Chapitre 17 : Rattrapage ?

Une semaine s'était écoulée depuis l'effondrement de Casita, et l'atmosphère dans le village d'Encanto était toujours lourde de tristesse et de reconstruction. Cependant, la vie continuait, avec les villageois unis pour remettre sur pied ce qu'ils avaient perdu. Au milieu de tout cela, Mirabel, bien que brisée et changeant de plus en plus de visage à chaque moment, avait décidé de se lever et de contribuer de la manière qu'elle savait faire : à travers son talent pour la couture.

Elle se tenait dans le magasin de Señora Angélica, un lieu modeste mais coloré, rempli de tissus vibrants, de fils et de boutons qui semblaient, eux, plein de vie. Le soleil de l'après-midi filtrait par les fenêtres, éclairant doucement les étagères où s'empilaient des robes et des tenues de toutes sortes.

Mirabel, avec son regard un peu éteint, était penchée sur une table, ses doigts agiles manipulant le tissu. Les aiguilles dansaient entre ses mains, guidant chaque pièce de tissu vers la perfection. La tâche n'était pas facile. Ses yeux étaient fatigués, mais il y avait encore un certain éclat de détermination dans sa posture. Elle savait que chaque robe qu'elle créait allait contribuer, même d'une petite manière, à la reconstruction de Casita et de la communauté.

La boutique de Señora Angélica était un lieu de passage quotidien pour de nombreux villageois. Beaucoup venaient y acheter des vêtements faits main, et parfois même pour chercher des idées de nouvelles créations. Aujourd'hui, cependant, l'atmosphère était plus calme. Les gens passaient rapidement, mais personne ne s'attardait vraiment à regarder Mirabel de trop près. Elle avait toujours été une figure discrète dans le village, et après tout ce qui s'était passé, sa présence ici semblait presque déplacée. Elle savait que la plupart des gens ne comprenaient pas vraiment ce qu'elle avait vécu, ce qu'elle avait ressenti, ni ce qu'elle ressentait maintenant.

Mirabel se leva un instant, portant une robe sur ses bras pour la montrer à Señora Angélica. La vieille dame, qui avait vu Mirabel grandir, la scrutait silencieusement avant de prendre la robe, l'examinant de près.

- Tu as vraiment un don, Mirabel, dit Señora Angélica, ses yeux pétillants d'admiration malgré l'atmosphère pesante autour d'elles. Elle déposa la robe sur le comptoir et ajouta avec un sourire doux : C'est incroyable de voir comment tu mets tout ton cœur dans chaque couture. Je n'ai aucun doute qu'Encanto en a besoin de plus de gens comme toi !

Mirabel lui adressa un petit sourire, mais il était teinté de tristesse.

- Merci señora Angélica, murmura-t-elle. Puis, un silence s'installa, l'ambiance se chargeant de toute l'émotion qui habitait Mirabel. Elle se détourna de señora Angélica et se remit à son travail.

Quelques temps plus tard, Mirabel avait terminé la dernière robe de la journée, une pièce élégante avec des détails fins et soignés, mais malgré la beauté de la création, elle ne ressentait rien. Ce n'était plus l'expression de sa joie ou de son amour pour la couture ; c'était juste une tâche, une manière d'occuper son esprit et de fuir un peu la réalité.

Elle soupira en posant l'ouvrage final sur la table de travail, épuisée. Ses yeux s'étaient perdus dans l'espace pendant un moment, mais le son doux des pas de señora Angélica la ramena à la réalité. La vieille dame s'approcha d'elle avec un sourire chaleureux, bien qu'un peu inquiet. Dans sa main, elle tenait une enveloppe, probablement la paye qu'elle devait à Mirabel.

- Tu fais du bon travail, Mirabel, dit señora Angélica, sa voix douce et remplie de reconnaissance. Je n'aurais jamais cru que tu avais un talent aussi spécial ! Ce n'est même pas magique, comme dans ta famille, mais tu mets une telle finesse dans chaque robe.

Mirabel prit l'enveloppe sans un mot, ses yeux baissés. Elle n'avait pas vraiment envie d'entendre des compliments, ni même de parler de sa famille. La magie, le don des autres, tout cela semblait lointain et si inutile à ce moment précis.

Elle haussait les épaules en réponse, d'un ton froid :

- On s'y habitue. Ces mots, aussi simples qu'ils soient, portaient en eux un poids énorme.

La perte du miracle, la séparation de sa famille...Cela n'était qu'un vide qu'elle traînait partout où elle allait, et elle n'arrivait même plus à y échapper, même dans ses propres créations.

Mais señora Angélica, qui avait toujours su voir au-delà des apparences, regarda Mirabel avec une douce compassion. Elle se tourna alors pour prendre quelque chose dans un petit tiroir à l'arrière de la boutique.

Quand elle revint, elle avait un petit paquet soigneusement enveloppé dans un tissu coloré. Elle le tendit à Mirabel avec un sourire bienveillant.

- Je voulais te remercier pour ton travail acharné et ton sérieux. Ce n'est pas grand-chose, mais j'espère que cela t'apportera un peu de réconfort.

Mirabel leva les yeux, surprise. Elle ne s'attendait pas à ce geste de la part de señora Angélica. Le paquet semblait minuscule comparé à l'immensité de la douleur qu'elle ressentait, mais c'était un cadeau venant du cœur.

Elle prit le paquet avec hésitation, en frottant légèrement le tissu du bout des doigts. Quand elle l'ouvrit, elle découvrit un petit bracelet en perles colorées, simple mais beau. Il y avait quelque chose de spécial dans ces perles, comme une petite étincelle de lumière, peut-être un rappel que, même dans la plus grande obscurité, il y avait de la beauté à trouver.

Mirabel ferma les yeux un instant, touchant le bracelet, avant de murmurer doucement :

- Merci señora Angélica.

Elle n'ajouta rien de plus, mais l'émotion était là, faible mais bien présente.

Señora Angélica, voyant la réaction de la jeune fille, posa une main réconfortante sur son épaule.

- Tu n'as pas besoin de dire quoi que ce soit, Mirabel. Je sais ce que tu traverses...Tu n'es pas seule.

Mirabel lui sourit, mais c'était un sourire triste, teinté de douleur et de gratitude. Un sourire qui disait qu'elle n'était peut-être pas seule physiquement, mais qu'il lui manquait encore tant de choses.

Elle tourna alors le regard vers la porte de la boutique, son esprit vagabondant vers la maison en ruine, la famille éclatée et tout ce qu'elle avait perdu. Elle glissa le bracelet à son poignet, le serrant doucement, comme une ancre qui la reliait encore à quelque chose de bien. Mais pour combien de temps cela suffirait-il ?

🕯✨️🕯

Mirabel sortit de la boutique de Señora Angélica et se retrouva dans la chaleur étouffante de l'après-midi. Elle inspira profondément, appréciant la fraîcheur relative de l'extérieur après avoir passé des heures entre les quatre murs de la boutique. Cependant, à peine quelques pas plus loin, elle se sentit soudainement bousculée. Un groupe de brutes du village, visiblement peu intéressé par son existence, la percuta sans scrupules. Elle se retrouva projetée en avant, son corps heurtant durement un mur.

- Regardez la sans-don, elle croit que c'est une couturière maintenant, lança l'un d'eux avec un ricanement méprisant.

Les autres éclatèrent de rire, mais Mirabel, presque habituée à ce genre de situation, ne répondit pas. Elle se releva lentement, un soupir fatigué échappant de ses lèvres, et se remit en marche sans jeter un regard à ceux qui l'avaient bousculée.

Elle se dirigea en silence vers la zone de construction de Casita, les souvenirs de sa famille et du village la traversant. La souffrance dans son cœur semblait peser de plus en plus lourd chaque jour, mais elle savait qu'elle devait encore continuer, encore avancer. La tâche de reconstruire Casita n'attendait pas, et même si elle ne s'en sentait pas la force, elle avait au moins un devoir.

En arrivant à proximité de la construction, Mirabel aperçut d'abord Isabela et Luisa qui s'affairaient à construire un mur solide, leur énergie concentrée et leur travail parfaitement synchronisé. Plus loin, Camilo, Augustín et Félix s'activaient sur un autre mur. L'atmosphère était bruyante mais remplie de vie. Pepa, elle, dirigeait la situation avec une énergie tranquille, tout en surveillant de près Antonio qui, un peu plus loin, essayait d'aider tout en restant attentif à la sécurité des autres.

Au milieu de ce chantier, Mirabel aperçut sa mère, Julieta, en train de s'occuper de sa grand-mère, Abuela, qui semblait perdue et fatiguée après tout ce qui s'était passé. Mirabel s'approcha de sa mère avec détermination, son regard évitant délibérément celui de sa grand-mère. Elle n'avait pas envie de confronter Abuela, pas maintenant, pas après tout ce qui s'était dit.

- Mamá, dit-elle d'une voix basse, tendant l'enveloppe contenant l'argent gagné au travail. Voilà ce que j'ai gagné.

Julieta prit l'enveloppe, reconnaissant le geste, mais ses yeux se durcirent légèrement en voyant la somme. Elle déplia la lettre avec délicatesse, la cherchant avant de froncer les sourcils. La somme était plus élevée que ce qu'elle aurait imaginé, et son cœur se serra de voir la fatigue dans le visage de sa fille, la manière dont elle s'épuisait pour quelque chose qu'elle aurait préféré éviter.

- Mi vida, tu as travaillé si dur pour ça...murmura-t-elle, hésitante, la main suspendue à l'argent. Tu n'as pas besoin de tout ça. Nous pouvons nous en sortir autrement...!

Mirabel fronça les sourcils, sa frustration montant en elle.

- Je sais ce que je fais, mamá, répondit-elle fermement, sa voix marquée par une pointe de colère. Je n'ai pas besoin de ton aide...Je fais ce que je dois !

Julieta la regarda une dernière fois, hésitant à insister, mais les mots ne vinrent pas. Mirabel fit demi-tour brusquement, ses pas bruyants sur le sol de terre battue alors qu'elle se dirigeait vers sa tante Pepa pour s'attaquer à une autre partie du travail.

Laissant sa mère derrière elle, encore préoccupée, Mirabel s'éloigna dans l'espoir de trouver un peu de paix dans l'effort physique. Elle s'approcha de Pepa, qui la remarqua immédiatement et lui fit signe de venir. Cependant, une partie d'elle se sentait déconnectée de tout ce qui l'entourait. Elle ne savait plus ce qui était vraiment important, ni où aller, ni même pourquoi elle faisait tout ça. Mais une chose était certaine : elle allait continuer, coûte que coûte.

Pepa, bien que toujours un peu nerveuse après les événements récents, remarqua l'arrivée de Mirabel et sa façon déterminée de s'approcher pour l'aider. Elle s'arrêta un instant dans son travail, ses yeux suivant sa nièce qui s'était mise en mouvement, et un soupir lourd s'échappa de ses lèvres. Elle savait que Mirabel portait une douleur immense depuis le jour où la magie de la famille Madrigal s'était effondrée. Les murmures, les doutes, et tout ce qu'elle avait dû endurer, c'était presque trop pour une seule personne, trop de solitude et trop de poids à porter.

Elle se tourna alors vers Mirabel, ses yeux tristes et pleins de compréhension.

- Mirabel, dit-elle doucement, sa voix émotive, je sais que tu souffres...Je sais que tout ce que tu ressens, c'est réel.

Mirabel s'arrêta un moment, se tournant lentement vers sa tante, le regard perdu. Elle avait l'air épuisée, mais il y avait aussi cette lueur d'incertitude dans ses yeux. Pepa sentit la tension dans l'air.

- Je sais, je vois bien que tu portes tout ça seule, continua Pepa, avançant lentement vers elle, et je sais que j'ai été l'une des personnes qui t'a laissée dans l'ombre.

Mirabel ne répondit pas immédiatement, se contentant de regarder sa tante, presque comme si elle hésitait à lui accorder ne serait-ce qu'un peu de son attention. Mais les mots de sa tante résonnaient dans son esprit, un peu comme une invitation à écouter, à se laisser aller, à abaisser les murs qu'elle s'était construits autour d'elle.

Pepa inspira profondément avant de continuer, sa voix se brisant légèrement.

- Je t'ai laissée souffrir comme si, tout ce qui t'arrivait était ta faute. J'ai cru les rumeurs, j'ai laissé les autres parler, au lieu de venir te voir, te soutenir. J'ai dit des choses que je regrette profondément. Pepa baissa les yeux, son expression pleine de honte. Je m'excuse pour toutes ces fois où j'ai cru que tu étais la cause des malheurs, et je te demande pardon...Je ne devrais jamais avoir douté de toi, ni de ton cœur.

Mirabel se tenait là, les bras croisés, une expression difficile à lire sur son visage. Il y avait cette froideur, cette distance qu'elle mettait entre elle et les autres, comme un bouclier. Mais au fond, Pepa savait que Mirabel n'était pas insensible à ses mots. Elle avait toujours été capable de ressentir les émotions des autres, même si elle les cachait bien.

- Je n'ai pas voulu te faire de mal, mais je t'ai laissée te battre seule, continua Pepa, en s'approchant un peu plus. Et je vois maintenant que j'ai fait une énorme erreur...Mais je suis là pour toi, Mirabel. Pas parce que je suis ta tante, mais parce que je t'aime !

Mirabel resta un moment silencieuse, les yeux fixés sur le sol, la bouche légèrement pincée, comme si elle pesait les mots de Pepa dans sa tête. Elle avait beau vouloir ignorer tout ce qui venait d'être dit, elle sentait en elle un petit écho de cette affection, de cette recherche de réconciliation. Peu à peu, la chaleur d'une vieille complicité se faisait jour, malgré la douleur qu'elle portait.

Finalement, Mirabel murmura, presque à elle-même :

- Pourquoi tu n'es jamais venue, quand j'en avais besoin ?

Pepa baissa les yeux, le cœur serré.

- Je n'étais pas prête à comprendre ce que tu traversais...J pensais que tu n'avais pas besoin de moi. Mais je m'étais trompée ! Elle tendit la main vers sa nièce, hésitante mais pleine de sincérité. Je n'ai jamais voulu te laisser tomber.

Mirabel la fixa un instant, les bras toujours croisés, mais cette fois un peu moins fermée. La tension dans son corps semblait se relâcher légèrement. Elle n'avait pas encore dit grand-chose, mais le fait que sa tante s'excuse, qu'elle reconnaisse son erreur, apportait un petit peu de lumière dans l'obscurité qui envahissait son cœur.

Pepa attendit, patiente, prête à accepter tout ce que Mirabel choisirait de lui offrir. Elle savait que cela prendrait du temps, mais elle était prête à faire le nécessaire pour réparer les ponts.

Mirabel baissa les yeux, son regard se tournant vers le sol. Après un moment de silence lourd, elle murmura presque silencieusement, sans vraiment lever les yeux :

- C-Ce n'est pas facile, tía.

Pepa sourit tristement, se rapprochant encore un peu.

- Je sais, mi amor....Mais je suis là ! Et je serai toujours là, à partir de maintenant.

Mirabel ne répondit pas tout de suite, mais un frémissement d'émotion traversa son regard. Peut-être qu'elle ne croyait pas tout à fait encore à ces paroles. Mais, dans ce petit geste de tendresse partagée, il y avait un espoir fragile. Un espoir que les choses pouvaient, d'une manière ou d'une autre, se réparer.

Pepa, voyant l'éventuelle ouverture, se contenta d'un simple sourire doux et silencieux, respectant l'espace de Mirabel, mais déterminée à ne pas laisser tomber sa nièce une nouvelle fois.

Elle termine de mettre en place un rocher, se tourna vers Mirabel, un léger sourire aux lèvres malgré l'angoisse qui habitait son cœur. Elle avait pris conscience de l'immense fardeau que portait sa nièce, et chaque petit détail semblait renforcer la douleur qu'elle ressentait. Elle s'appuya contre un mur de la Casita, observant Mirabel avec une tendresse bien dissimulée sous son propre masque de fortitude.

- Et puis, dit-elle en ajustant une pierre, tu aurais dû voir la tête de Camilo depuis la chute de Casita. Il ne cesse de te regarder, même si, à présent, il ne peut plus prendre l'apparence de quelqu'un d'autre pour être discret, il le fait tout le temps.

Mirabel tourna lentement la tête, intriguée mais aussi bouleversée par ce qu'elle venait d'entendre. Elle avait bien remarqué l'attitude étrange de Camilo, mais n'avait jamais osé l'interpréter de cette manière.

- C-Comment ça ? demanda-t-elle doucement, un frémissement de curiosité dans sa voix, bien que la tristesse et le poids des événements passés fût encore présent dans ses yeux.

Pepa soupira et s'assit un moment sur une pierre, prenant le temps d'expliquer avec une douceur infinie :

- Avant qu'il reçoive son don, vous étiez si proches, presque comme des jumeaux. Vous étiez les meilleurs amis, et rien ne pouvait vous séparer ! Elle marqua une pause, comme si cette époque lui semblait si lointaine. Quand Camilo a eu son don, tout a changé, bien sûr. Mais malgré ça, il n'a jamais cessé de penser à toi, à te protéger. C'était comme une promesse qu'il se faisait, même si Abuela lui avait dit de t'ignorer.

Mirabel baissa la tête en entendant ces mots, serrant les poings lentement. Elle ne pouvait pas empêcher la douleur de se raviver à chaque mention de cette vérité cachée, de chaque éclat de lumière que Pepa laissait entrevoir.

- Je sais, murmura Mirabel, ses yeux se noyant dans une mer de souvenirs. Avant que tout ça arrive...Avant que je fasse...Tu sais quoi avec Casita, il m'avait avoué combien il était blessé, combien il avait été forcé par Abuela à m'ignorer, à me laisser seule. La voix de Mirabel se brisa légèrement, comme si chaque mot était un poids supplémentaire sur son cœur.

Elle prit une profonde inspiration, ses mains tremblant alors qu'elle se mordillait la lèvre.

- M-Mais...J-J'ai joué avec ses sentiments. Je l'ai ignoré, je l'ai manipulé, je l'ai trahi ! J'ai détruit ce qu'il y avait de plus pur entre nous, tía ! Elle ferma les yeux, une larme solitaire glissant le long de sa joue. Je suis devenue vilaine pour détruire le miracle, mais malgré tout ce que j'ai fait...Malgré tout ce que je lui ai menti et trahi, il tient toujours à moi ?!

Sa voix se coucha sous le poids de ses mots, et sa main se referma fermement autour de son cœur.

- Tía...Pourquoi ? Pourquoi il continue de me tendre la main ? POURQUOI tout le monde semble si gentil et attachant depuis une semaine ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi après tout ce que j'ai fait ?!

Mirabel se laissa tomber à genoux, les larmes maintenant plus nombreuses, roulant sur ses joues. Le poids de sa culpabilité, de ses choix, de ses erreurs, était plus lourd que tout ce qu'elle avait porté jusque-là. Elle leva les yeux vers sa tante, les yeux pleins de douleur et d'incertitude.

- Je suis la pire cousine au monde, n'est-ce pas ?

Pepa se précipita vers elle, s'agenouillant pour la prendre dans ses bras.

- Non, Mirabel, non ! Sa voix était douce, réconfortante, mais ferme dans sa conviction. Tu n'es pas la pire cousine. Tu as fait des erreurs, comme nous tous...Mais cela ne fait pas de toi une mauvaise personne. Tu as souffert, et parfois, la douleur nous fait agir d'une manière que l'on regrette plus tard !

Mirabel se serra contre elle, le souffle saccadé par ses sanglots.

- Mais comment revenir de tout ça, tía ? Comment réparer tout ce que j'ai brisé ? demanda-t-elle entre deux sanglots, presque désespérée.

Pepa la serra plus fort contre elle, et ses mains caressèrent doucement les cheveux de Mirabel.

- Tu n'as pas à tout réparer d'un coup, mija. C'est un pas à la fois, c'est lent, mais avec l'amour et le temps, tout se guérit. Nous allons le faire ensemble.

Mirabel hocha la tête dans ses bras, les larmes coulant sans fin, mais à cet instant précis, quelque chose en elle se brisait. Pas de la même manière qu'avant. Cette fois, ce n'était pas le poids d'un fardeau insupportable, mais le début de la libération, même si tout restait encore difficile à comprendre. Et tout doucement, elle sentit la chaleur de la tendresse, de l'amour inconditionnel que Pepa lui offrait. Il y avait une lumière qui perçait à travers les fissures de sa douleur. Peut-être, juste peut-être, qu'elle pouvait encore être aimée.

Pepa, toujours avec une douceur infinie, regarda Mirabel dans les yeux, essayant de lui transmettre tout le réconfort qu'elle pouvait.

- Camilo serait tellement heureux que tu lui dises ce que tu ressens réellement, dit-elle, sa voix calme et chaleureuse. Je sais qu'il te cherche, qu'il t'inquiète, et j'espère que tu pourras un jour lui ouvrir ton cœur de nouveau.

Elle soupira doucement avant de continuer :

- J'ai besoin de toi aussi, mi amor, pour qu'il arrête de crier tous les soirs à Abuela, disant que c'est de sa faute si tu n'es plus heureuse ! Même s'il n'a pas totalement tort...Tu vois ce que je veux dire. Il est peut-être un peu comique parfois, mais il tient vraiment à toi, plus qu'il ne l'admet.

Mirabel écouta chaque mot de sa tante, les yeux baissés, comme si elle pesait chacun d'eux. Elle sentit un frémissement dans sa poitrine, une chaleur nouvelle qui, bien qu'encore fragile, faisait écho à ce qu'elle avait longtemps ignoré. Pepa avait raison, Camilo ne l'avait jamais laissée seule, même quand elle se sentait complètement perdue. Il l'avait toujours soutenue, même dans les moments les plus sombres.

- J'ai encore ce sentiment de vide en moi...murmura Mirabel, les yeux remplis de tristesse. Je ne sais pas quand ça passera, mais je vais essayer...Je vais faire l'effort.

Pepa lui sourit tendrement, posant une main sur son épaule, comme pour la rassurer, pour lui dire qu'elle n'était pas seule dans ce chemin de guérison. Elle la serra à nouveau dans ses bras, ses mots remplis de gratitude et d'amour.

- Merci encore d'avoir pris soin d'Antonio, Mirabel. Elle ferma les yeux un instant, savourant la chaleur de cet instant partagé. Je sais que je te l'ai laissé sans te remercier, et je suis désolée pour ça. Alors, je le fais maintenant, muchas gracias mi dulce y cariñosa sobrina !

Mirabel, encore prise dans les bras de sa tante, sentit ses émotions déborder. Les paroles de sa tantd étaient comme une douce caresse sur ses blessures. Elle hocha la tête lentement, une vague de reconnaissance flottant dans son cœur. C'était tout ce dont elle avait besoin, une petite étincelle de lumière pour raviver un peu de chaleur dans ce vide qui l'envahissait.

🕯✨️🕯

Dans une petite pièce au coin de la maison, aménagée temporairement pour que les membres de la famille puissent se reposer après une longue journée de travail. Les quatre cousines étaient réunies autour d'une table, chacune portant une expression différente sur son visage. Les murs de la pièce étaient encore partiellement en construction, des pierres et des morceaux de bois témoignaient de l'effort qu'il fallait pour remettre la Casita en état. La lumière chaude du soir passait par les fenêtres, jetant des ombres douces sur les visages des filles.

Mirabel était assise avec Isabela, Luisa, et Dolores, toutes en train de discuter de leur expérience de travail sans dons. Leurs visages étaient marqués par des expressions de frustration et de fatigue. Isabela, qui ne cessait de se plaindre de sa nouvelle situation, s'exprimait avec exagération, agitant les mains dans l'air pour souligner sa détresse.

- Vraiment, ce n'est pas possible ! Je n'ai jamais été habituée à faire les choses à la main, tout ça est tellement plus difficile sans mes pouvoirs !
disait-elle d'une voix plaintive.

À côté d'elle, Dolores, les traits tendus par l'épuisement, murmurait faiblement :

- Je suis tellement fatiguée, je ne sais plus où donner de la tête...Ses yeux étaient cernés, ses mains tremblaient légèrement. Elle avait l'air d'avoir atteint sa limite.

Luisa, quant à elle, secouait la tête, son regard perplexe dirigé vers les autres.

- Comment font les gens normaux ? Comment est-ce qu'ils gèrent sans pouvoirs ? J'ai l'impression que tout est plus difficile maintenant ! Elle se passa une main sur le front, l'air agacé et déconcerté.

Un silence lourd s'installa brièvement dans la pièce, avant que Luisa ne s'interrompe en réalisant qu'elle avait parlé trop fort. Elle se tut immédiatement, une expression gênée traversant son visage. Isabela, d'un air exaspéré, tapa sa main contre son front, comme si la réponse à sa plainte était d'une évidence cruelle. Dolores lui lança un regard noir, visiblement agacée par son ton, mais elle ne dit rien.

Mirabel, assise à côté d'elles, soupira profondément. Elle avait écouté en silence, mais les paroles de ses cousines commençaient à l'irriter. Le poids de l'abandon des dons et de la culpabilité de la perte de la magie pesait sur elle. Elle se leva brusquement, son regard s'assombrissant alors qu'elle fixait Isabela, Luisa et Dolores.

- Ce n'est rien. Je suis habituée, Luisa, murmura-t-elle, sa voix froide, mais contenue. Elle marqua une pause, puis, d'un ton sec, continua : Mais dites-vous que c'est ce que j'ai vécu pendant dix ans. Alors au lieu de vous plaindre comme des princesses, essayez de faire de même ! Sa voix tremblait légèrement sous la pression, mais elle gardait son calme apparent.

Elle tourna son regard vers les trois femmes, son corps tendu, prête à s'éclipser.

- Je préfère me jeter par la fenêtre que continuer à vous entendre vous plaindre de la perte de vos dons, ajouta-t-elle, son ton acéré. Puis, baissant les yeux, elle murmura d'une voix presque inaudible, Je sais que c'est moi qui ai causé la perte de vos dons, alors merci de ne pas me le rappeler.

Elle tourna les talons, un dernier regard lourd lancé à Isabela, Luisa et Dolores avant de s'éloigner, le poids de ses mots et de sa douleur la rendant presque invisible dans l'ombre de la pièce.

Elle quitta rapidement la pièce d'un pas rapide, ses épaules légèrement voûtées sous le poids d'une lassitude évidente. Julieta, qui venait d'entrer, s'arrêta net en voyant sa benjamine partir. Elle soupira profondément, puis croisa les bras, un mélange de frustration et de déception se peignant sur son visage.

Elle dirigea un regard perçant vers Isabela, Luisa et Dolores, qui restaient assises, gênées, comme des enfants prises sur le fait. Isabela jouait nerveusement avec une fleur qu'elle avait essayé de tresser dans ses cheveux, un tic persistant même sans son don. Luisa se redressa maladroitement, le visage rouge de honte, et Dolores, bien qu'ordinairement silencieuse, semblait vouloir disparaître dans le sol.

- Qu'est-ce qui s'est passé ici ? demanda Julieta d'une voix calme mais ferme, son ton empreint d'une autorité que peu osaient défier.

Luisa tenta de prendre la parole, mais ses mots se mélangèrent :

- J-Je...On parlait juste, et...

Isabela l'interrompit en levant une main pour apaiser sa petite sœur :

- Mamà, ce n'est pas ce que tu crois. On discutait simplement de...Nos efforts pour travailler sans nos dons !

Julieta leva un sourcil, incrédule :

- "Discuter" ? Et cela justifie de la faire fuir comme ça ? Vous vous êtes plaintes devant Mirabel, la seule qui a dû vivre sans miracle pendant des années et qui, malgré tout, essaye encore de nous aider ?

Les trois filles baissèrent les yeux, incapables de répondre. Dolores ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit.

- Vous devriez avoir honte, continua Julieta, sa voix s'élevant légèrement. Mirabel fait tout ce qu'elle peut pour reconstruire Casita et rétablir l'équilibre dans cette famille. Et vous, vous osez vous lamenter devant elle sur des choses qu'elle a supportées toute sa vie ?

Dolores murmura finalement, sa voix à peine audible :

- J-Je...On ne voulait pas la blesser, tía.

Julieta soupira, adoucissant légèrement son expression, mais gardant un ton ferme :

- Ce n'est pas seulement une question d'intention, Dolores. C'est une question de compréhension et de respect !

Isabela croisa les bras, visiblement piquée par le reproche, mais elle n'osa pas répondre. Luisa, quant à elle, se leva précipitamment.

- Je vais aller lui parler, mamá, dit-elle avec une détermination sincère.

- Non, intervint Julieta. Pas maintenant. Donnez-lui de l'espace....Si vous voulez lui parler, commencez par réfléchir à la façon dont vous pourriez vraiment la soutenir !

Isabela, toujours fière et légèrement agacée, leva les yeux au ciel avant de prendre la parole d'un ton légèrement exaspéré :

- Mamá, ça fait une semaine que Mirabel est disons, difficile à gérer...Elle est froide, distante, et elle ne fait aucun effort pour !

Julieta l'interrompit brusquement, sa voix autoritaire coupant Isabela net :

- Baisse d'un ton, Isabela !

La fermeté de son regard fit taire la jeune femme instantanément. Julieta inspira profondément, tentant de maîtriser l'émotion qui montait en elle, avant de continuer avec une douceur teintée de reproche :

- Ta petite sœur a vécu des choses que tu ne pourrais même pas imaginer ! Elle a porté le poids de cette famille sur ses épaules sans jamais se plaindre, et aujourd'hui encore, elle essaie de nous aider, malgré tout ce qu'elle ressent. Oui, elle est distante, mais qui pourrait lui en vouloir après tout ce qu'elle a traversé ?

Isabela baissa les yeux, visiblement gênée, tandis que Luisa semblait vouloir dire quelque chose mais préféra rester silencieuse. Dolores, assise à côté, fixait le sol, mordillant nerveusement ses lèvres.

Julieta continua, son regard alternant entre les trois :

- Je ne veux plus entendre une seule plainte. Mirabel a encore du mal à s'en remettre, et si vous avez une once de compassion, vous ferez tout pour lui prouver qu'elle a une place dans cette famille, qu'elle a une place dans vos cœurs. De même pour toi, Luisa et toi aussi, Dolores.

Dolores hocha timidement la tête, tandis que Luisa murmura :

- Oui, mamá...Tu as raison.

Isabela, bien qu'hésitante, finit par murmurer à son tour :

- Je suis désolée mamá. Je vais essayer de mieux faire...

Julieta relâcha ses bras et poussa un soupir, regardant ses filles et sa nièce avec une tendresse sévère :

- Ce n'est pas une question d'essayer. C'est une question de faire. Mirabel a besoin de vous, même si elle ne le dit pas. C'est votre petite sœur à vous Isabela et Luisa et ta petite cousine Dolores. Vous avez une responsabilité envers elle, tout comme elle l'a toujours eu envers vous !

Les trois jeunes femmes acquiescèrent en silence, conscientes qu'elles devaient faire des efforts pour réparer ce lien fragile avec leur sœur et cousine.

Julieta s'approcha de la table avec une détermination froide, ses pas résonnant lourdement dans le silence tendu de la pièce. D'un geste brusque, elle jeta une enveloppe usée sur la surface en bois, ce qui fit sursauter Isabela, Luisa et Dolores, assises autour. Les trois jeunes femmes échangèrent des regards, surprises par la colère inhabituelle de leur mère ou tante.

Dolores, toujours plus réservée, brisa le silence en demandant timidement :

- Tía, qu'est-ce que c'est ?

Julieta soupira profondément, son visage mêlant exaspération et tristesse.

- Ça ? C'est ce que Mirabel a gagné, seule, en travaillant dur ces derniers jours. Chaque centime qu'elle a réussi à obtenir, non pas pour elle, mais pour nous, pour aider à reconstruire Casita !

Elle posa ses mains sur ses hanches, son regard passant de l'une à l'autre avec une intensité qui les fit détourner les yeux.

- Elle n'a que quinze ans ! QUINZE ANS ! Et malgré tout ce qu'elle a traversé, elle continue de se battre pour cette famille, pour vous. Luisa, tu as dix-neuf ans ! Et vous deux, Isabela et Dolores, vous en avez vingt et un. Vous êtes des adultes, et c'est elle qui montre l'exemple alors qu'elle est encore une enfant !

Luisa baissa les yeux, honteuse, triturant nerveusement une mèche de cheveux. Isabela croisa les bras, son visage se durcissant légèrement pour masquer son malaise. Dolores, de son côté, fronça les sourcils, prise entre l'envie de répondre et la culpabilité qui montait en elle.

- Tu crois que Mirabel a envie de passer ses journées à travailler ? continua Julieta. À entendre les commentaires des villageois ou à supporter des gens qui la méprisent encore ? Et pourtant, elle le fait, et sans se plaindre ! Alors, au lieu de gémir parce que vous n'avez plus vos dons, prenez exemple sur elle.

Elle fit une pause, laissant ses mots s'imprégner dans l'esprit de chacune. Sa voix s'adoucit légèrement, mais l'autorité demeurait.

- Vous devriez être là pour la soutenir, pas l'abandonner. Elle a porté assez de poids seule, pendant assez longtemps !

Le silence retomba lourdement dans la pièce. Isabela détourna le regard, mordillant nerveusement sa lèvre inférieure. Luisa semblait sur le point de parler, mais se ravisa, tandis que Dolores regardait fixement l'enveloppe, son expression indéchiffrable.

Julieta hocha la tête, satisfaite de leur réaction.

- Si vous avez compris, je vous laisse réfléchir à comment vous allez rattraper ça.

Julieta quitta la pièce en construction, tenant toujours l'enveloppe contenant l'argent durement gagné par Mirabel. Elle s'arrêta un instant, croisant les bras, avant de soupirer profondément. Les tensions avec ses filles et sa nièce la préoccupaient, mais elle savait qu'intervenir à ce moment pourrait empirer les choses. Elle se retourna pour observer l'extérieur.

Son regard se posa sur Mirabel, qui était assise sur l'herbe avec Antonio. Le petit garçon riait joyeusement tandis que Mirabel faisait des animaux en feuilles et les faisait "parler" pour le distraire. Pour la première fois depuis des jours, un mince sourire éclaira le visage de Julieta. Voir Mirabel se connecter avec Antonio lui donna une lueur d'espoir. Cela lui rappelait la douceur et la générosité naturelle de sa fille, malgré tout ce qu'elle avait traversé.

Rassurée, Julieta décida de ne pas interrompre ce moment précieux. Elle se tourna ensuite vers la zone principale de construction où Augustín et Bruno luttaient pour ajuster une poutre en bois.

- Je vois que vous avez besoin d'un coup de main, lança-t-elle en arrivant, ses manches déjà retroussées.

Bruno, transpirant et visiblement concentré, releva la tête et répondit nerveusement :

- Oh, Julieta, euh...O-Oui, on pourrait utiliser ton expertise ou plutôt ta patience. Parce que, à ce rythme, je vais prédire que cette poutre va tomber au moins trois fois !

Julieta sourit, posant doucement l'enveloppe à l'abri sur une pierre proche avant de prendre position pour aider.

- Pas de visions, Bruno, juste de l'huile de coude cette fois, dit-elle en lui faisant un clin d'œil.

Augustín, bien que maladroit comme toujours, essayait de coordonner les efforts.

- Avec toi ici, on va finir en un rien de temps, Julieta. Mais euh, si on pouvait éviter de me laisser manier les clous, ce serait plus sûr....

Julieta rit doucement avant de se mettre au travail, prête à reconstruire non seulement leur maison, mais aussi les liens brisés qui pesaient sur leur famille.

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