Chapitre 13 : Un espoir ?

Mirabel laissa échapper un ricanement amer, croisant les bras tout en jetant un regard de dédain à Julieta.

- Maintenant, tu es désolée, mamá ? Sa voix était tranchante, chaque mot pesant comme un reproche. Je pensais que toi et papá me protégeriez...Mais je me suis trompée.

Elle se tourna ensuite vers Abuela et Pepa, son regard perçant et rempli de rancœur.

- Tío Bruno avait raison de partir, de s'échapper de cette famille toxique !

Abuela, choquée par ces mots, s'avança d'un pas, la mâchoire serrée.

- Je t'interdis de parler ainsi, Mirabel ?! Je t'ai traitée et élevée pour devenir la prochaine chef de notre miracle ! Sa voix trahissait la colère, mais aussi une note de panique sous-jacente, comme si le contrôle lui échappait.

Mirabel roula les yeux au ciel, un rictus de mépris au coin des lèvres.

- Pitié, Abuela...Ouvre les yeux ! Regarde ce que tu m'as fait subir, regarde autour de toi ! Tout ce que tu vois, ces fissures, ce chaos... Tout vient de ce que tu m'as infligé. Même mes blessures physiques en sont la preuve !

Julieta, décontenancée et alarmée, lança un regard troublé vers Mirabel.

- Q-Quelles blessures, Mirabel ? demanda-t-elle, la voix tremblante.

Mirabel inspira lentement, serrant les poings, et dans un mouvement calculé, elle souleva sa chemise pour révéler une série de cicatrices sur ses épaules et ses bras. Les marques, rouges et irrégulières, étaient gravées profondément dans sa peau, témoins silencieux de ce qu'elle avait enduré.

Pepa, la main devant la bouche, étouffa un cri, incapable de détourner les yeux. Julieta, quant à elle, resta figée, la gorge nouée, les yeux remplis de larmes, tandis qu'Abuela reculait légèrement, comme frappée par la vue de ces cicatrices.

- Voilà...La voix de Mirabel résonnait dans le silence, un mélange de colère et de douleur palpable. Ce sont les preuves de tout ce que j'ai dû supporter. Pendant que tu louais le miracle et que tu regardais avec fierté Isabela et Luisa, tu m'ignorais, toi, mamá, et toi, Abuela, tu m'as détruite, morceau par morceau.

Julieta, au bord des larmes, fit un pas en avant, tendant la main vers sa fille comme pour l'apaiser.

- M-Mirabel, mi vida, je...J-Jee ne savais pas !

Mais Mirabel recula, esquivant ce geste de tendresse tardif. Elle secoua la tête, son regard aussi froid que le givre.

- Bien sûr que tu ne savais pas. Parce que personne ne voulait vraiment voir ce que j'endurais...Tout le monde était trop occupé à préserver cette image parfaite, ce miracle que vous admirez tant.

Abuela, retrouvant sa voix, tenta de reprendre le contrôle.

- Le miracle est tout ce qui maintient notre famille ensemble, Mirabel...Sans lui, nous n'avons rien !

Mirabel rit légèrement, un rire amer et sans joie.

- Si le miracle détruit ceux qu'il est censé protéger, alors il ne vaut rien. Peut-être que tío Bruno n'était pas parti à cause de sa vision, Abuela, mais à cause de toi, et de cette illusion que tu imposes à tout le monde.

Elle recula lentement, laissant les trois femmes dans leur stupeur, et leur lança un dernier regard, empli de reproches et de tristesse.
Abuela ouvrit la bouche, prête à lancer une réplique cinglante, mais à cet instant, une lueur intense et envoûtante jaillit des yeux jaunes de Mirabel. En un souffle, une onde de choc invisible traversa la pièce, projetant Abuela, Julieta, et Pepa violemment contre les murs.

Julieta, sonnée, reprit péniblement ses esprits. En posant une main tremblante contre le mur pour se relever, elle sentit une étrange absence dans son être. Son cœur se serra alors qu'elle réalisa, avec effroi, ce qui venait de se produire. Elle tourna un regard paniqué vers Mirabel, puis vers sa propre porte derrière elle, qui ne brillait plus.

- M-Mon don...balbutia-t-elle, une peur sourde se reflétant dans ses yeux. Je ne l'ai plus !

Abuela, encore sous le choc de la projection, resta figée quelques instants, ses yeux écarquillés, peinant à comprendre l'ampleur de la situation. Elle regarda autour d'elle, la bouche entrouverte, incapable de cacher sa terreur. Pepa, les mains tremblantes, parvint enfin à se redresser, lançant un regard mêlé de tristesse et de panique à sa nièce.

- MIRABEL, ARRÊTE ! cria-t-elle, sa voix empreinte de désespoir. C'est de la folie !

Mais Mirabel, debout au centre de la pièce, semblait enveloppée dans une aura presque irréelle, les yeux toujours brillant de cette lumière jaune intense, froide et implacable. Elle toisa sa famille avec un regard indifférent, comme si elle se détachait enfin des chaînes de leur approbation et de leur contrôle.

Pepa s'avança avec hésitation, tendant une main vers elle, cherchant dans le regard de Mirabel une lueur de la jeune fille qu'elle avait connue.

- Mirabel, qu'est-ce qui t'arrive ? Ce n'est pas toi...?

Mais Mirabel ne bougea pas, la lueur dans ses yeux vibrant d'un mélange de détermination et de douleur. Sa voix, douce et pourtant tranchante, perça le silence avec une amertume glacée.

- Ce n'est pas moi ? Peut-être que c'est enfin la vraie moi...Celle que vous avez ignorée, celle que vous avez brisée. Aujourd'hui, c'est vous qui perdez vos dons !

Abuela tenta de se redresser, luttant contre sa propre incrédulité. Elle serra les poings, incapable de cacher la colère dans ses yeux.

- Nous avons fait de toi ce que tu es, Mirabel ! Tout ce que nous avons fait, c'était pour toi et pour cette famille !

Mirabel haussa un sourcil, un rictus de mépris glissant sur ses lèvres.

- Pour moi ? Non, Abuela. Tout ce que vous avez fait, c'était pour préserver votre image et votre précieux miracle. Moi, je n'étais qu'une ombre, un poids, un échec à cacher.

Pepa recula, choquée par les paroles tranchantes de Mirabel. Julieta, toujours en proie à la perte de son don, restait immobile, le visage défait, cherchant désespérément dans les yeux de sa fille un signe de rédemption.

Mais Mirabel ne leur accorda plus un regard. Elle fit un dernier pas en arrière, la lumière de ses yeux s'adoucissant légèrement, comme si elle les observait à travers un voile de larmes qui menaçait de couler. Puis, d'un mouvement lent, elle se détourna, laissant Abuela, Julieta, et Pepa dans leur confusion et leur douleur, seuls dans une Casita qui commençait à s'effondrer autour d'eux, privée de la magie qui l'animait autrefois.

🕯✨️🕯

Dans le dédale sombre et étroit des passages cachés derrière les murs de Casita, les quatre Madrigal avançaient prudemment, le cœur battant à l'unisson de la vieille maison qui tremblait autour d'eux. Les fissures dans les murs émettaient des craquements sinistres, comme si la demeure elle-même réagissait à l'effondrement de la magie, amplifiant l'angoisse de chacun de leurs pas.

Camilo, essayant maladroitement d'alléger l'atmosphère oppressante, murmura une plaisanterie à voix basse, espérant détendre un peu ses cousines et sa sœur. Mais à peine eut-il prononcé ses mots qu'Isabela lui décocha une gifle discrète, juste assez pour le faire taire sans attirer l'attention.

- TAIS-TOI ! murmura-t-elle entre ses dents, les yeux lançant des éclairs. Tu veux nous faire repérer ? Tu as de la chance que je n'aie plus mon pouvoir, sinon crois-moi, tu n'oserais même pas respirer.

Camilo la fixa un instant, frottant sa joue en silence, mais il se contenta de hocher la tête, réalisant que le moment n'était vraiment pas propice aux blagues.

Dolores, elle, restait en tête, ses mains posées contre les parois, tâchant de repérer les sons ou vibrations indiquant la proximité de quelqu'un d'autre. Ses sourcils étaient froncés de concentration, mais elle soupira en murmurant à voix basse :

-C'est si étrange...Je n'entends plus rien comme avant. J'ai l'impression d'être à moitié aveugle dans cette maison.

Luisa posa une main rassurante sur l'épaule de Dolores.

- Nous sommes tous perdus sans nos dons, Dolores, mais on va retrouver Bruno, et il pourra nous aider. Il faut qu'il y ait une solution pour sauver Mirabel et la famille...Sa voix se brisa légèrement à la mention de sa sœur, mais elle reprit courage.

Isabela roula les yeux, secouant la tête avec une expression indignée.

- Je ne comprends toujours pas comment on en est arrivé là. Mirabel, cette fille que personne ne prenait au sérieux, a réussi à retourner Casita contre nous tous. Comment a-t-elle pu...?

Dolores s'arrêta soudainement, plaçant un doigt sur ses lèvres pour intimer le silence, tous les muscles tendus.

- Chut ! Je crois qu'elle est proche.

LElle désigna une porte secrète au bout du couloir, qui menait aux anciennes chambres murales de Casita, où Bruno avait jadis erré en secret.

Camilo murmura d'un ton grave, ses yeux fixés sur le passage secret :

- Écoutez...On est presque là. Mais ne sous-estimez pas Mirabel. Ce qu'elle nous a caché toutes ces années...Elle était plus intelligente que n'importe lequel d'entre nous ne le pensait.

Les quatre avancèrent alors en silence, leurs pas précautionneux résonnant faiblement dans le couloir, chacun d'eux se rendant compte de la détermination qui les attendait dans l'ombre.

Alors qu'ils progressaient prudemment dans le passage obscur, Luisa aperçut soudain une silhouette sombre filer devant eux, encapuchonnée, ses pas légers et rapides résonnant à peine sur le sol. Sa cape s'agitait derrière elle, et elle semblait glisser entre les ombres, presque insaisissable.

- HÉ, attends ! cria Luisa, sa voix résonnant dans l'étroite cavité, brisant le silence. Sans hésiter, elle se lança à sa poursuite, ses muscles tendus malgré la perte de son don. Elle n'avait plus sa force légendaire, mais elle avançait avec détermination, poussée par l'espoir et le besoin de comprendre ce qui se passait.

Camilo, Isabela, et Dolores échangèrent un regard surpris avant de s'élancer à sa suite, le cœur battant, leurs pas précipités frappant le sol avec un écho qui amplifiait la tension.

- Luisa, attends ! murmura Isabela à voix basse, essayant de la rattraper sans faire de bruit.

La silhouette encapuchonnée, entendant les bruits de leurs pas, accéléra et s'enfonça plus profondément dans le passage tortueux, comme si elle connaissait parfaitement ce labyrinthe secret. Elle tourna brusquement dans un couloir latéral, disparaissant momentanément de leur vue, puis réapparut dans un rayon de lumière qui perçait à travers une fissure dans le mur. Son visage restait caché, mais quelque chose dans sa démarche trahissait une inquiétude, un besoin de fuir, ou peut-être une mission à accomplir.

Luisa serra les dents, redoublant d'efforts.

- Je ne vais pas te laisser partir comme ça, murmura-t-elle pour elle-même, déterminée à découvrir l'identité de cette mystérieuse figure.

Derrière elle, Camilo chuchota :

- Qui ça peut être ? Ce n'est pas Mirabel, c'est sûr...Elle ne porterait jamais cette cape !

Dolores, les yeux plissés, tenta de tendre l'oreille malgré sa perte de don.

- J-je...Je ne sais pas...Mais on dirait qu'elle cherche quelque chose ou qu'elle nous mène quelque part ?

Isabela, haletante mais déterminée, fronça les sourcils et chuchota d'un ton agacé :

- Vous faites exprès ou quoi ? C'est sûrement tío Bruno ! Allons, rattrapons-le ! Elle lança un regard appuyé à sa sœur et à ses cousins, impatiente de percer enfin ce mystère qui pesait sur la famille depuis des années.

Luisa, essoufflée mais encouragée par les mots de sa sœur, se redressa et redoubla de vitesse, déterminée à atteindre la silhouette avant qu'elle ne leur échappe à nouveau. Ils se précipitèrent tous derrière elle, leurs pas résonnant dans les couloirs étroits, entre les murs fragiles de Casita.

La silhouette accéléra encore, mais au détour d'un couloir, elle trébucha légèrement, donnant à la fratrie une chance de se rapprocher. Camilo murmura, presque pour lui-même :

-Tío Bruno...O-On t'a enfin retrouvé !

Il semblait à la fois nerveux et déterminé, comme s'il s'apprêtait à confronter un fantôme.

Soudain, Dolores murmura, tendant l'oreille vers un léger souffle :

- Il s'est arrêté ?

Effectivement, quelques mètres plus loin, la silhouette s'immobilisa dans une alcôve baignée par une lumière filtrant à travers une fissure dans le mur. Ils s'approchèrent prudemment, leurs respirations se synchronisant dans un silence tendu.

Isabela, sans hésiter, franchit la dernière distance d'un pas ferme et dit à voix basse mais assurée :

- Tío Bruno, nous savons que c'est vous...Arrêtez de vous cacher.

Le personnage encapuchonné se retourna lentement, tirant légèrement sur sa capuche. Un visage familier, marqué par les années et la solitude, se révéla alors. Bruno les fixa, ses yeux cernés mais emplis d'un mélange de surprise et de tristesse, comme s'il n'avait jamais imaginé les revoir.

- Vous...V-Vous ne devriez pas être ici, murmura-t-il, sa voix tremblante d'émotion.

Luisa, les yeux humides de soulagement et de colère mêlés, lui répondit :

- Et toi, tío Bruno, tu n'aurais jamais dû partir sans rien dire. Nous avons besoin de toi !

Bruno détourna le regard, comme submergé par les souvenirs et la culpabilité, mais il finit par les regarder droit dans les yeux, comprenant que l'heure des révélations était arrivée.

Il leur fit signe de le suivre, jetant des regards furtifs pour s'assurer que personne d'autre ne les verrait. Les quatre Madrigal le suivirent en silence à travers un dédale de passages secrets jusqu'à ce qu'ils arrivent dans une petite pièce cachée, à peine éclairée par une faible lueur venant des fissures des murs. L'air y était lourd et imprégné de poussière, le silence rompu seulement par de petits bruits de grattements.

Alors qu'ils entraient, Isabela sursauta en voyant des dizaines de petits rats les observer depuis leurs coins et recoins, leurs petits yeux brillants dans l'obscurité.

- O-Oh des rats...? murmura-t-elle avec une grimace, se crispant instinctivement.

Camilo, les yeux écarquillés, regardait autour de lui, ébahi par l'austérité de la pièce et les quelques objets qui s'y trouvaient.

- Alors...C'est ici que tu te cachais, tío ? Depuis tout ce temps ? chuchota-t-il, un mélange d'incrédulité et de tristesse dans la voix.

Bruno hocha la tête en silence avant de s'asseoir sur un vieux fauteuil délavé, son dos voûté par la fatigue.

- Oui, ici, derrière les murs...Personne ne pouvait me trouver. J'étais mieux seul. Sa voix tremblait, et ses yeux sombres trahissaient des années de solitude et de regret.

Pendant ce temps, Dolores s'approcha d'une petite table posée dans un coin de la pièce. Son regard se posa sur quelque chose de simple mais touchant : une assiette en papier, dessinée à la main, avec son prénom écrit en lettres maladroites. Elle effleura le dessin, comme si elle percevait pour la première fois toute la tendresse et l'attention que son oncle lui avait portées, même à distance.

- Tu pensais à nous, murmura-t-elle, presque pour elle-même, ses yeux se remplissant de larmes qu'elle tenta de retenir.

Luisa, quant à elle, observait attentivement les murs de la pièce et la disposition des objets, se rendant compte de leur proximité avec la salle à manger de Casita.

- C-C'est...C'est juste derrière la salle à manger, murmura-t-elle, sa voix pleine d'émotion. Tu nous entendais sans que l'on sache...Tu étais là, si près, mais si loin en même temps !

Bruno laissa échapper un sourire triste, baissant la tête.

- Oui, si près et pourtant...Je ne pouvais pas revenir, pas sans risquer de blesser cette famille encore davantage. Il leva les yeux vers eux, l'air accablé. J'avais trop peur que mes visions n'apportent que du malheur. Et regardez aujourd'hui avec Mirabel...

Camilo se tourna brusquement vers Bruno, son visage marqué par l'angoisse et la confusion.

- Tío, qu'est-ce qui se passe avec Mirabel ? Que voulait réellement dire ta vision ? demanda-t-il d'une voix pressée, comme s'il attendait des réponses immédiates à toutes les questions qui l'assaillaient.

Isabela, toujours aussi sceptique et distante, ajouta d'un ton acerbe :

- Et comment ça se fait que, mise à part Dolores, Mirabel était au courant de ta cachette ?! Elle le fixait intensément, cherchant des réponses dans les yeux de son oncle, son esprit trop en ébullition pour laisser place à la moindre hésitation.

Bruno, visiblement accablé par les événements et l'ampleur de la situation, poussa un profond soupir. Il se leva lentement de son fauteuil, croisant les bras sur sa poitrine tout en baissant les yeux, comme s'il cherchait ses mots. Il parla enfin, d'une voix basse, presque secrète, consciente de la gravité de ce qu'il s'apprêtait à révéler.

- Tout a commencé il y a quelques années. J'ai compris qu'elle était liée à Casita. Elle avait une connexion spéciale avec la maison, plus profonde qu'on ne l'imaginait. Il marqua une pause, cherchant à clarifier son propos, avant de continuer. Elle passait des heures à observer, à préparer, à réfléchir à sa vengeance. Elle n'a jamais voulu nous faire de mal pour rien. Mais, après tout ce que nous lui avons fait endurer...Ses mots s'éteignirent, et il baissa la tête.

Isabela fronça les sourcils, ne comprenant pas tout à fait.

- V-Vengeance ?

Elle n'arrivait pas à saisir l'ampleur de la situation. Mirabel, se vengerait de la famille Madrigal ? Elle ne pouvait pas croire cela.

Bruno hocha la tête, son regard perdu dans le vide.

- Oui, elle a cherché les indices, les éléments pour comprendre ce qui lui arrivait. Elle a été plus astucieuse que nous tous. Il laissa échapper un petit rire amer. C'est elle qui a trouvé le moyen de briser la magie de Casita...Elle a réussi à me trouver derrière les murs de la maison. Depuis cinq ans, elle n'arrêtait pas de venir me rendre visite pour tenir compagnie.

Dolores, jusqu'à présent silencieuse, s'avança lentement, la confusion et la tristesse se lisant sur son visage.

- Mais...C-Comment ça se fait que je ne l'ai jamais entendue avec toi ? Je ne l'ai jamais entendue parler de tout ça ! Elle était perplexe, se demandant pourquoi elle n'avait rien remarqué alors qu'elle avait toujours eu l'oreille si fine pour capter les moindres bruits, les plus petits murmures.

Bruno la regarda avec un regard lourd, comme si il lui adressait une vérité difficile à accepter.

- Elle savait comment faire, Dolores...Il sourit légèrement, mais son sourire n'atteignait pas ses yeux. Elle savait comment se cacher, comment manipuler la situation pour que personne ne l'entende. Elle venait ici, me tenait compagnie, apportait de la nourriture, mais personne ne savait jamais que c'était elle.

Il s'arrêta un instant, son regard devenant plus sombre.

- Et je ne pouvais rien dire. Je n'ai pas osé lui faire face, parce que je savais que si je le faisais, cela n'aurait fait qu'empirer.

Un silence pesant s'installa dans la pièce, les quatre membres de la famille Madrigal réfléchissant à ce que Bruno venait de révéler. Ils avaient tous sous-estimé la puissance de Mirabel, la douleur qu'elle avait accumulée, et l'intelligence qu'elle avait utilisée pour jouer de leur naïveté. Une fois de plus, la famille s'était montrée aveugle, et maintenant, il était trop tard pour réparer les choses.

Bruno prit une profonde inspiration, comme s'il se préparait à dévoiler une vérité qu'il avait gardée pour lui trop longtemps. Son visage était marqué par le poids des années et des décisions difficiles. Il s'assit de nouveau dans son fauteuil, ses mains tremblant légèrement lorsqu'il les posa sur ses genoux. Il semblait perdu dans ses pensées, se demandant s'il aurait pu faire les choses différemment.

- Vous ne comprenez pas...commença-t-il, sa voix faible mais déterminée. Quand j'ai eu la vision, j'ai vu ce qui allait se passer, ce que Mirabel allait devenir. Je savais qu'elle allait souffrir, et je savais aussi que j'étais la seule personne capable de l'aider à comprendre ce qu'elle ressentait. Mais j'ai fait une erreur...Il se mordit la lèvre inférieure, visiblement accablé par son propre aveu.

Luisa, qui écoutait attentivement, s'approcha un peu plus près.

- Quelle erreur, tío ? demanda-t-elle doucement, ne comprenant toujours pas l'ampleur des révélations.

Bruno leva les yeux vers eux, un éclat de regret dans son regard.

- La vision m'a montré des choses horribles, des blessures qu'elle portait, non seulement sur son corps, mais dans son cœur ! J'ai vu la haine qu'elle ressentait, et j'ai compris que je devais partir pour la protéger. Parce que si je restais là, en étant trop près d'elle, tout ce que j'allais faire serait empirer les choses...

Il ferma les yeux, comme s'il essayait de bloquer la douleur de ses souvenirs.

- Je pensais qu'en m'éloignant, je pourrais lui donner un peu d'espace, qu'elle pourrait guérir seule. Mais je n'ai fait que fuir et je l'ai laissée affronter tout ça sans mon aide. Et je vois aujourd'hui que c'était la pire chose que je pouvais faire !

Les mots de Bruno flottèrent dans l'air, lourds de sens. Il n'avait pas seulement quitté la famille pour protéger Mirabel, il avait aussi choisi de se sacrifier, pensant que son absence serait le moyen de l'épargner. Mais, à cet instant, il réalisait que son choix avait fait plus de mal que de bien.

Isabela croisa les bras, ses yeux brillants de colère et de confusion.

- Alors tu t'es enfui pour protéger Mirabel, mais c'est toi qui l'as laissée seule, dans cette souffrance ? C'est ça, tío ? demanda-t-elle, son ton amer. La colère l'envahissait, mais en même temps, elle comprenait le dilemme dans lequel Bruno se trouvait.

Bruno hocha lentement la tête, les yeux remplis de regrets.

- Oui, je pensais que c'était la seule option. J'ai cru qu'en restant loin d'elle, je la protégerais du mal qui la rongeait. Mais j'ai eu tort. Tout ce que j'ai fait a empiré la situation. Mirabel ne m'a pas seulement montré de la colère, elle a absorbé toute la douleur de notre famille et moi je l'ai abandonnée.

Il baissa la tête, incapable de soutenir leur regard.

- Mais maintenant, je vois ce qu'elle est devenue. Ce n'est plus la petite fille que j'avais connue, celle qui se réfugiait chez moi quand le monde devenait trop lourd à porter...

Il tourna les yeux vers Camilo, Isabela, Dolores et Luisa, cherchant du soutien, mais il savait que rien ne pouvait réparer les erreurs qu'il avait commises.

- Je n'ai pas vu que Mirabel avait en elle une force bien plus grande que la mienne, et qu'au lieu de l'aider, je l'ai poussée dans une direction où elle n'a plus eu d'autre choix que de se battre seule...

Un silence lourd s'abattit sur la pièce, chaque membre de la famille madrigal digérant les révélations de Bruno. Il n'était pas seulement un témoin passif des événements, il avait joué un rôle actif dans ce qui s'était passé, croyant protéger, mais finissant par causer encore plus de dommages.

Luisa se leva lentement, son visage marqué par la tension et la fatigue, mais ses gestes étaient pleins de détermination. Elle tendit le carnet qu'ils avaient trouvé dans la chambre de Mirabel, son cœur battant plus fort à chaque instant. Le petit carnet, usé et abîmé, semblait un reflet de tout ce que Mirabel avait caché à la famille Madrigal.

Bruno leva les yeux, ses sourcils se fronçant lorsqu'il aperçut l'objet que Luisa lui tendait. Il le prit avec hésitation, comme s'il savait que ce qu'il allait découvrir à l'intérieur allait le confronter à la réalité qu'il avait si longtemps ignorée. Ses doigts tremblaient légèrement lorsqu'il ouvrit la couverture, le bruit des pages qui se tournaient semblant résonner dans la pièce silencieuse.

- Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que Mirabel y a écrit ? demanda Camilo, un regard inquiet sur le visage. Il savait que ce carnet pouvait détenir des secrets qu'ils ne pouvaient même pas imaginer.

Bruno commença à lire, ses yeux scrutant rapidement les pages, découvrant des mots écrits avec une écriture fluide mais tendue, presque comme si Mirabel avait écrit sous pression, chaque mot portant une partie de sa souffrance.

Les premières pages étaient pleines de réflexions sur sa famille et sur ses dons, mais à mesure qu'il avançait dans le carnet, la tension augmentait. Il tomba sur des passages où Mirabel avait détaillé ses blessures physiques, mais aussi mentales, des blessures que personne ne semblait voir. Les mots étaient lourds de douleur, remplis de colère, de confusion et de désespoir.

Pourquoi personne ne voit mes souffrances ?

Je suis la malédiction de cette famille...

Bruno sentit son cœur se serrer. Chaque mot semblait marquer un coup supplémentaire dans l'âme déjà brisée de sa nièce. Il tourna une nouvelle page et s'arrêta brusquement en tombant sur des dessins, des esquisses de ses blessures.

-C'est pour ça...murmura Bruno, une étincelle de compréhension traversant son regard.

Luisa, qui l'observait avec une nervosité palpable, sentit un poids se poser sur ses épaules. Elle avait cru que Mirabel était peut-être trop exagératrice, qu'elle se faisait des idées. Mais en voyant les mots écrits dans le carnet, en voyant les dessins de sa souffrance physique et émotionnelle, tout cela prenait une tournure bien plus sombre.

Bruno, les yeux remplis de larmes, leva enfin la tête, se tournant vers les autres.

- Je n'avais aucune idée de l'étendue de sa douleur...De tout ce qu'elle a caché. Il souffla profondément, incapable de croire qu'il avait ignoré les signes si évidents. Elle avait tellement de choses sur les épaules...Des choses que j'aurais dû voir, des choses que j'aurais dû comprendre !

Dolores s'avança lentement, les yeux pleins de tristesse.

- Elle a tout supporté seule, et nous n'avons rien vu. Elle nous a manipulés, mais pas de la façon dont on pensait...murmura-t-elle.

Bruno hocha la tête, fixant le carnet d'un regard lourd de regrets.

- Elle a joué un jeu plus grand que le nôtre. Elle a observé, appris nos faiblesses, et elle a su comment nous manipuler, mais ce n'était pas de la méchanceté. C'était de la survie.

Luisa, les mains tremblantes, ferma les yeux un instant.

- C'est tout ce qu'elle a appris à faire, survivre. Elle est devenue plus forte à force de tout supporter. Et nous, on l'a laissée se débrouiller seule, on ne l'a jamais vue pour ce qu'elle était vraiment.

Bruno déposa le carnet sur la table, sa tête baissée, et murmura presque pour lui-même :

- J'aurais dû être là pour elle...Mais j'ai eu peur, je l'ai laissée dans l'ombre de la famille. Et aujourd'hui, je comprends que j'ai contribué à la faire sombrer !

Isabela s'approcha lentement, le regard plus calme qu'elle ne l'avait été jusqu'à présent.

- Alors...Maintenant, que faisons-nous ? demanda-t-elle, sa voix plus douce, mais remplie de questions.

Les mots de Camilo résonnèrent dans la pièce silencieuse.

- Tío Bruno, tu peux nous faire une vision pour nous aider à sauver Mirabel et le miracle ?

La demande audacieuse laissa Bruno figé, son visage se tendant alors qu'une ombre de panique traversait ses yeux. Les souvenirs des anciennes visions, de l'angoisse et du chaos qu'elles avaient causés, le submergeaient déjà.

- NON...N-Non...Non, je ne peux pas, murmura-t-il, reculant d'un pas comme pour échapper à l'idée même. Il leva les mains, ses doigts nerveusement serrés. Je n'ai pas fait de vision depuis si longtemps, et de toute façon...Vous savez comme moi qu'elles ne mènent jamais à rien de bon.

Il détourna le regard, cherchant à éviter leurs yeux emplis de supplication.

Luisa, son expression dure et déterminée, s'avança cependant avec un air d'imploration.

- Tío Bruno, il ne s'agit pas seulement de nous. C'est de Mirabel qu'on parle. Elle est en train de sombrer, et sans toi, nous ne saurons jamais comment la sauver ni comment sauver Casita !

Bruno pinça les lèvres, ses mains tremblantes.

- Vous ne comprenez pas, répondit-il d'une voix étouffée. Mes visions ont toujours été un poids pour cette famille. À chaque fois, elles ont engendré la peur, les malentendus... Même ma propre fuite.

- Mais c'est différent cette fois-ci, insista Isabela. C'est notre seule chance de comprendre ce qu'elle traverse et comment l'aider. Peut-être que cette vision pourrait enfin apporter quelque chose de positif !

Dolores acquiesça doucement, sa voix calme mais ferme.

- Mirabel a su nous observer et voir nos faiblesses, tío Bruno. Elle a su utiliser ce qu'elle voyait pour se protéger. Peut-être qu'une vision pourrait justement nous donner la clé pour la sauver !

Bruno ferma les yeux, luttant intérieurement entre sa peur et son amour pour sa famille. Chaque mot de ses neveux et nièces pesait sur lui comme un rappel de sa propre responsabilité. Enfin, il laissa échapper un soupir résigné.

Camilo s'avança, son regard suppliant, alors que Bruno demeurait immobile, figé dans l'hésitation. Les yeux de son neveu brillaient de sincérité, reflétant tout l'espoir et la détresse de sa famille, mais surtout un profond amour pour sa cousine.

- Tío Bruno, murmura Camilo, sa voix tremblante mais déterminée, s'il te plaît, fais-le pour elle. Pense à Mirabel...Elle a toujours cru en toi, même quand tout le monde pensait que tu étais parti. Elle...E-Elle nous a tous observés et supportés seule, sans jamais vraiment avoir personne pour elle. Fais cette vision, pour elle !

Les mots de Camilo percèrent le cœur de Bruno, éveillant en lui des souvenirs, des instants partagés avec Mirabel dans l'obscurité de sa cachette. Il se souvenait de ces fois où elle venait en secret, avec un sourire timide, portant de petits paquets de nourriture ou une couverture pour lui tenir chaud. Malgré son propre fardeau, elle trouvait encore la force de venir le voir, de l'écouter, de lui tenir compagnie, de lui apporter un peu de lumière dans son exil volontaire. Elle n'avait jamais posé de questions, n'avait jamais exigé de lui qu'il justifie son absence, ni ne l'avait regardé avec peur ou mépris, comme tant d'autres.

Bruno déglutit, sentant une boule se former dans sa gorge. Son regard s'adoucit tandis qu'il se souvenait des rires étouffés qu'ils partageaient, des blagues qu'elle inventait pour le faire sourire, des confidences qu'ils murmuraient pour rompre la solitude de leurs deux cœurs oubliés. Mirabel était cette âme chaleureuse qui avait brisé ses propres chaînes de silence pour venir à lui.

Bruno baissa la tête, ses mains tremblantes et sa voix presque inaudible.

- Elle a été là...E-Elle m'a aidé plus que je ne l'aurais jamais espéré. Même moi, je n'ai pas su voir toute la peine qu'elle cachait. Et aujourd'hui, elle souffre parce que personne n'a su la comprendre !

Il prit une grande inspiration, levant les yeux vers ses neveux et nièces qui l'observaient avec espoir et impatience. Dans leurs regards, il vit une lueur de solidarité, un amour qu'il n'avait pas ressenti depuis longtemps, et il comprit enfin ce qu'il devait faire. Pour Mirabel. Pour cette fille qui l'avait accepté sans jugement.

- D'accord, souffla-t-il finalement, rassemblant son courage et balayant ses peurs d'un geste résolu. Je vais faire cette vision pour elle.

Les jeunes Madrigal retinrent leur souffle, sentant l'importance de cet instant.

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