Chapitre 19 : Les 3 mousquetaires !

Après deux semaines de travail acharné, la Casita était presque entièrement reconstruite, et la famille Madrigal pouvait enfin envisager de s'installer dans leurs chambres refaites. Les habitants du village, dont les Guzmán, avaient aidé avec générosité et dévouement, contribuant à la reconstruction avec une énergie contagieuse. La Casita renaissait lentement, comme un symbole d'espoir pour tous, et chacun se réjouissait de pouvoir y retrouver son chez-soi.

Cependant, dehors, dans les rues d'Encanto, Mirabel vivait une toute autre réalité. Elle était en train de vendre ses dernières créations de robes à la boutique de señora Angélica. Son travail de couturière lui permettait de gagner de l'argent, mais elle ressentait toujours le poids du vide qui l'habitait. Alors qu'elle coupait le tissu avec soin, ses gestes étaient précis, mais ses pensées étaient ailleurs. Les murmures des villageois derrière la vitre ne lui échappaient pas.

Isabela, Dolores et Luisa se tenaient devant la vitrine, leur regard implorant, leurs gestes désespérés. Elles avaient traversé tant d'épreuves sans leurs dons, mais ce qui semblait les troubler le plus était la question du comment : comment récupérer ce qui avait été perdu ? Mirabel tourna lentement la tête, apercevant les expressions pleines d'espoir de ses sœurs et de sa cousine. Elles l'observaient, attendant des réponses, attendant qu'elle leur vienne en aide.

Elle soupira profondément, se retenant de lever les yeux au ciel. Ce n'était pas la première fois qu'elles lui faisaient cette demande. Mais chaque fois, elle leur répondait avec une sincérité froide, parfois lasse. Elle leva finalement les yeux vers elles à travers la vitre, son visage impassible.

- Je n'ai aucune idée de comment faire ! murmura-t-elle à voix basse, comme si elle répétait une phrase qu'elle avait déjà dite un millier de fois. Sa voix, presque monotone, trahissait son exaspération, et elle se remit à couper son tissu avec une précision méthodique, comme pour signifier qu'elle ne souhaitait pas poursuivre cette conversation.

Les trois jeunes femmes restèrent là, une lueur d'incompréhension et de frustration dans les yeux. Isabela, les mains sur les hanches, déglutit avant de tenter une autre approche, mais Dolores, visiblement fatiguée, baissa les yeux, en proie à un sentiment de résignation. Luisa, quant à elle, sembla sur le point d'intervenir à son tour, mais un simple geste de la main de Mirabel les arrêta.

Mirabel savait qu'elles souffraient, tout comme elle. Mais comment leur dire qu'elle aussi portait cette douleur ? Elle n'avait pas les réponses qu'elles attendaient. Pas encore, en tout cas.

Après des longues minutes, elle venait de finir sa dernière tâche pour la journée, une dernière robe cousue avec soin. Elle savait que c'était la dernière fois qu'elle travaillait ici, la dernière paie, avant de repartir vers un futur incertain. Avec un soupir, elle prit l'enveloppe que lui tendit la vieille dame, la remerciant d'un ton froid, presque distant. Elle la garda serrée dans sa main, puis s'éloigna de la boutique.

Alors qu'elle traversait la place du marché, Mirabel aperçut au loin sa tía Pepa, accompagnée de Camilo et Antonio. Sans hésiter, elle se précipita vers eux, l'enveloppe en main.

- C'est la dernière paie, tía, murmura-t-elle, la voix tremblante d'épuisement.

Pepa lui sourit, prenant l'enveloppe sans dire un mot, mais son regard était curieux.

Mirabel se tourna légèrement, jetant un coup d'œil furtif par-dessus son épaule. Elle aperçut Isabela, Luisa et Dolores qui marchaient à une certaine distance, toujours dans sa direction. Elles semblaient vouloir la rejoindre, et cela commençait sérieusement à la déranger. La tension monta dans sa poitrine, et elle soupira bruyamment.

- Pourquoi est-ce qu'elles ne veulent pas me lâcher à la fin ?! se murmura-t-elle, le ton tranchant.

Antonio, toujours optimiste, se mit à rire doucement, essayant de détendre l'atmosphère. Mais Pepa, confuse, observa sa nièce.

- Mirabel, tu ne veux pas que l'on parle à tes sœurs et à Dolores ? demanda-t-elle, son regard inquiet s'attardant sur la jeune fille. Est-ce qu'elles te font du tort ?

Mirabel, incapable de contenir ses émotions plus longtemps, ferma les yeux un instant et des larmes commencèrent à couler silencieusement. Son cœur était lourd, et son corps épuisé de tout ce qu'elle avait dû supporter, seule. Sans réfléchir, elle se cacha derrière Camilo, cherchant inconsciemment la sécurité de sa présence.

- J-Je...J'ai travaillé toute la journée et je suis épuisée tía, Cami et Toñito...murmura-t-elle, sa voix brisée.

Camilo hocha la tête en silence, son regard se dirigeant vers sa mère. Il savait exactement ce qu'il fallait faire. Il jeta un regard lourd à Pepa, lui demandant sans mot dire de s'occuper des sœurs de Mirabel. Pepa, bien qu'un peu déconcertée par la situation, acquiesça d'un signe de tête, prête à agir. Elle savait que sa fille avait besoin d'aide, mais aussi que Mirabel ne pouvait pas continuer à être seule face à tout cela.

- Je vais leur parler, dit Pepa, avant de se tourner vers les trois autres femmes qui ne semblaient pas avoir terminé leur petit rassemblement à une distance. Elle savait qu'elles allaient avoir une conversation sérieuse.

Mais contrairement à Julieta, Pepa n'était pas du genre à être indulgente ou patiente face à ce genre de situation. Elle se tenait droite, prête à confronter les sœurs et Dolores sur leur comportement. Mirabel, cachée derrière Camilo, s'efforça de calmer sa respiration. Elle n'aimait pas la confrontation, mais elle savait qu'il était temps de faire face à la réalité de la situation.

Encore fragile et émotionnellement secouée, elle s'effondre lentement sur le sol, épuisée par la lourdeur de la situation et de ses pensées. Ses respirations sont saccadées, mais elle essaie de se calmer en inspirant profondément.

Camilo, qui a observé la scène, s'agenouille près d'elle, son visage marqué par une expression de fierté et de bienveillance. Il pose une main rassurante sur son épaule, et avec un sourire sincère, il lui dit :

- Tu t'améliores de jour en jour, Mira...Je suis vraiment fière de toi !

Mirabel, un peu surprise par ses mots, relève lentement la tête vers lui, un léger sourire en coin qui commence à effleurer ses lèvres. Elle murmure, incertaine, presque comme pour chercher une confirmation :

- V-Vraiment ?

Camilo hoche vigoureusement la tête, son regard plein de fierté et de soutien. Avant qu'il puisse ajouter quoi que ce soit, Antonio, le plus jeune de la famille, court vers Mirabel et la prend dans ses bras. Il la câline tendrement et, avec son innocence habituelle, lui dit :

- Tu fais moins peur maintenant !

Mirabel sourit faiblement, touchée par l'affection de son petit cousin. Mais en entendant ses mots, un froncement de sourcils apparaît sur son visage. Elle semble sur le point de répondre, quand Camilo, d'une voix calme, intervient rapidement, posant une main protectrice sur l'épaule d'Antonio pour l'arrêter.

- Toñito, n'oublie pas que Mira est toujours instable mentalement. Tu dois faire attention à ce que tu dis !

Mirabel, encore sous le choc de ses émotions, jette un regard troublé à Camilo. Elle n'est pas sûre de ce qu'il veut dire exactement, mais un petit sourire, fragile, commence à se dessiner sur son visage, comme si un poids se levait légèrement. Elle reprend doucement ses esprits avant de se redresser, attrapant Antonio dans ses bras pour le serrer contre elle. Elle laisse une lueur d'humour transparaître dans son regard.

- Maintenant que nous avons nos chambres, qui est prêt à les décorer ? dit-elle d'un ton taquin, comme pour alléger l'atmosphère. La meilleure chambre gagne les desserts des perdants !

Camilo et Antonio sourient, cette fois un peu plus détendus. L'énorme charge émotionnelle semble se dissiper lentement, et les rires commencent à résonner, apportant une touche d'espoir et de complicité parmi la famille.

🕯✨️🕯

Dans la chambre d'Abuela, les adultes Madrigal étaient réunis, l'ambiance alourdie par des discussions sérieuses. Alma était assise sur son fauteuil, les mains jointes, écoutant ses enfants et beaux-enfants partager leurs préoccupations. Bruno était adossé à un coin de la pièce, évitant le contact visuel direct avec sa mère, tandis que Julieta et Pepa se tenaient côte à côte, un mélange d'inquiétude et de tension dans leurs regards. Augustín et Félix échangeaient des murmures discrets, mais leurs visages reflétaient la même préoccupation.

Pepa fut la première à prendre la parole, brisant le silence :

- Dolores, Luisa et Isabela n'arrêtent pas d'embêter Mirabel. Et ça ne date pas d'hier, c'était déjà le cas quand Camilo a reçu son don. Elle croisa les bras avec frustration. Mais maintenant, après tout ce qu'il s'est passé, ça devient insupportable pour elle. Mirabel se renferme encore plus !

Julieta soupira profondément, posant une main sur sa poitrine.

- Elles ne se rendent pas compte à quel point elles lui font du mal...Après tout ce qu'elle a traversé. J'ai essayé de leur parler, mais elles minimisent tout. Elles pensent que ça n'a pas d'importance !

Félix, qui tenait l'épaule de Pepa pour la calmer, intervint.

- Camilo, lui, est tout l'opposé. Il passe son temps à la surveiller, à essayer de la protéger. Il la défend même quand ce n'est pas nécessaire. Mais ça ne suffit pas, Pepi.

Bruno, qui jusque-là était resté silencieux, murmura en fixant le sol :

- Mirabel est épuisés pas seulement physiquement, mais émotionnellement. Elle donne tout pour la famille, et pourtant elle continue de porter ce vide en elle ! Il leva enfin les yeux vers Alma. Et je crois qu'on est tous responsables.

Alma, piquée au vif par la remarque de son fils, fronça les sourcils, mais garda le silence, comme si elle réfléchissait à une réponse. Pepa reprit, avec plus d'émotion cette fois :

- Bruno a raison. Si on ne fait rien, si on ne trouve pas un moyen de la soutenir, on risque de la perdre pour de bon !

- Alors, que proposez-vous ? demanda Augustín, cherchant des solutions, son ton inquiet.

Julieta répondit rapidement, la voix tremblante mais déterminée :

- Nous devons tous montrer à Mirabel qu'elle compte, que sa valeur ne dépend pas d'un miracle ou d'un don. Mais surtout...Il faut que tout le monde le comprenne !

Elle fixa Alma, son regard insistant.

Un silence pesant envahit la pièce. Alma détourna brièvement les yeux, visiblement touchée par les mots de sa fille aînée, mais trop fière pour répondre immédiatement.

Félix tenta de détendre l'atmosphère :

- Peut-être qu'on peut commencer par faire en sorte que Dolores, Luisa et Isabela mettent de l'eau dans leur café surtout Dolores.

Pepa hocha la tête.

- Elles doivent s'excuser, et pas juste avec des mots. Il faut qu'elles changent leur attitude envers elle...Un jour, elles vont sérieusement me rendre folle !

Alors que les discussions se poursuivaient, des éclats de rire retentirent depuis l'extérieur. Camilo, Antonio et Mirabel jouaient joyeusement, l'écho de leur complicité contrastant avec l'intensité du débat dans la pièce. Félix sourit faiblement en entendant sa nièce rire, mais son expression s'assombrit vite.

- Elle sourit peut-être maintenant, mais combien de temps ça va durer ? murmura-t-il presque pour lui-même.

Tous les regards se croisèrent, l'urgence de la situation devenant de plus en plus claire.

Bruno, assis à côté de Pepa, esquissa un sourire mélancolique en disant :

- Au moins, Camilo et Antonio réussissent à lui arracher quelques sourires, même s'ils sont rares.

Pepa hocha la tête avec un soupir :

- Oui, surtout Camilo. Il est devenu tellement protecteur avec elle...Je pense que ça commence à irriter un peu Isabela, Dolores, et même Luisa ?

Julieta, appuyée contre le mur, laissa échapper un profond soupir.

- Dios merci pour ça ! Chaque fois que je la vois se cacher derrière Camilo quand ses sœurs ou Dolores la suivent, je suis partagée entre la douleur et le soulagement.

Elle croisa les bras, son regard se perdant dans ses pensées. Alma, qui écoutait en silence jusqu'à présent, déclara d'un ton ferme :

- Soyons honnêtes...Cela fait trois semaines que Mirabel est comme ça. Si elle continue, elle finira par se perdre complètement !

À ces mots, Félix, assis avec une posture décontractée, arqua un sourcil.

- On se demande bien à cause de qui, hein ?

Pepa tourna brusquement la tête vers son mari, ses cheveux commençant à crépiter légèrement.

- FÉLIX ! Ne commence pas...

Félix leva les mains, feignant une mine innocente.

- Pardon, pardon...Mais avoue que j'ai raison mi vida ?

Augustín, jusque-là silencieux, leva calmement une main pour intervenir.

- Félix a raison.

Les regards dans la pièce convergèrent vers lui. Son ton était calme mais chargé d'une pointe de frustration.

- Soyons honnêtes, cette situation n'est pas née de rien. Mirabel n'est pas tombée dans cet état du jour au lendemain. Il y a des blessures bien plus anciennes que la perte de la magie.

Alma baissa les yeux, son visage se fermant légèrement. Pepa, de son côté, semblait hésiter entre soutenir son mari et protéger sa mère. La tension dans la pièce devint palpable.

Bruno brisa le silence en murmurant :

- Ce n'est pas juste la magie. C'est l'attente, la pression, et ce qu'elle a dû porter seule. On a tous notre part de responsabilité !

Julieta regarda sa mère fixement, son ton devenant plus tranchant :

- Mamá...Si nous ne faisons rien pour vraiment l'aider maintenant, alors tout ça n'aura servi à rien. Reconstruire Casita, retrouver notre unité...Ce sera vide de sens si Mirabel reste brisée.

Un silence pesant suivit, Alma semblant chercher ses mots. Félix posa une main rassurante sur l'épaule de Pepa, et Bruno fixa le sol, le visage sombre. La pièce semblait retenir son souffle, une décision implicite flottant dans l'air.

Alma se tenait droite, ses mains jointes, et sa voix tremblante d'une détermination qu'elle semblait vouloir regagner.

- Notre peuple a besoin de nous, ! déclara-t-elle avec insistance.

Julieta fronça les sourcils, croisant les bras avec une expression sévère.

- Mamá, dit-elle calmement mais fermement, tu parles du peuple comme s'il était au-dessus de notre famille, mais la priorité devrait être Mirabel !

Pepa, assise sur une chaise, ne disait rien, mais son expression grave montrait qu'elle écoutait attentivement. Bruno, en revanche, rompit le silence d'un rire amer. Il s'appuya contre un mur en secouant la tête.

- Ah, mamá, c'est plutôt eux qui nous compliquent la vie. Ce n'est pas nous qui échouons à les aider, c'est eux qui nous reprochent leurs malheurs.

- BRUNO ! s'exclama Alma, outrée, mais il leva la main pour continuer.

- Non, laisse-moi terminer, répondit-il sèchement, son ton inhabituellement tranchant. Je les ai entendus, tu sais. Parfois, ils murmurent en ma présence parce qu'ils pensent que je suis fou et que je ne capte rien. Ils disent que Mirabel aurait dû être bannie. Certains se demandent pourquoi tu ne l'as pas déjà envoyée hors d'Encanto pour ce qu'elle a fait !

Un silence pesant s'installa dans la pièce. Pepa détourna le regard, visiblement mal à l'aise. Julieta, quant à elle, sembla retenir un souffle en entendant ces mots. Alma, déconcertée, chercha un instant à riposter, mais aucun mot ne franchit ses lèvres.

- Mirabel a donné tout ce qu'elle avait pour cette famille, pour cette communauté, et voilà comment certains réagissent, poursuivit Bruno, plus doucement mais avec la même colère contenue. Et toi, mamá, tu sembles plus préoccupée par les murmures des autres que par le bien-être de ta propre petite-fille !

Pepa murmura finalement, d'une voix à peine audible :

- Bruno n'a pas tort...J'ai vu les regards, entendu les chuchotements....Ils sont injustes avec elle !

Alma baissa les yeux, visiblement troublée. Elle chercha ses mots, mais Julieta prit la parole avant elle.

- Ce n'est pas Mirabel qui devrait se sentir bannie ou coupable. Ce sont eux qui devraient avoir honte de leur comportement !

Les regards se tournèrent vers Alma, qui semblait accablée par la tension dans la pièce. Un long silence suivit, rempli d'émotions contradictoires. Bruno rompit ce silence avec un soupir fatigué.

- Si tu veux réellement aider le village, mamá, commence par protéger Mirabel au lieu de la sacrifier à leur jugement.

🕯✨️🕯

Mirabel était assise sur une pile de gravats devant l'emplacement de la Casita en construction, un vieux livre ouvert sur ses genoux. Le soleil tapait doucement, mais elle semblait à peine s'en soucier, absorbée dans sa lecture. Elle tourna lentement une page, un soupir échappant à ses lèvres. C'était son moment de répit, son refuge contre les tensions constantes. Mais ce calme fut interrompu par des pas rapides qui approchaient.

Elle n'eut même pas besoin de lever les yeux pour savoir qui venait. Encore elles. Elle referma son livre brusquement, posant son regard exaspéré sur Isabela, Dolores et Luisa, qui semblaient déjà prêtes à parler.

Sans attendre qu'elles ouvrent la bouche, Mirabel lâcha d'un ton sec :

- Si c'est encore pour me demander de vous rendre vos dons, je vais vraiment me jeter par la fenêtre, mesdames !

Les trois femmes s'arrêtèrent, surprise par sa franchise. Dolores posa une main sur sa hanche, les sourcils froncés, mais c'était Isabela qui brisa le silence.

- Allez, Mirabel, ce n'est pas juste ! Pourquoi Camilo a eu le droit, lui ?

Mirabel pinça les lèvres, fixant Isabela avec un regard qui oscillait entre l'agacement et la lassitude.

- J'en sais rien ! Je ne comprends toujours pas...Mais s'il-vous-plaît, ça devient lançant de vous voir m'harceler jour et nuit, répondit-elle froidement.

Luisa croisa les bras, visiblement irritée.

- Mais tu ne comprends pas, Mirabel ! C'était notre identité. Sans nos dons, c'est comme si une partie de nous avait disparu.

- Ah bon ? Vous avez perdu une "partie de vous" ? répondit Mirabel en se levant, les yeux fixant intensément Luisa. Elle tapota sa poitrine. Essayez de vivre toute votre vie sans avoir de "don" en premier lieu, sans jamais être vue comme une part de la famille. Vous voulez parler d'identité ? Essayez de vous sentir invisible à chaque repas, Isa, ou inutile à chaque fête, Luisa. Vous n'avez rien perdu. Vous avez juste à apprendre ce que ça fait d'être normales !

Dolores échangea un regard gêné avec ses cousines, mais Isabela insista.

- Ce n'est pas la même chose, Mirabel. On a grandi avec ces dons...On a construit nos vies autour d'eux !

Mirabel leva les mains, exaspérée.

- Eh bien, bienvenue dans mon monde, répondit-elle sèchement. Et si ça vous dérange tant que ça, trouvez une autre personne à blâmer...Parce que je commence à en avoir assez de porter !

Isabela, les bras croisés, semble exaspérée. Elle avance de quelques pas et dit d'un ton ferme :

- Mira, je sais que tu nous caches quelque chose ! Ce n'est pas logique ! Camilo n'a pas pu avoir son don par pure magie. Il y a autre chose, et je veux savoir quoi ?!

Mirabel, sans même lever les yeux de son livre, tourne une page calmement et répond avec désinvolture :

- Pour le coup, si.

Sa réponse simple, presque indifférente, semble attiser la frustration d'Isabela. Dolores, qui avait jusque-là gardé une posture neutre, intervient doucement, mais avec conviction :

- Isabela a peut-être raison, Mirabel. Il y a quelque chose de différent dans tout ça ? Tu ne nous dis pas tout !

Luisa, qui a toujours été protectrice mais aussi directe, ajoute en fronçant les sourcils :

- On ne veut pas te mettre la pression, mais ça nous concerne aussi. Et puis, tu sais qu'on est là pour toi, non ?

Mirabel reste impassible. Elle referme le livre lentement, le posant sur la table à côté d'elle, avant de lever enfin les yeux vers elles. Son regard est froid, mais non agressif. Elle souffle légèrement, croisant les bras.

- Vous savez quoi ? Si c'est ça votre idée d'être "là pour moi", en m'accusant à demi-mot, je préfère m'en passer.

Elle se lève, prête à quitter la pièce, mais Dolores, avec son ouïe fine, remarque un léger tremblement dans sa voix. C'est subtil, mais cela trahit l'émotion refoulée.

Isabela tente de rattraper la situation en s'approchant légèrement, les mains ouvertes dans un geste apaisant :

- Mira, je ne veux pas te blesser....On essaie juste de comprendre !

Mais Mirabel lève une main pour l'arrêter, son expression se durcissant.

- Comprendre quoi ? Que je suis celle qui a détruit Casita ? Que c'est de ma faute si on n'a plus de dons ? Ou que vous voulez une raison pour justifier pourquoi tout est de nouveau sur mes épaules ?

Le silence dans la pièce devient pesant. Luisa, sentant la tension monter, baisse la tête, tandis qu'Isabela et Dolores échangent un regard, comme si elles cherchaient quoi dire. Mirabel, reprenant un ton plus calme mais toujours distant, conclut :

- Vous voulez des réponses ? Cherchez-les vous-mêmes. Moi, j'en ai assez !

Isabela, prise par un élan de culpabilité et d'inquiétude, attrapa brusquement le bras de sa cadette, déterminée à ne pas la laisser partir ainsi.

- Lâche-moi ! siffla Mirabel en se retournant avec des yeux remplis de frustration.

Dans un mouvement brusque, elle dégagea son bras et poussa Isabela, qui perdit l'équilibre et tomba à genoux sur le sol. Dolores, choquée, s'approcha rapidement pour aider sa cousine à se relever.

- Ça ne sert à rien de t'enfuir à chaque problème, Mirabel ! lança Dolores, sa voix tremblante, autant de colère que de tristesse.

Mirabel, le souffle court, se tourna lentement, les sourcils froncés et une froideur déconcertante dans le regard.

- Je ne fuis pas, rétorqua-t-elle sèchement. Je m'éloigne de vous.

Ses paroles tombèrent comme un couperet, laissant un silence pesant s'installer dans la pièce. Mais Luisa, toujours protectrice et profondément blessée par cette distance, éleva la voix pour briser ce silence.

- POURQUOI ? cria-t-elle, la détresse claire dans son ton.

Mirabel haussa simplement les épaules, son expression indifférente masquant les tempêtes intérieures qu'elle combattait.

Isabela, désormais debout grâce à Dolores, fronça les sourcils et posa une main sur ses hanches, visiblement exaspérée par l'attitude de sa sœur cadette.

- Tu penses que te cacher chez Camilo va résoudre quoi que ce soit, Mirabel ? lança-t-elle, son ton plein de reproches, mais aussi d'une pointe de désespoir.

Mirabel se figea un instant à l'évocation de Camilo, ses traits se durcissant davantage. Elle baissa la tête, son silence parlant plus fort que ses mots. Isabela, toujours soutenue par Dolores, s'essuie la poussière de sa robe.

Dolores, visiblement sur les nerfs, renchérit, sa voix tremblant légèrement de colère :

- Et mon frère, lui, doit être si aveugle pour encore te faire confiance après ce que tu as fait...CETTE STUPIDE TRAHISON !

Mirabel se retourne brusquement cette fois, ses yeux sombres lançant un regard froid.

- Tu sais quoi, Mirabel ? Tu es encore plus vilaine qu'Abuela !

Mirabel, la respiration saccadée, stoppe sa marche brusque et se retourne lentement pour faire face à Isabela, Dolores, et Luisa. Son regard est froid, dépourvu de toute étincelle. Elle fixe Isabela, puis Dolores, ses poings serrés à ses côtés.

- Encore plus vilaine qu'Abuela ? dit-elle avec un rire amer, son ton oscillant entre colère et désespoir. Vous avez vraiment le culot de comparer ce que j'ai fait à tout ce qu'elle m'a fait subir, Dolores ?

Dolores serre la mâchoire, mais Isabela intervient, tentant de calmer la situation. Isabela se met devant sa cousine, les bras croisés en soupirant.

- Mirabel, ce n'est pas ce que Dolores voulait dire. Elle est juste énervée ! Regarde, on sait que tout ça est difficile, mais...

Mirabel l'interrompt en haussant la voix.

- Difficile ? Pour vous ? Elle rit à nouveau, ce rire cassé et vide. Vous avez quoi, trois semaines d'inconfort ? Moi, j'ai dix ans de souvenirs que je voudrais effacer. Dix ans à être invisible, à me battre pour un sourire, un regard de votre part, à être la seule Madrigal sans place. Vous pensez comprendre ce que c'est ? Ne me faites pas rire !

Elle fait un pas en arrière, sa main tremblant légèrement. Luisa essaie de calmer les tensions dans l'air.

- On ne dit pas que c'est pareil, mais...Pourquoi tu refuses de nous parler, de nous laisser t'aider ?

Mirabel secoue la tête, son regard se durcissant.

- Parce que ce n'est pas de l'aide que je veux ! C'est du respect, c'est des excuses sincères. Et honnêtement, c'est trop tard.

Elle tourne les talons, prête à partir, mais Isabela lança un regard noir à sa petite sœur.

- Alors quoi ? Tu vas te cacher chez Camilo, encore et toujours ? Tu crois qu'il pourra réparer tout ça pour toi, hein ?

Mirabel se fige à cette remarque, ses épaules se raidirent. Puis elle pivote sur ses talons, ses yeux lançant des éclairs.

- Je vais te dire une chose, Isabela...Camilo est peut-être le seul à avoir encore assez de cœur pour essayer de comprendre ce que je ressens et si tu ne peux pas le respecter, alors tu ferais mieux de te taire!

Dolores, agacée, croise les bras.

- C'est ça ! Va courir te réfugier dans ses bras comme une enfant. Mais un jour, il se rendra compte que tu ne fais que trahir tout le monde autour de toi, même lui !

Cette phrase frappe Mirabel de plein fouet. Une expression de douleur traverse brièvement son visage, mais elle se masque rapidement derrière un regard de défi.

- Si c'est ce que tu crois, Dolores, c'est ton problème. Mais je te conseille de ne pas te mêler de mes affaires. Je n'ai plus rien à prouver à qui que ce soit !

Elle tourne à nouveau les talons, s'éloignant rapidement cette fois, ses pas lourds résonnant dans le silence tendu d'Encanto.

🕯✨️🕯

Dans la pièce, la lumière tamisée de la salle à manger créait une ambiance calme et intime. Mirabel était assise à la table, concentrée sur la réparation de la peluche d'Antonio. Elle tenait délicatement l'aiguille entre ses doigts, utilisant toute son attention pour rassembler les morceaux du tissu usé. Ses gestes étaient précis, presque méthodiques, comme si chaque point de couture était une tentative de reconstruire quelque chose de plus grand qu'un simple jouet.

Autour d'elle, les outils de couture étaient disposés avec soin aiguilles, fils de toutes les couleurs, et des morceaux de tissu éparpillés. Elle se mordillait légèrement la lèvre, perdue dans la tâche, essayant de faire disparaître les petites imperfections de la peluche d'Antonio. Il y avait quelque chose dans la tranquillité de cet instant qui semblait la protéger du monde extérieur, quelque chose qui l'aidait à se recentrer.

Julieta entra doucement dans la pièce, son regard s'attardant un instant sur sa fille. Elle s'approcha lentement, observant Mirabel sans la déranger, laissant son regard se poser sur les mains habiles de sa fille qui travaillaient sans relâche. Son cœur se serra en voyant le dévouement de Mirabel, la manière dont elle se plongeait dans des tâches simples, sans un mot, comme si elle cherchait à fuir la douleur des derniers événements.

Après un moment de silence, Julieta se força à faire un pas en avant, brisant la barrière invisible qui s'était installée entre elles. Elle s'installa lentement près de la table, posant une main sur le côté de la chaise avant de regarder Mirabel d'un air doux.

- M-Mi vida ? murmura Julieta, avec une tendre hésitation.

Elle avait voulu parler à sa fille depuis un moment, mais les mots semblaient toujours se coincer dans sa gorge. Elle savait que la situation entre elles était tendue, mais elle n'était pas prête à abandonner l'espoir d'une réconciliation.

Mirabel n'avait pas relevé la tête, continuant de coudre sans répondre. Son silence était lourd, et Julieta pouvait presque sentir les murs invisibles que sa fille avait érigés autour d'elle. Malgré cela, Julieta persista.

- Je sais que ça a été difficile pour toi, pour nous tous. Elle marqua une pause, cherchant ses mots. Mais je veux que tu saches, Mirabel...Je suis toujours là pour toi. Et je suis désolée...Je suis tellement désolée si je n'ai pas su te montrer combien je tiens à toi ces derniers temps !

Les mots de sa mère se frayèrent un chemin dans l'air, mais Mirabel ne répondit toujours pas. Ses yeux étaient fixés sur la peluche, mais son esprit était ailleurs, perdu dans ses pensées.

Julieta attendait une réaction, mais elle n'obtint rien. Au lieu de cela, elle observa Mirabel, son visage marqué par la fatigue, mais aussi par la détermination. Elle savait que Mirabel était forte, mais elle comprenait aussi que cette force venait d'une douleur profonde, qu'elle n'était pas prête à partager.

- Je sais que tu souffres, ajouta Julieta, sa voix se brisant un peu. Mais tu n'es pas seule. Tu n'as jamais été seule, ma vida.

Mirabel, après un long moment de silence, posa enfin son travail de couture. Elle tourna lentement la tête vers sa mère, ses yeux se perdant un instant dans les siens. Il n'y avait ni colère ni haine dans son regard, juste une profonde lassitude.

- Je sais, murmura-t-elle d'une voix presque inaudible. Mais...C'est difficile, mamá. C'est même tellement difficile.

Julieta, émue, tendit les bras vers sa fille, qui hésita un instant avant de se laisser envelopper dans l'étreinte chaleureuse de sa mère. Le silence entre elles était lourd, mais il portait une promesse. Une promesse que, malgré la distance qu'elles avaient eue, elles finiraient par se retrouver, lentement, pas à pas.

- Je suis désolée, mamá, murmura Mirabel, la voix faible. Isabela, Luisa et Dolores ne veulent pas me laisser tranquille...Elles pensent même que je suis vilaine, comme Abuela.

Julieta soupira en caressant doucement les cheveux de sa fille, posant un baiser sur son front. Elle savait que Mirabel avait été brisée, non seulement par l'effondrement de Casita, mais aussi par la dureté des jugements qui avaient été portés sur elle, que ce soit par sa famille ou par les villageois. Julieta savait que son cœur était lourd de regrets et de sentiments de rejet.

- Mirabel, dit-elle avec douceur, ne laisse pas les autres te dire qui tu es ! Ce n'est pas la vérité...Tu es gentille, belle, douce et encore plus !

Mirabel se mordillait la lèvre, évitant de regarder sa mère dans les yeux.

- Je ne sais même plus qui je suis, murmura-t-elle. J'ai tout détruit...Et pourtant, vous êtes tous là, essayant de réparer ce que j'ai brisé.

Julieta déposa un autre baiser sur son front, plus ferme cette fois-ci, avant de reculer légèrement pour la regarder.

- Tu n'es pas seule, ma vida. Nous allons tout reconstruire ensemble. Et, quoi qu'il arrive, tu es ma fille, et je t'aime. Rien ne changera cela !

Mirabel hocha lentement la tête, en soupirant légèrement. Elle se sentait perdue, mais dans les bras de sa mère, elle trouvait un peu de paix, un peu de réconfort. Et même si tout semblait brisé autour d'elle, Julieta était là, pour la soutenir, pour lui rappeler qu'elle n'était pas toute seule.

Julieta finit par demander directement à Mirabel, sa voix trahissant une pointe de douceur, mais aussi de fermeté.

- Et puis, Camilo et Antonio te rendent encore des visites ces derniers temps ? demande-t-elle, espérant que ses enfants aient fait des efforts pour rétablir la communication avec leur cousine et sœur.

Mirabel, garde une expression stoïque, impassible. Elle hoche la tête d'un air presque mécanique, un signe qu'elle ne souhaite pas trop s'étendre sur le sujet, mais qu'elle ne ferme pas totalement la porte à la réconciliation.

- Oui, répond-elle brièvement, Camilo essaie et Antonio aussi. Elle dit cela d'une voix presque lasse, mais il est clair que, malgré ses réticences, il y a des signes positifs qui émergent dans ses relations avec ses proches.

Julieta, tout en l'écoutant, semble se détendre légèrement. Elle sourit doucement, rassurée.

- Tu vois, il y a déjà une belle évolution depuis la chute de Casita, dit-elle, comme pour confirmer que tout n'est pas perdu et qu'il existe encore des moyens de réparer les liens.

Mirabel, néanmoins, reste distante et moins enthousiaste. Elle hausse les épaules d'un geste à la fois indifférent et fatigué, l'ombre d'un sourire en coin.

- Si tu le dis, murmure-t-elle, comme si, malgré les efforts de sa famille, elle ne pouvait pas tout à fait accepter l'idée d'une réconciliation totale. Ses yeux, toujours marqués par la douleur de l'expérience qu'elle a vécue, restent fermés sur le présent, bien qu'il semble qu'un petit espoir puisse se glisser dans son cœur.



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