Chapitre 18 : Un don ?

Le ciel s'illuminait de teintes orangées et violettes alors que le crépuscule enveloppait Encanto. La nouvelle Casita, encore en construction, avait déjà une cuisine fonctionnelle, et la famille Madrigal s'apprêtait à prendre son premier repas à l'intérieur depuis après une semaine. Pourtant, à l'extérieur, une scène tendue se déroulait.

Camilo, les bras croisés et les sourcils froncés, fixait Isabela, Luisa et Dolores. Il avait entendu par accident la conversation tendue qu'elles avaient eue plus tôt avec Mirabel, et il n'était pas content.

- VOUS AVIEZ FAIT QUOI ?! cria-t-il, sa voix trahissant un mélange de choc et de colère.

Dolores, prise au dépourvu, posa instinctivement une main sur sa bouche pour lui signaler de se calmer. Mais Camilo repoussa doucement sa main, son regard passant de l'une à l'autre.

- Je veux une explication, maintenant ! Vous avez sérieusement laissé Mirabel partir comme ça ? Elle a déjà tellement de mal avec tout ce qui s'est passé, et vous trouvez le moyen de la faire se sentir encore plus coupable ?

Isabela soupira et roula des yeux, tentant de garder son calme.

- Ce n'était pas notre intention, Camilo. On discutait, c'est tout. Elle a mal pris ce qu'on disait. On ne voulait pas la blesser !

- Mal pris ? rétorqua Camilo en se levant d'un bond. Vous l'avez fait se sentir comme une étrangère dans sa propre famille !

Luisa, visiblement gênée, baissa la tête.

- Je ne voulais pas qu'elle se sente mal...murmura-t-elle. Mais j-je ne comprends pas ce qu'elle a vécu, je suppose...Je ne sais pas comment faire sans mes dons, et ça me dépasse parfois.

Dolores resta silencieuse un instant avant de prendre la parole d'un ton calme, bien qu'un peu las.

- On est toutes épuisées, Camilo. On ne se plaint pas pour la blesser. Mais c'est vrai, on n'a pas vraiment réfléchi à ce qu'elle ressentait en ce moment.

Camilo secoua la tête, exaspéré, puis marcha quelques pas en cercle, cherchant ses mots.

- Vous ne voyez pas qu'elle s'éloigne de nous tous, petit à petit ? Chaque jour, elle sourit de moins en moins. Vous croyez qu'elle mérite qu'on ajoute à ça ? Moi, je refuse qu'on continue comme ça. Elle a déjà perdu assez !

Le silence retomba lourdement sur le petit groupe. À l'horizon, le soleil disparaissait lentement, et les premiers éclats de la lune apparaissaient. Camilo finit par soupirer et, d'un geste abrupt, retourna vers la Casita en murmurant.

- Je vais aller lui parler. Vous devriez réfléchir à comment vous allez vous excuser !

Les trois jeunes femmes échangèrent des regards gênés, leur culpabilité se lisant sur leurs visages. Isabela posa une main sur l'épaule de Luisa pour lui signifier qu'elles allaient devoir rectifier leur erreur, tandis que Dolores soupira profondément, ses pensées visiblement tournées vers sa cousine qui portait un fardeau qu'elle ne méritait pas.

Camilo se leva avec un soupire. Il passa devant la cuisine où Julieta, Augustín, Pepa, Félix, et Abuela étaient concentrés sur les préparatifs du dîner. L'atmosphère y était animée mais tendue, les ustensiles s'entrechoquant et les murmures se mêlant aux discussions discrètes. Il observa un instant, notant que Mirabel n'était évidemment pas là.

Après quelques minutes, il décide de scruter la maison temporaire où la famille Madrigal résidait chez les Guzmán, au village. La lumière tamisée de la nuit filtrait à travers les fenêtres, projetant des ombres sur les murs. Il savait que Mirabel n'était pas du genre à s'asseoir à table sans raison, encore moins à rester dans un endroit bondé avec autant d'agitation.

Il murmura pour lui-même,

- Bon, elle n'est pas ici non plus. Où est-ce qu'elle pourrait être ?

Son regard se porta sur l'escalier menant à l'étage où les chambres temporaires étaient installées. Antonio dormait paisiblement dans la pièce au bout du couloir; il entendait son souffle calme derrière la porte close. Il écartait donc cette option.

Camilo parcourut ensuite les pièces du rez-de-chaussée, cherchant dans chaque recoin où Mirabel aurait pu s'éclipser. Il ouvrit doucement une porte qui donnait sur le salon désert, ses pas légers pour ne pas alerter les adultes.

Là encore, rien.

Son cœur battait un peu plus vite.

- Pourquoi elle disparaît toujours comme ça ? Elle sait qu'on s'inquiète pour elle, murmura-t-il en haussant les sourcils, exaspéré mais inquiet.

Il sortit par la porte arrière, donnant sur un petit jardin où la lumière de la lune baignait le paysage. Camilo plissa les yeux, et un éclat d'étoffe colorée attira son attention près d'un arbre. Il marcha rapidement vers cet endroit et s'arrêta net.

Mirabel était là, assise sur une souche, le menton appuyé sur ses mains. Elle fixait le ciel, ses yeux bruns à nouveau perdus dans leur vide caractéristique depuis la chute de Casita. Son dos était légèrement voûté, et elle semblait coupée du monde.

Camilo s'approcha lentement, ne voulant pas la brusquer.

- Prima, murmura-t-il doucement. Tu te caches encore, hein ? Pourquoi tu viens pas dîner avec nous ?

Elle tourna à peine la tête vers lui, le regard toujours fixé sur les étoiles.

- Je n'ai pas faim, Camilo, répondit-elle d'une voix neutre, presque monotone.

Camilo fronça les sourcils et s'accroupit à ses côtés.

- Je sais que tu veux être seule, mais t'es vraiment obligée de nous faire flipper comme ça ? Tu sais, Antonio dort et je suis sûr qu'il veut te voir demain matin...Moi aussi, d'ailleurs.

Mirabel haussa les épaules, murmurant sans vraiment répondre. Camilo posa doucement une main sur son épaule.

- Écoute, je ne comprends pas tout ce que tu ressens, mais tu peux pas continuer à t'éloigner comme ça. On t'aime, Mirabel, je t'aime ! Alors s'il te plaît, arrête de disparaître comme ça.

Elle baissa les yeux, puis ferma les paupières un instant. Après un long silence, elle murmura enfin, presque inaudiblement :

- D'accord, j'irai dîner avec vous tous.

Camilo, toujours optimiste, pose sa tête sur l'épaule de Mirabel, cherchant à alléger l'atmosphère. Son sourire est sincère, mais légèrement teinté d'inquiétude.

- Ça, c'est la Mirabel que je connais ! Il murmure ces mots avec douceur, espérant la faire sourire ou au moins détendre l'expression de son visage.

Mirabel reste figée, les yeux levés vers le ciel étoilé. Les étoiles brillent dans le calme de la nuit, mais ses pensées sont loin d'être tranquilles. Les mots échangés avec sa tía Pepa ce matin résonnent encore dans son esprit, ravivant des souvenirs qu'elle préférerait oublier.

Elle soupire profondément avant de briser le silence, sa voix à peine audible :

- Camilo, est-ce que ton don te manque ?

La question surprend Camilo, et il lève légèrement la tête de son épaule pour l'observer. Son regard cherche à comprendre ce qu'elle veut dire, mais il sait que Mirabel est rarement directe avec ses sentiments.

Après une courte pause, il répond avec un sourire mélancolique :

- Bien sûr que ça me manque. Pouvoir faire rire tout le monde, devenir n'importe qui, c'était moi, tu vois ? Mais...

Il fait une pause, cherchant ses mots.

- Ce qui me manque encore plus, c'est toi, Mira ! Quand tu étais heureuse....Quand on riait ensemble sans penser à toutes ces histoires de miracle ou de dons ?

Mirabel tourne légèrement la tête vers lui, mais ne dit rien, son visage impassible. Camilo remarque qu'elle serre légèrement ses doigts sur le bord de son poncho, trahissant son émotion.

- Tu sais, je crois que les dons, c'était cool, mais pas indispensable. Toi, par contre, tu es indispensable !

Les mots de Camilo sont sincères et frappent quelque chose au fond de Mirabel. Elle baisse les yeux, son expression toujours fermée, mais une légère lueur de vulnérabilité passe brièvement dans ses yeux bruns, jouant distraitement avec les plis de sa jupe.

Enfin, elle brisa le silence, sa voix basse mais chargée d'émotions.

- P-Pourquoi...Pourquoi continues-tu à me protéger, à me réconforter ? demanda-t-elle, les yeux rivés au sol. Je t'ai trahi, Camilo. Je t'ai manipulé pour détruire le miracle !

Elle releva doucement son regard vers lui, les larmes menaçant de couler.

- Comment peux-tu encore me considérer comme ta prima, après tout ça ? Je sais aussi que tu me surveilles, tous les jours, même quand je fais semblant de ne pas le voir !

Camilo soupira, il chercha ses mots un instant avant de parler, sa voix tremblant légèrement.

- Mirabel...Tu es ma prima, ma famille, ma meilleure et comme une petite sœur pour moi ! Rien ne changera ça...Oui, je t'en ai voulu, mais...Je sais que tu n'as pas fait tout ça sans raison. Tu étais brisée, Mira et tout ce que tu ressens maintenant, ce vide...Ça me fait mal de te voir comme ça !

Il passa une main hésitante sur son propre visage, puis la fixa avec intensité.

- Et si je te surveille, c'est parce que j'ai peur de te perdre. Pas à cause de ce que tu as fait, mais parce que je te vois t'éloigner, te renfermer, te faire du mal à toi-même. Alors, je veille sur toi, comme je l'ai toujours fait. Même quand Abuela me disait de m'éloigner...Je n'ai jamais arrêté de t'aimer comme ma petite sœur !

Mirabel détourna le regard, mordant sa lèvre pour retenir un sanglot.

- Tu ne devrais pas...Je ne mérite pas tout ça, murmura-t-elle.

Camilo attrapa doucement ses mains, les serrant dans les siennes.

- Tu le mérites, Mirabel. Plus que tu ne le crois et je ne vais pas arrêter de te le prouver, que tu le veuilles ou non !

Il esquissa un sourire maladroit, espérant voir une lueur dans son regard éteint. Mirabel resta silencieuse, mais une larme coula le long de sa joue, signe que ses défenses commençaient à céder.

Après un moment, elle murmura d'une voix tremblante, presque cassée :

- M-Même si je suis devenue vilaine...Même si j'ai commis une erreur...Tu restes à mes côtés ?

Sa voix s'éteignit un instant avant qu'elle ne reprenne, les yeux remplis d'une douleur qu'elle ne pouvait plus contenir :

- Tu veux sincèrement redevenir comme quand on était petits ? Camilo, comment peux-tu encore me faire confiance ?

Elle tourna finalement la tête vers lui, son regard brillant de larmes retenues. Camilo, surpris par ses mots, resta silencieux pendant un instant, son visage révélant une tristesse qu'il essayait de cacher derrière un sourire maladroit. Il se gratta la nuque, cherchant les bons mots.

- Prima, tu ne te rends pas compte, hein ?

- N-non ?

- Ce n'est pas une question de confiance ou de choix. Je t'ai toujours fait confiance ! Même quand tu étais différente, disons.

Il fit une pause, baissant les yeux avant de relever le menton avec détermination.

- Quand on était petits, tu étais tout pour moi. Ma meilleure amie, ma complice, ma petite sœur et même celle qui me comprenait mieux que personne. Ce n'est pas parce que tu as fait des erreurs ou que tu as soufflé sur cette fichue bougie que tout ça disparaît.

Mirabel secoua la tête, frustrée.

- Mais j'ai détruit tout ce qui faisait de nous des Madrigal. J'ai brisé Casita, vos dons...Je vous ai menti, manipulés, trahis !

Camilo posa une main ferme mais douce sur son épaule, l'obligeant à le regarder.

- Et pourtant, je suis là, Mira. Parce que je sais que la vraie toi est encore là, quelque part. Celle qui m'a soutenu quand Abuela mettait trop de pression sur moi, celle qui m'a appris à rire de mes erreurs. La Mira qui a toujours voulu le bien de tout le monde, même si elle en souffrait !

Mirabel sentit ses larmes couler malgré elle, et elle baissa les yeux, submergée par l'émotion. Camilo continua, sa voix devenant plus douce :

- Tu n'es pas vilaine, Mira. T'es juste humaine. Et si tu veux qu'on redevienne comme avant, alors donne-moi une chance de t'aider à y arriver !

Mirabel, les yeux mouillés et remplis de douleur, tend la main tremblante vers Camilo, le suppliant de la pardonner. Elle se jette alors dans ses bras, se laissant aller à une explosion de douleur, criant de regret :

- Je ne voulais pas te faire du mal, Cami ! Ses paroles sont étouffées par les sanglots, tandis que Camilo, tout aussi bouleversé, la serre doucement dans ses bras. Il la calme, murmurant avec une douceur infinie :

- Ce n'est rien.

Il la regarde avec une tendresse nouvelle, mais aussi avec une détermination qui émerge du fond de son cœur :

- Nous allons traverser ça ensemble, prima ! Ces mots semblent être un point tournant pour Mirabel, et un sentiment de soulagement semble effleurer son esprit.

Les larmes commencent à s'atténuer alors que Camilo tend la main vers elle, une promesse silencieuse de soutien et de résilience. Mirabel, malgré sa douleur et sa confusion, sourit lentement, pour la première fois sincèrement depuis la chute de Casita. Elle saisit sa main, et dans ce geste, un éclat de lumière semble naître dans ses yeux.

Camilo, toujours incrédule, remarque alors un changement. Une étincelle jaune d'espoir brille soudainement dans les yeux sombres de Mirabel. Il se fige, abasourdi.

- M-Mira...murmure-t-il, avant d'ajouter, les yeux écarquillés, j'ai retrouvé mon don !

Mirabel, encore sous le choc de ce qui se passe, le regarde, confuse et nerveuse.

- Q-Quoi ? M-Mais comment ? demande-t-elle, son esprit tourbillonnant, cherchant à comprendre ce qui est en train de se passer.

Mirabel écarquille les yeux, reculant légèrement, et murmure, abasourdie :

- C-Comment ?! L-La bougie...Enfin, le miracle, je l'ai détruit de mes propres mains !

Camilo rit légèrement, mais son regard est sérieux lorsqu'il prend doucement les mains de Mirabel dans les siennes.

- Mira, écoute-moi. Il plonge ses yeux dans les siens. Tu es liée au miracle ! J'ai compris ça quand on a enfin réglé nos conflits, quand tu as accepté de me pardonner et de surmonter ta peur...Tu m'as rendu mon don. Regarde, ce n'est pas une coïncidence !

Mirabel, encore sous le choc, cligne des yeux, bouche bée. Elle murmure, presque inaudiblement :

- J-J'ai fait ça ? Vraiment ?

Camilo sourit de toutes ses dents et, dans un élan de joie, la prend dans ses bras, riant aux éclats.

- Je savais que tu étais spéciale, Mira ! Je l'ai toujours su ! Ça veut dire que le miracle n'est pas perdu ?! C'est toi qui peux changer les choses, qui peux nous ramener à la lumière !

Mirabel reste figée dans ses bras, les pensées tourbillonnant dans sa tête. Une étincelle d'espoir vacille dans son regard brun, mais elle reste hésitante. Elle murmure :

- J-Je...Je ne sais pas, Cami...Et si je fais encore pire ?

Camilo s'écarte juste assez pour poser ses mains sur ses épaules et la regarder droit dans les yeux, avec une détermination qu'elle ne lui connaissait pas.

- Tu ne feras pas pire. Tu as toujours été celle qui réparait les fissures, celle qui voyait la beauté là où personne ne regardait. Tu es le cœur de cette famille, Mirabel. Le miracle est en toi, je le sens !

Mirabel sent ses mains trembler légèrement, mais les mots de Camilo résonnent profondément. Pour la première fois depuis longtemps, elle sent une flamme minuscule, presque fragile, renaître dans son cœur.

- Prima, tu n'as vraiment pas remarqué ? Quand tu as ramené mon don, tes yeux brillaient en jaune ! C'est exactement ce qui s'est passé quand tu étais liée à Casita. Tu étais connectée ! C'était différent, mais incroyable.

Elle détourne légèrement le regard, sa nervosité palpable, et serre ses bras autour d'elle-même.

- Non, Cami...J-Je savais que j'avais une sorte de lien avec Casita, mais...Elle hésite, sa voix se fait plus basse. Je n'ai pas remarqué que mes yeux changeaient de couleur. Je...Elle passe une main dans ses cheveux, cherchant ses mots. Je ne pensais pas que ça se voyait ?

Camilo sourit, en rigolant.

- Eh bien, tout le monde l'a vu, Mira ! C'était comme si la magie, ou ce qu'il en reste, venait directement de toi !

Mirabel fronce les sourcils, la confusion et une pointe de peur dans son expression. Elle murmure, presque pour elle-même :

- M-Mais...Je ne comprends plus rien

Il la regarde fixement, son sérieux inhabituel.

- Peut-être que tu es plus liée au miracle que tu ne le crois, Mira ? Peut-être que c'est pour ça que tout a changé quand tu as soufflé la bougie. Peut-être que tu es le cœur de tout ça.

Mirabel recule d'un pas, secouant légèrement la tête.

- N-Non...N-non, Cami, ça ne peut pas être ça. Je ne suis pas assez forte pour porter tout ça. Et puis, j'ai détruit Casita, je vous ai tout pris !

Il s'approche, posant une main rassurante sur son épaule.

- Tu nous as pris la magie, pas notre famille. Et si cette magie existe encore, même un peu, c'est toi qui peux la comprendre. Alors, arrête de te voir comme un problème et commence à te voir comme une solution !

Mirabel, toujours nerveuse, reste silencieuse, le regard fixé sur ses mains tremblantes. Elle murmure :

- Si c'est vrai, alors pourquoi je me sens encore si vide ?

Camilo n'a pas de réponse, mais son expression est pleine de compassion et de détermination. Il serre légèrement son épaule avant de déclarer :

- On va le découvrir ensemble, prima. Quoi qu'il arrive !

Prenant une profonde inspiration, il ferma les yeux et se métamorphosa en elle, imitant sa posture accablée.

- Allez, Mirabel, c'est l'heure du dîner. Tout le monde nous attend. On doit annoncer la grande nouvelle à la famille !

Mirabel tourna lentement la tête, surprise de voir une version d'elle-même si confiante et enjouée. Ses sourcils se froncèrent légèrement, mais avant qu'elle ne puisse répondre, Camilo reprit lentement sa forme normale avec un petit sourire malicieux. Il tendit la main, cette fois en tant que lui-même :

- Allons-y Mira, il se fait tard.

Elle hésita, fixant la main tendue. Sa propre main trembla légèrement avant de rencontrer celle de son cousin. Camilo lui adressa un sourire encourageant :

- C'est ça, prima. Une étape à la fois.

Alors qu'il l'aidait à sortir de la pièce il ajouta, presque en plaisantant mais avec une sincérité palpable :

- En plus, tu sais bien que la nourriture de ta mère vaut tous les miracles du monde. On ferait mieux de ne pas rater ça !

Un mince sourire étira les lèvres de Mirabel. Elle acquiesça silencieusement, et tous deux commencèrent à marcher vers la Casita, où le reste de la famille attendait.

🕯✨️🕯

Dans la salle de manger éclairée par une lumière tamisée, Camilo fit signe à Mirabel, un sourire espiègle aux lèvres. D'un geste rapide, il prit la forme de Mirabel, imitant sa posture impassible. Mirabel, fatiguée et peu impressionnée, soupira profondément avant de murmurer :

- Tu es obligé de faire une blague ?

Camilo haussa les épaules avec un sourire malicieux, incapable de résister à l'envie de détendre l'atmosphère. Ensemble, ils entrèrent dans la pièce.

En entrant, Luisa, qui semblait concentrée sur son assiette, leva la main pour saluer distraitement les deux "Mirabel" :

- Salut, Mira et Mira ?

Elle cligna des yeux, observant les deux silhouettes identiques. Isabela, assise non loin, écarquilla les yeux en fixant la scène avec incrédulité, tandis que Luisa se redressa brusquement, laissant échapper un cri de surprise :

- DEUX MIRABEL !?

Camilo ne put se retenir plus longtemps et éclata de rire avant de reprendre sa forme habituelle en lançant un joyeux :

- Surprise Les Madrigal ! J'ai retrouvé mon don !

Le silence se fit dans la pièce. Julieta et Pepa échangèrent un regard, les traits figés dans la stupeur. Finalement, Pepa murmura, presque incrédule :

- C'est impossible... L-L miracle a été détruit !

Mirabel, toujours aussi stoïque, détourna le regard, évitant l'effervescence autour d'elle. Ses yeux sombres scrutèrent le sol, ne cherchant ni explication ni attention. Pepa, saisissant l'opportunité, se tourna vers sa nièce, ses yeux remplis de remords. Elle demanda doucement :

- M-Mirabel...P-Pardon.

Mais avant que Mirabel ne réponde, Bruno, assis un peu plus loin, se leva précipitamment, tout comme Alma, qui fixait Camilo avec intensité. Bruno demanda, une lueur de curiosité inquiète dans ses yeux :

- C-Comment, Camilo ? Comment est-ce possible ?

Camilo, confus mais ravi de l'attention, haussa les épaules avec une expression innocente.

- Je ne sais pas, Tío. Ça s'est passé tout à l'heure. J-Je voulais juste réconforter Mirabel, et puis mon don est revenu !

Alma, toujours aussi perplexe, s'avança lentement, son regard balayant la pièce avant de se poser sur Mirabel. Ses yeux trahissaient une inquiétude mêlée de culpabilité.

- Le miracle pourrait-il revenir ? murmura-t-elle presque pour elle-même.

Mirabel resta immobile, observant à peine la scène, tandis que l'atmosphère dans la salle devenait de plus en plus tendue.

Camilo avait repris l'apparence de Mirabel pour taquiner sa cousine. Mirabel, semblait agacée, surtout lorsque Dolores et Félix entrèrent dans la pièce. Félix, tenant Antonio endormi sur son épaule, remarqua immédiatement la transformation.

- Camilo, arrête d'embêter ta cousine en prenant son apparence, dit-il en secouant la tête avec un sourire. Puis il ajouta, étonné : Attends...CAMILO, tu as retrouvé ton don !?

Camilo, qui hocha la tête avec excitation.

- Oui ! Je ne sais pas comment...Mais, quand j'ai réconforté Mirabel, quelque chose s'est passé. Ses yeux ont brièvement brillé en jaune, et je crois qu'elle a réactivé mon don sans même s'en rendre compte !

La révélation provoqua une onde de choc. Dolores resta figée, ses yeux écarquillés, tandis que Félix, abasourdi, posa Antonio sur un canapé pour mieux écouter. Bruno, qui observait tout depuis l'arrière de la pièce, murmura pour lui-même avec un air pensif :

- Alors ma vision était juste...Mirabel a un lien direct avec le miracle !

Julieta, Pepa et Abuela étaient abasourdis. Les paroles de Bruno semblèrent les frapper comme un éclair. Julieta, les yeux remplis d'un mélange de choc et de compréhension, s'avança :

- Ma petite fille ? Elle peut contrôler le miracle ?

Isabela, qui avait écouté en silence, se leva brusquement de son siège et, les bras croisés, déclara avec impatience :

- Donc Mirabel peut nous rendre nos dons ? Enfin, ça suffit ! Allez, Mirabel, fais-le !

Mirabel, toujours silencieuse, recula légèrement, nerveuse. Sa respiration s'accéléra alors qu'elle murmurait :

- J-Je ne sais pas comment faire..Je ne sais même pas ce qui s'est passé avec C-Camilo !

Mais cela ne calma pas Isabela. Dolores et Luisa s'approchèrent également, un mélange d'espoir et d'anxiété dans les yeux. Toutes trois commencèrent à parler en même temps, leurs voix montant en intensité :

- S'il te plaît, Mirabel, essaie !

- On ne peut pas vivre comme ça sans nos dons !

- C'est toi qui nous as privés de nos pouvoirs, tu dois arranger ça !

Mirabel tremblait légèrement, submergée par la pression soudaine. Elle tenta de reculer davantage, mais les trois femmes continuaient à la suppliquer, certaines voix devenant presque exigeantes. La panique monta en elle, et elle finit par s'élancer derrière Camilo, qui s'interposa immédiatement.

- ÇA SUFFIT, laissez-la tranquille ! cria-t-il, écartant les bras pour protéger Mirabel.

Isabela leva un sourcil, agacée :

- Camilo, ce n'est pas ton affaire. On essaie juste de réparer les choses !

- Et vous pensez que c'est en la pressant que ça va marcher ? rétorqua Camilo avec un regard noir. Vous n'avez aucune idée de ce qu'elle ressent, ni de la pression qu'elle endure ! Elle vient à peine de commencer à se pardonner elle-même !

Mirabel resta cachée derrière lui, respirant difficilement, ses mains tremblant. Bruno s'avança doucement :

- Laissez-lui le temps. Ce n'est pas une question de pouvoir, mais d'émotion et de compréhension. Vous ne pouvez pas forcer ça !

Le silence tomba dans la pièce. Abuela, les bras croisés, semblait sur le point de dire quelque chose, mais Julieta posa une main sur son bras pour l'arrêter. Avec douceur, elle murmura :

- Laissez-la....Nous devons lui faire confiance !

Dolores et Luisa baissèrent les yeux, comprenant qu'elles avaient dépassé les limites. Isabela croisa les bras avec frustration mais recula également. Camilo, toujours devant Mirabel, se tourna légèrement vers elle pour s'assurer qu'elle allait bien.

- Merci, murmura Mirabel, sa voix tremblante mais sincère.

Il hocha la tête avec un petit sourire :

- Je suis là, prima, toujours.

Alors que Pepa sert les assiettes avec un sourire chaleureux, elle glisse un commentaire enjoué :

- En tout cas, je suis contente que vous soyez réconciliés, et Camilo a de nouveau son don lui.

Elle accompagne ses mots d'un clin d'œil destiné à Mirabel, cherchant à détendre l'atmosphère. Mirabel, esquisse un petit sourire nerveux. Pepa continue en posant les assiettes, mais Camilo se précipite aussitôt en disant :

- Attends mamá, je vais t'aider !

Il lui prend les plats des mains avec enthousiasme. Pendant ce temps, Bruno remarque qu'Alma est encore figée, perdue dans ses pensées. Il s'approche doucement et murmure avec douceur :

- Mamá, viens t'asseoir déjà. Tu as besoin de te reposer.

Alma, sans mot dire, se laisse guider jusqu'à une chaise. Félix, de son côté, s'occupe d'Antonio, le réveillant et l'attrapant par la main pour le préparer au dîner.

Mirabel, bien que physiquement présente, semble ailleurs, ses pensées alourdies par les événements récents. Alors qu'elle pousse un soupir las, ses sœurs Isabela et Luisa, accompagnées de sa cousine Dolores, commencent à l'entourer.

- Mirabel, s'il te plaît, aide-nous avec ceci ! supplie Isabela, d'une voix dramatique.

- Non, aide-moi plutôt ! s'exclame Luisa avec insistance, se montrant exagérément désespérée.

- Oh, ne l'écoute pas ! Moi d'abord ! renchérit Dolores en agitant les mains de manière théâtrale.

L'attention et les demandes simultanées font grimper la tension de Mirabel. Elle commence à reculer, visiblement dépassée et mal à l'aise.

- ARRÊTEZ  ! s'écrie-t-elle, levant les mains comme pour se protéger.

Son visage se crispe alors qu'elle se détourne précipitamment d'elles.

- Cami, attends-moi primo ! ajoute-t-elle à voix haute, se dépêchant de le rejoindre pour fuir l'insistance des trois femmes.

Elle s'éloigne rapidement, laissant derrière elle un silence gêné. Julieta, qui avait observé toute la scène, soupire profondément. Elle se tourne lentement vers Isabela, Luisa et Dolores, son regard sévère.

- Je vous l'ai déjà dit, LAISSEZ MIRABEL TRANQUILLE !

Sa voix est ferme, trahissant une pointe de reproche. Les trois femmes échangent des regards coupables, avant de baisser les yeux, conscientes qu'elles sont allées trop loin.

🕯✨️🕯

Le lendemain, c'était la même routine.

Mirabel, toujours perdue dans ses pensées, avançait lentement dans la pièce, son expression marquée par l'absence d'émotion. Depuis qu'elle avait aidé Camilo à récupérer son don, une étincelle de réflexion semblait s'être allumée en elle, mais elle ne savait pas encore où cela la mènerait. Ses pensées tournaient en boucle :

Est-ce que Camilo avait raison ?

Et si tout était lié à ma capacité à pardonner ?

Non seulement à eux, mais à moi-même aussi ? Comment ai-je réussi cela avec Camilo, et pourquoi ne ressens-je toujours qu'un vide ?

Elle déposait machinalement des verres sur une table, son regard fixé dans le vide. Soudain, Isabela, Dolores, et Luisa réapparurent dans la pièce, leur frustration visible sur leurs visages.

- Mirabel, commença Isabela avec un soupir exaspéré, tu comptes rester silencieuse comme ça encore longtemps ? Nous avons besoin de réponses. Qu'est-ce qui se passe avec toi et cette histoire de dons !?

Dolores ajouta doucement, mais avec une pointe d'insistance dans sa voix :

- Tu pourrais au moins partager avec nous ce que tu ressens...On essaie de comprendre, Mira.

Luisa, toujours la voix de la raison, tenta de calmer la situation en posant une main rassurante sur l'épaule de Mirabel, mais son ton était ferme :

- Tu ne peux pas fuir à chaque fois qu'on te pose des questions. Ce n'est pas juste pour nous, et ce n'est pas juste pour toi non plus !

Mirabel soupira profondément, sa patience touchant à ses limites. Elle se détourna légèrement, mais son ton trahissait son agacement :

- Laissez-moi. Juste une fois, laissez-moi tranquille...J-Je réfléchis !

Sans attendre une réponse, elle cherche rapidement son primo du regard, ignorant les murmures frustrés derrière elle. Depuis leur réconciliation sincère, elle s'était habituée à sa présence apaisante. Mais aujourd'hui, il semblait introuvable. Elle regarda par les fenêtres et scruta les alentours, un mélange d'inquiétude et d'agacement commençant à poindre.

Isabela, blessée et irritée par l'attitude de sa petite sœur, explosa soudainement derrière elle :

- TU N'ES QU'UNE ÉGOÏSTE, MIRABEL ! Tu ne penses qu'à toi-même depuis le début ?!

Mirabel s'arrêta net, sa respiration lourde, mais elle ne répondit pas. Elle se contenta de soupirer profondément avant de reprendre sa marche. Alors qu'elle tournait un coin du couloir, elle aperçut enfin Camilo entrer dans la pièce principale, portant des plats qu'il aidait à déposer sur une table avec sa mère, Julieta, et sa tía Pepa.

Un léger sourire se dessina sur le visage de Mirabel, une lueur rare ces derniers temps. Elle leva la main en criant avec un enthousiasme presque enfantin :

- Primo, j'arrive t'aider !

Sans un regard en arrière, elle traversa rapidement la pièce, bousculant légèrement Isabela et Dolores qui se tenaient dans son chemin.

- MIRABEL ! Fais attention ?! s'écria Dolores, mais Mirabel ne prêta aucune attention à la remarque.

Arrivée près de Camilo, elle lui lança un sourire plus franc en attrapant l'un des plats qu'il tenait encore. Elle semblait soudainement retrouver un semblant d'énergie, ou du moins une échappatoire. Isabela, toujours furieuse, échangea un regard avec Dolores, les deux jeunes femmes semblant partager la même frustration face à la manière dont l'adolescente les ignorait délibérément.

Isabela se laissa tomber sur une chaise en soupirant bruyamment. Elle passa une main dans ses cheveux impeccablement coiffés, un geste inhabituellement nerveux pour elle.

- Pourquoi Mirabel ne veut pas nous rendre nos dons ?! finit-elle par s'exclamer, fixant un point invisible au mur. Casita est presque reconstruite, et j-je n'en peux plus de vivre comme ça ! Sans mon don, tout me semble...Fade, incomplet !

Dolores, qui s'était jusque-là contentée d'écouter, les bras croisés, releva un sourcil.

- Tu crois qu'elle peut simplement les rendre comme ça ? Si c'était si facile, on ne serait pas là, à tout reconstruire à la main ! Finalement, nous étions idiotes, de la forcer à faire.

Luisa, qui avait gardé le silence, serra les poings sur ses genoux avant de murmurer :

- Dolores a raison, mais...J'avoue que c'est dur...Je ne comprends toujours pas comment les gens normaux vivent sans force. Chaque pierre que je soulève me prend une éternité !

À ces mots, Dolores lui lança un regard noir, exaspérée, tandis qu'Isabela tapait sa paume contre son front.

- C'est ce genre de réflexion, Luisa, qui fait que Mirabel nous fuit autant ! Elle a passé des années à vivre ça, sans magie, à se débrouiller toute seule et toi, tu te plains après quelques semaines ?!

Luisa rougit, visiblement honteuse, et se tassa un peu dans sa chaise. Mais son regard restait inquiet et incertain.

- J-Je ne voulais pas dire ça comme ça...balbutia-t-elle.

Au même moment, la porte s'ouvrit doucement, et Julieta réapparut, visiblement venue chercher un ustensile oublié. Elle les fixa avec un regard perçant, les bras toujours croisés, avant de soupirer profondément.

- Vous trois, dit-elle avec une voix basse mais sévère, vous ne rendez pas les choses plus faciles pour Mirabel avec vos plaintes constantes. Elle a déjà assez de poids sur ses épaules. Réfléchissez à ce que vous dites avant de blesser votre petite cousine/sœur encore davantage !

Les trois femmes baissèrent les yeux, évitant le regard de Julieta, qui quitta à nouveau la pièce en direction de la cuisine.

Une fois Julieta partie, Isabela bouillonna d'impatience.

- Pourquoi Camilo doit être le seul à passer du temps avec elle ? ET PUIS, POURQUOI IL DOIT ÊTRE LE SEUL À POSSÉDER SON DON ?! dit-elle d'une voix teintée de jalousie. Hier, elle lui a souri, à lui, alors qu'elle nous ignore !

Dolores haussa les épaules avec un léger sourire ironique.

- Peut-être parce qu'il ne la pousse pas à bout, contrairement à toi.

Isabela ignora la remarque et continua, plus énervée.

- TU VEUX DIRE NOUS DOLORES !? Ce matin, il n'arrêtait pas de me narguer avec un grand sourire, comme si lui avait tout compris ! Mais moi ? Je me sens inutile et franchement, j'en ai marre de cette situation...Tout ce que je veux, c'est que tout redevienne comme avant !

Luisa, d'habitude la plus stoïque, posa une main sur l'épaule d'Isabela, ses propres frustrations oubliées un instant.

- Peut-être qu'il faut juste lui laisser du temps....Ce n'est pas facile pour elle non plus.

Le silence retomba sur la pièce, alors que chacune méditait sur ses propres erreurs et inquiétudes, tandis que le bruit de la cuisine où travaillaient Mirabel et Camilo résonnait doucement en arrière-plan.




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