Chapitre 2 : Conséquence !
Mirabel était allongée sur son lit, les jambes repliées sous elle, ses yeux fixés sur le plafond de sa petite chambre. Elle portait sa robe de nuit, une simple tenue légère, mais le froid de la soirée semblait pénétrer jusque dans ses os, accentuant la solitude qui l'étreignait. À côté d'elle, un arepa que sa mère Julieta lui avait donné pour soigner sa blessure reposait intact, même si la douleur sur sa main s'était déjà estompée. Mais l'arepa n'avait pas pu apaiser la blessure bien plus profonde de son cœur.
Elle prit une longue inspiration et murmura, le regard vague.
- Si seulement tu pouvais parler, Casita...Ses yeux se posèrent sur les murs, comme si elle espérait que la maison réagirait d'une manière inattendue. Tout le monde m'aurait crue, au lieu de me prendre pour une folle !
À ces mots, Casita bougea légèrement. Les tuiles au-dessus de sa tête se déplacèrent de quelques millimètres, et un petit bruit de craquement résonna doucement dans la pièce, comme une réponse silencieuse. Mirabel eut un sourire triste, presque apaisé, mais il disparut aussi vite qu'il était apparu.
Elle reprit à voix basse, comme si elle confiait un secret.
- Est-ce que je mérite vraiment de continuer ainsi ? Pourquoi je vis tout ça ? Sa voix s'étrangla dans un souffle, et elle ferma les yeux un instant pour chasser les larmes qui menaçaient de couler à nouveau. Je ne veux plus vivre de cette manière-là...
Elle soupira, se sentant à la fois désespérée et en colère. La pression constante d'atteindre un idéal qu'elle n'avait jamais demandé, les regards froids de certains membres de sa famille, et surtout le jugement d'Abuela...Tout cela pesait si lourd qu'elle se demandait combien de temps encore elle pourrait supporter de porter ce poids.
Mirabel posa ses mains sur son visage, essayant de calmer ses pensées tourbillonnantes. Elle espérait qu'en les cachant, elle pourrait échapper, ne serait-ce qu'un instant, à cette réalité qui lui semblait écrasante. Mais rien ne changeait. Casita resta silencieuse, tout comme sa chambre, et le silence devint presque étouffant, accentuant la solitude de ce moment.
Elle s'allongea enfin, fermant les yeux, cherchant dans le sommeil un échappatoire, un refuge loin de ce fardeau. Mais même avec les paupières closes, les fissures, l'attente constante et le jugement d'Abuela restaient ancrés dans son esprit, comme un rêve qui refusait de s'éteindre.
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Le lendemain, les premiers rayons du soleil éclairèrent doucement la chambre de Mirabel, mais leur chaleur semblait glisser sur elle sans l'atteindre. Elle ouvrit les yeux, puis se redressa lentement, un poids invisible mais écrasant pesant encore sur ses épaules. L'habitude aurait voulu qu'elle saute de son lit avec entrain, prête pour une nouvelle journée, mais aujourd'hui, cette joie habituelle semblait s'être évaporée, remplacée par une lassitude profonde.
Elle soupira, attrapant machinalement sa robe habituelle sans même y penser. Puis, ses yeux tombèrent sur sa paire de lunettes posée sur la table de nuit. Elle hésita, ses doigts tendus en suspension devant elles. Les remettre lui semblait un rappel de la veille, de ce regard froid et désapprobateur d'Abuela... Finalement, elle les glissa dans sa poche, se promettant de les porter seulement si nécessaire.
Elle sortit enfin de sa chambre, ses pas résonnant faiblement dans le silence du matin. La maison Casita restait silencieuse, comme si elle-même retenait son souffle, sentant le malaise de Mirabel. Elle se dirigea d'abord vers la chambre de Dolores et frappa doucement à la porte.
- Dolores, c'est l'heure de se lever, murmura-t-elle, espérant ne pas attirer d'attention inutile.
Ensuite, elle continua son chemin jusqu'à la porte de Camilo, répétant le même geste.
- Camilo, il est temps de se réveiller.
Elle marcha ensuite vers l'escalier, ses yeux baissés, l'esprit ailleurs, lorsqu'elle aperçut un mouvement en bas. Elle s'immobilisa en voyant Julieta, sa mère, discuter à voix basse avec Abuela dans un coin de Casita. Le visage de sa mère semblait tendu, ses mains serrées l'une contre l'autre avec nervosité. Mirabel, poussée par une impulsion soudaine, se rapprocha doucement, veillant à ce que ses pas restent légers.
Elle se cacha derrière une colonne et tendit l'oreille pour écouter.
- Mamà, je sais que tu veux le bien de Mirabel, mais elle est jeune...Elle a besoin de sentir qu'elle est aimée pour ce qu'elle est, pas pour ce qu'elle pourrait devenir, disait doucement Julieta, sa voix teintée de suppliques.
Abuela Alma répondit, son ton ferme mais légèrement adouci.
- Julieta, je l'aime tout autant que chacun d'entre vous, mais Mirabel doit comprendre l'importance de sa position. Sans don, elle ne peut pas compter sur des talents extraordinaires pour protéger Encanto. Elle doit être forte, inébranlable. C'est le rôle que le miracle lui a confié !
Julieta baissa la tête, puis osa reprendre, un peu plus fermement.
- Mais ce rôle pèse lourdement sur elle...Parfois, j'ai l'impression qu'elle porte un fardeau qu'aucun enfant ne devrait avoir à porter. Peut-être pourrait-on alléger cette pression, lui laisser le temps de grandir, d'être elle-même ? Nous parlons de ma plus jeune fille mamà, pas d'une marionnette !
Abuela secoua la tête, sa voix plus dure.
- Nous n'avons pas le luxe de la faiblesse, Julieta. La famille Madrigal a besoin d'une leader, d'une figure solide. Et si Mirabel est destinée à être celle-ci, elle doit s'en montrer digne !
Abuela poussa un long soupir, comme pour rassembler sa détermination avant de dévoiler ce qui semblait être un poids lourd, même pour elle. Elle lança un regard grave à Julieta et, avec un ton plein de gravité et d'assurance, elle annonça :
- Julieta, je sais que tu veux ce qu'il y a de mieux pour ta fille, et je le comprends, commença-t-elle. C'est justement pour cette raison que j'ai pris la décision de fiancer Mirabel...Elle ne doit pas être seule dans cette tâche qui l'attend.
Julieta écarquilla les yeux, l'incrédulité peinte sur son visage. Elle recula légèrement, comme si les paroles de sa mère venaient de l'atteindre en plein cœur.
- F-Fiancer...Ma plus jeune fille ? murmura-t-elle d'une voix brisée par le choc. Et ce, sans même en discuter avec Augustín ou moi ?!
Mirabel, qui se tenait toujours en retrait, sentit ses jambes faiblir sous elle, comme si le sol se dérobait. Elle recula, éberluée, son souffle court, répétant faiblement pour elle-même,
- N-Non...Sa voix n'était qu'un murmure, une prière désespérée. Elle espérait, peut-être, que cette idée disparaisse avec le vent.
Mais Alma hocha la tête, déterminée, ignorant les réactions de Mirabel et de Julieta comme si elles n'étaient qu'un détail dans l'ombre de son grand plan. Elle parla d'un ton posé, mais implacable, détaillant sa vision.
- Cette union serait bénéfique, Julieta. Elle garantirait à Mirabel un soutien fort, un partenaire capable de l'aider à protéger la famille et notre communauté. C'est pour Encanto et pour l'équilibre de notre miracle. Mirabel doit accepter le rôle qui lui revient, et un mariage la stabiliserait dans cette tâche !
Julieta tenta d'intervenir, le souffle haché,
- Mais Mirabel est si jeune ! Elle n'a même pas eu l'occasion de choisir son propre chemin, de découvrir qui elle veut être. Elle n'a pas à porter ce poids en plus, mamà !?
Abuela tourna un regard sévère vers Julieta, ses sourcils froncés d'une manière qui laissait peu de place à la contradiction.
- Julieta, elle n'a pas besoin de choisir son propre chemin, dit-elle d'un ton presque impérieux. Sa place est ici, parmi nous, pour la protection d'Encanto...Ce mariage sera arrangé dans l'intérêt de tous, et il apportera stabilité et force à notre famille !
Mirabel resta un moment figée, les mots d'Abuela résonnant encore dans sa tête, comme un écho douloureux qu'elle ne parvenait pas à faire taire. Elle recula lentement de sa cachette, incapable de supporter davantage cette vérité étouffante. Son cœur battait si fort qu'elle pouvait presque l'entendre dans ses tempes. Elle posa une main tremblante sur sa tête, sentant la panique monter en elle. Ses yeux se remplirent de larmes, sa vision se brouilla tandis que la douleur et la confusion prenaient le dessus.
La respiration de Mirabel devenait de plus en plus rapide et saccadée, chaque souffle lui échappant comme un cri muet de détresse. Elle n'avait que quinze ans, et déjà, on attendait d'elle de porter le fardeau d'une vie qu'elle n'avait même pas choisie. Elle sentait l'étau de l'injustice se resserrer autour d'elle, et une unique pensée lui traversa l'esprit : fuir, s'en aller, trouver un refuge loin de cette pression insupportable.
À travers ses larmes et l'angoisse, elle se retourna, cherchant désespérément une issue. Elle se redressa tant bien que mal et se mit à courir, les yeux embués, guidée seulement par l'instinct d'échapper à cette douleur grandissante. Elle traversa le couloir à toute vitesse, ignorant les regards d'Isabela et de Luisa, ignorant tout, jusqu'à atteindre la porte de sa chambre qu'elle referma derrière elle dans un claquement sourd.
Mirabel s'effondra contre la porte, ses jambes se dérobant sous elle, glissant lentement jusqu'à toucher le sol. Elle enfouit son visage dans ses mains et éclata en sanglots, les larmes coulant sans retenue, tandis que ses épaules secouées trahissaient l'ampleur de sa souffrance. Elle ne pouvait plus contenir cette tristesse et cette colère, tout lui échappait. Son corps semblait incapable de supporter cette peine écrasante. Les larmes lui brûlaient les joues, chaque sanglot résonnant dans la pièce vide, comme un écho de son désespoir.
Elle était si absorbée par son chagrin qu'elle ne remarqua même pas les fissures qui se formaient doucement autour d'elle, le long des murs de sa chambre. Casita semblait souffrir en silence, les fissures s'étendant de plus en plus, comme si la maison elle-même partageait le poids de cette douleur.
Luisa observait la porte de la chambre de Mirabel avec une inquiétude perceptible. Elle sentait au fond d'elle que quelque chose n'allait pas. Elle fit un pas en avant, décidée à aller voir sa petite sœur, mais une main ferme se posa sur son bras. Elle se retourna pour croiser le regard sérieux d'Isabela, qui murmura, avec un ton à peine audible, presque coupé d'une certaine froideur :
- Je sens que tout ça est en lien avec Abuela... Elle va sûrement nous expliquer au petit-déjeuner.
Luisa la regarda, hésitante. Elle voulait insister, elle savait combien Mirabel avait été fragile ces derniers temps, mais l'assurance d'Isabela semblait clore toute possibilité de discussion. Elle soupira profondément, puis hocha la tête en silence, bien que son cœur n'y soit pas. Elle jeta un dernier regard vers la chambre de Mirabel, avant de se résigner et de suivre sa sœur dans le couloir, en direction de la salle à manger.
Pendant ce temps, plus loin dans la maison, Julieta restait devant Abuela, le visage grave et tendu, l'atmosphère lourde autour d'elles. Elle avait écouté Abuela sans dire un mot, tentant de contenir l'inquiétude qui bouillonnait en elle. Puis, après un long silence, elle finit par soupirer profondément, l'ombre d'une froide détermination dans les yeux.
Elle murmura, d'une voix légèrement tremblante mais ferme :
- Il est temps d'aller déjeuner, mamà.
Sans attendre la réponse d'Alma, Julieta tourna les talons, prenant une grande inspiration pour se composer un visage serein avant de rejoindre le reste de la famille. Elle savait que le moment viendrait où il lui faudrait parler à sa mère des décisions qui concernaient Mirabel, mais pour l'instant, elle devait veiller à maintenir un semblant d'harmonie pour le bien de toute la famille.
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Le petit-déjeuner était servi, une table abondamment garnie de fruits tropicaux, d'arepas chauds et de café fumant. Tout le monde était assis autour, échangent des sourires et des mots distraits, sauf Mirabel. La chaise vide de la jeune Madrigal semblait attirer l'attention, comme une ombre parmi les couleurs vives du matin.
Julieta, un léger froncement de sourcils, posa finalement la question qui semblait suspendue dans l'air :
- Est-ce que quelqu'un a vu Mirabel ce matin ? Elle ne manque jamais le déjeuner ?
Un silence tomba autour de la table. Les regards se croisèrent, chacun tentant de se souvenir. Isabela finit par lever les yeux de son assiette, où elle faisait tourner distraitement sa fourchette entre ses doigts.
- E-Elle...Je l'ai vue retourner dans sa chambre, répondit-elle avec une indifférence feinte, avant d'ajouter après un instant d'hésitation : Elle semblait...Comment dire ? Un peu troublée !
Dolores, assise un peu plus loin, laissa échapper un soupir presque imperceptible. Elle savait, elle, que Mirabel n'était pas dans sa meilleure forme ce matin, ses pas agités et ses murmures étouffés dans sa chambre n'étaient pas passés inaperçus pour elle. Cependant, elle se mordit la lèvre, hésitant à partager ce qu'elle savait.
À ce moment, Abuela, qui était restée silencieuse jusque-là, se leva, imposante, une certaine gravité dans son regard. Les conversations s'arrêtèrent, et tous les regards se tournèrent vers elle, anticipant une annonce importante.
- Ce n'est rien, déclara-t-elle avec autorité, sa voix résonnant dans la salle. De toute façon, j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer concernant Mirabel.
L'ambiance autour de la table changea légèrement ; certains levèrent les sourcils, surpris, tandis que d'autres, comme Julieta, conservaient un air de doute et d'inquiétude. Isabela cessa de jouer avec sa fourchette, curieuse malgré elle, Camilo haussa les épaules, tandis que Luisa échangeait un regard incertain avec ses parents. Félix et Pepa, qui étaient en train de distribuer des sourires bienveillants autour de la table, se tournèrent eux aussi avec intérêt vers Abuela.
Alma adressa à tous un sourire fier et solennel avant de prendre une profonde inspiration. Puis, d'une voix claire et assurée, elle annonça :
- J'ai le plaisir de vous annoncer que Mirabel Madrigal est désormais fiancée !
La déclaration retentit comme une onde de choc à travers la table, laissant un silence lourd et incrédule derrière elle. Personne ne s'était attendu à une telle annonce, encore moins dans ces circonstances. Les visages se figèrent, tous incapables de dissimuler leurs réactions.
Pepa, en particulier, laissa échapper un petit cri de surprise, créant instantanément un petit nuage de pluie qui s'accumula juste au-dessus de la table, mouillant un peu les assiettes et arrosant les fruits. Félix se précipita pour apaiser sa femme, posant une main réconfortante sur son épaule, mais lui-même semblait perdu, la bouche légèrement ouverte, comme s'il cherchait les mots pour comprendre.
Julieta, quant à elle, baissa les yeux, la tristesse traversant son regard. Elle soupira doucement, saisissant la main de son mari, Augustín, qui était tout aussi stupéfait, les sourcils froncés et les yeux écarquillés. Il serra la main de Julieta en retour, le choc le clouant littéralement à son siège.
Isabela, assise en face, réagit involontairement en faisant éclore des fleurs multicolores tout autour de la table et même dans ses cheveux. Elle resta figée, ses yeux grands ouverts de surprise, incapable de cacher son étonnement. Camilo, qui était en train de boire un verre de jus d'orange, cracha littéralement son jus dans un sursaut en entendant les paroles de sa grand-mère. Il se redressa, la bouche entre-ouverte, fixant Abuela avec un mélange d'incrédulité et de sérieux.
Dolores, fidèle à elle-même, murmura doucement, en baissant le regard :
- J-Je...J-Je le savais déjà...Mais même dans son murmure, il était évident qu'elle n'approuvait pas cette décision soudaine. Son visage, pourtant calme, trahissait un mélange d'empathie pour sa cousine et de désaccord avec l'annonce d'Abuela.
Luisa, de son côté, lâcha sa fourchette, qui tomba bruyamment sur son assiette. Elle fixait Abuela, choquée et à la fois peinée pour sa petite sœur. Elle semblait prête à dire quelque chose, mais les mots lui échappaient, submergée par l'absurdité de la situation.
Quant à Antonio, le plus jeune de la famille, il observa la scène, les yeux plissés et un air de confusion dans son regard. Il comprenait que quelque chose de grand venait de se passer, mais sans en saisir totalement les implications. Il tourna la tête, cherchant des réponses dans le visage des adultes, mais tous semblaient en proie à la même stupéfaction.
Abuela, malgré la réaction de chacun, continua de sourire, s'attendant peut-être à des acclamations ou à des félicitations, mais seule la tension flottait autour de la table.
Le silence lourd fut brisé d'un coup par Isabela, qui se redressa brusquement et cria, la voix tremblante de colère et d'incrédulité :
- QUOI ?!
Tous les regards se tournèrent vers elle, mais Abuela resta imperturbable, comme si elle s'attendait à cette réaction. Elle reprit calmement, d'une voix assurée et inflexible :
- Oui, vous avez bien entendu. J'ai décidé de fiancer Mirabel, et c'est pour le bien d'Encanto. Elle doit assumer son rôle de future matriarche et se préparer aux responsabilités qui l'attendent
Mais elle se figea en apercevant le petit nuage de pluie persistant au-dessus de Pepa, qui pleurait silencieusement, incapable de contenir son émotion. Abuela fronça les sourcils et s'adressa à elle d'une voix sévère :
- Pepa ! Le nuage.
Félix posa une main réconfortante sur l'épaule de sa femme, murmurant doucement pour l'apaiser, mais lui aussi semblait abasourdi par la nouvelle.
À cet instant, Camilo, toujours indigné, frappa sa main contre la table avec force, faisant trembler les couverts et les verres. Sa voix résonna avec colère :
- NON, ça suffit, Abuela ! C'est du grand n'importe quoi ! Mirabel ne va pas se marier alors qu'elle n'a que quinze ans, juste parce que toi tu le souhaites ?!
Abuela le fixa avec un regard perçant et répliqua, l'air inébranlable :
- "Fiancée", Camilo. Elle est simplement fiancée. Ce mariage n'aura lieu que lorsque Mirabel sera prête pour cette responsabilité.
Luisa, silencieuse jusque-là, avait les larmes aux yeux. Sa main tremblait alors qu'elle murmura d'une voix faible, à peine audible :
- M-Mais...E-Elle ne le connaît même pas et elle est si jeune...
La tristesse et l'impuissance dans sa voix résonnaient dans toute la salle, faisant écho aux pensées de chacun. Mais Abuela, déterminée, ignora ses paroles et continua avec une froideur tranchante :
- Mirabel, est différente de vous mes enfants. Elle n'a peut-être pas de don, mais elle a un devoir envers cette famille et cet endroit. Elle doit prendre son rôle très à cœur, et pour cela, elle doit être soutenue.
Un silence tendu s'installa à nouveau autour de la table, mais cette fois, l'ambiance avait changé. La colère, la déception, et l'injustice de cette situation étaient palpables. Puis, d'une voix pleine de défi, Isabela tourna son regard vers sa mère, Julieta, ses yeux emplis de désespoir et d'espoir mêlés :
- Mamà...Tu ne vas pas laisser Abuela faire ça, pas vrai ?
Julieta détourna tristement le regard, incapable de supporter l'intensité du regard de sa fille. Elle soupira profondément, la voix brisée par le poids de cette situation, et murmura :
- J-Je...J-Je n'ai pas le choix.
Isabela écarquilla les yeux de surprise et d'indignation, un mélange de désarroi et de trahison se peignant sur son visage.
La salle resta silencieuse un instant, le choc suspendu dans l'air. Puis, Dolores se pencha doucement vers Julieta, posant une main réconfortante sur son bras et murmurant d'une voix douce et déterminée :
- Tía, il y a toujours un choix !
Mais Abuela, visiblement exaspérée, intervint immédiatement, coupant Dolores d'un geste de la main. Elle redressa les épaules, affirmant d'une voix autoritaire qui résonna dans toute la pièce :
- La décision est prise ! Mirabel est fiancée à Alexandro de la famille Guzmán. C'est un cousin de Mariano, et sa famille est aussi respectable que la nôtre.
À ces mots, Camilo, qui avait jusque-là fixé Abuela avec des yeux pleins de réprobation, écarquilla soudain les yeux, le visage déformé par une colère explosive. Il se leva brusquement de sa chaise, faisant grincer la table, et s'écria d'une voix forte :
- QUOI !? ALEXANDRO ! Sa voix se brisa presque sous la colère. Non, Abuela ! Je ne vais pas laisser ma prima se fiancer avec ce type !
Les yeux de toute la famille se tournèrent vers lui, surpris par son audace, mais Camilo ne s'arrêta pas là. Il continua, l'air résolu et farouche :
- Vous savez ce qu'il est, Abuela ? Alexandro n'est qu'un gamin arrogant ! Tout le village sait comment il traite les filles, il est malveillant et irrespectueux ! Il passe son temps à les rabaisser et à se moquer d'elles ! Vous ne pouvez pas forcer Mirabel à-
Abuela leva la main, le regard glacial, coupant Camilo dans son élan. Elle le fixait avec une sévérité qui n'admettait aucune objection. Mais Camilo ne baissa pas les yeux, et ses poings restaient fermement serrés, les bras tremblants de rage.
- Ça suffit, Camilo, rétorqua-t-elle sèchement, sa voix tranchante. Cette décision n'est pas à toi de contester. Alexandro est de bonne famille, et c'est un choix qui assurera l'avenir de Mirabel et de toute la communauté.
Pepa intervint alors, la voix tremblante, son petit nuage de pluie s'épaississant au-dessus d'elle. Elle lança un regard inquiet à sa mère.
- Mamà...Tu ne vois donc pas que Mirabel n'a jamais rien voulu de tout ça ? Elle est encore jeune, elle a toute sa vie devant elle !
Félix, d'habitude si jovial, hocha gravement la tête, ajoutant :
- Alma, nous savons tous que Mirabel n'est pas prête pour une telle responsabilité, surtout avec quelqu'un comme Alexandro.
Abuela les regarda tour à tour, le regard dur, avant de répondre froidement :
- Cette discussion est close. Mirabel fera ce qu'elle doit, pour l'honneur et la stabilité de notre famille...C'est ainsi !
Le silence s'installa dans la pièce, lourd et oppressant. Le cœur de la famille Madrigal semblait brisé, et chacun ressentait une amertume poignante. Camilo, la mâchoire serrée, lança un dernier regard plein de défi à sa grand-mère avant de détourner les yeux, luttant contre le sentiment d'impuissance qui l'envahissait.
Dolores, elle aussi, restait figée, son regard fixé dans le vide, murmurant à peine audible :
- Il y a toujours un choix...
Quant à Julieta, elle se sentait déchirée, un poids immense pesant sur ses épaules. Elle savait que sa fille allait être bouleversée en découvrant cette décision, et l'idée de ne rien pouvoir faire pour la protéger lui brisait le cœur.
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Mirabel essuya d'un revers de manche les dernières traces de larmes sur ses joues et, avec une lenteur résolue, se redressa du sol de Casita. Son regard, autrefois empli d'espoir et de ténacité, était maintenant vide, son visage marqué par une douleur sourde, impénétrable. Elle inspira profondément, un souffle tremblant, puis s'avança vers la porte, ignorant délibérément les légères secousses de Casita et les fissures qui se formaient, craquant le sol sous chacun de ses pas.
Chaque mouvement la menait, pas après pas, plus proche de la chambre de sa grand-mère. L'esprit figé sur une idée fixe, Mirabel entra dans la pièce sombre et silencieuse où brillait la chandelle magique, la flamme vacillante qui représentait le miracle et tout ce qui pesait sur ses épaules. En la voyant, ses lèvres se pincèrent, et elle s'approcha brusquement, ses doigts frôlant presque la flamme. Un murmure amer et à peine audible s'échappa de ses lèvres :
- T-Tout ça...Tout ça, c'est de ta faute !
Le sol sous elle sembla réagir à ses mots, comme si les fissures s'étendaient, se propageant en veinules sinistres qui se mêlaient dans les murs de la chambre d'Abuela, traçant leurs lignes inquiétantes sous la chandelle elle-même. Juste au moment où elle s'apprêtait à tendre la main pour s'emparer de la flamme, un chuchotement s'éleva au loin, des voix se rapprochant rapidement. Elle reconnut celles de Pepa, de sa mère, et d'Abuela.
Elle se figea, prise de court, avant de soupirer et de battre en retraite. Elle s'échappa de la chambre en silence, dévalant le couloir en courant, son cœur tambourinant dans sa poitrine, la respiration heurtée. Elle ne savait plus où elle allait, ne pensait même plus à voir devant elle.
Mirabel, les mains tremblantes et les yeux éteints, resta un moment immobile devant la porte de sa chambre. Elle sentait chaque fibre de son être en tension, comme si le poids de l'univers s'était soudain abattu sur ses épaules. Sa respiration était haletante, saccadée, et elle fixait la porte, les yeux écarquillés de désespoir. Sa chambre, autrefois un refuge plein de couleurs et de chaleur, lui apparaissait maintenant comme une cage.
Les mots d'Abuela résonnaient encore dans son esprit, tranchants comme des éclats de verre, et l'image de la chandelle luisait dans ses pensées comme une malédiction silencieuse. Elle leva ses mains devant elle, observant le tremblement incontrôlable de ses doigts. Ses paumes, froides et moites, semblaient témoigner de la lutte intérieure qui bouillonnait en elle, un mélange de peur, de colère et de désespoir.
Elle inspira profondément, cherchant à retrouver son souffle, mais rien n'y faisait. Tout en elle était chaos, comme un ouragan qui ravageait son esprit. Elle jeta un coup d'œil vers Casita, comme si elle attendait un signe, un mouvement, une simple lueur d'encouragement. Pourtant, même Casita semblait silencieuse, témoin impuissant de la souffrance de la jeune fille.
Se résignant, Mirabel recula d'un pas, puis leva le poing et frappa violemment contre la porte de sa chambre, chaque coup résonnant comme un cri muet. Le bruit sourd résonnait dans le couloir, mais elle ne pouvait plus s'arrêter, chaque frappe semblait expulser un fragment de la douleur refoulée, un éclat de cette culpabilité qui l'étouffait. Elle se mordit la lèvre pour étouffer un sanglot, mais les larmes se mirent à couler librement, glissant sur ses joues et tombant, silencieuses, sur le sol de Casita.
Elle se laissa glisser contre la porte, ses doigts crispés autour de sa robe, le regard perdu dans le vide. Qu'allait-elle faire ? Elle n'était qu'une adolescente de quinze ans, déjà écrasée par des attentes démesurées. Le sentiment d'impuissance l'envahit à nouveau, comme une marée qui monte, et elle murmura, la voix brisée :
- P-Pourquoi moi...Pourquoi je dois porter tout ça ?
Ses mains glissèrent lentement le long de sa robe, et elle resta là, recroquevillée devant la porte, tandis que le silence de Casita l'enveloppait. Elle n'était plus sûre de rien, ni de sa place, ni de ses rêves.
Mirabel sentit soudain une main douce et légère se poser sur son épaule, lui arrachant un sursaut. Elle écarquilla les yeux, le cœur battant, puis leva lentement la tête, tentant de discerner la silhouette devant elle malgré la brume de ses larmes et l'absence de ses lunettes. Clignant des yeux pour mieux voir, elle plissa le regard et murmura, hésitante :
- C-Camilo...?
La silhouette se précisa, et le visage familier de Camilo apparut dans son champ de vision, avec cette expression sérieuse qu'elle ne lui voyait plus souvent. Ses traits, autrefois rieurs et taquins, semblaient plus fermés, presque tristes, comme s'il portait lui aussi le poids de quelque chose de trop lourd. Elle se souvint alors de leurs rires partagés, de leurs secrets échangés dans les coins de Casita. Il y avait eu un temps où il était plus qu'un cousin, presque un frère, un complice avec qui elle pouvait tout partager. Mais, depuis l'obtention de son don, il s'était éloigné, tout comme les autres.
Camilo retira lentement sa main de l'épaule de Mirabel, les yeux fuyants, comme s'il hésitait à être là, à se tenir aussi proche d'elle. Il prit une profonde inspiration et la regarda enfin, plongeant dans les yeux rouges et embués de sa cousine, visiblement ébranlé.
- Mirabel, j-je...Il hésita, cherchant ses mots, sa voix presque tremblante. Je t'ai vue courir ici et... Il s'arrêta, comme s'il n'avait pas les mots justes, puis soupira et baissa les yeux. Abuela nous a dit, qu'elle t'a fiancé avec Alexandro. Pourquoi n'as-tu pas essayé de te défendre ? Pourquoi tu te laisse faire par les ordre d'Abuela ?
Mirabel sentit une vague de frustration monter en elle. Elle serra les poings, cherchant à contenir sa colère et sa peine.
- Tu penses que je n'ai pas essayé, Camilo ? Que je n'ai pas passé des années à essayer de me faire entendre ?! Sa voix était brisée, emplie de reproches. Chaque fois, c'était comme si j'étais invisible pour vous tous. Et maintenant...M-Maintenant Abuela veut...Elle ne termina pas sa phrase, l'angoisse montant dans sa gorge comme un étau.
Camilo parut troublé, ses sourcils froncés d'inquiétude. Lui aussi avait changé au fil des ans, ses moqueries et ses taquineries s'étaient peu à peu transformées en distance froide, comme s'il avait perdu la connexion qui les liait autrefois.
- Je suis désolé, Mirabel, murmura-t-il, détournant le regard. Je sais que...J-Je t'ai laissée seule, et c'était pas juste. Je savais que tu souffrais, mais j'ai...Il prit une pause, puis ajouta d'une voix presque coupable, j'ai laissé les choses suivre leur cours, comme tout le monde.
Mirabel serra les dents, luttant contre une nouvelle vague de larmes. Son cœur était partagé entre la douleur de ces années d'isolement et la fragile lueur de compassion qui semblait enfin se rallumer chez son cousin.
- C'est trop tard maintenant Camilo, murmura-t-elle en détournant la tête. Abuela a tout décidé, elle a même choisi quelqu'un pour moi. Et t-toi tu es là, maintenant ?
Camilo resta silencieux un instant, le regard fixé sur Mirabel, prenant enfin la pleine mesure de sa détresse. Elle semblait tellement brisée, chaque parcelle de son visage trahissant l'épuisement et le désespoir accumulés. La voir ainsi réveilla en lui un remords profond, un sentiment qu'il avait tenté de refouler pendant longtemps.
Brusquement, il s'agenouilla devant elle, posant ses mains sur ses frêles épaules, comme s'il voulait la maintenir debout, ou peut-être comme si c'était lui qui avait besoin de s'ancrer. Ses mains tremblaient, tout comme sa voix lorsqu'il parla, la gorge serrée.
- M-Mirabel...J-Je...Il déglutit, son regard fuyant un instant, puis il plongea ses yeux dans ceux de sa cousine. Je te jure...J-Je ne voulais pas ! Je n'ai jamais voulu que tout ça arrive....Abuela m'a forcé...
Mirabel écarquilla les yeux, surprise et confuse. Elle murmura d'une voix faible, presque brisée :
- Q-Quoi...?
Camilo se redressa, le visage marqué par une étrange culpabilité et une détresse qu'elle ne lui avait jamais vue. Il semblait pris dans un conflit intérieur, comme s'il pesait chaque mot, cherchant le courage d'en dire davantage.
- Mirabel, dit-il doucement, en jetant des regards nerveux autour d'eux. J-Je...On devrait parler... dans ta chambre, d'accord ? Je ne veux pas que ma sœur nous entende. Dolores écoute tout !
Sans attendre sa réponse, il prit sa main, l'invitant à le suivre avec un regard qui lui suppliait de lui faire confiance. Mirabel, encore sous le choc de ses révélations, sentit sa tête tourner légèrement, mais elle hocha finalement la tête, avant que Casita ouvre la porte de la chambre de Mirabel, invitant les deux Madrigal à entrer.
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