4 Je le prendrais presque pour moi.

Musique en média : M83 - Wait

-  N'hésitez pas à commenter  & merci de me lire ! - 


Faustine s'était presque crue sauvée quand elle avait refermé de justesse la fenêtre. C'était une erreur qu'elle et Sandra avaient payée cher. Ils étaient deux à les guetter et tandis que l'un faisait mine de chercher tranquillement un moyen de s'inviter dans la maison, l'autre était déjà entre ses murs, à épier, attendant son heure.

Ils s'étaient amusés pendant quelques semaines, avaient multiplié les messages, fait monter la pression, s'étaient rapprochés toujours plus, dans l'attente de cette nuit propice... comme des chats joueraient avec leur proie avant de la dévorer.

Bien au chaud dans la chambre de Sandra, rien n'aurait pu préparer Faustine et d'ailleurs, elle n'était pas sortie indemne de cette nuit.

Pourtant, elle, ils ne l'avaient pas touchée.

Mais Sandra...

Oh, Sandra...

*

Tirée du sommeil par le son étrange et irrégulier d'un objet dur en frappant un autre, Faustine s'était redressée en prenant soin de ne pas trop faire bouger le matelas. La blonde qui respirait trop fort, à côté, l'aurait étripée si elle l'avait dérangée.

Elle sut tout de suite que quelque chose clochait. Sandra avait refusé de laisser la lumière allumée en se recouchant ; or, la chambre était à présent nimbée d'une lueur jaune fadasse, tout juste suffisante pour distinguer la silhouette affalée en toute décontraction dans le fauteuil près de la fenêtre.

Chaussé de brodequins marron dans lesquels il avait rentré un jean sombre, l'intrus était massif. Les manches retroussées de son sweat noir laissaient entrevoir des avant-bras aux muscles saillants et aucun vêtement n'aurait pu gommer des épaules aussi larges.

Sur son visage résolument masculin luisait une paire d'yeux d'un bleu polaire. Et l'étranger couvait la jeune fille de ce regard qu'une étincelle d'avidité avait rendu sauvage.

Le son d'un bris de glace leur parvint du rez-de-chaussée et Faustine réalisa alors qu'en dépit de la ressemblance, elle n'avait pas devant les yeux l'homme aperçu plus tôt derrière la fenêtre. Non, ce dernier était justement en train de s'introduire par effraction dans la maison.

L'homme dans le fauteuil se redressa. D'instinct, la jeune fille copia le mouvement et se cogna l'arrière du crâne contre la tête de lit. Elle resta immobile, acculée, tandis que des pas s'élevaient au loin, dans l'escalier : lents, lourds, cadencés, la discrétion n'était plus de mise.

Le bruit des pas résonna bientôt dans le couloir et lorsque le silence revint enfin, l'homme de la fenêtre se tenait dans l'embrasure de la porte.

Les intrus avaient le même regard pâle, les mêmes vêtements et dans leurs traits se dessinaient des similarités frappantes. Ils partageaient en outre une certaine cruauté, mais cette ressemblance avait plus à voir avec leur race que leur parenté.

Telle une biche prise dans les phares d'une voiture, Faustine demeura tétanisée. Une part d'elle-même semblait croire qu'en restant immobile le temps s'arrêterait.

L'homme qui venait d'apparaître marcha droit vers le lit et Faustine reconnut son sourire carnassier.

« Alors Fausty, comme ça tu ne me laisses pas entrer ? Après tous ces SMS qu'on a échangés... » dit-il d'une voix moqueuse. Il était à présent au pied du lit ses yeux pâles dardés sur elle. Il porta une main sur son cœur : « Je le prendrais presque pour moi. »

D'un côté du matelas, redressée sur ses coudes face aux deux inconnus, Faustine faisait l'expérience d'une vulnérabilité et d'une peur qu'elle n'avait encore jamais connues. De l'autre, presque comiquement, Sandra dormait toujours profondément donnant à entendre par moment des grognements.

Avec les battements affolés de son cœur, Faustine reprit un peu ses esprits. S'enfuir. Appeler à l'aide. C'était leur seul espoir. Ses pensées dérivèrent vers son portable, mais le maudit appareil était resté dans sa chambre. Quant au fixe, les parents de Sandra n'en étaient plus équipés depuis longtemps.

L'homme dans le fauteuil se leva et approcha à son tour. Plus petit que son frère, il était également le moins souriant des deux. Il tendit une main vers le lit et Faustine remarqua avec dégoût ses ongles longs et sales. Il attrapa la couette et la retira d'un geste sec.

La jeune fille poussa un gémissement lorsque son dernier rempart contre les intrus lui fila entre les doigts. En short et en débardeur de nuit, elle se sentit comme nue. Et que dire de Sandra qui remuait à côté, dans sa nuisette noire que le sommeil avait remontée jusqu'au nombril.

La soudaine arrivée d'air froid compromit le sommeil de la blonde qui s'éveilla en frissonnant. L'espace d'une seconde, Faustine se trouva rassurée à l'idée de ne pas affronter seule les deux hommes et trouva le courage de les interroger.

« Que voulez-vous ? » bredouilla-t-elle d'une voix méconnaissable. « Vous n'avez pas le droit d'être ici. »

L'homme le mieux bâti, le plus jovial des deux si l'on pouvait ainsi le décrire, se pencha sur elle en riant doucement. Un son feutré, comme s'il ne voulait pas déranger la quiétude nocturne. Quant à celui qui avait arraché la couverture, il se borna à l'ignorer et, attrapant Sandra par la cheville, il tira cette dernière hors du lit, sans ménagement.

La blonde poussa un glapissement surpris, qui se mua en une plainte douloureuse quand sa tête heurta brutalement le sol.

C'était le premier hurlement d'une longue série, car l'homme ne perdit pas de temps : il la rejoignit au sol et la maîtrisa sans peine, à califourchon sur elle, le visage déformé par un rictus de rage perverse, il lui arracha méthodiquement le peu de tissu qu'elle portait. Il rompit les bretelles fines l'une après l'autre puis empoigna l'échancrure et déchira la nuisette sur toute sa longueur.

Pour Faustine et Sandra, les portes de l'enfer venaient de s'ouvrir. Le Mal avait pénétré dans la maison, il se nichait désormais dans cette chambre. Et pour l'heure à venir, il en ferait son berceau.

Faustine sortit enfin de sa torpeur. Elle voulut se lever pour aider son amie, crier à l'homme d'arrêter, crier à l'aide aussi... mais une main se plaqua solidement sur sa bouche et son nez, un bras massif lui enserra la taille et un sourire carnassier plongea dans son cou.

« Tout doux, ma belle, toi et moi on ne participe pas. » L'homme qui la ceinturait se mit à rire en voyant la blonde griffer le visage de son frère et récolter un coup de poing qui lui brisa le nez. « Fais-moi confiance, regarder c'est vachement mieux... surtout pour toi. »

Elle pouvait sentir le souffle de plus en plus rapide et bruyant dans son cou, au fur et à mesure que les sévices devant eux gagnaient en noirceur. Contrainte d'assister aux tourments de son amie, Faustine essayait d'oublier la bosse dure qui déformait l'entrejambe de son agresseur et se pressait durement dans le creux de ses reins, chaude et pulsante.

« Ouvre les yeux, Fausty, ou je te promets que tu seras la suivante. »

Ignorer l'excitation de l'homme devint vite difficile, car il entreprit de soulager la tension de son bas-ventre en se frottant contre elle. Et tout du long, il la força à regarder le supplice de Sandra. À écouter, impuissante.

Et lorsque Sandra n'eut plus de voix pour crier et que ses râles étranglés laissèrent place à un silence effroyable, il fallut encore supporter les grognements réguliers de son assaillant qui l'écrasait toujours de son poids et ne semblait jamais en avoir assez. Il y avait du sang partout, tellement de sang... Quand les mains de l'homme se refermèrent sur le cou de Sandra, les yeux suppliants de celle-ci cherchèrent ceux de Faustine et s'y accrochèrent, emplis d'incompréhension, de souffrance et de désespoir.

Et quand la vie quitta le regard de Sandra pour laisser place au vide insoutenable de la mort, Faustine sut que ces yeux la hanteraient pour le restant de ses jours, tout comme l'odeur métallique étouffante de la chambre.

L'homme qui tenait Faustine s'adressa à son compagnon. Les mots qu'il prononçait faisant à peine sens dans l'esprit de la jeune fille.

« Fini, Spline ? Il faut partir maintenant si on veut arriver avant l'aube. »

Et l'autre s'arrêta. Comme ça. Sur un rappel aussi simple que l'approche du point du jour, il cessa. Il se releva et s'essuya succinctement à l'aide d'un bout de la couette, avant de remonter son pantalon sur son membre encore ensanglanté.

L'homme qui tenait Faustine la lâcha et s'avança vers le corps toujours effondré de Sandra. Il le poussa du pied et Faustine se crispa, comme si elle avait senti le coup.

Emportant dans son sillage ses cheveux blonds ébouriffés, croutés de sang et impossibles à démêler, la tête de Sandra roula de côté... puis retomba dans sa position initiale, les traits tirés dans un rictus de souffrance, les yeux vitreux, à jamais ouverts.

« Elle est morte. »

« Ouais », répondit Spline.

L'autre fit une grimace. « On n'a pas le temps de s'occuper d'un cadavre, on laisse ça là. »

Faustine était restée figée, incapable d'éprouver quoi que ce soit, incapable de s'enfuir alors que l'homme revenait vers elle. Quand il avait abattu ses mains de chaque côté de son cou et qu'elle avait perdu conscience, elle en avait presque été soulagée... elle avait même espéré ne plus jamais émerger.

Elle avait souhaité mourir.

*

Peut-être le souhaitait-elle encore, car en se réveillant dans le noir, il ne lui restait qu'une pensée.

C'était arrivé.

Elle avait été enlevée.

Et cette réalité faisait naître une terreur si intense qu'elle peinait à l'appréhender. Des liens lui cisaillaient le corps en maint endroit et l'empêchaient de bouger ; un morceau de tissu, au goût aussi infect que son odeur âcre, menaçait de l'étouffer. Bringuebalée dans tous les sens sur une surface dure et froide, elle comprit vite qu'elle était en fait couchée à l'arrière d'un fourgon ou d'une camionnette.

Un nid de poule dans la chaussée la projeta de l'autre côté de la plateforme, où elle atterrit contre une masse molle et tiède qui protesta d'un grognement étranglé.

Elle n'était pas seule.

D'abord effrayée, elle réalisa qu'il s'agissait probablement d'une autre victime. Et, à en juger par les sons, sûrement un homme. Faustine tira de sa présence un cruel réconfort. Son compagnon d'infortune semblait souffrir physiquement, mais malgré tout, elle était heureuse de ne pas avoir à affronter seule l'horreur qui les attendait.

Alors que le trajet s'éternisait, Faustine se força à imaginer, scénario après scénario, une résolution heureuse, mais au fond elle n'y croyait pas vraiment. Ce que ses kidnappeurs avaient fait ne laissait pas de place à l'espoir. Pourtant, pour sa propre sanité d'esprit, la jeune fille devrait se persuader du contraire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top