Chapitre 3 : Liés au quotidien

❉⊱•═•⊰❉⊱•═•⊰❉⊱•═•⊰❉

- Non ! Attends, mets-le là !

- Mets-le toi, je vais tout casser !

- Tu sais rien faire sans moi Mael ! T'es chiant !

- Pardon Dréa...

Les mots sont durs, mais ils ne froissent visiblement pas l'enfant blond qui tend le domino à son ami. Tout aussi brusque que son ton, l'autre s'empare du jouet, enjambant la construction pour rejoindre le côté du petit Alpha. Il valait mieux s'y prendre avec douceur s'il ne voulait pas tout faire rater. Alors il se mit à hauteur de ce qui serait sans doute le top départ, et fit attention à bien placer l'objet.

Le circuit qu'ils ont façonné est immense et leurs yeux pétillants devant. Avec l'école, ils ont assisté à un spectacle mettant en scène les réactions en chaîne, aussi ils ont eu l'idée de reproduire autant qu'ils le pouvaient. Et c'est plutôt une belle performance, Mael ayant passé un temps à imaginer comment entreposer chaque pièce pour que le réseau se suive à la perfection. Ça allait être une réussite, c'était certain !

- Attends, j'vais chercher la caméra j'reviens ! Et ne touche à rien !

Attachant ses cheveux noirs bien trop longs, Andréa sort de la chambre de Mael pour enregistrer leur œuvre et Mael patiente sagement. Sa chambrée est dans un capharnaüm sans nom et il est sûr que son père passera un savon s'ils ne la rangent pas d'ici l'appel vidéo du soir. Ils ont étalé tous les dominos qu'ils ont trouvés partout dans la pièce, construisant même des supports pas franchement stables sur les deux lits qui occupent la moitié de l'espace.

Quatre ans ont filé depuis qu'ils se sont marqués ! Les parents ont évidemment déniché des solutions répondant à leurs besoins bien qu'il n'est pas rare de devoir adapter au fil du temps qui s'écoule. Pour exemple juste le fait que les deux gosses ont refusé de dormir séparé, obligeant les familles de prévoir une façon de tourner à ce sujet. Aussi, les deux enfants possédaient deux lits, un dans chaque domicile, et passaient effectivement toutes leurs nuits dans la même pièce. En fonction des possibilités et des besoins, ils changeaient de maison à la semaine, imposant une organisation d'enfer !

Ce n'était pas la seule chose bien sûr, mais ils avaient l'impression de bien gérer la situation. Dès le lendemain de l'incident, ils avaient emmené leurs progénitures chez leur médecin de famille qui les avait rassurés au mieux et surtout accompagné. Les adultes ont appris que ce n'était pas une affaire isolée, rare, certes, mais qu'ils s'étaient déjà produits et qu'une cellule existait pour aider les foyers concernés ! Ils ont eu un peu de mal à saisir la raison de l'existence d'une telle organisation, cependant ils ont bien fini par comprendre. Ils avaient de la chance après tout, eux s'entendaient bien et avaient eu les moyens de faire face, mais ce n'était pas le cas de tout le monde ! Quoiqu'il en soit, ils avaient rencontré des gens dans qui était dans une situation similaire et ils avaient reçu beaucoup de conseils.

C'est aussi par ce biais qu'ils avaient eu l'occasion de voir qu'un avenir sain et heureux était possible ! Les pairs formés de la même façon qu'Andréa et Mael avaient tous réussi à trouver la combinaison qui leur convenait et s'y sentait bien. Les parents pouvaient donc souffler, le futur de leurs trésors n'était pas en danger !

- Non Arthur, tu peux pas venir ! Tata, dis-lui toi !!

Andréa rouspète lourdement, régulièrement grincheux, et Mael rit d'un air indulgent. Ce n'est pas bien grave, Andréa crie vraiment beaucoup et boude souvent, pourtant il redevient toujours gentil quand il en a besoin ! Ce n'est donc pas difficile d'accepter le côté froid de son ami. Il lui sourit d'ailleurs tandis qu'il entre de nouveau dans leur antre, écoutant le long catalogue de recommandations qu'il liste pour les deux nouveaux arrivants.

Mael le voit, il stresse réellement ! Il les sent lui chatouiller le bout du nez, les phéromones soucieuses ! Il craint qu'on gâche leur projet, lui creusant une drôle de ride qui lui barre horriblement le front sur son visage enfantin. Il n'a que neuf ans, pourtant il semble en avoir quarante de plus, bien plus sévères et sérieux. Son meilleur ami sait vraiment ce qu'il veut !

Et Mael est content, car à son niveau, il peut faire quelque chose pour l'aider ! Ses hormones se répandent dans l'air, se mélangeant si facilement ensemble. Il ne dit rien ! Comme d'habitude, ce sera leur petit secret. Andréa le sent rapidement et ne brise pas le silence à ce sujet, se redressant complètement alors qu'il arrive à reprendre son calme. Il tente à présent de convaincre sa tante de le laisser filmer tout seul. Surveillant du coin de l'œil, l'autre gosse dont les yeux s'illuminent en suivant lentement tout le parcours, la bouche bloquée dans un « Oh » émerveillé. Mais Marianne reste ferme, quand bien même ses traits sont éminemment doux et rassurants et que le petit Oméga lui parait adorable.

- Penses-tu que j'ai oublié l'incident du téléphone bleu ? J'en ai besoin pour appeler Tonton Paul ce soir !

- Mais c'était y a longtemps !

- C'était il y a trois semaines Trésor !

Elle rit de la fourberie de son neveu, déverrouillant son portable pour lancer l'application des vidéos. Elle pense justement que ça fera un excellent souvenir à montrer à son Alpha. Paul vit loin la plupart du temps, lui qui part toute la semaine pour travailler, ne revenant que le week-end. C'est ce qu'ils ont décidé, acceptant la proposition de l'association d'Etat qui a offert à la famille de Mael de prendre en charge le loyer de leur appartement actuel. Ainsi donc, ils peuvent tout de même envisager d'acheter une maison, en dépit qu'ils n'aient pas encore pris la peine de s'y atteler. Ils ont le temps après tout et de toute façon ils avaient bien d'autre chat à fouetter !

Et son mari aime recevoir de petites vidéos, elles lui filent le sourire et le font beaucoup rire ! Alors directement, Marianne lève la caméra vers son neveu, filmant ses doigts qui lui farfouille un peu les cheveux pour l'embêter. Mais bien qu'effectivement il déteste ça il ne dit rien cette fois, n'ayant pas oublié sa demande refusée, se notifiant que peut-être elle craquera ! Il tente donc de faire une mimique adorable et fait mine de la supplier, joignant ses mains dans une prière muette qui la fait souvent chavirer lorsque son fils le fait...

- Ah non non !! Pas mon point faible !

La mère de famille détourne les yeux, mais ne s'y tient pas longtemps, sachant très bien que cette grimace est trop rare pour réellement s'en priver.

- Bon d'accord, mais à une condition ! Vous faites une jolie photo tous les trois avec cette magnifique tête d'ange !

- Quoi ?! Tata ! Tu ne vas pas...

- Montrer à ta mère ! Olalala, t'es si mignon !

- Raaah...

Le gamin boude de nouveau, le visage rouge de gêne, ayant l'impression de s'être fait avoir.

- Grand frère, je veux faire la photo !

- Moi aussi !!

- Bon d'accord, mais après je filme tout seul... Deal ?

- Deal !

Arthur se précipite vers ses deux ainés, semblant ravi lui qui est souvent mis de côté. Il ne comprend pas trop pourquoi d'ailleurs, il a beau demander pour dormir avec Andréa et Mael, encore et encore, il n'a pas le droit ! Il déchiffre qu'il est plus petit, c'est vrai, mais il adore si fort ses deux modèles et puis il n'a que deux ans, tout est bien trop compliqué.

- Ne me colle pas Arthur !

- Andréa, sois gentil avec ton petit frère !

- Je suis toujours gentil d'abord, c'est lui qui m'énerve en me volant mes affaires !

- Voler est un bien grand mot ! Il te les emprunte, voilà tout !

- ARTHUR ARRÊTE DE LE COLLER !

À ses yeux, c'est une preuve parfaite pour illustrer ce qu'il sous-entend, son agaçant frangin veut constamment ce qui est à lui ! À commencer par son meilleur ami, n'arrêtant jamais de lui tourner autour. Andréa déteste ça, fichtrement embêté à l'idée qu'on s'insinue dans ce lien particulier.

- Allez, Andréa, pense à ta future représentation ! On se resserre et on sourit !

Dans tous les cas, il y tient ! Suffisamment pour passer son bras sur l'épaule d'Arthur et plait franchement à l'objectif, même s'il reste gêné et qu'encore une fois, ses pommettes se colorent comme une fraise au soleil...

Et c'est un souvenir heureux qui trône à présent sur un des meubles du salon. Deux ans depuis et les garçons ont bien grandi ! Tout comme la petite fille dans le ventre de Marianne. La petite Alice ne doit plus tarder à naître et bien que la maman devrait se reposer, songeant principalement à mijoter cette merveilleuse rencontre, la situation est tendue et la stresse au possible.

Une fois de plus ils sont convoqués par la maitresse de leurs fils et c'est loin de lui plaire. Elle attend dans l'entrée que ses chauffeurs arrivent pour l'emmener et elle soupire, inquiète alors qu'elle pensait s'y être préparée !

Lorsqu'ils avaient eu l'occasion de croiser des pairs qui se sont liés dans des conditions similaires, ils ont tous fait mention de cette fameuse période où ils ont rejetés leur lié. On parle surtout des Omégas qui subissent un contrecoup hormonal assez puissant pour les mettre à bout de nerf, les rendant sensibles à tout, surtout aux phéromones de leur Alpha. C'était une chose qui déboulait pendant quelque temps, juste avant qu'apparaissent les premiers cycles de chaleur et de rût. En toute logique, tout ceci se produit bien plus tard ! Mais les médecins ont tous étés clairs, il faut s'attendre à ce que cela survienne dès l'entrée au collège.

Ils devaient donc rester prudents quant à certains symptômes indiquant divers changements. Et bien qu'au début, les parents avaient eu légèrement peur de passer à côté, et de ne pas pouvoir intervenir au bon moment, cependant ils n'avaient pas pu ignorer les signes ! Andréa, ainsi que son caractère aussi doux qu'un porc-épic furieux, s'était peu à peu montré possessif avec Mael tout en le rejetant fortement la plupart du temps...

D'ailleurs le rendez-vous présent de l'école est probablement pour cette raison ! Ils vont sans doute, une fois de plus, apprendre que le petit Oméga s'était de nouveau bagarré avec d'autres enfants qui selon lui étaient bien trop proches du gamin aux cheveux blonds ! Ou pour subir un énième serment plein d'inquiétude au sujet de Mael. Ce qui était particulier, car en ce moment, il ne supportait pas son Alpha justement se mettant bien souvent dans une sacrée colère pour un oui ou un non, obligeant ce dernier à prendre des distances...

Mael répondait comme il le pouvait aux besoins de son lié ! Il avait, par conséquent, commencé à s'éloigner d'un peu tout le monde pour tenter de le rassurer. Pour cette raison, il avait finis par passer les récréations isolé, dans un coin, un livre sur les genoux, alertant le corps enseignant. Et bien qu'au début, cela n'affectait que leur relation au sein de l'établissement d'enseignement, ça a très vite suivi un chemin identique à la maison. Le plus dur fut vraisemblablement la brusque interdiction d'Andréa de dormir dans la même chambre que son copain. Seulement avec ça, alors qu'ils partageaient leur nuit depuis qu'ils étaient si minuscules, ces bonnes vieilles habitudes ont soudainement changé. Et lorsque l'Oméga a aussi refusé de le voir en fin de journée, justifiant que « juste à l'école » c'est déjà trop, les quatre adultes ont eu l'impression d'avoir à faire à des étrangers.

Pour être exact, c'était ils donnaient l'air d'avoir une relation presque ordinaire, bien qu'un peu éloignée. Comme deux gamins qui ne s'entendent plus trop... Bien évidemment les parents se sont inquiété et MJ a rendu visite à un pair accidentel et même le médecin pour tenter de se rassurer. Tout tendait à indiquer que ceci était normal et que ça irait... Il fallait se montrer prudent et patient, surveillant la venue soudaine des Chaleurs qui n'allaient pas tarder !

Et comme de fait, un soir où, fort heureusement, les garçons étaient chacun chez eux, ils ont débuté leur premier cycle. Andréa se trouvait dans sa salle de bain, hésitant longuement avant de craquer et d'appeler sa mère à l'aide. MJ avait alors raccompagné son fils dans sa chambre. De son côté, Mael était déjà dans sa grotte, plongé dans la BD commençait ce jour-là, et d'un seul coup, ca lui avait prit. Chacun de leurs côtés, leurs phéromones ont explosé, indomptables, se réclamant doucement, presque en pleurant. Pourtant les deux jeunes hommes, même s'ils ont exhalé le gout du manque de l'autre, ils ont aussi senti cette ferme certitude « Il ne faut pas ! »

Ils n'avaient aucune théorie du comment ils réagiraient aux hormones du deuxième. Ils avaient conscience que, comme tout le monde de toute façon, être en plein cycle ne voulait pas dire devenir incapable de se contrôler à l'odeur de l'autre au point de perdre pied. Ils n'étaient pas complètement cons non plus et on leur inculquait également des cours de sous-genre à l'école. Qu'importe la force d'un lien ou l'état de fatigue durant la période, personne ne sautait sur le voisin juste en le snifant ! Toutefois, cela restait inenvisageable...

Il ne fallait tout simplement pas !

Donc depuis, suivant ce fil d'idées, les parents supportent les discours amers des enseignants, s'excusant des tracas causés par leurs enfants. Les gamins, eux, s'évitent encore plus, le trou se creusant toujours un peu plus à mesure des jours qui passent, et ce n'est pas leur imminente entrée au collège qui annonce des temps plus doux... 


☆:*'¨'*:.☆(¯'*•.¸,¤°' '°¤,¸.•*'¯)☆:*'¨'**:.☆

Prochain chapitre : Compte à rebours

☆:*'¨'*:.☆(¯'*•.¸,¤°' '°¤,¸.•*'¯)☆:*'¨'**:.☆

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top