Chapitre 34
Une demi-heure plus tard, ils se retrouvèrent tous au même endroit que deux jours plus tôt, c'est-à-dire sur le bord du lac. Jasper brillait par son absence tandis que Guimond avait prétendu avoir des choses à faire.
C'est donc en compagnie de Viviana, Erin, Crystal, Dave, Daniel et Lila que Morgane assista à leur petit cours de méditation. Cette fois-ci, elle n'eut aucune difficulté à se concentrer et elle se doutait que le fait que Jasper ne soit pas là l'aidait.
Après plusieurs minutes à s'apaiser autant par le bruit du clapotis de l'eau comme celui du chant des oiseaux, Morgane sentit l'énergie refluer en elle. Les sons se firent plus clairs, les couleurs plus lumineuses, les sensations comme la brise sur sa peau et les cailloux sous ses pieds, plus fortes. Elle eut l'impression de remarquer pour la première fois de sa vie ces petits détails qui lui avaient toujours semblés sans intérêt.
En ouvrant une paupière, elle remarqua que tout le monde était fort concentré, même Viviana. Eux aussi semblaient dans un autre monde.
Morgane referma les yeux et se laissa bercer par les sons de la nature. Puis, elle se sentit déconnectée de son corps. Son âme erra au-dessus des flots, s'approcha de la terre qui fut bientôt en vue et c'est là qu'elle eut ce sentiment de revenir à la maison, enfin presque. Elle était désormais au camp de pêche parmi des jeunes qu'elle reconnut. Elle s'y promena sans que personne ne la remarque. Évidemment, puisque son corps était resté de l'autre côté du lac !
Puis, elle reconnut une voix qui la remplit de joie !
- Jenny ! Tu n'as pas besoin de tes bottes, aujourd'hui, disait la voix de Geneviève. Il fait beau soleil.
- Ma mère m'a appris à me méfier du beau temps ! C'est tellement humide que le temps pourrait être surprenant.
Morgane se dirigea vers ses amies, qui se trouvaient sur la berge un peu plus loin. Elles étaient à l'écart du troupeau de jeunes qui s'apprêtait à partir pêcher en canot. Corinne croisait ses bras, fâchée.
- Je n'ai pas le goût d'aller pêcher, dit-elle, pas après tout ce qui s'est passé dernièrement.
Geneviève soupira.
- Je sais que la mort de Morgane t'affecte ; elle nous affecte toutes, mais tu n'es tout de même pas pour rester sur la berge tout le reste de l'été ! Il reste encore trois semaines. Que comptes-tu faire tout de seule ici ?
- Je trouverai bien ! répondit Corine. Et toi, je trouve que tu t'es rapidement remise de sa mort.
Geneviève leva les yeux au ciel.
- Que veux-tu que je te dise ? Tu sais à quel point je déteste Jasper. Je n'ai cessé de l'enguirlander depuis une semaine, mais il m'ignore complètement. J'ai beau de traiter de tous les noms inimaginables, il ne réagit pas.
- Ce n'est tout de même pas sa faute si elle a sauté à l'eau pour récupérer son téléphone, dit Jenny.
- Tu croies à cette histoire ? Ce que tu peux être naïve ! Je connaissais Morgane depuis peu, mais je suis sûre qu'elle n'a pas été à ce point stupide. Et en plus, Jasper lui avait appris à nager.
- Peut-être qu'elle n'était pas si douée que ça, finalement ?
Geneviève commença à perdre son calme.
- Je sais qu'il y a anguille sous roche, éclata-t-elle. Si elle avait vraiment sauté à l'eau, Jasper l'aurait récupéré, vous ne croyez pas ?
- L'eau du lac n'est pas claire, peut-être qu'il a essayé...
- Non, parce que lorsqu'il est revenu et qu'il a annoncé sa disparition, ses vêtements n'étaient pas mouillés.
- Peut-être qu'ils avaient séchés !
- Ce qui veut dire qu'il aurait attendu deux heures avant de revenir au camp après que Morgane se soit noyée ?
Les filles restèrent silencieuses, pensives.
- Tu as raison, fit finalement Corine. Quelque chose cloche, alors je propose d'enquêter.
- Et comment comptes-tu t'y prendre ? demanda Jenny.
- Laissons tomber la pêcher et commençons par le départ. Espionner ce mec !
Elles devaient parler de Jasper.
- Mais comment ?
- Mêlons-nous aux garçons, dit Geneviève. Nous les avons un peu laissé tomber depuis la mort de Morgane. Je n'ai pratiquement pas passé plus d'une heure avec Alex en une semaine. Je ne voulais pas pleurer comme une Madeleine devant lui. J'ai quand même une réputation à tenir !
- Ouais, ajouta Corine avec un petit sourire moqueur. Ta réputation de petite dure à cuire.
Elles éclatèrent de rire, puis Jenny s'exclama :
- Tiens ! Voilà Pier-Luc ! Les autres ne doivent pas être bien loin.
Morgane les suivit, ne sachant pas trop quoi penser de leur discussion. D'un côté, elle était contente que ses amies veuillent élucider le mystère de sa disparition, mais d'un autre, que se passerait-il si elles venaient à découvrir qu'elle n'était pas morte ? Dénonceraient-elles Jasper et sa famille aux autorités ? Morgane avait beau ne pas les apprécier, elle comprenait désormais qu'ils ne voulaient que la protéger des Volmaîtres. Si elle était retournée à New York à la fin de l'été, elle aurait été à leur merci.
Pour l'instant, elle décida de ne rien dire à Jasper. De toute façon, il semblait doué pour dissimuler sa disparition, mais s'il s'avérait que ses amies se rapprochaient de la vérité, elle n'aurait pas le choix d'en aviser le jeune homme.
- Hey les gars ! s'écria Corine.
Le groupe de garçons se détourna vers elles. Morgane y aperçut tout de suite Jasper et se cacha derrière Jenny..
- Salut beauté, fit Alex en embrassant Geneviève.
Jasper et son habituel sourire en coin se figèrent lorsqu'il remarqua l'esprit de Morgane.
- Qu'est-ce qu'il y a, mec ? lui demanda Pier-Luc. On dirait que tu as vu un fantôme.
- Rien, répondit Jasper.
- C'est parce qu'il a peur de moi, dit Geneviève avec un sourire narquois. Il a peur que je découvre son secret.
Alex lâcha un long soupir
- On en a déjà parlé, Gen, dit-il. Laisse mon ami tranquille
Celle-ci ne répondit rien, signe qu'elle ne lâcherait pas l'affaire.
- On va manger ? proposa Patrick. Je meurs de faim.
Corine s'avança vers lui et, tout en plantant, son regard dans le sien, l'apostropha :
- Parle encore une fois de mort et je te jure que je vais t'enlever le goût de prononcer ce mot.
Waouh ! Ses amies étaient vraiment sur les nerfs !
- Du calme, les filles, dit Alex pour les calmer. Nous sommes tout aussi tristes que vous, mais ce n'est pas une raison pour monter sur vos grands chevaux chaque fois que...
- Tais-toi, Alex, dit Geneviève, agacée. Vous ne la connaissiez presque pas.
Sur ce, les filles se dirigèrent vers la grande tente où les repas étaient servis. Morgane les suivit tel un fantôme tandis que Jasper jetait des coups d'œil fréquents vers elle. Eh oui ! Elle se ferait un plaisir de l'importuner maintenant qu'elle pouvait le suivre où il allait.
- Alors, Jasper, quand est-ce que tu recommences tes cours à distance ? lui demanda Brendan une fois qu'ils furent tous installés à la table.
- D'ici trois semaines, répondit-il.
- Déjà ?
- Eh oui ! Si je veux un jour devenir médecin, je dois m'y mettre.
Pier-Luc lança :
- Tu as tout mon respect, mec. Je déteste tellement l'école que je n'ai pas l'intention de faire des études aussi poussées.
- Chacun ses buts ! lança Geneviève. Certains veulent aller à l'université, d'autres veulent danser, mais ne le pourront jamais puisque qu'une certaine personne les a laissés se noyer !
Son copain poussa un long soupir.
- Tu deviens vraiment pénible, Gen, fit-il.
- En parlant de pénible, en voilant une à trois heures, souffla Jenny.
Morgane regarda dans la direction indiquée et leva les yeux au ciel en voyant Christine s'avancer vers eux. En voilà une qui ne lui avait pas manqué !
- Salut Jasper, lui dit-elle avec un sourire à la Chrest. Tu vas bien ?
Ce dernier haussa les épaules. Apparemment, il était encore irrité par les propos de Geneviève.
- Je sais que ça doit être difficile pour toi de perdre une autre partenaire de pêche, mais tu as besoin, je suis là, ajouta Christine d'un ton mielleux.
Patrick étouffa une toux, mais un mot discernable en sortit : « Salope »
Jasper la fixa d'un air désintéressé.
- Qu'une chose soit claire, Christine : J'aimerais mieux pêcher avec un crocodile qu'avec toi, alors ne m'approche plus.
Celle-ci, offusquée, recula tout en ouvrant la bouche pour rétorquer quelque chose, mais Morgane voulut l'en empêcher et, oubliant qu'elle n'était qu'une simple spectatrice de la scène, lui fit une cloche-pied. La pimbêche s'étala de tout son long et sa jupe remonta, dévoilant sa petite culotte jaune fluo à tous les jeunes qui avaient assisté à leur petite altercation.
Des rires fusèrent ici et là et Christine se releva, furieuse.
- Penses-tu que je sois du genre à lâcher aussi facilement ? lança-t-elle à Jasper qui, lui, regardait Morgane, se demandant probablement comme elle avait pu toucher à Christine.
Il reporta pourtant son attention sur son ex petite-amie.
- Cette idiote t'a retourné le cerveau, mais maintenant qu'elle est noyée, elle ne peut plus m'empêcher d'avoir ce que je veux.
Le silence se fit sous la tente.
Morgane bouillonnait de fureur, mais le plus effrayant était Jasper, dont les yeux s'étaient assombris par la colère. Toutefois, Geneviève se leva et, contre toute attente, envoya son poing dans la figure de Christine, qui tomba sur le derrière.
- Ah ! Là, ça va mieux ! S'exclama Geneviève en souriant. J'avais envie depuis trop longtemps de lui en coller une.
Puis, elle se tourna vers Jasper.
- Et le prochain sera toi, ajouta-t-elle.
Au même instant, un moniteur arriva à leur côtés et fit signe à Geneviève de le suivre. Elle était mal barrée !
Morgane décida de les suivre et il se dirigèrent vers un petit bâtiment, où le bureau du directeur du camp se trouvait. Monsieur Baril parlait au téléphone, mais lorsqu'il vit Geneviève arriver avec le Kevin, le moniteur, il raccrocha. Kevin lui raconta l'altercation en Geneviève et Christine et comment elle l'avait frappée.
- Vous savez que la violence est interdite, ici, mademoiselle, fit enfin le directeur.
- Elle l'a cherché ! S'exclama Geneviève. Elle a dit des choses méchantes sur Morgane. Je ne pouvais pas la laisser faire en sachant que mon amie n'est pas là pour se défendre.
Ce qui n'était pas tout à fait vrai...
- Je sais que sa mort vous a affectée, mais c'est mon dernier avertissement. Je vais me montrer clément cette fois-ci puisque cela fait plusieurs années que vous venez à mon camp, mais si cela se reproduit, je vous expulse sur-le-champ, c'est compris ?
Geneviève hocha la tête.
- Bien, maintenant allez rejoindre vos camarades.
Morgane suivit la jeune femme qui sortit précipitamment du bâtiment et l'accompagna jusqu'au quai, ou les jeunes se préparaient à aller pêcher.
Alex, probablement inquiet pour sa petite-amie, se précipita vers elle en lui demandant de lui résumer son entretient avec le responsable.
- Je suis heureux qu'ils ne t'aient pas expulsée, lui dit-il en lui donnant un baiser sur la bouche.
- Moi aussi, répondit-elle.
Morgane remarqua que Jasper était penché sur son canot et le remplissait d'articles de pêche. Quelques instant plus tard, Geneviève avait donné un petit coup de hanches à Jasper qui le fit basculer...dans l'eau.
- Oups ! fit son amie en souriant de toutes ses dents.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top