Le départ


PdV Angell

Angell s'affala bruyamment dans le canapé du salon, projetant un nuage de poussière dans l'air.

Elle souffla et appuya sa tête sur le dossier du vieux canapé.

"Il faudrait vraiment penser à faire le ménage, ici." Pense-t-elle.

Il faudrait surtout que sa mère pense à engager une femme de ménage en fait.

Amina était rongée par la culpabilité de montrer à tous le spectacle désolant de son mariage. Mariage au début si parfait, harmonieux : trois enfants, un mari aimant, une belle maison, même un bouvier bernois comme compagnon de jeu.

Le cliché parfait de la belle et grande famille heureuse jusqu'à la fin des temps.

Hélas, les exceptions ne confirment pas toujours la règle...

Un jour, Amina, rentrée un peu plus tôt du travail si chronophage qu'était celui de comptable, avait voulu faire une surprise à son mari, parti pour quelques jours.

Pour fêter son retour à la maison, elle avait organisé une sorte de fête-surprise, avec quelques voisins.

Mais au momen où elle voulait accrocher des fanions de part et d'autres d'une fenêtre, une guêpe rentra par celle-ci entrouverte.

Amina, d'un geste vif, se pencha pour la chasser. Et son pied glissa de l'escabeau.

Bien-sûr, pour un adulte, la chute est bénigne ! Mise à part un bras ou une jambe cassée, tomber d'une hauteur d'un mètre cinquante environ ne causerait pas grand mal à personne.

Pour un adulte.

Mais pas pour un enfant.

Et encore moins pour le foetus qu'Amina portait depuis six mois en elle.

Et la simple fête se transforma en cauchemar.

Transportée d'urgence à l'hôpital, Amina n'eu le temps que de regarder son mari droit dans les yeux. Un long regard plein de regret, mais qui en disait long sur le futur de leur couple...

Dévasté, Damian ne pû pardonner à sa femme la perte de son enfant, puis la dépression féroce dont elle fut ensuite victime.

Il divorcèrent un an plus tard, laissant le choix à leurs enfants de choisir comment ils vivraient.

Désormais, Angell vivait avec sa mère, ne voyant que très peu son père, que Marcus et David, ses deux petits frères jumeaux, avaient suivi à Atlanta, de l'autre côté de l'Atlantique...

Et puis, après tant d'années passées à se lamenter sur son sort, Amina avait choisi de reprendre les rênes de son destin : désormais, elle travaillait deux fois plus qu'avant, enchaînant réunions et meetings, pour se frayer une place dans la société qi avait bien voulu l'embaucher.

Revanche contre la malchance de la vie ou simplement amour du travail, Angell ne savait pas.

Elle savait seulement que sa mère n'était pas souvent à la maison et qu'elle se noyait dans le travail.

Et, par ailleurs, qu'elle ne connaissait pas (ou plus) le sens du mot "ménage"...

Ce serait donc à Angell d'y penser, comme c'était à elle de penser à entretenir la maison, laver le linge, nourrir le chat...

La jeune fille soupira, et tenta de penser à autre chose. Comme sa journée, par exemple !

Tout en fredonnant une chanson elle commença à ouvrir ses livres de mathématiques.

"I let you miles away, can't feel your breath in my hairs..."

La même que hier, avant hier, et tous les jours d'avant depuis un mois en fait.

Et quel mois ! Sous la neige de janvier, Angell avait l'impression que l'ambiance se refroidissait toujours un peu plus, que ce soit au cœur de sa classe qu'au milieu du Southwarm Highschool...

Depuis qu'elle avait entendu le rire.

Désormais, Elisa effrayait autant que Djevel ou que sa complice brune, Hestia, peut-être.

"Look at the game of your life... you never took all the dice"

De part son incroyable intelligence qu'elle avait enfin réussi à mettre en valeur et aussi son air innocent de petite fille sage à qui on ne pouvais rien refuser.

Et Angell ne pouvait plus se regarder dans le miroir, tant elle était rongée par la culpabilité.

"After all, curtains fall, there's no return to life so get the car and die"

Si elle avait agit avant, si elle était restée proche de son amie... alors peut-être le destin aurait été modifié.

Elle frissonna. Elle se leva donc et chercha activement un plaid dans toute la maison, dérangeant l'ordre qu'elle avait tenté de mettre lors de son retour du lycée.

Elle en trouva un, en laine de mouton, crème et blanc, et se couvrit les épaules avec. Puis reprit sa place à son bureau pour avancer ses exercices d'algèbre.

Pourtant le cœur n'y était pas : elle ne cessait de penser aux changements dans le comportement d'Elisa. Et à l'absence de Gabriel de ses rêves...

Bien qu'elle n'ait jamais aussi bien dormi depuis six mois, l'absence de son mentor depuis trois semaines déjà lui pesait.

Il lui avait pourtant dit qu'il serait absent pendant plusieurs jours, mais elle ne s'attendait pas à ce que cette sorte de "congé" dure aussi longtemps.

De plus, elle ne savait pas pourquoi il ne pourrait plus assurer ses cours ! Lorsqu'elle le lui avait demandé, il s'était contenté d'esquisser un petit sourire, et de lui répondre qu'il ne serait pas long.

Mais plus les jours s'écoulaient, plus ses enseignements lui manquait, de plus qu'elle rongeait son frein : Gabriel lui avait dit qu'à son retour, ils iraient accomplir leur première mission : aller aux Cieux pour y découvrir le traître.

Angell n'avait pas vraiment comprit : quel traître ? Pourquoi ? Et surtout, pourquoi une divinité voudrait s'allier avec celui régissant les Enfers, celui qui, selon Gabriel, ne partage rien.

Ni personne, bien entendu.

"It's always the wrong way, there's no return to life, I'm in the car and drive."

Quatre heures plus tard, après avoir mangé et révisé, et bien que sa mère ne soit toujours pas rentrée, Angell décida d'aller se coucher.

Mais avant, elle fit chauffer de l'eau, se fit un thé à la menthe et au citron, puis s'installa sur un fauteuil devant la fenêtre du living-room, qui donnait sur la terrasse du minuscule jardin (qui allait d'ailleurs avec la petite maison qu'Amina, après plusieurs années d'économie, avait pu s'offrir).

La neige tombait encore, même si on était à présent en février.
Les flocons, pareil à de petits bouts de nuages, finissait paresseusement leur course sur la terrasse, et s'entassaient pour former à la fin une fine couche blanche, comme de la farine que l'on aurait saupoudré de partout.

Son thé fini, Angell monta vite se coucher. Ces deux dernières semaines, elle avait eu des facilités à se coucher tôt, chose plutôt inhabituelle normalement.

Sans vouloir l'admettre, elle espérait chaque soir que Gabriel serait de retour dans ses songes.

La présence de son mentor la rassurait dans son quotidien.
Lui, au-moins, savait ce qui se passerait pour Elisa, et comment la sauver du mal qui la dévorait un peu plus chaque instant.

Elle était si fatiguée par ce mois mouvementé et lasse de s'inquiéter qu'elle n'eût pas le temps de regarder l'heure et de programmer son réveil : elle tomba comme une pierre dans son lit et s'endormit presque aussitôt.

*****

"Réveille-toi, Angell."

L'intéressée poussa un grognement étouffé par son oreiller et se retourna.

Il n'était pas dans les habitudes de sa mère de la réveiller...

Et où était sa couette ?

Elle ouvrit péniblement les yeux et les écarquilla soudainement.

Elle ne se trouvait pas dans son lit, mais dans la clairière où elle rencontrait d'habitude l'Archange.

Celui-ci se tenait accroupi devant elle, et la regardait d'un air bienveillant.

Angell ne put plus longtemps contenir le soulagement et la joie qui l'habitaient en cet instant, et lui sauta au cou.

"Gabriel ! Tu es revenu." Fit-elle d'une voix étranglée, mêlant excitation et apaisement.

"Oui, mon enfant. Celà a été plus long que prévu, mais je les ai retrouvé." Fit le vieil homme de sa voix posée.

Angell se détacha, et regarda Gabriel, les sourcils froncés.

"Ils ? Qui donc ?"

Les yeux du vieil homme pétillèrent quand il répondit :

"Tu verras quand nous seront aux Cieux."

Angell poussa un petit cri aigu.

"Les Cieux ! Quand est-ce que nous y allons ? Qu'est-ce que je devrai emporter ? Et apprendre ?"

Son mentor posa une main sur son épaule et répondit :

"Tu n'as besoin de rien. À part d'une paire d'ailes, bien entendu."

La jeune adolescente sentit son cœur faire un bond. Bien évidemment, des ailes ! Ils allaient aux Cieux tout de même !
"Heureusement, il m'en reste en réserve..." continua Gabriel, l'air moqueur.

Et ils marchèrent tous les deux jusqu'au petit pavillon bordant la clairière.

Une fois à l'intérieur, Gabriel referma la porte, et descendit à la cave.

"Attends-moi ici, je vais te chercher une paire d'ailes." Dit-il d'un ton ferme à la jeune fille.

Angell aquiesça.

Quand Gabriel revint, la jeune femme eu le souffle coupé.

Bien qu'elle avait déjà vu des ailes (à commencer par celles qui se trouvaient sur le dos de son mentor, rétractables et acérées), elle était toujours impressionnée par leur longueur et leur beauté.

Chaque paire d'ailes était unique, comme une empreinte digitale.

Celle-ci était couleur crème, et teinte de gris au bout de chaque plume.

"Elles sont magnifiques, Gabriel !" Murmura la jeune fille.

Le vieil homme lui sourit.

"Je savais qu'elles te plairait." Lui dit-il doucement.

Il les lui tendit.

"Mets-les. Tu te souviens comment faire, non ? Et souviens-toi..."

"... Je ne fais pas comme Icare, oui !" Le coupa la jeune fille en levant les yeux.

Au cours de sa formation, un peu superficielle d'ailleurs, elle avait appris comment utiliser ce moyen de transport, mais aussi les risques qu'il faisait encourir...

Un jour, Gabriel lui raconta qu'Icare, jeune fils d'une divinité quelconque, voulu la rejoindre.

Malheureusement, ses ailes n'avaient pas été attachées correctement, et son mentor ne l'avait pas assez informé sur ce sujet : Il tomba et se noya.

Puis, quand la divinité qui avait perdu son fils interrogea son mentor qui avait causé sa mort, celui-ci inventa un prétexte quelconque, une histoire de cire... que personne ne crut.

Il fut condamné à être enmuré, et eu pour tout tombeau deux grandes dalles de marbre, en honneur à son prénom.

"Quelle histoire, n'empêche..." songea Angell toute frissonnante en enfilant ses ailes.

Celles-ci fonctionnait simplement : des tiges de fer souples entourées de mousseline et de bandes de cuir maintenaient une armature en aluminium où étaient enfoncées les plumes. Le tout devait peser trois kilos, et la portance exercée était parfaite.

Une fois équipée, Angell jetta un regard vers Gabriel.

"Combien de temps cela prendra ?" Demanda-t-elle.

L'Archange réfléchit un instant, puis annonça :
"Deux, trois jours tout au plus."

"Trois jours ?!" S'exclama l'adolescente brune. "Mais on va remarquer ma disparition ! Ça ne va jamais marcher !"

"Ne t'inquiète pas mon enfant. Les règles du temps ne sont pas les mêmes d'un monde à l'autre. Ainsi, une seconde dans le monde humain équivaut à une heure dans le monde céleste. Tu n'aura pas de problèmes lié au temps..." Dit Gabriel d'un ton rassurant.

Angell se sentir soulagée. Il ne fallait en aucun cas que sa mère, ou quelqu'un d'autre, se doute de quoique ce soit. Même s'il fallait de l'imagination pour deviner ce que la jeune fille faisait la nuit...

"Il faudrait juste que tu atteigne ton corps avant qu'il ne se réveille, sinon cela risque d'entraîner des dommages... collatéraux." Continua l'Archange.

"Pardon ?!"

"Vois-tu, c'est ton âme que je vois toutes les nuits, c'estaussi ton âme qui a été présentée aux Divinités, et c'est ton âme qui voyagera." Développa le mentor de la jeune fille.

"Très bien. Et maintenant, tu peux enfin m'expliquer en détail ce que nous feront là-bas ?"

Le vieil homme la regarda longuement.

"Il y a un mois, lors du... baptême de la Seconde Gardienne, je me suis douté que... tu-sais-qui n'avait pas pû parvenir à ses fins sans une aide extérieure."

Angell écarquilla les yeux.

"Un traître aux Cieux..." murmura-t-elle.

Gabriel acquiesça gravement.

"Il faut le démasquer avant qu'il ne nous trahissent définitivement. On ne pactise pas avec l'ennemi impunément. Et selon nos lois, si nous parvenons à découvrir qui est-ce, il sera banni. Dans le meilleur des cas, bien évidemment..."

Angell hocha la tête. Il fallait retrouver ce traître, et lui faire subir le sort qu'il méritait.

"Et quand est-ce que nous partons ?" Demanda-t-elle.

Gabriel lui sourit faiblement.

"Maintenant."

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La vidéo est "Photomaton", une musique magnifique, dont Angell chante quelques versets ;)

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