Chapitre 1
Perdue dans ses pensées, Morgane ne s'aperçut pas immédiatement que ses sandales étaient prises dans la boue. Ce n'est que lorsqu'elle essaya de lever le pied qu'elle se rendit compte que l'effet de succion l'en empêchait. Elle essaya en vain de les tirer, mais en fut incapable.
Avec un énorme soupir, elle les décoinça avec ses mains et se retrouva pieds et mains sales. Une chance que personne ne voyait son état ; ça aurait été la honte totale. Jamais elle ne confierait cette anecdote à ses amies !
La jeune fille remarqua à ce moment un petit quai s'avançant sur le lac. Une idée lui vint alors à l'esprit. Elle laissa sa valise sale sur le bord du chemin et s'avança sur le ponton. Si au moins elle pouvait se nettoyer un peu avant d'arriver au chalet, on ne rirait pas d'elle.
Note à elle-même : Mettre ses bottes la prochaine fois. Elles devaient être quelque part dans le fond de sa valise. Au même endroit que son imperméable.
Morgane avança sur le quai. Le paysage était à couper le souffle. Devant elle, le lac paraissait interminable. Elle se sentait toute petite au milieu de cette grande étendue d'eau, ce qui la fit déglutir.
N'ayant jamais appris à nager, elle avait toujours eu peur de se baigner. Les piscines et elle, ça faisait deux. Elle avait toujours réussi à éviter les cours de natation à l'école et jamais elle ne se baignait dû au peu de temps libre qu'elle avait.
Pourtant, elle n'avait pas vraiment le choix de s'approcher de l'eau pour se débarbouiller. Elle devrait malgré tout vaincre sa peur un jour, sinon elle aurait l'air d'une poule mouillée quand viendrait le temps de pêcher.
Ce qu'elle n'avait toutefois pas envisagé, c'est qu'au moment où l'adolescente commença à marcher, ses pieds glissèrent et elle bascula sur le dos en poussant un cri. Sa tête heurta le quai de bois et elle roula dans l'eau.
À cet instant, même si Morgane avait su nager, elle en aurait été incapable, car le choc à sa tête l'avait trop sonnée. Elle n'avait plus conscience de rien et ne pouvait ni bouger ni ne faire aucun geste.
Lorsque la mort approche, on dit que notre vie entière défile devant nos yeux. L'adolescente vit repasser les derniers mois infernaux de sa vie ; sa chute, lorsqu'on lui avait dit qu'elle ne danserait plus jamais, la dispute avec ses parents...
En fin de compte, la promesse qu'elle s'était faite de danser à nouveau partait en même temps que sa vie.
La jeune fille s'enfonça sous l'eau pour de bon...
...
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Morgane était couchée sur le quai et crachait l'eau qu'elle avait avalée.
- Est-ce que ça va ? Lui demanda la voix d'un garçon.
Elle était occupée à tousser, mais jeta tout de même un coup d'œil vers celui qui l'avait sauvée. La première chose qu'elle aperçut fut ses yeux noirs. Jamais elle n'avait vu d'yeux aussi sombres de toute sa vie. Ils étaient aussi profonds qu'un vide abyssal, mais leur éclat était tout aussi intimidant. Ils reflétaient le lac qui les entourait.
Lorsqu'elle eut reprit son souffle, Morgane releva la tête vers lui.
- Tes lèvres sont bleues, remarqua-t-il. Je n'ai rien de sec pour t'aider à te réchauffer.
- Dans ma valise, dit-elle seulement, encore sous le choc.
Il lui ramena aussitôt sa veste, qu'elle avait heureusement laissée à portée de main. Il la lui déposa sur les épaules.
- Qu'est-ce qui c'est passé ? Lui demanda-t-il alors en s'assoyant à côté d'elle.
- Je me suis cognée la tête et je suis tombée dans l'eau, répondit Morgane. Je ne pensais pas que le quai serait aussi glissant.
- La plupart des gens ne s'en approchent pas lorsqu'il vient de mouiller. C'est trop dangereux.
- Eh bien, je ne manquerai pas d'y penser la prochaine fois !
Il l'observa attentivement. La jeune fille se sentit rougir sous son regard.
- Es-tu capable de te lever ? interrogea-t-il, ne remarquant pas le malaise de Morgane.
Il lui tendit sa main, qu'elle prit en se disant que jamais plus elle ne pourrait le croiser sans en avoir honte. Il la tira sans effort et elle se retrouva debout devant lui. Sa tête se mit à tourner aussitôt qu'elle fut sur ses jambes. Il redoubla sa poigne en la voyant instable.
- Es-tu sûre que ça va ? Tu fais peut-être une commotion cérébrale. Comment tu t'appelles ?
Elle le regarda sans comprendre le lien.
- Je dois te poser des questions pour être sûr que tu sois en état de marcher.
- Je vais bien, je me souviens de tout... malheureusement.
Il sourit en la fixant avec le même intérêt qu'un petit chien.
- Je ne t'ai jamais vue dans le coin. Tu fais parti des nouveaux ?
- Oui, c'est la première fois que je viens ici.
- Alors, ça explique tout.
Elle ne comprit pas ce qu'il voulait dire, mais ça n'avait pas l'air de ressembler à un compliment.
- Viens, je vais te montrer le chemin pour rejoindre les autres, dit-il.
- Non, merci, répliqua-t-elle sèchement.
Il la fixa un moment, semblant ne pas comprendre pourquoi elle était aussi froide tout d'un coup, puis haussa les épaules.
- Comme tu voudras, répondit-il seulement.
Elle avança avec précaution sur le quai jusqu'à ce qu'elle ait enfin les deux pieds sur la terre ferme, qui était plus boueuse que ferme en ce moment. Sa cheville la lâcha soudain et elle serait tombée par terre si l'inconnu ne l'avait pas soutenue.
- Ça va ? répéta-t-il.
- Oui, j'ai glissé. Ce n'est rien.
- La prochaine fois, apporte des bottes, lui conseilla-t-il.
- Ouais...
Elle espérait qu'il n'y aurait pas de prochaine fois.
Morgane avança péniblement en essayant de ne pas s'appuyer sur sa cheville qui la faisait souffrir. Elle avait dû se la tordre en tombant et puisqu'elle était déjà sensibilisée, la douleur revint.
Les larmes lui montèrent aux yeux. Une chance qu'elle tournait le dos à l'inconnu parce qu'elle aurait eu trop honte d'avouer qu'elle avait de la difficulté à marcher et ce, depuis trois mois. Elle se souviendrait toujours de ces jours passés en béquilles ! Elle avait souffert de ne plus pouvoir danser.
- T'es-tu fait mal ? Demanda-t-il alors. On dirait que tu as du mal à marcher.
- Ça va, je t'assure, mentit-elle.
- Hum...si tu le dis.
Il lui emboîta le pas et souleva sa valise comme si de rien n'était.
- Hé ! Qu'est-ce que tu fais ?
- Je t'aide à apporter ta valise, fit-il en se mettant en route. Tu as apparemment un petit problème à te traîner.
- Pas du tout.
Il ne détourna alors et s'arrêta devant elle en plongeant ses yeux dans les siens.
- Tu mens, dit-il. Que t'est-il arrivé ?
Elle fut tellement hypnotisée par ses yeux qu'elle resta quelques secondes sans parler. Puis elle secoua la tête. Elle eut envie de tout lui raconter, mais elle ne le connaissait pas et se méfiait.
- C'est une trop longue histoire pour être racontée maintenant.
- Alors, ce sera pour une autre fois.
'' Il n'y aura pas d'autre fois'' se dit-elle.
Morgane le suivit en faisant attention à ne pas trébucher. Ils arrivèrent enfin devant des chalets en bois de cèdre qui servaient de dortoir. Il y en avait une dizaine.
- Lequel est le tien ? Lui demanda-t-il.
- Le numéro 10, répondit la jeune fille en sortant sa feuille d'inscription.
- C'est celui là-bas, lui pointa-t-il du doigt.
- D'accord.
- Au fait, moi c'est Jasper, lui dit-il.
- Et moi...Monica. Et..euh...merci.
- Il n'y a pas de quoi. Au revoir, Monica.
Et il s'éloigna en sifflotant.
Morgane espérait que le Domaine du Lac soit assez vaste pour qu'elle ne le recroise jamais. Elle avait encore les joues rouges d'embarras. Et le fait qu'il soit vraiment mignon n'arrangeait pas les choses.
Au moins, lui avoir donné un faux nom ferait en sorte qu'on ne la reconnaîtrait pas s'il venait à commérer sur ce stupide incident...qui lui avait pourtant presque coûté la vie.
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