?
— Oui bah Élia quoi, y en a qu'une.
Au fur et à mesure de leurs conversations, je me fais toute petite et je vois un à un les regards de mes trois amis se tourner vers moi et me regarder peinés. Les autres n'ont pas dû voir que je me suis assise juste derrière et parle de moi comme si je ne n'étais pas là, et en plus, il parle d'un des pires moments de ma vie... J'ai envie de leur crier de se taire, mais je n'arrive pas, mes mots sont bloqués dans ma gorge, tout ce que je peux faire, c'est serrer ma robe dans mes doigts et écouter.
— On ne sait pas ce qu'il est arrivé, continue Renée, on était en classe, on a juste entendu des cris et c'est tout.
— Notre classe ne donne pas sur le portail, enchaîne une des filles d'une voix timide, on n'a rien vu, c'est la directrice qui est venue nous dire que Mathilde avait trouvé une famille aimante qui l'avait adopté et qu'Élia sera absente plusieurs jours car elle était punie...
— Ça nous a surpris au début nous aussi, intervient une autre.
Albin paraît désemparé, comme sous le choc de cette nouvelle qu'il arrive à peine à croire.
— Oui, reprend Renée d'une voix agacée, m'enfin bon, on ne va pas parler de ça mille ans ! Et puis moi, je comprends Mathilde, une famille ça compte plus qu'une amie
— C'est clair, dit la deuxième d'une voix douce, mais la pauvre Élia quand même...
— Oui, la pauvre, elle a été abandonnée comme une vieille chaussette par la personne qu'elle aimait le plus...
Tous les enfants présents autour d'Albi hochement la tête tristement.
— Finalement, murmure une des filles qui n'a pas encore parlé, ça prouve bien que les amis ça sert à rien en vrai... Elles paraissaient super proches, mais en fait quand elle a été adoptée, Mathilde n'en avait plus rien à faire d'Élia...
Là, c'en est trop, je ne peux retenir mes larmes. J'éclate en sanglots, les faisant tous retourner. Je n'arrive pas à voir leurs visages, à cause de l'eau dans mes yeux, mais de toute façon, je ne veux pas rester une minute de plus à les entendre parler ainsi de Mathilde et de moi. Avant qu'ils puissent dire le moindre mot, je pars en courant en direction de l'ancien dortoir des filles, là où je sais que personne ne viendra. J'essaye d'enlever les larmes qui stagnent dans mes yeux, pour voir clair, mais plus j'en enlève, plus ils se remplissent. Lorsque j'arrive dans le dortoir, je vais droit vers la fenêtre, me laissant glisser jusqu'au sol.
Non, non, ils ont tort, ma sœur ne voulait pas m'abandonner, elle n'a pas eu le choix ! On l'a emmené loin de moi, elle ne le voulait pas et moi non plus ! Non, ils ont tort, ils ont tort ! Je sais qu'ils ont tort !
Alors que je pleure de manière incontrôlable, je sens une main se poser sur mon dos. Je sursaute violemment, avant de me retourner. Malgré mes yeux tout embrumés, je reconnais Albin, les mains en l'air comme pour me montrer qu'il ne me veut pas de mal. J'essuie mes yeux le plus possible en reprenant un souffle normal. Pour m'aider, il pose maladroitement ses mains sur mes épaules et me fixe en souriant de toutes ses dents, les yeux écarquillés. Le voir ainsi me fait pouffer de rire : il a l'air ridicule. S'il veut me réconforter, ce n'est pas la bonne manière, là, il me fait juste peur à me regarder et me tenir comme ça. Décidément, les garçons ne savent vraiment pas s'y prendre pour consoler quelqu'un.
— On dirait le chat dans Alice au pays des Merveilles quand tu es comme ça, rigolé-je tout en continuant d'essuyer les larmes sur mon visage.
— Peut-être, dit-il en me lâchant, mais au moins, je t'ai fait rire et tu ne pleures plus ! Donc c'est une bonne technique !
C'est vrai, il m'a fait arrêter de pleurer grâce à ça, il n'est peut-être pas si mauvais pour consoler les gens finalement.
— Je suis désolée, Élia, pour tout à l'heure, je ne savais pas que tu étais derrière nous...
— Ce n'est rien, lui assuré-je en souriant.
Il m'aide à me relever et à enlever la poussière qui s'est accrochée à ma robe lorsque je me suis assise. Puis, nous, nous nous accoudons à la fenêtre, même s'il a eu plus de mal à trouver une position confortable vu qu'il est plus grand que moi de deux têtes.
Après un moment de silence, Albin me demande mal à l'aise :
— Élia... Je... Il faut que je sache : ce qu'on dit les autres, c'est vrai ?
Je gonfle mes poumons d'air pour me donner du courage, avant d'expirer lentement.
— Oui... après une légère pause, j'enchaîne : enfin, non, ce qu'elles t'ont dit, c'est pas vraiment vrai. Elle ne voulait pas partir. Un... Un homme est venu, il a donné de l'argent à la sorcière et il l'a emmené... Elle a essayé de lui résister, mais il était trop fort...
Pendant de longues secondes, Albin ne répond rien. Puis, d'un coup, il soupire exaspéré, avant de lancer en colère :
— J'y crois pas, elle fait ça même aux filles maintenant ? Quelle vipère !
Il semble plus se parler à lui-même qu'à moi, mais je ne peux m'empêcher de demander de quoi il parle.
— C'est pas la première fois qu'elle fait ça, grogne-t-il. Mais je pensais qu'elle le faisait qu'avec les garçons ! Faut croire que Mathilde devait beaucoup l'ennuyer pour qu'elle fasse ça !
— Mais quoi ?
— La vendre !
La vendre ? Mais comment est-ce possible ? On n'a pas le droit de vendre un être humain ! Mais alors c'était pour ça l'argent... La sorcière a réellement vendu ma sœur comme du bétail à un homme horrible ? Mais pourquoi ?
— Personne ne le sait, reprend-il, enfin, je ne pense pas... Elle vend les garçons qu'elle n'arrive pas à gérer ou des grands à des fermiers ou des marchands... Mais je pensais pas qu'elle ferait ça à une fille, c'est vraiment qu'elle a dû l'énerver...
— Elle a le droit de faire ça ?
Il ricane en secouant la tête.
— Non, je ne pense pas, mais elle le fait quand même...
— Mais et toi ? Elle va sûrement essayer de te faire pareil-
— Elle a déjà essayé, me coupe-t-il, plusieurs fois même. Mais à chaque fois je me suis sauvé et les gens ont tous finit par me ramener. Et puis maintenant le bruit court au village, que je suis une mauvaise graine. Et personne ne veut d'une mauvaise graine !
Albin passe sa main dans ses cheveux en riant comme s'il est fier d'avoir cette réputation.
— Albin... commencé-je d'une petite voix, co-comment est-ce que tu fais ?
Albin se tourne vers moi les sourcils froncés, ne comprenant sûrement pas de quoi je parle.
— Je, je veux dire... Comment... Est-ce que... bégayé-je maladroitement, ne sachant pas formuler ma question. Est-ce que ça va ? T-tu sais à cause de... Enfin...
— Oui, Élia, ça va, me coupe-t-il. Je vais bien.
Il détourne la tête pour regarder dehors, le regard dure.
— Elle n'arrivera pas à me briser comme ça, murmure-t-il après de longues secondes de silence. Elle a peut-être réussi à me faire mal physiquement, mais jamais elle ne réussira à me faire mal dans la tête.
— Pourquoi ? demandé-je intriguée.
Albin baisse la tête en rigolant nerveusement comme la réponse était évidente.
— Car j'ai un objectif, et tant que je l'aurais, elle ne pourra jamais me briser.
— Un... Objectif ?
— Oui, quand j'étais là-dedans, tout ce que j'avais en tête, ces comment est-ce que j'allais de nouveau m'enfuir. Je pensais à la manière dont je partirais et ce que je ferais dehors. Je me remémorais les erreurs que j'avais faites et comment je pourrais faire pour ne pas me faire attraper de nouveau. Une phrase tournait en boucle dans ma tête : "je partirais, je partirais d'ici et cette fois, personne ne pourra me rattraper."
Le regard fixé sur un point dehors, les sourcils froncés, il semble déterminé.
— J'ai tenu cinq mois dehors, mon record ! La prochaine fois, j'essaierai d'en tenir six, voir plus ! En tout cas, je partirais d'ici je ne resterais pas ici encore six ans, c'est hors de question !
— Je ne pense pas non plus que tu pourras tenir six ans enfermés ici, déclaré-je le regard perdu dans le vide, tu es un oiseau, et on ne peut pas enfermer un oiseau en cage...
Il rigole à cette comparaison.
— J'aimerais être un oiseau moi aussi, continué-je tristement sans lui laisser le temps de répondre, mais je ne suis pas assez forte...
— De toute façon, tu ne survivrais pas deux jours dehors...
— Je sais, c'est parce que je suis faible...
— Non, Élia, parce que tu es une fille ! Même si tu étais forte, courageuse et que tu savais te battre, tu ne survivrais pas dehors, crois-moi.
Je fronce légèrement les sourcils, ne comprenant pas le rapport avec le fait que je sois une fille. Albin, voyant mon regard décontenancé, soupire en se décollant de la fenêtre. Il part s'asseoir sur un tas de vieux matelas posés à même le sol. Lorsqu'il se pose dessus, un nuage de poussière vole autour de lui, le faisant tousser. Il agite sa main pour éloigner la poussière, avant de reposer ses bras sur ses genoux.
— Uhm... Tu sais, Élia, dehors ce n'est pas un paradis... Enfin, si, dans un sens, car tu peux aller où tu veux et personne ne viendra te battre si tu as le malheur de parler un peu trop fort... Mais... Il y a des choses bien pires qui peuvent arriver...
Je quitte à mon tour la fenêtre pour aller le rejoindre sur le tas de matelas. Je fais attention de m'y asseoir doucement pour éviter de faire voler la poussière qui s'y trouve.
— Je sais bien que dehors n'est pas tout rose, murmuré-je, mais c'est forcément moins pire qu'ici. Et puis, ça change quoiqu'on soit une fille ou un garçon, c'est la même chose, non ?
— Ça change beaucoup de choses, crois-moi, soupire Albin en secouant la tête. Les filles, elles encourent plus de danger... Moi par exemple, si on m'agresse, ce sera pour me voler mon argent, mais une fille ce ne sera pas que pour ça... Et puis même, dehors il y a des vieux dégoûtants qui seront sûrement très contents de voir une fille seule dans les rues... Et eux, ils ne seront pas arrêtés parce que tu es une enfant... lance-t-il dans une mine de dégoût.
Il a l'air répugné, mais je ne comprends pas pourquoi. Qu'est-ce qu'ils feront aux filles qu'ils ne feront pas aux garçons ? Et pourquoi ? Ce n'est pas logique... Et en quoi le fait qu'ils soient sales change quelque chose ? J'ai beau y réfléchir, je ne vois pas le problème !
Soudain Albin gémit douloureusement prenant sa tête dans ses mains.
— Tu as mal quelque part ? m'écrié-je, prête à aller chercher Annie si besoin.
— Non, se lamente-t-il, c'est que Louise et Denise vont me tuer ! Je n'aurais pas dû te raconter tout ça ! Si elles le savent, je suis mort.
— C'est tout ? Tu m'as fait peur ! grogné-je en lui donnant un petit coup sur la cuisse. Et qu'est-ce que tu ne devais pas me raconter ? Je ne comprends pas.
— Bah ça, justement ! C'est sur elles vont me découper en morceaux pour t'avoir dit ça... Tu es petite, tu n'as pas à entendre ce genre de chose.
— Déjà, je ne suis pas petite, j'ai presque huit ans et demi ! Et ensuite, je ne comprends même pas de quoi tu parles ? Tu ne devais pas me dire quoi ?
Albin reste me regarder quelques secondes avant d'éclater de rire, tout en camouflant le son dans sa main pour éviter qu'on l'entende.
— Excuse-moi, excuse-moi, dit-il en se ressaisissant, c'est vrai que tu es très grande, tiens !
Je rêve où il se moque de moi ? Qu'est-ce que je déteste quand les garçons font ça, ce n'est pas drôle du tout. Voyant mon mécontentement, il se calme avant de murmurer :
— Oublis ce que j'ai dit, d'accord ? Et puis le vrai problème si tu te retrouvais dehors, toute seule, ça serait le travail. Moi, je peux facilement trouver quelque chose, comme livreur de journaux par exemple. Mais toi jamais ils ne t'embaucheront, déjà qu'une femme adulte à du mal à trouver un vrai travail, alors une petite fille...
Je soupire tristement, il a sûrement raison...
— Bon, souffle-t-il en se mettant debout, moi, je vais aller voir les autres. Tu viens ou tu restes ici ?
— Je vais rester ici, lui dis-je en montrant la fenêtre.
Il sourit et lâche un petit rire comme si ma réponse était évidente.
— Tu ne changeras jamais, Élia, fidèle au poste.
Je lui rends son sourire quand il quitte la pièce. Je me retrouve seule. Doucement, je me relève à mon tour et vais m'accouder à la fenêtre. Le seul endroit de l'orphelinat où je me sens vraiment bien.
Mon regard suit les branches nues des arbres dansés sous le vent d'hiver. J'ai envie de pouvoir m'envoler au gré du vent, loin d'ici, mais il a raison, si j'étais dehors, sans rien, sans argent, sans travail, je mourrais sûrement de faim... Mais de toute façon, je ne compte pas me sauver d'ici, non, moi, je veux être adoptée et je sais qu'un jour une famille voudra bien de moi comme fille.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top