1 T'es à croquer ...
Musique en média : Massive Attack - Paradise Circus
- Bonjour, j'espère que le premier chapitre de mon histoire vous plaira. Surtout, n'hésitez pas à laisser des commentaires -
Un peu éméchée, comme la plupart des jeunes de la soirée, Faustine s'amusait en revanche bien moins qu'eux. La musique poussée à fond faisait littéralement trembler les murs de la maison et les vibrations remontaient jusque dans ses escarpins. Il n'était que vingt-trois heures, mais la fête était déjà terminée pour elle. Elle n'avait plus qu'un souhait : rentrer.
Elle était venue en espérant se changer les idées. Depuis plusieurs semaines, des SMS anonymes la préoccupaient. Au début, elle avait cru à une banale erreur de numéro, mais les messages étaient devenus de plus en plus dérangeants. Son correspondant anonyme s'était mis à écrire des choses trop intimes. Des choses qu'il voulait lui faire. Des choses qu'il ferait.
Pendant longtemps, Faustine s'était persuadée qu'il s'agissait d'une blague de très mauvais goût ; une blague de quelqu'un qu'elle connaissait, car chacun des SMS contenait des détails qui ne pouvaient être connus qu'en la côtoyant quotidiennement.
Elle avait tout essayé pour que l'auteur se dénonce ou cesse son manège de plus en plus glauque : la colère, la moquerie, la lassitude puis la tristesse ou encore la menace... rien n'y faisait. Elle l'avait même bloqué une fois.
Après quelques jours, il avait continué avec un nouveau numéro et un ton plus inquiétant encore. Il lui faisait si peur qu'elle n'osait plus songer ni à le bloquer ni même à le dénoncer. Faustine se répétait sans cesse qu'il s'agissait juste de SMS, mais en son for intérieur, elle pressentait que les choses n'en resteraient pas là.
Seulement, elle avait honte et craignait qu'on lui reproche d'avoir provoqué ce type... elle avait peur de découvrir qu'elle était une proie, une victime ou pire, d'être tenue coupable de ce qui lui arrivait. Elle ne se sentait pas d'affronter les regards réprobateurs et les accusations injustes.
Son verre de coca-truc-machin à la main, Faustine s'inséra dans la masse mouvante des danseurs qui avaient envahi le salon et partit à la recherche de Sandra. Si ses souvenirs de début de soirée étaient bons, la blonde portait une robe rose bonbon qu'elle n'aurait aucun mal à repérer.
Elle avait presque réussi l'exploit de traverser la pièce sans renverser son verre, lorsqu'une main lui agrippa brusquement l'avant-bras. La moitié de son breuvage lui échappa et elle étouffa un juron en sentant le liquide froid lui couler dans le décolleté. Elle se retourna avec une grimace épouvantable qui ne reflétait pas la moitié de son envie d'étriper l'abruti responsable du désastre.
En dépit de l'alternance rapide entre noir total et flashs éblouissants, elle reconnut sans peine son ex.
« Jonathan », dit-elle avec déplaisir.
« Faustyyyyy ! » Tout sourire et surtout complètement bourré, il tangua vers elle. « Tu m'as manquéééééé, jeuh voulais trooôoop te voir ce souâr. »
Faustine plissa les yeux. À un moment donné, elle l'avait soupçonné d'être l'auteur des SMS, mais n'avait pas osé le confronter. Lui et elle ne s'étaient pas quittés en très bons termes, après tout. Ce soir, elle décida enfin de lui demander des comptes. Elle en avait assez et elle en aurait le cœur net.
Elle retira d'un coup sec son avant-bras de la paume moite de Jonathan.
« C'est toi les SMS ? C'est toi qui m'envoies des trucs dégueus par texto ?! »
Jonathan vacilla vers elle, l'enveloppant de son haleine alcoolisée. « Des textos ? Quels textos ? »
Il la scrutait de ses grands yeux bleus. Deux océans dont elle était autrefois tombée amoureuse, mais qui ne lui faisaient plus aucun effet à présent.
Ou si peu.
Ce qu'il y avait d'horrible avec son ex, c'est qu'elle savait toujours quand il mentait. Par exemple, elle l'avait tout de suite su quand il avait couché avec une autre fille. Ce con s'était emmêlé dans des explications plus nulles les unes que les autres, la prenant pour une parfaite crétine.
Faustine l'avait détesté pour ses mensonges ; pourtant à cet instant elle aurait tout donné pour qu'il soit en train de mentir, parce que l'alternative était effrayante.
« Laisse tomber, t'es bourré », grinça-t-elle. « T'aurais pas vu Sandra des fois ? »
« Mmmmh », Jonathan fronça le nez et ferma fort ses paupières, comme s'il venait de manger de la moutarde extra-forte alors qu'en fait il réfléchissait juste intensément. « Naaan, une bombasse comme ça je m'en souviendrais... »
Il partit d'un rire gras et Faustine roula les yeux. C'était aussi pour ce genre de remarques qu'elle l'aurait finalement plaqué, même s'il ne l'avait pas trompée.
La jeune fille abandonna son abruti d'ex et reprit son chemin, son verre à moitié vide à la main.
Alors qu'elle s'extirpait enfin de la mêlée, son portable vibra contre sa jambe. Elle plongea la main dans la poche de sa robe. Peut-être que Sandra avait enfin répondu à son trente-six millième appel au secours...
Alors que l'écran s'allumait, Faustine cessa de respirer. Numéro inconnu. En principe, ça n'annonçait qu'une chose. Priant pour qu'une fois ce ne soit qu'une coïncidence, elle ouvrit le SMS.
* T'es à croquer ce soir, Fausty.
Toi et moi dans un coin noir - *
Elle releva les yeux de l'écran sans prendre la peine de tout lire. Ces derniers temps, tous les messages avaient un contenu salace. Elle regarda autour d'elle avec une inquiétude grandissante. Pour la première fois, ce tordu venait de l'appeler Fausty.
Il n'y avait que Jonathan pour utiliser ce surnom. Malheureusement, elle venait de le rayer de la liste de suspects. Et d'ailleurs, il n'emmenait jamais son portable en soirée, parce qu'il en avait déjà bousillé deux comme ça et que ses parents ne lui en achèteraient pas un quatrième. En outre, il était tellement cuit ce soir qu'il serait incapable de taper quoi que ce soit de cohérent.
Faustine scruta la foule dansante, à la rechercher d'un individu menaçant ou louche. Il faisait trop sombre, il y avait trop de monde ; s'il était là, il pouvait être n'importe où.
Elle avait les mains moites à l'idée que ce taré rode tout près sans qu'elle le sache, à l'idée qu'il ait pu la toucher ou même la frôler à son insu.
Passablement dégrisée, elle posa son verre sur le premier meuble qu'elle croisa et se remit à la recherche de Sandra avec un regain de zèle. Elle avait envie de pleurer et voulait partir, mais ce soir elle dormait chez son amie. Pour espérer rentrer, elle devrait donc la trouver.
Alors qu'elle passait devant la cuisine, un éclair de tissu rose lui fendit la rétine. Elle passa la tête dans l'entrebâillement de la porte, à temps pour voir la chose sortir par l'autre porte, celle qui donnait sur la terrasse du dehors. Cette couleur agressive... il s'agissait forcément de Sandra !
Ni une, ni deux, elle se précipita dans cette direction.
Il faisait extrêmement sombre à l'extérieur. Une petite lanterne accrochée au mur diffusait à peine assez de lumière pour éclairer sur un rayon de deux mètres. Il faisait diablement froid aussi. Faustine fit quelques pas dans le noir en se frottant vigoureusement les bras.
« Sandra ? Sandra t'es là ? Je te cherche », bêla-t-elle en direction des ténèbres.
Elle jeta un coup d'œil inquiet vers la porte qu'elle venait d'emprunter. Son stalker était peut-être à sa poursuite. Tomber nez à nez avec lui sur cette terrasse déserte était bien la dernière chose qu'elle souhaitait.
Persuadée d'avoir aperçu Sandra sortir, elle s'avança néanmoins dans le jardin.
Ses chaussures étaient loin d'être pratiques pour marcher dans la pelouse, surtout quand on n'y voyait strictement rien. Elle tanguait sur ses échasses et finit par se prendre les pieds dans quelque chose de piquant. Elle eut un mouvement de recul et, comme l'un de ses talons s'était fiché dans la terre, elle s'étala de tout son long.
Les quatre fers en l'air dans l'herbe humide, elle commença par pester. Puis elle se laissa retomber et partit dans un fou rire nerveux. Quelle soirée pourrie.
Un bruissement sur sa gauche fit taire net ses gloussements. Elle se redressa à quatre pattes sur la pelouse et tendit l'oreille puisqu'elle n'y voyait rien.
« Sandra ? » appela-t-elle encore, hésitante.
Faustine priait le ciel de toutes ses forces pour que ce ne soit pas l'autre taré. Ou n'importe quel taré en fait.
Comme le silence seul lui répondait, elle se remit debout et, toute chancelante, partit à reculons vers la terrasse. La foule. Un minimum de sécurité.
Elle n'était plus qu'à un mètre des chaises de jardin quand une main la saisit par les cheveux et tira violemment sa tête en arrière. Elle bascula à terre, en proie à une terreur monumentale.
Un corps tomba lourdement sur elle et dans un effort désespéré elle se mit à frapper et griffer en tous sens son agresseur.
Elle vivait ses derniers instants.
« NON ! » hurla-t-elle en sanglotant hystériquement. « Non, non, NON ! »
Elle se prit un coup dans le nez, peut-être un genou, et la douleur la calma un peu.
« Putain Faustine, c'est moi espèce de folle ! » siffla la voix essoufflée de Sandra.
« Sandra ? » Faustine cessa de se débattre. « Ça va pas la tête, de me choper comme ça ?! »
Elle entreprit de se relever, laissant son amie se débrouiller. En talon et robe moulante, chacune sa merde. Surtout quand l'autre dinde venait de vous agripper la tignasse au risque de vous rendre chauve jusqu'à la fin de vos jours.
« J't'attaquais pas », s'indigna à son tour la blonde. « J'ai glissé sur la pelouse, espèce de pouffiasse ! »
« Ah, » fit mollement Faustine. Choisissant d'ignorer son tort, elle passa directement au sujet qui la préoccupait : « Ça te dit qu'on rentre, j'en peux plus. »
« Faut vraiment te faire soigner ma vieille, la nuit est jeuûûûune ! On va pas rentrer maintenant ! »
Sans lui laisser le temps de protester, la blonde repartit vers la maison et Faustine n'eut pas d'autre choix que de la suivre. Trottinant tant bien que mal sur la terre, elle était si empotée que la blonde avait de nouveau disparu lorsqu'elle arriva enfin dans la cuisine.
Voyant sa tenue ruinée et toujours paniquée à l'idée de se retrouver seule au milieu de la foule, Faustine se mit en quête d'une salle de bain où s'enfermer. Son téléphone vibra de nouveau et en voyant ce que l'autre timbré lui avait envoyé, elle décida que trop c'était trop.
Elle bloqua son numéro.
Elle regretta aussitôt après, plus par lâcheté qu'autre chose.
Il avait quand même parlé de la lécher.
Elle frémit et se dépêcha de monter à l'étage.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top