Les paroles de Jasper lui mirent un baume au cœur, mais elle était trop orgueilleuse pour le remercier. Au lieu de cela, elle se contenta de renifler d'une façon pas très séduisante.

-         Tu veux un mouchoir ? proposa Jasper. Parce que je préfèrerais que tu ne t'essuies pas avec mon t-shirt.

Morgane esquissa un petit sourire devant l'humour de Jasper. Celui-ci lui sourit en retour.

-         Même avec le nez rouge, tu es toujours aussi belle, lui dit-il d'une voix suave.

-         Et toi, ta façon de draguer laisse vraiment à désirer, rétorqua-t-elle.

-         Je ne draguais pas, mais crois-moi, lorsque ça arrivera, tu ne pourras pas résister.

La jeune femme leva les yeux au ciel, mais une rougeur apparut tout de même sur ses joues.

-         Tu devrais sortir avant que ta tête soit trop grosse pour passer la porte, dit-elle.

-         Avec plaisir. Allons manger.

Jasper lui prit le poignet et l'attira avec lui en-dehors de la chambre de Morgane.

Elle n'avait pas vu l'après-midi passer et elle se rendit compte qu'elle mourrait de faim. Exercer son don l'avait affamée.

Ce soir-là, ils mangèrent italien. Morgane admit que les pâtes Carbonara étaient succulentes, même si ce plat ne rentrait généralement pas dans son régime. Elle se permit toutefois de faire une petite exception et, vers la fin du repas, elle avait l'impression que son ventre avait doublé de volume.

Le père et la mère de Jasper n'avaient pas arrêté de discuter du conseil des Enchanteurs avec leurs protégés et Morgane s'était senti écartée de la conversation. Elle en apprit pourtant plus sur ces individus qu'elle avait d'abord crus cinglés. Le père de Jasper était sympathique, mais paraissait encore plus sévère que sa femme pour ce qui était de l'entraînement des Enchanteurs. Il fit le tour de la table afin de se renseigner sur tout le monde et, lorsque son regard s'arrêta sur Morgane, il fronça les sourcils.

-         Jasper m'a dit que tu avais endormi tout le monde à un feu de camp en dansant, dit-il.

Morgane vit du coin de l'œil Erin et Crystal ricaner.

-         Je n'avais pas fait exprès, se défendit-elle.

-         Je sais. Seulement, je veux que tu contrôles ce don. Puisque Jasper est le seul qui n'a pas succombé à l'enchantement, il t'aidera.

Morgane se retint de grimacer ; elle devrait encore une fois se coltiner ce gars ! Elle se contenta pourtant de hocher la tête pendant que Jasper, lui souriait d'un air victorieux.

La jeune Enchanteresse se promit de trouver une solution pour l'empêcher d'entrer dans ses pensées ; elle avait surtout l'impression de ne plus avoir de vie privée.

Après le dîner, Lila se retira dans sa chambre, comme à son habitude, tandis que les autres se dirigèrent au sous-sol. Morgane les accompagna et ils s'installèrent dans la salle de cinéma maison, qui comportait un immense écran géant et une vingtaine de fauteuils encore plus confortables que dans les vrais cinémas. Après avoir voté, ce fut le film «  Avengers » qui remporta, au plus grand plaisir des garçons. Morgane le regarda distraitement, la tête ailleurs. Jasper était assis juste à côté d'elle et lui jetait un regard de temps en temps, mais elle l'ignora.

Vers la fin du film, David, Daniel, Erin et Cristal décidèrent de prendre un spa, mais Morgane n'avait pas du tout envie de se joindre à eux. Les garçons lui paraissaient sympathiques, mais elle ne pouvait supporter les deux pestes. Jasper, quant à lui, accepta de se joindre aux autres tandis que Morgane remonta en compagnie et Viviana et son mari. Chacun se retira dans sa chambre et la jeune femme remarqua de la lumière sous la porte de celle de Lila. Que pouvait-elle bien fabriquer à cette heure-ci ? Lire ? Mais qui lisait autant de nos jours ?

Je veux voir des mains se lever !!!!!!!!!!!!!

Il était maintenant vingt-deux heures. Morgane sentit l'épuisement de la journée la rattraper et, après avoir pris une bonne douche chaude, sombra dans un sommeil sans rêve.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, le lendemain, le réveil indiquait neuf heures. Ce repos avait été bien mérité ! La jeune femme se leva de bonne humeur. Elle en voulait toujours à ces enchanteurs de l'avoir enlevée contre son gré, mais si elle voulait partir de cet endroit un jour, mieux valait faire semblait qu'elle se plaisait parmi eux. Ce ne serait certes pas facile, surtout avec Jasper qui pouvait lire ses pensées, mais ça valait le coup d'essayer. En plus, elle pourrait tous les espionner à sa guise avec son nouveau don, à l'exception du beau brun puisqu'il pouvait voir son âme. De toute façon, elle ne voulait pas le connaître...quoique...

Morgane jeta un coup d'œil par la fenêtre et remarqua que le temps était gris. La pluie n'allait sans doute pas tarder à tomber, ce qui voulait dire qu'elle serait enfermée dans cette maison toute la journée.

Elle enfila une paire de jeans à sa taille ainsi qu'un débardeur ; cette Viviana avait pensé à tout concernant les vêtements. Une pointe d'amertume envahit Morgane lorsque songea que son kidnapping avait été prémédité, mais elle secoua la tête avant de faire quelque chose qu'elle regretterait, comme utiliser malencontreusement un de ses dons, si toutefois elle en avait plus d'un. Elle avait remarqué que les enchanteurs détenaient différents pouvoirs, mais aurait aimé pour en posséder plus d'un.

Après avoir attaché ses cheveux, elle sortit de la pièce qui était désormais sa chambre et rejoignit la cuisine.

-         Tiens ! C'est la marmotte ! s'exclama Daniel, qui était assis au comptoir-lunch. Bien dormi ?

Morgane hocha la tête, ne sachant pas trop si elle pouvait se prendre quelque chose dans le frigo.

-         Sers-toi, lui dit le jeune homme. La fin de semaine, chacun prend son petit déjeuner lorsque ça lui tente. Il n'y a que la semaine où l'on doit se lever tôt pour notre entraînement. J'ai croisé Lila tout à l'heure tandis que les autres dorment encore. Viviana et son mari sont partis très tôt pour affaires tandis que mon frère joue à des jeux vidéo au sous-sol.

-         Et Jasper ?

-         Aucune idée, je ne l'ai pas croisé, répondit Daniel en haussant les épaules. Je doute qu'il dorme encore puisque c'est un lève-tôt, mais il est assurément dans la maison. Il a décidé de rester ici aujourd'hui puisque qu'il ne va pas sur le lac lorsqu'il pleut.

Le moral de Morgane chuta comme la température avant la pluie.

Elle qui croyait que la journée serait amusante retombait les deux pieds sur terre ! En silence, elle se fit des rôties, qu'elle mangea avec une pomme tandis que Daniel lisait le journal.

-         On parle encore de toi, lui dit-il alors, et Morgane manqua s'étouffer.

-         Écoute ça. Le camp de pêche au Domaine du Lac fait état d'une enquête après la mystérieuse noyade d'une jeune femme. Les inspecteurs ont d'abord songé à un suicide, mais les témoignages reçus certifient le contraire. Ce camp de vacances est réputé pour initier les jeunes à la pêche sur le lac, mais plusieurs histoires concernant des disparitions mettent en doute les compétences des propriétaires. Si la précédente tragédie n'est pas clarifiée, cette histoire se terminera au tribunal...

Morgane resta songeuse un instant. Recherchait-on encore son corps ? Et Jasper pourrait-il être accusé de meurtre ?

-         J'espère qu'ils ne fermeront pas le camp, ajouta Daniel. Ce serait triste.

-         Ce qui serait triste, c'est que quelqu'un d'autre disparaisse, rouspéta Morgane en croquant dans sa pomme.

-         Je peux t'affirmer que ça ne se reproduira pas, fit une voix derrière son dos. Nous n'avons plus de place pour quelqu'un d'autre.

Elle sursauta en lâcha sa pomme, qui tomba et alla rouler plus loin.

Jasper, qui se trouvait derrière elle, semblait avoir entendu leur conversation. Vêtu d'un jeans troué sur les genoux et d'un t-shirt assez serré, il était aussi séduisant qu'à son habitude. Il adressa un petit sourire à Morgane, qui rougit lorsqu'elle se rendit compte qu'il avait compris à quoi elle pensait et s'assit à côté d'elle. Il se versa ensuite un verre du jus de fruits.

-         La plupart des Enchanteurs ont de la famille qui les forme, expliqua le jeune homme comme s'il ne venait pas de les surprendre en pleine discussion. Ceux présents dans cette maison n'ont hélas pas eu la chance d'avoir des parents pour les aider.

Morgane se tourna vers Daniel, étonnée.

-         Nos parents, à Dave et à moi, sont morts il y a plusieurs années, expliqua celui-ci.

-         Et les miens ? tenta la jeune femme.

-         Ton père n'est visiblement pas un enchanteur et ta mère...on ne le saura jamais, répondit Jasper. Mais je doute qu'elle l'ait été également.

-         Alors, pourquoi le serais-je si personne de ma famille n'a de pouvoir ?

-         Il arrive que cela passe une génération ou deux.

Donc, son grand-père, qu'elle ne connaissait d'ailleurs pas puisque la famille de sa mère habitait en Asie, serait un Enchanteur, ou plutôt un Volmaître. Et elle aurait hérité de cette faculté, Intéressant !

Jasper se mit à la dévisager. Oups ! Il avait suivi ses pensées.

-         Comment sais-tu tout cela ? gronda-t-il d'une voix grave qui ne laissait présager rien de bon.

-         Euh...je vais vous laisser, fit Daniel, pressé de quitter la cuisine.

-         Devine ! rétorqua Morgane.

-         Tu n'étais pas sensée l'apprendre ainsi ! éclata-t-il en se levant.

-         Et comment l'aurais-je appris ? s'écria à son tour la jeune femme. Vous me l'auriez caché jusqu'à ma mort ?

-         Ça en fait beaucoup trop pour toi d'un coup. Nous voulions te l'apprendre autrement.

-         Je ne suis pas une poupée de porcelaine, Jasper.

La jeune ensorceleuse plaça ses mains sur ses hanches et, soudain, l'assiette explosa. Jasper écarquilla les yeux, stupéfait.

-         C'est...c'est moi qui ai provoqué cela ? bégaya Morgane.

Le jeune homme hocha la tête.

-         Calme-toi, d'accord ? proposa-t-il. Il ne faudrait pas que tu détruire la maison.

Il s'approcha d'elle et planta ses deux iris noirs dans les siens.

-         Je sais que tu es forte, Morgane, lui dit-il, mais tu contrôles mal tes émotions, c'est pourquoi mes parents voulaient attendre avant de te l'annoncer. Tu es en danger, c'est pourquoi tu dois rester ici avec nous.

Hélas, il avait raison.