Chapitre 14 : Un miracle ?
Isabela, les yeux brillants de gratitude, se tourna vers Bruno, la voix empreinte d'un soulagement immense :
- Merci, tío...Merci infiniment de faire ça pour elle, pour nous tous !
Bruno baissa les yeux, touché mais hésitant.
- Isabela...J-Je...Je ferai de mon mieux, mais il me faut un espace bien plus grand pour voir ce qu'il faut dans la vision.
À cet instant, une petite voix douce s'éleva derrière eux, rompant le silence tendu.
- Vous pouvez aller dans ma chambre.
Tous se tournèrent, surpris, pour découvrir Antonio, leur plus jeune cousin, debout dans l'ombre avec ses petits rats autour de lui. Il leur adressait un sourire innocent, confiant, ses grands yeux remplis d'une force discrète, mais déterminée. Un de ses rats grimpa jusqu'à son épaule et renifla l'air, comme pour confirmer les paroles de son jeune maître.
- Les rats m'ont tout raconté, ajouta-t-il avec un sourire calme et une maturité inattendue pour son âge.
Isabela, Camilo, Dolores, et Luisa échangèrent des regards incrédules, touchés par l'innocence de leur petit cousin qui les observait avec un amour silencieux. Antonio, malgré son âge, semblait avoir compris la gravité de la situation et voulait, lui aussi, faire tout ce qu'il pouvait pour aider Mirabel.
Dolores s'agenouilla à sa hauteur, posant une main protectrice sur l'épaule d'Antonio.
- Tu sais ce que ça veut dire, Toñito ? Ce que tío Bruno va essayer de faire ?
Antonio hocha la tête, son regard sérieux.
- Oui, je veux aider Mirabel. Il se redressa, son courage enfantin inspirant, puis se tourna vers Bruno. Mes animaux et moi, on peut vous montrer le chemin. Ma chambre est assez grande et elle est calme aussi, tío.
Bruno regarda Antonio, ému par son courage.
- Merci, Antonio. J-Je n'aurais pas pensé que tu serais prêt à faire ça.
Les Madrigal sortirent lentement de la cachette de Bruno, avançant prudemment dans les passages étroits derrière les murs de Casita. En sortant enfin dans les couloirs, ils furent frappés par l'état de la maison : des fissures menaçantes parcouraient les murs, s'étendant comme des veines sombres et inquiétantes le long de chaque surface. Le sol sous leurs pieds vibrait faiblement, et des craquements se faisaient entendre de toute part, comme un écho angoissant de la détérioration de Casita.
Ils échangèrent des regards inquiets en voyant les portes de la maison, autrefois lumineuses et éclatantes, plongées dans l'obscurité. Les portes de Julieta et d'Abuela, qui avaient encore brillé un peu plus tôt, étaient maintenant aussi sombres que les autres. La maison entière semblait perdre son essence, son éclat, son âme.
Antonio, se tenant juste devant eux avec une expression sérieuse et triste, murmura d'une voix douce :
- Mirabel...Elle devient incontrôlable. Mais, elle ne m'a rien fait. Il ajouta ces derniers mots presque avec soulagement, comme s'il se raccrochait à l'idée que sa cousine préférée n'était pas complètement perdue.
Camilo lâcha un long soupir, la douleur visible dans ses yeux, comme s'il ne reconnaissait plus la maison qui les avait abrités tous. Avant qu'il puisse dire quelque chose, il sentit une main douce et réconfortante se poser sur la sienne. C'était Dolores, qui le regardait avec tendresse et détermination, essayant de le rassurer. Il lui sourit faiblement, reconnaissant de son soutien silencieux.
Isabela, inspirant profondément pour refouler sa propre peur, se redressa, ramenant tout le monde à l'urgence de la situation.
- Allons-y, dit-elle fermement, son regard balayant chacun de ses cousins, sa sœur et son tío avec détermination. Avant que Mirabel ne nous repère.
Elle se tourna vers Antonio et lui fit un signe de tête, lui confiant la suite.
- Montre-nous la route, Antonio !
Antonio hocha la tête, concentré, et les guida avec calme dans les couloirs craquelés de Casita, ses animaux fidèles suivant de près, comme pour former une escorte silencieuse et protectrice. Le petit garçon marchait avec prudence, mais sans hésitation, connaissant parfaitement chaque recoin de la maison. Ses rats chuchotaient des informations dans son oreille, s'assurant que la voie était libre, loin de Mirabel.
Les Madrigal le suivirent en silence, jetant des regards inquiets autour d'eux, sentant le poids de chaque pas qu'ils posaient sur ce sol fragilisé. Ils avaient tous le cœur serré, anxieux de découvrir ce que Bruno pourrait leur révéler et ce qu'ils pourraient encore faire pour sauver Mirabel et Casita avant que tout ne s'effondre.
🕯✨️🕯
Bruno s'installa lentement au centre de la vaste chambre d'Antonio, entouré par ses neveux et nièces, tous rassemblés autour de lui dans un cercle serré. Il s'agenouilla avec une gravité visible et sortit une poignée de sable doré de sa poche, qu'il laissa couler entre ses doigts pour dessiner un grand cercle parfait sur le sol. Le silence régnait dans la pièce, uniquement interrompu par le bruissement léger des grains de sable qui glissaient lentement, formant une sorte de halo sacré autour de Bruno et du reste de la famille.
Une fois le cercle terminé, Bruno se redressa et inspira profondément, tournant son regard vers chacun de ses proches.
- Donnez-moi tous la main, leur murmura-t-il d'une voix douce mais résolue.
Sans attendre, ils se prirent la main, échangeant des regards empreints de nervosité et d'incertitude. On pouvait voir l'ombre de la peur et de l'espoir dans leurs yeux, comme s'ils se préparaient à plonger dans l'inconnu, prêts à affronter la vérité, quelle qu'elle soit.
Antonio serra la main de Bruno, son regard fixé sur son oncle avec confiance et curiosité, tandis que Dolores, juste à côté, fermait les yeux un instant pour se préparer intérieurement. Camilo, toujours nerveux, déglutit, ses doigts légèrement tremblants dans les mains de ses cousines Isabela et Luisa, qui elles-mêmes essayaient de dissimuler leur appréhension.
Bruno ferma alors les yeux et murmura une incantation inaudible, se concentrant pour faire appel à son don longtemps endormi. Un silence lourd s'abattit dans la pièce, et l'air sembla se charger d'une étrange tension. Puis, lentement, Bruno rouvrit les yeux, révélant un éclat intense, d'un vert émeraude surnaturel, qui semblait émettre sa propre lumière. Ce regard envahi par l'énergie mystique envoya une onde de frissons à travers la pièce, tandis que les Madrigal autour de lui restaient immobiles, suspendus à son expression.
D'un mouvement lent et presque théâtral, Bruno leva la main, et les grains de sable au centre du cercle se mirent à flotter comme par magie, s'élevant lentement dans l'air, lumineux, formant des motifs complexes autour d'eux. Des éclats de lumière verte apparurent, projetant des ombres vibrantes sur les murs et le sol de la chambre. Le sable se rassemblait en des formes floues, s'assemblant peu à peu pour dévoiler des images : des fragments de la vision à venir.
Les Madrigal observaient, bouche bée, les yeux écarquillés, alors que les premières silhouettes apparaissaient. On distinguait Casita, fissurée et brisée, presque méconnaissable. La maison semblait perdre sa lumière, se détériorant sous leurs yeux. Puis, l'image de Mirabel surgit au centre de la vision : elle marchait seule, ses yeux brillants d'un jaune intense, fixant quelque chose au loin avec une expression qui mélangeait tristesse, colère, et détermination.
La vision se brouilla un instant, puis un nouvel aperçu apparut. Mirabel semblait se tenir face à Abuela Alma, et derrière elle, on pouvait voir les membres de la famille Madrigal, affaiblis, privés de leurs dons. Casita s'effondrait peu à peu autour d'eux, mais Mirabel semblait être la seule encore debout, regardant Abuela avec une froideur surprenante.
Les Madrigal présents dans la pièce échangèrent des regards, l'angoisse se lisant sur leurs visages. Ils sentaient que ce qu'ils voyaient n'était pas seulement une vision de l'avenir, mais une sombre vérité sur le présent.
Bruno, toujours au centre, ferma un instant les yeux, comme accablé par le poids de la vision. Lorsqu'il les rouvrit, le vert émeraude s'estompa, laissant place à ses yeux habituels, chargés de tristesse et de culpabilité. Il relâcha les mains de ses proches, sentant leur panique silencieuse.
Il murmura d'une voix brisée :
- Elle nous a tant observés...Elle connaît notre faiblesse à tous. Mais elle est encore là, quelque part, peut-être que...Il ne finit pas sa phrase, laissant ses neveux et nièces comprendre d'eux-mêmes ce qu'ils venaient de voir.
Antonio, le plus jeune, chuchota d'une voix pleine de peur :
- Est-ce que ça veut dire que Casita est condamnée ?
Camilo secoua la tête, un éclat de détermination dans les yeux.
- Non Toñito. On va la retrouver. On va sauver Mirabel et Casita, coûte que coûte !
Un silence solennel s'installa de nouveau, chacun d'eux comprenant l'urgence de leur mission, prêt à faire face aux conséquences de ce qu'ils venaient de découvrir.
Dolores, visiblement perturbée, se tourna vers Bruno après la vision, la voix presque tremblante :
- J'ai remarqué quelque chose de bizarre chez Mirabel...Ses yeux. Ils ne sont plus marrons, mais jaunes. Pourquoi ?
Bruno, encore secoué par l'intensité de ce qu'il venait de voir, se frotta les tempes, comme pour essayer d'organiser ses pensées. Il plongea à nouveau son regard dans le sable suspendu, des fragments de la vision encore présents dans les motifs flottants.
- J'ai une théorie, commença-t-il d'une voix hésitante, le regard perdu dans les spirales de sable vert émeraude. Ce changement...Ça pourrait signifier qu'elle est en train de fusionner d'une manière ou d'une autre avec Casita. Vous avez vu les fissures, comment elles la suivent ? Elle et Casita sont liés, d'une façon que je n'avais pas prévue...
Tous retinrent leur souffle, comprenant que Mirabel n'était plus simplement en colère, mais qu'elle semblait être reliée aux racines même de leur miracle, un lien peut-être destructeur mais profond.
Bruno continua :
- Ce n'est plus seulement la douleur ou la colère. Casita a toujours été le cœur de notre famille, alimenté par l'amour et l'harmonie. Si ce cœur est envahi par des sentiments sombres...Le miracle peut se transformer en quelque chose de dangereux ! Il passa une main nerveuse dans ses cheveux, conscient que la situation échappait à tout contrôle.
Alors qu'il parlait, des lueurs émeraudes dans le sable attirèrent l'attention de Camilo. Il fronça les sourcils, observant attentivement les formes éphémères qui apparaissaient et se dissipaient dans le sable flottant. Soudain, un éclat doré jaillit au centre, prenant la forme délicate d'un papillon qui battait des ailes, vibrant dans la lumière verte. Camilo, le cœur battant, s'écria en montrant du doigt :
- Là-bas ! Regardez ! Un papillon !
Tous les regards se tournèrent vers l'image du papillon doré. L'éclat de ses ailes projetait une douce lumière, rappelant vaguement les couleurs chatoyantes de Casita dans ses jours de splendeur. Le papillon semblait voler autour d'une silhouette féminine indistincte sans doute Mirabel. Il y avait quelque chose de rassurant et d'intrigant dans cette image : un dernier lien entre Mirabel et l'espoir du miracle.
Bruno plissa les yeux, observant cette vision fugace.
- Le papillon...Il symbolisait toujours l'espoir et la transformation pour notre famille. Son visage se durcit. Mais là, il pourrait aussi représenter un choix...Un chemin qui reste encore à emprunter, pour la sauver et sauver Casita. Mirabel est encore là, quelque part, et il y a peut-être encore une chance de la ramener.
Isabela fixa le papillon d'un regard intensément triste.
- Elle est piégée...Mais peut-être qu'une part d'elle lutte toujours !
Luisa, la mâchoire serrée, hocha la tête avec détermination.
- Alors on va la ramener ! On va lui montrer qu'elle n'est pas seule et que tout n'est pas perdu.
Bruno prit une grande inspiration, le regard rempli de gravité.
- Cette vision ne nous donne pas de réponse directe, mais elle nous rappelle que l'espoir est toujours là aussi fragile soit-il.
Le papillon de sable disparut, et les Madrigal restèrent un moment silencieux, chacun reprenant son souffle et trouvant dans cette dernière image la force de continuer. Ils comprirent alors que Mirabel, malgré tout, n'était pas totalement perdue.
Luisa, toujours secouée par les révélations, passa une main sur son visage comme pour chasser l'incrédulité.
- Ça explique tout, murmura-t-elle d'une voix tendue, son regard scrutant le sable vert émeraude qui s'était dispersé autour d'eux. Si Mirabel est liée au miracle...Alors, elle a accès aux mêmes pouvoirs qui nous les ont donnés à l'origine. C'est pour ça qu'elle peut nous retirer nos dons.
Elle posa un regard lourd de tristesse et de confusion sur ses mains, autrefois capables de soulever des montagnes, aujourd'hui si ordinaires, fragiles.
- Elle contrôle cette force que nous pensions intouchable...
Isabela acquiesça, ses yeux fixés au sol comme si elle voyait à travers les murs de Casita.
- Oui, et elle est même connectée directement à Casita, ajouta-t-elle, la voix hésitante mais pleine de détermination. Elle et Abuela ?
Ses derniers mots résonnaient presque comme un aveu douloureux.
Dolores, sensible aux moindres vibrations, frissonna légèrement, sentant la gravité de la situation. Elle se remémorait les mouvements des murs, les craquements de la maison, qui semblaient suivre les pas de Mirabel.
- La maison obéit à Abuela et à Mirabel depuis toujours, dit-elle d'une voix basse, comme si le fait même de prononcer ces mots rendait la situation encore plus inéluctable.
Camilo, habituellement si vif, resta silencieux, essayant de comprendre l'ampleur de ce lien invisible qui transformait leur cousine en quelque chose d'aussi puissant qu'incontrôlable.
- Si Mirabel est liée à Casita...Elle a littéralement pris le contrôle du cœur même de notre maison.
Bruno, observant chacun des jeunes, comprit alors le poids de cette vérité : Mirabel était non seulement le vecteur de leurs pertes, mais aussi leur seul espoir.
- Cela signifie qu'elle est plus proche de la magie que nous tous, déclara-t-il, le regard perçant. Peut-être même plus que nous l'avons jamais été !
Isabela se redressa, une expression de détermination mêlée à une crainte profonde.
- Mais si elle est liée à Casita, alors c'est notre seule chance de la sauver et de sauver le miracle !
Les Madrigal, soudain figés par le rire cristallin mais empreint de sarcasme de Mirabel, se retournèrent lentement. Elle se tenait là, à l'entrée de la pièce, ses yeux dorés brillant d'un éclat troublant, un sourire glacial sur les lèvres. Elle applaudissait, moqueuse, savourant chaque regard incrédule et chaque murmure effrayé.
- Alors, vous avez enfin ouvert les yeux, déclara-t-elle avec une ironie déconcertante, son sourire s'élargissant tandis qu'elle observait tour à tour ses cousins et ses tantes.
Sa posture était assurée, presque royale, un contraste saisissant avec la jeune fille autrefois ignorée et fragile. En un mouvement fluide, elle posa son regard sur Bruno, avec une lueur presque douce dans les yeux, bien qu'il y eût une pointe de sarcasme dans sa voix.
- Tío Bruno, fit-elle, inclinant légèrement la tête comme pour lui rendre hommage, j'espère que tu vas mieux depuis la semaine passée. Encore désolée de ne pas avoir eu l'occasion de te rendre visite récemment...Sa voix se fit plus douce, avant de glisser vers une intonation plus mordante. Mais, je vois que tu as déjà de la compagnie ?
Bruno, troublé et désemparé, balbutia quelques mots, mais Mirabel ne lui laissa pas le temps de réagir. Elle continua d'avancer dans la pièce, ses pas provoquant de légères vibrations dans le sol, comme si Casita répondait instinctivement à chacun de ses mouvements. Les fissures sur les murs s'élargirent légèrement, et un murmure de crainte traversa le groupe.
Isabela, les poings serrés, tenta de cacher son appréhension derrière une attitude défiante.
- Mirabel, pourquoi es-tu ici ? Que comptes-tu faire ?
Mirabel lui adressa un sourire presque tendre, mais il y avait dans ses yeux une froideur qui glaçait le sang.
- Oh, Isabela, toujours à essayer de contrôler tout ce qui t'entoure...Je suis simplement ici pour observer.
Elle passa un doigt le long du mur, et les fissures semblaient suivre le mouvement, s'étendant lentement autour d'elle.
Dolores, d'un murmure presque imperceptible, tenta de capter l'attention de Camilo.
- Elle est bien plus forte que nous le pensions, souffla-t-elle, le visage blême.
Camilo hocha la tête, partagé entre l'inquiétude et l'incrédulité.
- Mirabel, qu'est-ce que tu cherches vraiment ? Pourquoi fais-tu tout ça ?!
Mirabel le regarda, ses yeux dorés brillant intensément.
- Je veux simplement que chacun voie la vérité, répondit-elle, d'une voix qui oscillait entre la tendresse et le reproche. Le miracle n'est pas une bénédiction, c'est une prison, pour moi et pour vous tous. Mais vous étiez trop aveugles pour le comprendre.
Bruno, enfin trouvant le courage de parler, s'avança d'un pas hésitant vers elle.
- Mirabel, il n'est pas trop tard. Nous pouvons...T-Te comprendre, trouver une solution !
Elle lui sourit, cette fois sincèrement.
- Tío Bruno, tu as toujours été le seul à essayer de me comprendre. Mais cette famille est trop enracinée dans ses illusions pour changer. Elle marqua une pause, laissant son regard s'attarder sur chacun d'eux. Profitez de ce moment de lucidité...Tant que vous le pouvez encore !
Antonio, le plus jeune des Madrigal, se cachait derrière Dolores, ses petits yeux bruns agrandis par la peur et l'incompréhension. Il observait sa cousine avec hésitation, les mains tremblant légèrement en s'agrippant au dos de sa grande sœur. Dans un murmure à peine audible, il balbutia :
- Mirabel, pourquoi tu nous fais tous peur ?
Mirabel tourna la tête vers lui, et, à la surprise de tous, un sourire sincèrement doux illumina son visage. Ses yeux, habituellement dorés et perçants, prirent une teinte plus tendre en se posant sur le jeune garçon. Elle s'approcha de lui en ignorant Dolores et s'accroupit pour être à sa hauteur, l'observant avec une chaleur inattendue.
- Oh, Toñito, murmura-t-elle avec une tendresse sincère. Ma très chère grande prima a des comptes à régler, mais ne t'inquiète pas, je ne te ferai aucun mal. Toi, tu m'as toujours apporté de la lumière. Tu n'as jamais fait partie de ceux qui m'ont blessée !
Elle passa une main affectueuse dans les boucles d'Antonio, qui frissonna mais ne recula pas.
- Au contraire, continua-t-elle, tu as été une source d'espoir pour moi. Quand tu es né, tu as ravivé un peu d'espoir dans ce cœur fatigué.
Antonio, touché par ses mots, lui adressa un petit sourire hésitant, presque réconforté, bien que toujours inquiet. Dolores le serra contre elle, le visage inquiet, surveillant chaque geste de sa cousine.
Mirabel se redressa alors lentement, ses yeux dorés retrouvant cette intensité glaçante. Elle laissa son regard se promener sur le reste de sa famille et ajouta avec une froideur acérée :
- Mais hélas, j'ai failli oublier... Vous avez de la compagnie, juste là, à votre gauche.
Les Madrigal, figés de stupeur, tournèrent la tête vers l'endroit désigné. Leurs cœurs se serrèrent en découvrant une scène terrifiante : Julieta, Augustín, Félix, Pepa, et Abuela Alma étaient ligotés dans des enchevêtrements de lianes épineuses, formant une cage végétale autour d'eux. Les plantes semblaient vivantes, s'étirant et se resserrant comme pour retenir fermement chaque membre captif. La lueur dorée émanant des yeux de Mirabel semblait animer les lianes elles-mêmes.
Julieta, blessée mais le regard encore empreint de désespoir, tendit une main tremblante vers sa fille.
- M-Mirabel, s'il te plaît...C'est ta famille....Nous sommes ta famille !
Félix et Pepa, tous deux ensorcelés de peur, tentaient de se libérer, mais les lianes se resserraient à chaque mouvement. Abuela Alma, malgré la situation, fixait Mirabel d'un regard sévère, refusant de montrer la moindre faiblesse. Mais même elle ne pouvait cacher les éclats de crainte dans ses yeux.
Mirabel, les bras croisés, les observait d'un regard glacial, son expression impassible. Elle répondit calmement, presque en chuchotant, mais sa voix résonna dans toute la pièce comme un couperet :
- Une famille ? Elle laissa échapper un rire amer. Une famille qui m'a oubliée, malmenée, ignorée. Une famille qui n'a jamais vu autre chose en moi qu'un fardeau ou une erreur !
Camilo, bouleversé, fit un pas en avant, la main tendue, son regard implorant.
- Mira, c'est nous, ta famille...Tu ne veux pas vraiment nous faire du mal...?
Mais Mirabel l'interrompit d'un geste, la mâchoire serrée et le regard de nouveau impénétrable.
- Je ne veux pas vous faire de mal, non ! Elle désigna Antonio d'un geste protecteur. Et Toñito le sait. Mais vous autres, vous allez enfin comprendre ce que ça fait d'être sans pouvoir, d'être faible, d'être laissé de côté.
Isabela, qui tentait de réprimer sa propre peur, se tourna vers sa sœur et murmura, comme si elle cherchait une dernière étincelle d'espoir :
- Luisa, que faisons-nous ?
Luisa, fixant le visage fermé de Mirabel, murmura, sa voix brisée :
- Nous devons encore essayer. Nous devons essayer de lui montrer qu'elle est aimée...
Mirabel éclata d'un rire sombre, ses yeux dorés étincelant avec une lueur intense et inquiétante. Elle se tourna lentement vers le reste de la famille Madrigal, un sourire en coin étirant ses lèvres.
- Il me reste juste à récupérer la bougie, murmura-t-elle, presque pour elle-même, et enfin...Je serai libre.
Mais avant qu'elle puisse faire un geste vers l'icône sacrée de la famille, Isabela et Luisa, réunissant tout leur courage, se précipitèrent vers elle, prêtes à tout pour l'arrêter. Cependant, Mirabel, anticipant leur mouvement, leva sa main d'un geste précis. Aussitôt, des lianes épaisses jaillirent du sol, se déroulant et se refermant autour de leurs corps, les immobilisant complètement. Les lianes les soulevèrent légèrement du sol, les enserrant jusqu'à les piéger dans une cage végétale, semblable à celle où leurs parents et grands-parents étaient déjà captifs.
Dolores, Camilo, Antonio et même Bruno tentèrent à leur tour de s'approcher, mais Mirabel leur lança un simple regard et d'autres lianes surgissaient déjà, se tordant et s'enroulant autour d'eux. Chacun fut emprisonné dans une cage de végétation, leurs mouvements brusquement stoppés.
Dolores, immobilisée, les yeux écarquillés, tenta de comprendre ce qui se passait.
- M-Mais...C-Comment est-ce possible ? murmura-t-elle, secouée. C'est le don d'Isabela !
Isabela, elle-même, restait figée dans sa cage de lianes, le choc sur son visage trahissant son incompréhension. Elle ne reconnaissait que trop bien ces plantes et ces fleurs qui s'épanouissaient autour d'eux elles semblaient issues de son propre pouvoir, comme si Mirabel avait réussi à s'approprier sa capacité.
Mirabel tourna la tête vers eux, un sourire ironique aux lèvres, son visage illuminé par cette satisfaction sombre.
- Vous pensiez vraiment que le miracle ne touchait que vous ? dit-elle, un ton amusé et dédaigneux dans la voix. Vous m'avez tous sous-estimée, tous autant que vous êtes !
Camilo, saisi par la panique, chercha un instant à se libérer des lianes, mais elles se resserraient à chaque mouvement, implacables.
- M-Mais...C-Comment ? Depuis quand...? balbutia-t-il.
Mirabel sourit plus largement, savourant l'attention qu'ils lui portaient enfin.
- Casita et le miracle sont plus proches de moi que vous ne pourriez le croire, expliqua-t-elle. Depuis que vous m'avez ignorée et laissée en marge, j'ai commencé à comprendre ce lien que j'ai avec cette maison, avec ce miracle. J'ai passé des nuits entières à l'explorer en silence, à apprendre ce que Casita pouvait vraiment m'offrir.
Isabela, encore sous le choc, murmura :
- Mais...C'était mon don ! Comment peux-tu le contrôler ?
Mirabel leva les yeux vers elle, un regard de défi dans les prunelles.
- Peut-être que Casita n'a jamais vraiment choisi, Isa, dit-elle d'une voix froide. Peut-être que le miracle n'était pas vraiment pour vous, mais pour moi. Parce qu'au fond, Casita est aussi prisonnière de votre vision étroite du miracle. Et maintenant, elle répond à mes souhaits, elle obéit à mes intentions !
Bruno, depuis sa cage de lianes, fixait Mirabel avec tristesse et incompréhension. Il savait qu'elle avait souffert, mais jamais il n'aurait imaginé cette noirceur dans son cœur.
- Mirabel, il est encore temps de revenir en arrière...Ce n'est pas toi, tout ça.
Mirabel le dévisagea avec une dureté inattendue.
- Revenir en arrière ? Elle lâcha un rire amer. Tío, tu sais autant que moi que le temps des excuses et des pardons est révolu. Cette famille m'a ignorée, méprisée. Aujourd'hui, c'est à moi de décider. C'est moi qui ai le contrôle !
Elle se retourna alors vers la bougie, son ultime objectif.
- Une fois que j'aurai récupéré cette flamme, le miracle m'appartiendra totalement !
Antonio, saisi d'une peur mêlée de chagrin, laissa échapper un murmure désespéré.
- Mirabel...S'il te plaît !
Pour la première fois, Mirabel hésita, un éclat de vulnérabilité traversant ses yeux. Mais presque aussitôt, elle retrouva son masque froid et impitoyable, refoulant toute hésitation. Elle avança d'un pas décidé, laissant derrière elle une famille qui, pour la première fois, prenait conscience de l'ampleur de sa propre négligence.
Ensuite, elle a parcourut la pièce d'un regard calculateur, ses yeux jaunes brillant d'une intensité qui faisait frémir chacun de ses proches. Devant elle, sa famille tout entière était piégée, impuissante, immobilisée dans les cages de lianes qu'elle avait elle-même invoquées. Elle s'avança lentement vers eux, le sourire en coin, presque tendre, mais glacé.
Elle s'arrêta d'abord devant Dolores, qui détournait le regard pour éviter celui, perçant, de sa cousine.
- Dolores, murmura Mirabel avec douceur, s'accroupissant pour mieux la fixer, si sensible, tellement à l'écoute que chaque murmure de cette maison te glace. Et pourtant, tu es toujours dans le silence quand il s'agit d'agir pour les autres.
Dolores frissonna, ses yeux s'emplissant de larmes silencieuses. Elle savait que Mirabel avait raison : sa capacité à entendre tout le monde l'avait rendue spectatrice, même dans les moments où elle aurait pu défendre sa cousine.
Mirabel se releva et se tourna vers Isabela.
- Isabela, dit-elle en la regardant, ses yeux perçants semblant lire en elle, la parfaite, la brillante, celle qui ne veut jamais décevoir. Toujours prête à jouer le rôle de la fille modèle, peu importe le prix. Mais tu sais bien que cette perfection n'est qu'une illusion, n'est-ce pas ? La vérité, Isa, c'est que tu es tout aussi enfermée dans cette maison que moi !
Isabela, crispée dans sa cage de lianes, ne pouvait que détourner les yeux, chaque mot de Mirabel s'enfonçant comme une épine dans son cœur.
Mirabel continua sa marche lente jusqu'à Luisa, qui, malgré sa cage, tentait encore de se libérer.
- Luisa, murmura-t-elle, une pointe de compassion dans la voix.
- Ma sœur forte, indestructible...Mais toi aussi, tu as une faille. Ta peur de l'échec, ta terreur de laisser tomber ceux que tu aimes. Tout ce poids que tu portes, tu n'as jamais eu le droit de le déposer. Mais aujourd'hui, même ta force ne suffit plus, pas vrai ?
Luisa ferma les yeux, accablée par les paroles de sa sœur, consciente de la vérité qui résonnait dans chacune d'elles.
Elle s'approcha alors de Camilo, qui tentait de sourire, son sourire espiègle déformé par la panique qui grandissait en lui.
- Et toi, Camilo, dit-elle d'un ton presque amusé, le grand acteur, le caméléon de la famille. Tu changes de visage, tu te caches derrière des blagues et des illusions...Mais à l'intérieur, tu te perds. Qui es-tu vraiment, sans ces masques, sans ces tours de passe-passe ? Peut-être que tu ne le sais même pas toi-même.
Camilo, pour la première fois, resta sans voix, son sourire s'effaçant tandis qu'il se sentait vulnérable sous ce regard perçant.
Pepa, observant sa fille et son fils dans leur détresse, sentit la peur l'envahir. Mais Mirabel se tourna déjà vers elle.
- Tía Pepa, dit-elle en haussant légèrement la voix, avec ton caractère orageux, tu as le pouvoir de changer le temps autour de toi. Mais tu es fragile, si facilement déstabilisée. Ta peur, ta colère, ton incapacité à gérer tes émotions font de toi la plus instable d'entre nous. Une tempête en bouteille, prête à éclater au moindre souffle !
Pepa frissonna, tentant de se maîtriser, mais une fine pluie commençait déjà à perler autour d'elle, incapable de dissimuler sa propre angoisse.
Julieta, les yeux pleins de larmes, regarda sa fille s'avancer vers elle.
- Mamà, dit Mirabel, une pointe de tristesse dans sa voix. Toi qui guéris, qui sauves les autres. Mais qui m'a négligée, moi. Tu as donné à tout le monde, sauf à ta propre fille, celle qui n'était jamais assez parfaite pour mériter ton attention.
Julieta resta silencieuse, dévastée par ces mots, incapable de répondre.
Mirabel continua jusqu'à Bruno, qui observait sa nièce avec une expression de tristesse et de résignation.
- Tío Bruno, murmura-t-elle. Toi qui vois l'avenir mais qui t'enfuis chaque fois que la réalité te terrifie. Tu as vu la vérité, tu m'as vue souffrir, mais tu n'as rien fait. Tu t'es caché, tout comme le reste de la famille !
Bruno détourna le regard, conscient de sa propre lâcheté, celle qui l'avait poussé à se retrancher derrière les murs de Casita.
Enfin, Mirabel s'accroupit devant Antonio, son visage se radoucissant légèrement.
- Antonio, dit-elle avec une douceur inattendue, mon petit Toñito...Toi, tu n'as jamais fait de mal. Tu es innocent dans tout ça...Mais même toi, tu dois comprendre que cette famille a des secrets qui vont au-delà de tout ce que tu aurais pu imaginer.
Antonio, effrayé mais touché par sa douceur, hocha légèrement la tête, comprenant peut-être pour la première fois la profondeur de la souffrance de sa cousine.
Se relevant, Mirabel fit un tour d'horizon de sa famille, tous piégés, tous silencieux, tous exposés à leurs propres faiblesses.
- Je connais chacun de vos points faibles, dit-elle d'une voix calme mais tranchante. Vous n'avez jamais voulu voir les miens, alors aujourd'hui, vous allez tous les regarder en face. Aujourd'hui, c'est mon tour !
Mirabel, les bras croisés, esquissa un sourire en coin en fixant Abuela, son expression traduisant à la fois du défi et du mépris. Abuela, malgré la peur qui lui serrait le cœur, s'approcha de la cage, son regard rempli de fureur mais aussi de détermination.
- Ne sois pas si arrogante, Mirabel, cria-t-elle. Tu crois détenir le pouvoir parce que tu nous as enfermés ? Parce que tu as pris nos dons ? Mais tu oublies une chose : nous connaissons tous ta véritable faiblesse !
Mirabel leva les yeux au ciel, exaspérée, un sourire narquois aux lèvres.
- Ah bon ? fit-elle, en haussant un sourcil, je n'ai aucune faiblesse, Abuela...Aucune ! Je suis plus forte, plus intelligente. Et surtout, j'ai entre mes mains tout ce qui faisait de vous des êtres spéciaux. Vos miracles, vos précieux dons, tout cela m'appartient maintenant. Alors qui est faible ici ?
Dans sa cage, Pepa prit une profonde inspiration, sa voix tremblante mais assurée.
- Tu te trompes, Mirabel, dit-elle d'une voix douce, mais lourde de sens. Ton cœur est ta faiblesse, ou plutôt...Le manque d'amour dans ton cœur. Tu as beau posséder nos dons et toute l'intelligence du monde, il te manquera toujours quelque chose. Tu cherches à nous punir, mais cette colère te détruit, elle te prive de ce que tu as toujours voulu : l'amour de ta famille.
À ces mots, l'assurance de Mirabel vacilla légèrement. Son sourire s'effaça, remplacé par un léger tremblement de sa mâchoire. Elle détourna les yeux, comme si elle voulait échapper à ces paroles qui la touchaient au plus profond d'elle-même. Ses mains, jusque-là croisées avec assurance, tombèrent lentement le long de son corps, hésitantes.
- De quel amour parles-tu ? rétorqua Mirabel, un éclat de douleur traversant son regard jaune. Vous ne m'avez jamais donné cet amour...Vous m'avez laissée de côté, vous m'avez ignorée, jugée. Alors ne venez pas me parler de quelque chose que vous ne m'avez jamais offert !
Julieta, dans sa cage, le cœur brisé par les mots de sa fille, s'approcha le plus près possible des lianes qui la retenaient.
- M-Mirabel, murmura-t-elle d'une voix tremblante. Je sais que j'ai échoué à te montrer cet amour...Je le regrette, vraiment. Je t'aime, Mirabel, plus que tu ne le penses ! Des larmes coulaient sur son visage, exprimant toute la culpabilité qui la dévorait.
Mirabel serra les poings, ses yeux brillants de colère et de tristesse, les mots de sa mère lui perçant le cœur.
- C'est trop tard pour des excuses, mamà, dit-elle d'un ton rauque. Vous n'avez jamais su me protéger. Alors maintenant, c'est moi qui prends le contrôle !
Pepa murmura doucement, presque pour elle-même, mais assez fort pour que Mirabel l'entende.
- Mirabel...Aucun pouvoir, aucune revanche, ne remplacera l'amour d'une famille.
Mirabel détourna le regard, secouée par ces paroles qui mettaient en lumière une douleur qu'elle avait trop longtemps enfouie. Elle cligna des yeux, essayant de chasser les larmes qui menaçaient de couler. Son masque de froideur se fissura, juste un instant, révélant la jeune fille vulnérable et blessée qui se cachait derrière. Elle se reprit aussitôt, rassemblant toute sa force pour faire taire cette voix au fond de son cœur.
- Je n'ai plus besoin de votre amour, dit-elle, plus doucement cette fois, presque comme si elle voulait se convaincre elle-même. Tout ce dont j'ai besoin, c'est de la liberté d'être enfin celle que vous avez toujours sous-estimée !
Elle tourna les talons, cachant son visage, tentant de retrouver la froideur implacable qu'elle s'était imposée, mais ses pas, lourds et lents, trahissaient l'ombre de doute qui grandissait en elle.
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