🕯Prologue🕯
Un matin paisible, Mirabel dormait profondément dans sa petite chambre. Le soleil se levait doucement sur Encanto, illuminant les murs de sa chambre avec une lumière dorée et douce. Casita, la maison enchantée des Madrigal, observait son sommeil tranquille depuis quelques minutes déjà, ses briques vibrantes et pleines de vie. Voyant que Mirabel semblait bien décidée à rester endormie un peu plus longtemps, Casita fit grincer les volets légèrement, laissant un rayon de soleil venir directement chatouiller les paupières de Mirabel.
Mirabel grogna, se tournant dans son lit pour échapper à la lumière, mais Casita n'avait pas l'intention de la laisser se rendormir. Les tuiles du plancher frémirent doucement et un coin du tapis se souleva, glissant le long de son lit pour tirer légèrement sa couverture. Sentant le frais, elle tira instinctivement la couverture plus haut, mais Casita n'en resta pas là : les tiroirs de la commode s'ouvrirent et se refermèrent en rythme, créant un petit vacarme joyeux, comme un appel au réveil.
Enfin, Mirabel ouvrit un œil, encore somnolente.
- Casita...Vraiment ? murmura-t-elle avec un sourire fatigué, en voyant le bois du plancher onduler sous elle, comme pour la saluer.
Casita répondit en faisant briller les murs de sa chambre d'une lueur vive et joyeuse. Mirabel, amusée, se redressa, passant une main dans ses cheveux ébouriffés, puis tapa du pied sur le sol en disant,
- D'accord, d'accord, je suis debout !
Casita fit glisser la porte de sa chambre, l'invitant ainsi à se lever pour rejoindre les autres, tandis que Mirabel laissait échapper un petit rire, ravie de cette douce complicité avec la maison qui l'entourait.
Mirabel sauta du lit avec un enthousiasme débordant, son sourire éclatant illuminant la pièce. Elle se dirigea d'un pas léger vers son armoire et en tira sa robe préférée : une robe bleue ornée de broderies colorées, chaque détail soigneusement choisi pour capturer l'esprit joyeux de Mirabel. Elle enfila la robe avec une énergie qui montrait son impatience pour cette journée spéciale, et attrapa ses lunettes posées sur la table de nuit, les ajustant d'un geste habitué sur son nez. Ses yeux pétillaient d'une excitation contagieuse.
Casita, attentive, fit glisser une paire de chaussures juste devant elle. Les tuiles sous ses pieds tremblaient légèrement, presque comme une invitation à venir se chausser. Mirabel rit, se laissant aider par la maison vivante, qui souleva un bord du tapis pour qu'elle glisse son pied dans la première chaussure, puis la seconde. Une fois prête, elle se retourna vers Casita, les bras écartés, tournant sur elle-même pour lui montrer fièrement qu'elle était habillée et fin prête.
Elle s'approcha de la porte, posa sa main sur la poignée, et, les yeux brillants, s'exclama avec détermination :
- Aujourd'hui est un jour spécial !
Casita répondit en faisant claquer une étagère de satisfaction, comme si elle l'encourageait à poursuivre. Mais le regard de Mirabel changea légèrement alors qu'elle soupirait, se murmurant à elle-même :
- C'est l'anniversaire d'Antonio, et tout doit être parfait...
Elle ferma un instant les yeux, prenant une grande inspiration.
- Alors, pour commencer... ajouta-t-elle en ouvrant la porte avec énergie, réveillons la famille Madrigal !
Casita vibra de joie, secouant doucement le corridor et animant les planchers sous Mirabel pour l'accompagner tandis qu'elle avançait avec détermination dans les couloirs. Prête à réveiller chaque membre de la famille, elle sentait que cette journée serait mémorable. Antonio méritait une fête inoubliable, et Mirabel était prête à tout pour rendre ce jour aussi spécial que possible.
Mirabel sortit de sa chambre, fermant doucement la porte derrière elle, et leva les yeux vers le long corridor où les portes de chaque membre de la famille brillaient d'une lueur unique. Chaque porte était une oeuvre d'art à part entière : des gravures délicates et des motifs lumineux, toutes vibrantes de magie, symbolisant les dons extraordinaires de sa famille. En face d'elle, la porte de Luisa brillait de manière robuste et confiante, tandis que celle d'Isabela, ornée de fleurs, resplendissait de couleurs éclatantes. Un peu plus loin, la porte de Pepa était entourée de minuscules nuages et de rayons de soleil, changeant subtilement selon son humeur, même à cette heure matinale.
Pourtant, en voyant toutes ces portes, Mirabel sentit un poids familier dans sa poitrine. Elle baissa les yeux vers sa propre chambre. Sa porte, bien qu'élégamment sculptée, manquait de cette lumière vivante, de cette aura enchantée qui marquait celles de ses cousins, de ses tantes, de ses sœurs et même sa mère. Sa chambre ne lui avait jamais vraiment ressemblé, d'ailleurs. Elle n'était pas magique, pas comme les autres.
Elle poussa un soupir, un mélange de résignation et de tristesse. Sa grand-mère Abuela Alma avait insisté pour que sa chambre soit placée juste à côté de la sienne, un choix qui ne cessait de lui rappeler qu'elle avait des attentes bien spécifiques pour elle, malgré son absence de don. Parfois, Mirabel se demandait si ce n'était pas une manière de veiller sur elle, de s'assurer qu'elle restait dans le droit chemin, comme si elle devait prouver sa place dans la famille, jour après jour. C'était une pression subtile, mais toujours présente.
Mirabel se gratta machinalement le bras, un réflexe nerveux qu'elle n'arrivait pas à contrôler chaque fois que ce sentiment d'insuffisance lui prenait. Elle inspira profondément, fermant un instant les yeux pour calmer le tourbillon dans son esprit. Aujourd'hui, elle devait mettre de côté ces pensées sombres ; c'était le jour d'Antonio, et il méritait toute la joie qu'elle pouvait lui offrir.
Elle se redressa, serrant les poings pour se donner du courage, et leva le menton.
- Allez, Mirabel, murmura-t-elle pour elle-même, dans un élan pour repousser ses doutes.
Elle regarda une dernière fois les portes étincelantes avant de continuer son chemin dans le couloir, déterminée à donner le meilleur d'elle-même pour cette journée spéciale, même si sa place dans cette famille magique restait floue.
Après avoir présenté sa famille aux enfants du village, Mirabel se sentait flottante, le cœur léger. Elle s'était amusée à les voir sourire et rire, à partager des histoires de chacun des membres de la famille Madrigal, se réjouissant de la magie et des dons qui les rendaient uniques. Les enfants étaient captivés, accrochés à chaque mot. Mais alors qu'elle savourait ce moment de joie, une voix tonitruante et familière l'interrompit.
- MIRABEL !
Le ton d'Abuela Alma était tranchant comme une lame, et Mirabel se retourna avec un léger frisson. Elle n'aimait pas la manière dont son nom sortait de la bouche de sa grand-mère dans ces moments-là. Elle s'approcha, son sourire s'effaçant peu à peu alors qu'Abuela se dirigeait vers elle, ses sourcils froncés. Mirabel tenta de justifier son plaisir innocent :
- J'amusais simplement avec les petits, Abuela.
Mais la matriarche ne laissa pas sa voix s'élever. D'un geste ferme, elle attrapa la main de Mirabel, l'entraînant vers l'intérieur de la maison. Le regard d'Abuela était perçant, une combinaison d'inquiétude et de déception. Mirabel se sentit comme une enfant réprimandée, un sentiment qu'elle croyait avoir laissé derrière elle. La chaleur de la main d'Abuela sur la sienne était à la fois familière et intimidante.
À l'intérieur, la maison était en effervescence. Les membres de la famille s'affairaient autour de la table, décorant avec soin des guirlandes de fleurs et des rubans colorés. Les cris de joie et les rires des enfants résonnaient dans l'air, mais l'ambiance était différente ici : il y avait une pression palpable, une sorte de tension qui accompagnait l'excitation de la cérémonie d'Antonio.
Mirabel observa ses tantes et ses oncles se déplacer avec une efficacité magique, chacun ayant un rôle précis à jouer, créant une atmosphère de fête. Luisa soulevait des caisses de décorations, son visage sérieux mais fier, tandis qu'Isabela, avec ses mouvements gracieux, faisait fleurir les plantes autour d'elle en un clin d'œil, ajoutant une touche de beauté à l'espace. Dans un coin, Julieta s'affairait à préparer des plats délicieux, le parfum de la nourriture flottant dans l'air, invitant et chaleureux.
- Regarde, tu dois être plus impliquée, reprit Abuela, son ton se radoucissant légèrement, mais avec un fond de fermeté. Tu n'es plus une gamine, Mirabel. Il est temps de prendre tes responsabilités au sérieux.
Mirabel hocha la tête, ses émotions se bousculant en elle. Elle voulait tellement participer, mais ce fardeau des attentes d'Abuela pesait lourd. En regardant sa famille, elle se sentit à la fois liée et à l'écart, une partie d'un tout qui semblait toujours lui échapper.
- Je comprends, Abuela, répondit-elle finalement, sa voix presque un murmure.
Elle savait qu'elle devait s'impliquer davantage, mais le poids des mots et des attentes l'accablait. Avec un dernier regard vers sa famille en pleine préparation, elle prit une profonde inspiration, prête à faire un pas vers ce qu'Abuela attendait d'elle, même si cela signifiait mettre de côté ses propres désirs pour un moment.
Alma se déplaçait avec une autorité calme, orchestrant chaque membre de la famille avec précision. Son regard acéré balaya la pièce, et lorsqu'il tomba sur Camilo, appuyé contre un mur avec un air détaché, elle s'approcha de lui, la voix ferme.
- Camilo, commença-t-elle, son ton ne laissant aucune place à la discussion. Va aider José avec la guirlande.
Camilo releva la tête, un mélange de surprise et de compréhension dans ses yeux. Il hocha la tête, acceptant le défi sans protester. En un instant, il se métamorphosa en José, son corps se transformant avec aisance pour imiter le jeune homme. Ses traits prirent la forme de ceux de José, et il se leva, adoptant une posture similaire à celle de son cousin. Mirabel observa la scène avec un mélange d'admiration et d'étonnement, fascinée par la capacité de Camilo à changer d'apparence aussi facilement.
Elle se demanda ce que ressentait Camilo, en prenant l'apparence de quelqu'un d'autre, un acte qui semblait à la fois naturel et étrangement déconcertant. Il avait toujours utilisé son don pour apporter de la légèreté et du rire, mais ici, dans le contexte d'une tâche sérieuse, cela lui donnait une toute nouvelle dimension.
Abuela, voyant l'effet de sa demande, posa une main rassurante sur l'épaule de Mirabel. Elle l'observa avec une tendresse mêlée de détermination.
- Tu comprends, n'est-ce pas, Mirabel ? dit-elle doucement, mais avec une fermeté sous-jacente. Il est important de protéger notre miracle. Chaque membre de notre famille doit jouer son rôle, même si cela signifie se transformer pour aider un autre. Nous sommes tous interconnectés. Camilo aide José pour qu'il puisse se concentrer sur d'autres préparatifs. Chaque petit geste compte.
Les mots d'Abuela résonnèrent en Mirabel, lui rappelant le poids des responsabilités qui pesaient sur leurs épaules. Elle avait toujours aspiré à être utile, mais parfois, cela semblait si écrasant. Abuela continuait d'expliquer, son regard sincère et plein d'espoir.
- Nous sommes une famille, et en tant que famille, nous devons nous soutenir mutuellement. Camilo, en se transformant en José, fait plus que juste aider ; il montre l'exemple de ce que signifie être un Madrigal.
Mirabel observa attentivement, son regard allant de l'un à l'autre, chacun jouant son rôle, chaque geste parfaitement coordonné. L'excitation et l'énergie dans l'air étaient palpables, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une légère frustration face à son propre rôle.
Finalement, elle tourna son attention vers Abuela, qui se tenait non loin, supervisant les préparatifs avec une présence imposante. Mirabel prit une grande inspiration avant de prendre la parole, déterminée à exprimer ses sentiments.
- Je sais parfaitement, Abuela, dit-elle d'une voix à la fois ferme et douce, une lueur de défi dans ses yeux. Tu n'arrêtes pas de m'apprendre depuis que j'ai cinq ans, mais je veux juste les aider à ma manière ! Elle ajouta un sourire, espérant que son enthousiasme serait contagieux et qu'Abuela comprendrait son besoin d'implication.
Cependant, la réaction d'Abuela fut immédiate. Elle soupira, ses traits se durcissant légèrement, tandis qu'elle s'approcha de Mirabel. Doucement, elle prit les deux épaules de sa petite-fille dans ses mains, son regard se faisant plus intense, presque suppliant. Les yeux d'Abuela cherchaient à établir un contact, à transmettre une sagesse qu'elle avait accumulée au fil des ans.
- Mirabel, commença-t-elle avec une voix empreinte de tendresse, mais aussi de gravité. Je sais que tu veux aider. Je le vois. Mais il y a des façons de le faire, et je ne veux pas que tu te mettes en danger...Sa voix tremblait légèrement, révélant une préoccupation profonde pour la sécurité de Mirabel.
Elle savait que la jeune fille avait un cœur immense et qu'elle désirait ardemment contribuer, mais Abuela craignait que son impulsivité ne la mette en péril.
Mirabel ressentit la pression des mains de sa grand-mère sur ses épaules, une pression rassurante mais aussi un rappel de la responsabilité qui pesait sur elle. Elle savait que les intentions d'Abuela étaient pleines d'amour, mais une petite partie d'elle se sentait piégée, assoiffée de liberté pour exprimer son propre désir d'être utile sans être constamment sous le contrôle d'Abuela.
- Je ne veux pas être juste celle qui attend son tour, Abuela. Je veux être capable d'agir, de montrer à tout le monde que je peux aussi contribuer à la magie de notre famille, même si je ne possède pas de don ! Sa voix tremblait légèrement, mais elle se tenait droite, déterminée.
Abuela relâcha doucement ses mains, son regard se radoucissant alors qu'elle voyait la passion et la sincérité de Mirabel.
- Je sais, mi amor, murmura-t-elle, son cœur se serrant un peu. Je crois en toi, mais fais-le de manière sûre. Nous avons tous notre place, et parfois, il faut être patient.
Mirabel acquiesça lentement, sentant une vague de compréhension passer entre elles. Elle savait que les intentions d'Abuela étaient bonnes et qu'elle voulait simplement la protéger. Mais il était temps pour elle de trouver sa propre voie, de participer à sa manière, même si cela signifiait briser quelques règles en cours de route.
À présent, elle se tenait là, les mains croisées sur sa robe, un tissu qu'elle avait elle-même confectionné avec soin. C'était une robe qui lui était chère, faite de couleurs vives et de motifs joyeux qui représentaient son esprit d'enfant. Elle l'aimait, car elle symbolisait son identité, sa créativité, et le travail acharné qu'elle avait mis à la réaliser. Cependant, alors qu'elle observait sa grand-mère, Abuela Alma, un frisson d'appréhension parcourut son échine.
Abuela se tenait à côté d'elle, un sourire qui aurait pu paraître doux sur n'importe quel autre visage, mais qui ici avait une nuance de froideur. Les yeux de la matriarche brillaient d'une détermination implacable alors qu'elle observait la tenue de Mirabel.
- Pourquoi portes-tu toujours cette robe enfantine ? demanda-t-elle d'un ton sec, presque accusateur. Tu n'as plus dix ans !
Le cœur de Mirabel se serra. Elle baissa les yeux sur sa robe, comme si elle pouvait y lire un jugement. Elle savait qu'Abuela désapprouvait son choix vestimentaire, mais c'était un choix personnel, un acte d'affirmation de soi.
- Je l'ai cousue moi-même, répondit-elle avec une petite voix, sa fierté vacillant face à la critique. C'est ma robe préférée Abuela !
Mais Alma ne partageait pas cet enthousiasme. D'un geste décidé, elle poussa Mirabel vers les escaliers.
- Non, non, dit-elle fermement, monte te changer. Tu dois porter quelque chose qui représente bien ton statut ! Le ton d'Abuela ne laissait aucune place à la discussion. C'était un ordre, pas une suggestion.
Mirabel, sentant une colère sourde monter en elle, envisagea un instant de protester, de défendre son choix, mais elle savait que cela ne ferait qu'attiser l'exaspération d'Abuela. Avant qu'elle ne puisse vraiment réagir, Abuela leva la main, faisant signe à Casita. Immédiatement, les murs de la maison réagirent à l'appel de la matriarche, créant un passage qui mena Mirabel vers sa chambre.
- Et retire-moi ces lunettes !
ajouta Abuela, son regard toujours aussi perçant. Tu dois être magnifique, Mirabel. Ce soir, tu seras à mes côtés pour la cérémonie d'Antonio !
Le cœur de Mirabel s'affaissa à cette déclaration. Elle se sentait prise au piège dans le rôle que sa grand-mère lui imposait, un rôle qu'elle n'avait pas choisi. Dans le couloir, elle jeta un dernier coup d'œil à Abuela, espérant un signe d'empathie, mais la froideur du visage de sa grand-mère ne laissa entrevoir aucune compassion.
En montant les marches, Mirabel ressentait un mélange d'agitation et de frustration. Elle avait toujours admiré Abuela pour sa force, sa détermination, mais cette exigence constante d'être parfaite, de se conformer à une image, la pesait de plus en plus. Elle avait envie de s'affirmer, de montrer qui elle était vraiment, mais dans ce foyer où la perfection était attendue, sa voix semblait étouffée.
Arrivée dans sa chambre, elle ferma la porte derrière elle avec un soupir. Les murs étaient décorés avec ses créations, des couleurs éclatantes qui racontaient son histoire, sa personnalité. Mais maintenant, face à ce défi de se conformer à l'idéal d'Abuela, elle se sentit perdue. Mirabel savait qu'elle avait besoin de changer pour plaire à sa grand-mère, mais au fond d'elle, elle voulait aussi préserver son essence, sa créativité.
Elle jeta un regard au miroir, touchant les montures de ses lunettes avec tendresse. C'était une partie d'elle, mais à cet instant, elle se demanda si elle devrait vraiment les retirer, abandonner une partie d'elle-même pour répondre aux attentes des autres. Mais alors, qui serait-elle vraiment ?
Avec un soupir déterminé, elle commença à fouiller dans son armoire, cherchant une robe qui pourrait satisfaire Abuela tout en restant fidèle à elle-même. Elle était déterminée à trouver un équilibre entre ce que sa famille attendait d'elle et ce qu'elle était en réalité. La cérémonie d'Antonio était importante, mais elle voulait également être en paix avec elle-même.
Mirabel se tenait devant son miroir, une nouvelle robe en main, lisse et bien plus sobre que ses couleurs habituelles. Le tissu était riche, d'un bleu profond bordé de broderies dorées et d'un col élégant, dégageant une impression de maturité et de retenue. La robe lui allait bien, mais elle ne lui ressemblait pas. Pourtant, elle inspira profondément, sachant que pour une fois, elle devait correspondre à cette image que sa grand-mère avait en tête pour elle, l'image de celle qui succéderait à la tête d'Encanto.
Elle s'avança ensuite vers sa table de nuit et hésita en touchant les montures de ses lunettes. Elle s'était toujours sentie en sécurité derrière elles. Cependant, elle se souvint de l'ordre d'Abuela. Elle les retira doucement, ressentant une vague d'inconfort et d'incertitude. En fermant les yeux une seconde, elle essaya de calmer son appréhension. Mais lorsqu'elle les ouvrit de nouveau, le monde était flou, comme si tout ce qui l'entourait s'était éloigné, s'était évanoui dans une brume douce mais impénétrable.
Elle jeta un dernier coup d'œil vers son reflet, ses yeux n'arrivant même pas à distinguer nettement les détails de son visage, mais elle haussa les épaules.
- Peu importe, murmura-t-elle pour elle-même.
Elle devait être à la hauteur, peu importe si elle ne voyait pas les choses avec clarté. Elle se redressa, adopta une posture assurée, ou du moins, elle essayait de paraître assurée, puis sortit de sa chambre.
🕯✨️🕯
Dans le couloir, elle marcha en tâtonnant un peu, ses pieds cherchant chaque marche. L'ombre de Casita lui donna un petit coup de pouce, rendant les marches un peu plus stables sous ses pieds, et elle finit par atteindre le grand hall où les préparations battaient leur plein. En avançant, elle entendit des voix familières.
Luisa et Dolores discutaient ensemble plus loin dans le couloir, mais dès que Mirabel apparut, elles interrompirent leur conversation et se tournèrent vers elle. Un silence accueillit son arrivée, et Mirabel sentit leurs regards la traverser.
Dolores l'examina des pieds à la tête, son regard critique s'arrêtant sur la robe qui différait tant du style habituel de Mirabel. Elle haussa un sourcil, l'air perplexe. Quant à Luisa, elle observait sa petite sœur d'un air curieux, mais bienveillant. Elle voyait bien que quelque chose n'allait pas, que ce changement de style ne lui ressemblait pas du tout. Ses épaules s'affaissèrent légèrement en voyant Mirabel, si différente, si effacée.
Mirabel sourit maladroitement, mais sans ses lunettes, elle ne pouvait pas distinguer précisément leurs expressions, juste leurs silhouettes. Elle se sentait perdue, plus que jamais.
- Ça vous plaît ? demanda-t-elle doucement, tâchant de cacher son malaise derrière un sourire.
Dolores haussa simplement les épaules, mais Luisa s'avança et posa une main rassurante sur l'épaule de sa petite sœur.
- Ça te va bien, petite soeur, dit-elle d'une voix douce, tentant de lui remonter le moral, même si elle-même voyait bien qu'il manquait quelque chose, un éclat, une énergie propre à Mirabel, qui semblait avoir disparu.
Mirabel hocha la tête, esquissant un sourire incertain. Elle savait qu'elle ressemblait maintenant davantage à l'image qu'Abuela voulait qu'elle projette, mais elle se sentait comme étrangère à elle-même. Pourtant, elle prit une grande inspiration et, d'un pas déterminé, continua vers la salle de réception où la cérémonie se préparerait.
Alors qu'elle avançait dans le couloir, tentant de garder son équilibre malgré sa vision floue, elle sentit un coup d'épaule la déstabiliser légèrement. Isabela venait de passer devant elle d'un pas déterminé, la tête haute, sans même lui jeter un regard. Elle ralentit à peine pour lui lancer d'un ton sec, presque dédaigneux :
- Tu devrais vraiment prêter attention à ton image, Mirabel. Après tout, tu es la chouchoute d'Abuela maintenant.
Mirabel serra les poings. Elle ressentait à la fois de la surprise et de la déception, bien qu'au fond, elle n'attendait pas vraiment de la chaleur de la part d'Isabela depuis longtemps. Leur relation, qui autrefois avait peut-être été empreinte d'une certaine complicité, avait pris un tournant dès le jour de son cinquième anniversaire. Depuis cet instant où elle avait compris qu'elle serait l'unique Madrigal sans don, Isabela, quant à elle, semblait être devenue encore plus distante, froide, voire critique envers elle.
Elle leva la tête, jetant un regard sombre vers le dos d'Isabela qui s'éloignait, toujours impeccable, comme si aucun effort n'était requis pour maintenir cette perfection qu'elle incarnait. Mirabel ressentait un mélange d'amertume et de douleur. Isabela ne réalisait sans doute pas combien ses paroles pouvaient la blesser, combien chaque mot acide jetait du sel sur une blessure déjà profonde, alimentée par des années de rivalité et de non-dits.
- C'est ça, l'image avant tout, hein...murmura Mirabel pour elle-même, avec une pointe d'ironie.
Elle baissa les yeux vers sa robe, imposée par Abuela, qui ne reflétait ni ses goûts ni sa personnalité, se demandant combien de temps encore elle pourrait jouer ce rôle, se plier à cette image d'héritière parfaite que sa grand-mère voulait qu'elle devienne.
Elle inspira profondément, ravala sa frustration, et redressa les épaules. Ce n'était ni le moment ni l'endroit pour une confrontation. Elle était décidée à garder la tête haute, même si elle sentait ce poids qui pesait plus lourd que jamais. Isabela et elle pourraient bien être en froid, mais elle n'allait pas se laisser abattre par une remarque. Elle avait appris, au fil des ans, à contenir cette douleur, à l'enfouir, même si chaque échange avec sa sœur lui rappelait à quel point elles étaient devenues des étrangères l'une pour l'autre.
Mirabel descendit lentement les escaliers, aidée par Casita qui ajustait subtilement les marches sous ses pieds pour l'empêcher de trébucher. Elle vacillait légèrement, à moitié aveuglée sans ses lunettes, et ses pas étaient mal assurés dans cette robe inconfortable et bien trop guindée. Arrivée en bas, elle fut aussitôt accueillie par Abuela, qui se tenait là avec un sourire fier et approbateur, son regard sévère adouci juste assez pour laisser entrevoir une lueur d'affection.
- Regardez-la, n'est-elle pas magnifique ? s'exclama Abuela en prenant Mirabel par les épaules et la tournant légèrement pour que toute la famille puisse l'admirer. Mirabel mérite tellement d'être la future chef de notre Encanto. Elle a travaillé dur, elle comprend ce que cela signifie d'être à la hauteur de notre nom et de notre miracle !
Les mots d'Abuela résonnaient autour de Mirabel, comme un écho écrasant. Sa gorge se serra, l'air semblait plus difficile à inspirer, et une étrange pression se faisait sentir dans sa poitrine. Elle esquissa un sourire nerveux, essayant de ne pas montrer son malaise.
Malgré sa vision floue, elle distingua sa mère, Julieta, qui applaudit doucement, un sourire tendre aux lèvres et un murmure d'encouragement :
- Je suis fière de toi, mi vida !
À ses côtés, son père Augustín émit un petit rire maladroit, comme pour alléger l'atmosphère, sa fierté évidente.
Luisa, toujours solide et bienveillante, lui adressa un sourire sincère, tandis qu'Isabela, les bras croisés et le regard ennuyé, leva les yeux au ciel, visiblement agacée par l'attention accordée à sa sœur.
Elle tourna ensuite la tête et vit Pepa lui adresser un pouce en l'air accompagné d'un sourire espiègle, comme pour l'encourager à ne pas trop se laisser intimider. Félix, à côté de Pepa, hocha la tête en silence, un sourire bienveillant sur le visage.
Dolores, quant à elle, poussa un soupir presque imperceptible, son expression indéchiffrable, semblant ni ravie ni hostile. Antonio, qui se tenait à ses côtés, souriait timidement, heureux de voir sa prima préférée dans cette lumière, ignorant toute tension dans l'air.
Puis enfin, Camilo détourna légèrement le regard, roulant les yeux avec une expression d'amusement dissimulé, mais un léger sourire trahissait son soutien.
Tout le monde autour d'elle semblait attendre qu'elle dise quelque chose, qu'elle confirme son rôle dans cette famille. Mirabel déglutit, retenant un frisson, et prit une inspiration discrète pour masquer son trouble. Elle aurait aimé que ce moment soit le sien, qu'elle puisse le savourer pleinement, mais chaque regard, chaque murmure amplifiait cette impression qu'on attendait d'elle bien plus qu'elle ne se sentait capable de donner. Pourtant, même si ses doutes et ses inquiétudes bouillonnaient intérieurement, elle ne montra rien, déterminée à jouer le rôle que l'on attendait d'elle.
Abuela se pencha doucement et déposa un baiser affectueux sur le sommet de la tête de Mirabel.
- Tu seras une parfaite matriarche, mi amor, murmura-t-elle avec une fierté douce mais ferme.
Mirabel resta figée un instant, les yeux écarquillés de surprise, son souffle court, puis elle laissa échapper un léger rire nerveux pour cacher l'émotion qui montait en elle. Elle sentait les larmes poindre, mais elle s'efforça de les retenir, consciente des nombreux regards qui la fixaient. Face à cette scène, la famille au complet l'entourait, et elle se sentait à la fois honorée et étouffée par l'attention.
Elle n'avait pas besoin de ses lunettes pour remarquer l'expression de jalousie qui assombrissait les visages d'Isabela et de Dolores. Le regard de sa grande sœur et de sa cousine pesait lourdement, empreint d'une incompréhension mêlée d'un certain ressentiment. Mirabel sentit son cœur battre de plus en plus vite, comme si son corps tout entier réagissait à la pression. Ce rôle qu'on voulait lui imposer, cette perfection à atteindre...Ce n'était pas ce qu'elle avait rêvé. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était être elle-même, même sans don, être acceptée pour ce qu'elle était vraiment.
Pepa, qui observait la scène, brisa le silence en disant joyeusement,
- Il est enfin temps pour Antonio de fêter son anniversaire ! Ses mots apportèrent une bouffée d'air dans l'atmosphère tendue. Dolores, attentive, pencha légèrement l'oreille, le visage concentré.
- Les villageois sont dehors...Ils attendent avec impatience, annonça-t-elle d'une voix douce mais assurée.
Le visage d'Abuela s'éclaira, et elle lança un regard à toute la famille.
- Bien, à vos postes, tout le monde...La famille Madrigal ! ordonna-t-elle avec une autorité naturelle, un sourire serein accroché à ses lèvres.
En un instant, les Madrigal s'activèrent. Isabela ajusta les fleurs dans ses cheveux, Luisa se redressa avec un air déterminé, et même Félix et Agustín se mirent en mouvement, remplis d'une certaine fierté de faire partie de cette famille unique.
Mirabel resta un moment figée, le regard perdu, alors que les murmures d'excitation de sa famille s'éloignaient peu à peu. Elle jeta un dernier regard dans la grande pièce où chaque membre des Madrigal prenait sa place, tous alignés pour faire honneur à la famille et à la magie qu'elle incarnait. Elle baissa les yeux, sentant une boule se former dans sa gorge. Dans un souffle à peine audible, elle murmura,
- C-Ce n'est pas comme ça que je m'imaginais ma vie...Les mots étaient pleins d'un désespoir refoulé, une vérité qu'elle n'avait jamais osé prononcer à voix haute.
Inspirant pour retrouver un peu de courage, elle chassa l'émotion qui menaçait de la submerger et fit volte-face. Sans plus hésiter, elle se précipita dans le couloir, son cœur battant alors qu'elle suivait Abuela. Le bruit de ses pas résonnait doucement contre les murs de la Casita, qui semblait presque retenir son souffle en attendant le début de la cérémonie. Devant elle, Abuela avançait avec dignité, le dos droit et la tête haute, guidée par une autorité qui semblait inébranlable.
En atteignant la porte de la future chambre d'Antonio, Mirabel ralentit, retenant son souffle. Elle observa Abuela s'arrêter devant la porte, la main posée sur la poignée dorée, les yeux tournés vers l'entrée où se pressaient les invités impatients. Mirabel s'avança discrètement pour se tenir à ses côtés, sentant le poids de l'instant peser sur ses épaules. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'admirer cette force chez Abuela, tout en ressentant une pointe d'amertume. Elle comprenait que la magie représentait tout pour elle, plus qu'un simple miracle, mais une obligation sacrée que personne n'avait le droit de trahir.
Elle tourna les yeux vers la porte fermée d'Antonio, son cœur battant plus fort en pensant à son jeune cousin. Elle espérait de tout cœur que son don serait tout ce qu'il avait toujours rêvé. Mais en même temps, une partie d'elle enviait cette promesse de magie qu'il allait recevoir, cette part de rêve et de reconnaissance que, malgré tout, elle n'aurait jamais.
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