3 ... il n'y aurait pas de lendemain.
Musique en média : Ólafur Arnalds - Öldurót ft. SinfoniaNord, Atli Örvarsson
Faustine ne cessait de se retourner sous la couette. La grande chambre d'ami de chez Sandra était située au rez-de-chaussée et les deux fenêtres étaient dépourvues de volets. De simples stores couvraient les vitres qui la séparaient du dehors. Autant dire que cela ne la rassurait pas particulièrement après l'incident de la fête, plus tôt dans la nuit.
Bien sûr, son premier réflexe avait été de monter avec Sandra, mais la blonde supportait mal de dormir avec quelqu'un à côté. Faustine s'était ainsi fait jeter sans trop de cérémonie. Comme la chambre parentale était hors de question, elle avait ravalé son angoisse et s'était résignée à coucher au rez-de-chaussée.
La nuque en sueur malgré la température fraîche de la pièce, Faustine se dépêtra de la couette et s'assit sur le côté du lit.
L'inconnu avait été assez près d'elle pour l'entendre parler avec Jonathan. Assez fêlé pour la traquer jusque dans la salle de bain. Assez proche pour lui faire du mal.
Elle aurait voulu en parler, se confier, mais elle soupçonnait que ni Sandra, ni personne, ne la prendrait au sérieux. Qui croirait une gamine parano et bourrée ?
Elle alluma la lampe de chevet, ne supportant plus de rester dans le noir. Les yeux réduits à de minces fentes, elle lorgna sur le réveil qui indiquait quatre heures trente du matin. L'aube était encore loin en plein mois de janvier.
Sa bouche pâteuse et un mal de crâne persistant la poussèrent jusqu'à la salle de bain. Tandis qu'elle buvait à petites gorgées son verre d'eau, elle trifouilla un peu dans l'armoire à pharmacie. Malheureusement, elle ne trouva aucun antalgique parmi les médocs.
Après une courte hésitation, elle mit ses mains en coupe sous le robinet et s'aspergea le visage d'eau. Lorsqu'elle se redressa, elle dut réprimer un sursaut en croisant son reflet dans le miroir. Elle se força à respirer calmement, il fallait qu'elle se soigne. Si elle se mettait à avoir peur de son ombre, sa vie allait devenir un calvaire.
Il ne s'est rien passé, se répéta-t-elle avec toute la conviction qu'elle put rassembler. Rien !
Elle passa machinalement les doigts dans ses cheveux bruns pour se recoiffer. Sous ses yeux, le mascara avait coulé. Si elle n'avait pas craint de réveiller Sandra, elle se serait douchée. Il lui faudrait cependant attendre encore quelques heures pour ça, aussi décida-t-elle de retourner dans la chambre. À défaut de s'endormir, elle essaierait de se reposer.
Rebroussant chemin sur la pointe des pieds, elle regretta de ne pas avoir un bon livre pour tromper l'ennui et l'angoisse. Alors qu'elle refermait silencieusement la porte de la chambre, elle eut le sentiment que quelque chose clochait.
L'anomalie la frappa littéralement, sous la forme d'un courant d'air froid venu lui embrasser goulûment la nuque. Elle fit volte-face en frissonnant.
Le store était relevé, la fenêtre coulissante entrebâillée et les vents nocturnes balayaient la pièce.
C'est en train d'arriver, pensa-t-elle pour la seconde fois de la nuit.
Elle se plaqua contre la porte et abattit son bras tremblant contre le mur, faisant claquer l'interrupteur sur sa droite. Une lumière vive inonda la chambre. Fronçant les sourcils et le nez, Faustine s'obligea à garder les yeux ouverts. Elle scruta frénétiquement la chambre, à la recherche d'un intrus ou quoi que ce soit d'anormal.
Elle aurait dû rouvrir la porte et partir en courant, mais une peur viscérale lui chuchotait qu'au moment même où elle tournerait le dos, on lui tomberait dessus.
Elle s'était promis d'y aller mollo côté parano... mais s'il y avait quelqu'un dans la maison, elle était prête à parier qu'il s'agissait du type des SMS.
Une partie d'elle mourrait d'envie d'aller chercher Sandra, mais même dans sa panique elle imaginait déjà la réaction de son amie. Faustine décida donc de ne pas réveiller le dragon tant qu'elle n'était pas certaine. Peut être qu'il serait trop tard après, mais elle n'avait pas vraiment le choix...
Elle scanna rapidement les coins plus sombres.
Rien.
Les nerfs à vif, elle s'accroupit lentement pour vérifier sous le lit sans perdre de vue le reste de la chambre.
Nada.
Son regard se porta sur l'armoire, mais elle la raya de la liste potentielle des cachettes. Trop d'étagères et de trop mauvaise facture pour supporter le poids d'une personne.
« Il y a quelqu'un ? » chevrota-t-elle parce qu'elle venait de faire le tour du maigre mobilier de la chambre.
Elle se faisait l'effet d'une idiote. Elle était seule, il n'y avait pas d'endroit possible où se cacher ici. Et même s'il y avait eu quelqu'un, après s'être introduit par effraction dans la maison, il ne répondrait sûrement pas. C'était pourtant plus fort qu'elle.
À demi rassérénée par le silence qui lui répondait, Faustine s'autorisa un rire crispé. Dans son petit débardeur et son mini-short de pyjama, elle commençait cependant à avoir une sacrée chair de poule. Et comme la fatigue la rattrapait, elle se décida enfin à traverser la chambre.
Être debout devant la fenêtre ouverte du rez-de-chaussée, les yeux rivés sur les ténèbres, lui donna des palpitations. Pour se donner du courage, elle se mit à pester quand il lui fallut s'y prendre à deux mains pour faire coulisser cette satanée fenêtre. Bonjour l'entretien.
Légèrement essoufflée par l'effort, elle fit trois pas en arrière et se laissa tomber sur le lit. Peut-être qu'elle n'avait pas fait attention et que la fenêtre n'était pas fermée, voilà tout.
Zut. Elle avait oublié de baisser le store. Et omis d'enclencher le verrou...
Prise d'un pressentiment terrible, elle se redressa comme un ressort... et s'immobilisa net, les bras et les jambes saisis d'un engourdissement douloureux. Elle pencha la tête sur le côté en étudiant son reflet qui venait de copier le mouvement.
Au lieu de ses yeux marron, la vitre lui renvoyait un regard bleu pâle, froid et fixe. À la place de ses lèvres closes, un sourire carnassier fendait son visage. Et à intervalles réguliers, une auréole de buée s'échappait de sa bouche et venait ternir la vitre.
Il lui fallut un moment pour comprendre.
Superposé à son reflet se trouvait le visage dur d'un homme. Quelqu'un était là, dehors, debout devant la fenêtre.
Le temps se remit en marche à toute allure.
Faustine se projeta en avant au moment où l'homme levait la main. Grâce au ciel, l'inconnu ne devait pas s'attendre à ce que cette maudite fenêtre soit si dure à faire coulisser. La surprise offrit à la jeune fille les quelques secondes nécessaires pour atteindre le loquet.
Elle l'enclencha dans un cliquetis salvateur. Le rôdeur laissa calmement retomber sa main. À croire qu'il n'avait jamais vraiment eu l'intention d'entrer. Sans se départir de son sourire, il fixa Faustine de ses yeux glacés. Puis il disparut dans la nuit.
D'abord soulagée, elle fut bientôt prise de panique. Elle se précipita en haletant vers le couloir. Et si une porte n'était pas fermée à clef ? Et si une autre fenêtre était restée ouverte ?
Terrorisée à l'idée qu'il pénètre dans la maison, elle se précipita sur chaque ouverture, chaque poignée de porte, persuadée à chaque fois qu'il serait juste derrière, attendant le dernier moment pour s'introduire dans la maison.
Au milieu du boucan qu'elle faisait, à cavaler en tous sens, Sandra se réveilla. Faustine poussa un cri perçant lorsqu'elle percuta la blonde au détour d'un couloir. Reprenant ses esprits elle saisit son amie encore endormie par les épaules et beugla hystériquement :
« Y'a quelqu'un dehors ! Y'a un type qui essaye d'entrer ! »
« Heinff ? » gémit Sandra en se débattant à l'aveuglette contre cette attaque impromptue.
« Il y a un type qui essaye d'entrer dans la maison j'te dis ! » insista Faustine en regardant autour d'elle comme s'il allait sortir de nulle part d'un instant à l'autre. « Il a ouvert la fenêtre de ma chambre ! »
Vaguement inquiète au début, Sandra perdit vite patience lorsque Faustine exigea que l'on condamne la chatière de la porte d'entrée. Avec un ras-le-bol monumental et un début de gueule de bois, la blonde voulait juste retourner se coucher.
Fatiguée d'entendre l'autre folle répéter en boucle des inepties, elle accepta que Faustine vienne dormir avec elle, à condition qu'elle la ferme une bonne fois pour toutes. Dans le lit, Faustine continua pourtant de sursauter au moindre petit son et Sandra se promit que dès le lendemain matin elle se paierait copieusement sa tête.
Elle était loin d'imaginer qu'il n'y aurait pas de lendemain.
Les deux jeunes femmes s'étaient de nouveau assoupies quand l'homme longea le couloir et pénétra dans la chambre.
Dans ce silence si parfait qui accompagne les prédateurs les plus dangereux.
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