14 août 2019

La porte s'ouvre, accompagnée d'un tintement de cloche. Assis au comptoir, Gorzül lève ses yeux rouges. Un ermite entre, la barbe hirsute, les cheveux en pagaille.

« Euh, bonjour ? Vous désirez ? »

Le nouvel arrivant s'arrête pour contempler les rayonnages de gâteaux à la crème, cookies et autres religieuses.

« Monsieur ? », insiste Gorzül.

L'homme redresse la tête. Son regard ahuri gratifie le vampire-garou d'une très désagréable sensation de déjà-vu.

« Voyons, Gorzül, tu ne me reconnais pas ? »

Le vampire-garou recule d'un pas.

« Je suis de retour, Gorzül. Moi, le créateur de mondes, le dévoreur de cookies, l'Alpha et l'Oméga. Je suis... je suis l'Auteur.

— JB ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Je te croyais disparu.

— Les écrivains ne disparaissent jamais, car leurs récits sont éternels. Mes cathédrales de papier assureront mon immortalité jusqu'à la fin des temps. Par contre, j'ai faim.

— C'est payant.

— Zut. Je n'ai même pas droit à une réduction ? Tu prends les tickets restaurant ? »

Je parcours les rayonnages, attiré par les pâtisseries toutes plus alléchantes les unes que les autres.

« Vois-tu, Gorzül, je reviens d'une longue errance, une profonde méditation faite de procrastination et de jeux vidéos.

— Que voilà une excuse tout appropriée pour expliquer le retard qu'ont pu prendre tes publications.

— N'est-ce pas ? Et alors, au terme de ma réflexion, je me suis dit : pourquoi ne pas aller aux Carpates pour rendre visite à Gorzül ? Je dois certainement lui manquer.

— Bof.

— Surtout que ce magasin est particulièrement... inspirant. Et je pourrais toujours piquer, emprunter, je veux dire, acheter des cookies.

— Hum. Par ailleurs, j'espère que ton inspiration ne va pas m'entraîner dans de nouvelles aventures rocambolesques ou dévaster mon magasin.

— Pas d'inquiétude, très cher ex-assistant. J'ai laissé ma dernière invention, le déphaseur nucléoplasmique, dans les ruines de mon ancien quartier. Si la police me cherche, d'ailleurs, dis-leur que je ne suis pas là. »

Je mets une paire de lunettes de soleil.

« Hop, incognito. Personne ne me reconnaîtra. »

Puis je retire la paire, parce que sans soleil et en intérieur, on ne voit plus grand-chose.

« Bref, à la place, j'ai eu l'idée d'écrire une sorte de journal de bord.

— Un rantbook, donc.

— Nah, plutôt un coin pour blablater de mes dernières élucubrations ou manger des gâteaux.

— Un rantbook.

— Non. D'abord, je suis moyennement enthousiasmé par les anglicismes et, en plus, c'est un non-sens : "to rant", en anglais, ça veut dire fulminer, tempêter ; et "book", livre, évidemment. Donc, étymologiquement, un rantbook, c'est un livre où on s'énerve, où on râle, à minima. C'est pas le concept.

— Oui, euh, tout le monde appelle comme ça n'importe quel fourre-tout, maintenant, sur Wattpad.

— Eh bien, moi, vu qu'il s'agit d'un livre dans lequel je blablate, je vais appeler ça... un blablalivre.

— Quelle créativité. J'en suis tout estourbi.

— Quitte à inventer des mots nouveaux, c'est quand même plus joli et explicite que "rantbook", non ?

— Bof.

— Bref, et de quoi, vais-je pouvoir blablater, dans ce blablalivre ?

— Tu n'y avais pas pensé, avant ?

— C'était une question rhétorique.

— Ah.

— Donc d'écriture, principalement. Sauf si j'ai envie de mettre autre chose. Je commencerai par les mises à jour des Voyageurs et, notamment, les modifications sur l'histoire.

— Ah oui, le tome en pause et celui marqué en corrections depuis un an, c'est ça ?

— Surtout les corrections, en fait. Une pause, c'est moins compliqué, comme concept. Mais ce sera pour la suite de ce blablalivre.

— Quoi, c'est déjà fini ? On a commencé il y a à peine six-cents mots.

— Oui, mais d'abord, un entracte goûter. Errer en ermite, ça donne faim. »