Chapitre 5
Adam
Huit heures plus tard, mon objectif n'avait pas avancé d'un pouce et sa réalisation me donnait plus de fil à retordre que je ne l'avais anticipé. Accompagné de Lucius et de Connor, mal à l'aise dans cet antre de la drague gay mais prenant sur lui, j'adressai mon plus joli sourire à un Bear réticent à me communiquer l'adresse que je lui demandais.
- Je veux seulement lui rendre son manteau. J'espérais le voir ce soir mais je peux tout aussi bien aller le lui déposer.
Il fronça ses sourcils broussailleux.
- Je te l'ai dit, Micah m'a prévenu qu'il était malade. Mais il ne serait sûrement pas content de savoir que je t'ai filé son adresse.
Je levai les yeux au ciel et fis un geste désinvolte.
- Bon sang, tu me prends pour un stalker ou quoi? Ça fait plaisir ! Tant pis, ça attendra son retour. J'espère juste qu'il a un autre manteau chez lui, ils annoncent une nouvelle vague de froid dans les jours à venir.
Je m'appuyai sur le comptoir avec une indifférence feinte, le laissant mariner dans ses doutes, et réclamai une bière au serveur. Je connaissais un peu Bear. Il pouvait se montrer soucieux et attentionné mais en général, sa tendance au je m'en foutisme finissait par l'emporter. Connor se colla à moi, sa propre bière à la main, comme si j'étais capable de le protéger des vilains dragueurs homos. Lucius, en revanche, paradait littéralement sous les regards admiratifs que sa carrure suscitait. Même si Don't tell don't ask était abolie depuis des années, l'armée américaine restait un bastion de l'homophobie décomplexée. Après des années à faire profil bas, il n'était pas surprenant qu'il souhaite un peu en profiter, même si je restais persuadé qu'un truc entre lui et Léon se tramait.
Je sirotais ma bière doucement et lorsque je relançai la conversation, ce fut avec un naturel que j'espérais consommé.
- Micah est un mec sympa, en tous cas. J'espère qu'il n'a rien chopé de grave.
Soulagé que je n'insiste pas pour obtenir son adresse, Bear reposa le verre qu'il lavait avec beaucoup trop d'application et fit la grimace.
- Il a parlé d'une grippe intestinale. Les virus traînent pas mal à cette saison. Et connaissant le gamin, il doit être bien atteint pour ne pas venir bosser. Ce n'est pas le genre feignasse. Il allait bien lorsque que vous vous êtes séparés, l'autre soir?
Je mentis sans broncher.
- En pleine forme. Comme je te le disais, on a pas mal accroché. J'aime bien son petit accent. Il t'a dit de quel coin il venait?
Bear plissa le front de confusion, probablement car Micah n'avait aucun accent, et se gratta le menton.
- Aucune idée, il est très discret sur son passé. J'ai cru comprendre qu'il avait coupé tous les liens avec sa famille mais hé, ce n'est pas rare dans le coin.
Je savais qu'il faisait allusion à tous les jeunes gays que leurs parents rejetaient et comme cela avait aussi été mon cas, j'opinai avec gravité. Je cherchais à relancer la conversation lorsque Bear lâcha l'affaire, comme j'espérais bien qu'il le fasse.
- Ho et puis merde, le gamin sera content de récupérer sa veste. Ce n'est pas comme si tu étais un inconnu, après tout.
Il me fit signe de le suivre à l'arrière et se mit à farfouiller un instant dans des liasses de papier désordonnées. Il finit par me tendre un post-it sur lequel le nom de Micah Jameson était noté, suivi d'un numéro de rue à proximité.
- Voilà son adresse. Mais je te préviens, s'il est furax contre moi, je te le renverrai aussi sec!
Je le remerciai d'un large sourire et donnai à mes hommes le signal du départ, promettant au passage à Bear que tout allait bien se passer.
Mais finalement, il s'avéra que Micah n'avait aucune raison d'être furieux contre son patron car lorsque nous arrivâmes devant l'adresse indiquée dans son dossier, celle-ci correspondait à un immeuble de bureaux, clairement inhabité. Nous nous regardâmes avec confusion.
- Merde, résuma Connor de son éloquence habituelle. Ce gars est de plus en plus louche.
J'approuvai, contemplant avec écœurement les allées et venues des bureaucrates en costumes qui entraient et sortaient des portes vitrées. À ce qu'il paraissait, je n'étais pas le seul à avoir dissimulé une grosse partie de qui j'étais au mec avec qui j'avais espéré baiser.
Lucius se racla la gorge, attirant mon attention.
- Je peux essayer de le pister si vous voulez.
Connor et moi le dévisageâmes avec stupeur.
- Le pister? Depuis le Unicorn ? La piste est pire que froide et en pleine ville, c'est carrément impossible.
- Je me suis énormément entraîné dans l'armée. Bien sûr, je restais discret, mais ça m'a souvent servi sur le terrain. Et je pensais démarrer de là où vous avez été agressés l'autre nuit. Il a été blessé, j'ai l'odeur de son sang et il a sûrement du en perdre sur le trajet. Cela aidera.
Il pencha la tête, ses yeux sombres brillants de l'envie de se rendre utile.
- Je ne garantie rien mais ça vaut le coup d'espérer.
Retourner dans la ruelle où j'avais été vidé comme un poulet me rempli d'un mélange désagréable d'appréhension et de colère. Les odeurs lourdes de sang et de viscères trahissaient encore ce qui s'y était déroulé à peine quarante-huit heures plus tôt et les traces sombres sur le sol de bitume souillé ne laissaient pas place au doute. J'avais failli mourir ici et je contemplai le sang séché collé de poils souillés avec une rage vengeresse. Lucius arpentait les lieux, concentré. J'avais un excellent flair sous mes deux formes mais de toute évidence, je n'arrivais pas à la cheville de mon nouveau lycan car là où la putréfaction et la violence emplissaient mes narines, lui détecta immédiatement une piste.
- Il est parti par là. Je sens une odeur claire d'humain.
Il entreprit de rebrousser chemin dans la ruelle et nous le suivîmes sans discuter. La découverte de l'échelle métallique où du sang séché était encore aggloméré fut une surprise, tout comme le toit où il s'était réfugié.
- C'est une bonne cachette, approuva mon bêta. Il a du rester ici jusqu'à ce qu'on t'emmène, son odeur est puissante. Il m'avait bien semblé sentir un humain à proximité mais tu pissais le sang et je n'avais pas le temps de fouiller.
Lucius reniflait furieusement.
- Nous avons eu de la chance, il n'a pas plu. Ce serait plus facile pour moi de continuer sous ma forme de loup mais je suppose que ce serait moins discret.
Connor et moi échangeâmes un rictus et mon bêta leva les sourcils avec satisfaction. Nous avions prévu de longue date un plan pour ce type de situation et nous étions ravis de pouvoir l'éprouver.
Lucius, qui sous sa forme lupine était un beau bébé de la taille d'un lévrier irlandais, en bien plus épais, faisait distinctement la gueule. Mais l'énorme collier en cuir doré recouvert de strass bleus électriques ainsi que la laisse assortie, s'ils ne nous épargnaient pas les regards surpris ou inquiets, évitaient au moins que les passants ne s'affolent devant cet énorme loup et n'appellent la police. Ou le zoo. La piste de Micah était laborieuse mais malgré de nombreuses erreurs et détours, Lucius semblait s'en dépatouiller. Je remarquai que notre chemin nous faisait serpenter hors des grands axes et cela me sembla logique. Même au milieu de la nuit, Micah avait dû avoir une apparence effrayante après notre agression et il avait tenté de rester discret.
L'immeuble devant lequel mon loup stoppa enfin, pantelant avec satisfaction, n'avait rien de remarquable, petit bâtiment de briques vétustes dans un coin de la ville à la limite du malfamé. Connor examina l'interphone démodé mais sur la liste des locataires, aucun Micah Jameson n'apparaissait.
- Tu es sûr de toi? demanda-t-il.
- Je le sens moi aussi, répondis-je à la place du loup qui reniflait, un peu vexé. Il vit ici, il n'y a aucun doute.
Coup de bol, la porte s'ouvrit pour laisser passer une femme chargée de sacs et dans un élan de galanterie intéressée, je la lui retins, nous permettant d'entrer dans son sillage. Elle ne cilla même pas. Apparemment, dans ce quartier délabré chacun s'occupait de ses propres affaires et nous entrâmes dans le bâtiment mal éclairé sans difficulté. Je n'eus aucun mal à retrouver la trace olfactive de l'homme que j'avais désiré. Il vivait au troisième étage et à travers le silence du couloir morne, le bruit lointain d'un souffle et d'un cœur humain m'apprirent qu'il était bien chez lui. Avec assurance, mes loups à mes côtés, je tapai durement sur le battant fermé.
Micah
Se faire des points de suture à soi-même n'avait décidément rien d'une partie de plaisir. Et découvrir après coup, merci Google, qu'il ne fallait jamais recoudre une morsure de chien en raison des risques élevés d'infection n'avait rien arrangé de mon humeur.
Bourré de suffisamment d'antibiotiques de contrebande pour éradiquer la peste, perclus de douleurs variées, j'avais bien du mal à me convaincre que j'avais malgré tout un putain de bol d'être encore en vie.
Il m'avait fallut des heures pour rentrer, la nuit de l'attaque, ou alors ma notion du temps avait été altérée par le choc. Lorsque j'avais finalement atteint mon appartement, le jour commençait à se lever. J'étais gelé et les tremblements convulsifs de mon corps à la limite de l'hypothermie avaient mis des heures à s'apaiser. Après une douche brûlante et douloureuse à la bétadine, issue de ma trousse de secours bien fournie, j'étais parti en quête de chacune de mes blessures et putain, il y avait de quoi faire. Néanmoins, une fois lavé du sang qui me maculait, j'avais constaté ne m'en être pas si mal tiré. Mon avant-bras droit avait subi le pire de l'attaque. Les crocs du chien géant m'avaient ouvert sur une bonne dizaine de centimètres et sans l'épaisseur de mon manteau de cuir, il ne faisait nul doute que mon bras ne s'en serait jamais remis. Mon épaule était recouverte d'un hématome si épais que je ne pouvais plus bouger l'articulation mais heureusement, elle ne semblait pas cassée. Ma clavicule était déchirée mais de manière superficielle et j'avais bon espoir que la cicatrice qui en résulterait serait moins moche que celles avec laquelle elle allait devoir voisiner. Andreï m'avait appris à me soigner et je l'avais rafistolé suffisamment de fois pour être capable de gérer mes plaies sans avoir besoin de me pointer aux urgences. Mes papiers étaient en mesure de supporter tout examen mais en revanche, j'aimais autant éviter les questions gênantes en matière d'assurance.
J'avais donc passé les dernières quarante-huit heures à faire de la couture puis à guetter une éventuelle poussée de fièvre infectieuse. J'avais comaté devant la télé, vérifié régulièrement l'état de mes blessures pour détecter toute aggravation et, plus généralement, eut beaucoup trop de temps pour cogiter sur ce qui s'était passé.
Parce que, merde, il s'était passé bien autre chose qu'une attaque de chiens errants sur deux pauvres promeneurs égarés.
Je n'étais pas dingue et j'avais toujours compté sur mon esprit analytique et rationnel pour m'aider. Je n'avais pas survécu à une adolescence cataclysmique en me réfugiant dans des contrées enchantées. A l'exception d'un peu d'herbe et de quelques rails de cocaïne, sous la surveillance d'Andreï et de longs mois auparavant, je n'avais jamais touché aux drogues. Je buvais avec modération et à moins d'une tumeur au cerveau inopinée, rien ne pouvait justifier que j'ai halluciné tout ce que j'avais vu.
Adam avait été un chien. Ou un loup, d'ailleurs, si mes pauvres connaissances en légendes fantastiques disaient vraies. Et le loup avait été Adam. Et si j'étais certain de ce que j'avais vu, si j'admettais la réalité impossible que j'avais constatée de mes propres yeux, alors cela signifiait que le monde dans lequel je croyais évoluer était proprement en train de s'effondrer.
Bourré de tylenol contre la douleur et incapable de dormir correctement malgré mon épuisement, j'avais aussi compris autre chose. Si Adam avait pu se changer en bête énorme pour repousser nos assaillants, s'il avait été ce loup géant couleur de nuit, alors qu'en était-il des autres? Même si c'était difficile à avaler, il y avait une forte présomption pour que les chiens féroces qui nous avaient agressé n'aient pas été ce qu'ils paraissaient. Autrement dit, j'avais peut-être, probablement, tué trois hommes la nuit passée.
Cette réalisation avait fini de m'achever. Lorsque j'avais sombré dans un sommeil rempli de cauchemars, des loups monstrueux étaient venus s'ajouter à mes démons familiers. Et même si depuis je tentais de ne pas y songer, la réalité était pourtant là. Qu'il s'agissent de lycanthropes, de loups-garous ou de n'importe quoi d'autre n'étant pas censées exister, j'avais été témoin de quelque chose auquel je n'aurais jamais du assister.
J'avais sérieusement hésité à prendre mes affaires et décamper. Mon expérience toute personnelle me hurlait que lorsqu'on assiste à ce type d'événement, on n'est pas sensé attendre gentiment que les monstres viennent éliminer ceux capables de les identifier. Mon instinct de survie me donnait des coups de pieds sévères pour m'inciter à prendre mon sac, toujours prêt, et monter dans le premier bus à quitter la ville. Mais j'étais finalement resté, partagé entre la part de moi qui me gueulait dessus pour fuir au plus vite et celle qui s'était attachée à ma petite vie bien rangée. Mes mois de fuite à travers le pays m'avaient énormément coûté et sans être certain de ce que je risquais, j'avais de sérieuses réticences à tout bazarder de nouveau. J'aimais mon taf, mes collègues, même ma piaule minuscule. J'avais une vie et même si elle était précaire, j'y tenais.
Et puis merde, s'il n'était pas crevé, ce qui restait à prouver, j'avais nettement sauvé la vie d'Adam. Sans moi, les quatre bestioles l'auraient bouffé. Je n'étais pas certain que si la mafia loup-garou que j'avais aperçue après l'attaque voulait m'empêcher de parler cela suffirait mais j'étais prêt à tenter le coup.
De plus, une autre interrogation fondamentale me taraudait, m'empêchant de lever le pied. Une question qui me glaçait les tripes à chaque fois que mes yeux se posaient sur mes points de suture maladroits sous lesquels ma chair abîmée pulsait et suintait. Je devais absolument savoir ce que je risquais en matière de séquelles de morsures de loups-garous.
J'avais prévenu Bear que j'étais souffrant et après avoir grogné par pur principe, il m'avait gentiment conseillé de dormir et de beaucoup boire. Près de deux jours après l'attaque, je n'étais pas plus poilu qu'avant, mon épaule commençait doucement à se dénouer et j'étais plus énervé qu'un trader privé de son café. Dans mon état de nerfs, il n'en fallait pas beaucoup pour m'affoler et lorsque quelqu'un se mit à frapper sans délicatesse aucune à ma porte d'entrée, mon arme, que j'avais gardée bien en évidence sur la table basse, sauta quasi d'elle-même dans ma main gauche.
Je m'approchai prudemment du battant, mon pouls battant frénétiquement à mes oreilles. Je me rangeai contre le mur, hors de portée d'un tir éventuel, et je beuglai.
- Qui est là ?
- C'est Adam. J'ai besoin de te parler.
La voix était bien la sienne. Il n'était pas donc pas mort, ce qui me soulagea un peu. Après tout, nous nous étions roulés des pelles et il m'avait réellement attiré. Et même si cela avait été bref, notre lutte commune pour la survie dans cette impasse avait fait de nous des alliés.
- Tu es seul?
Un silence suivit et je me tendis, la main enroulée autour de mon flingue.
- Non. Je suis avec un ami. Et un...
Il hésita.
- J'ai un chien avec moi.
Mon cœur rata un battement. Un chien? Mon cul, ouais. Il était avec un de ces putains de loups géants et monstrueux. Putain, il était un de ces putains de loups géants et monstrueux. Mon doigt se crispa sur la gâchette et j'hésitai. Il dut comprendre mon dilemme car il reprit d'un ton plus bas.
- Il faut qu'on parle, Micah. Je ne te veux aucun mal. J'ai juste besoin de te parler de ce qui s'est passé. Je t'ai ramené ta veste, c'était vraiment sympa de me la laisser.
Je ne savais pas quoi faire mais ma plaie brûlante pulsa et je carrai la mâchoire. J'avais besoin de savoir. Je devais savoir si à la prochaine pleine lune, comme le suggéraient les légendes, je risquais de devenir un monstre à mon tour. Je déverrouillai le battant et la chaîne de sécurité renforcée que j'avais posé avant de reculer d'un pas. J'étais dévoré du besoin d'informations mais je n'étais pas non plus stupide et dès qu'ils apparurent, je les mis en joue.
- Restez loin de moi. Vous deux pouvez entrer mais ton clébard reste dehors.
Adam analysa ma posture déterminée et tourna la tête.
- Lucius, reste devant la porte. Préviens-moi si quelqu'un arrive.
Je distinguai vaguement une silhouette énorme et poilue reculer dans l'ombre et mon sang se figea dans mes veines.
Adam me regarda et leva les mains dans un geste apaisant.
- Il ne va pas rentrer, c'est promis. Laisse moi juste refermer la porte. Inutile que tes voisins puissent nous entendre.
J'opinai et le jaugeai, un peu surpris par sa forme apparente. Il paraissait carrément en bon état pour un mec que j'avais vu à demi-mort deux jours plus tôt. La carrure du grand mec rouquin qui se tenait à ses côtés dans une posture classique de garde du corps m'était familière. Il s'agissait de l'homme qui était venu le récupérer, celui qui avait fouillé la ruelle. Je levai le menton vers lui dans un geste de bravade. Plutôt crever que d'avouer que j'avais une trouille bleue.
- Connor, je suppose?
Il me regarda et sourit en coin, de petites rides d'expression charmante apparaissant sur ses pommettes recouvertes de tâches de son.
- Lui-même. Enchanté Micah, et merci encore d'avoir appelé.
Il désigna Adam du menton et laissa échapper un rire rocailleux.
- Je me suis assez attaché à celui là, j'aurai détesté le voir mourir dans ce trou puant.
J'acceptai le remerciement d'un signe de tête léger et reportai mon attention sur Adam. Il était tel que dans mes souvenirs du bar, les yeux verts pétillants d'assurance et un sourire franc aux lèvres. Je chassai impitoyablement le regain d'attirance qui commençait inopportunément à se manifester de demandai :
- Est-ce que je peux savoir comment vous m'avez trouvé ?
Il m'adressa une moue penaude.
- Oui, alors ça n'a pas été aisé. Bear nous a donné l'adresse que tu lui avais laissé mais il semblerait que ton dossier personnel ne soit pas à jour. Bizarrement, l'immeuble indiqué abrite des bureaux. Etrange, pas vrai?
Je roulai des yeux sans relever le sarcasme.
- Et donc?
Il hésita et lâcha.
- Mon ami, dehors, t'a pisté. A l'odeur.
Cette révélation me fit tourner la tête. La confirmation que la grosse bête que j'avais à peine distingué n'était pas une bête, ou pas seulement, fit s'accélérer mon pouls. J'y avais réfléchi, pourtant. Je pensais l'avoir plus ou moins accepté, mais putain, c'était rude à avaler.
- Est-ce que tu pourrais baisser ce truc? Je veux juste te parler. Pas besoin d'arme.
Il déposa prudemment mon manteau à l'extrémité de mon canapé étroit.
- Je t'ai ramené ta veste, comme je disais, mais je crains fort qu'elle ne soit foutue.
Ses yeux s'attardèrent sur les pansements qui recouvraient ma peau et mon épaule toujours immobilisée et avec une inquiétude qui me parut sincère, il me demanda.
- Comment vas-tu? Tu as été gravement blessé ?
Minimiser était une seconde nature chez moi et je secouai la tête.
- Rien de grave. Enfin, sauf si tu as une mauvaise nouvelle à m'annoncer.
Je désignai la porte, derrière laquelle l'énorme truc attendait, et demandai avec anxiété.
- Est-ce que ça risque de m'arriver?
Les deux hommes parurent confus et je répétai, le ventre noué d'appréhension.
- J'ai été mordu, et pas qu'un peu. Est-ce que je risque de me transformer... en ça ?
Adam ouvrit de grands yeux et laissa échapper un rire surpris.
- Non, aucun risque. Ce n'est pas... transmissible. C'est justement de ça dont je voulais te parler.
Le soulagement ruissela dans ma colonne et dénoua légèrement les nœuds qui m'avaient oppressé le ventre. Je laissai échapper un long souffle de soulagement lorsque Adam reprit avec prudence.
- Tu as sans doute des questions...
Je le coupai sans hésiter un instant.
- Aucune question, absolument aucune.
Son ami Connor haussa ses sourcils épais et assortis à ses cheveux de feu mais je ne lui laissai pas le temps de s'exprimer.
- Je ne veux rien savoir, ok, rien du tout ? Je me fous de que vous êtes, de ce qu'étaient ces choses et de ce qu'elles te voulaient. J'ai bien assez d'emmerdes à gérer alors si vous êtes venus pour me demander de garder le secret, vous n'avez aucun souci à vous faire. Je n'ai rien vu, je ne sais rien et en ce qui me concerne, lorsque mes collègues me poseront la question, on est allé à l'hôtel, on a baisé, c'était un coup d'une seule nuit et la question est réglée.
Adam semblait abasourdi. Clairement, ma réaction n'était pas celle à laquelle il s'était attendu.
- Tu es sur de toi? Ça peut-être un peu... accablant.
Je faillis éclater d'un rire grinçant, preuve que j'avais été plus secoué que je le pensais et abaissai légèrement mon flingue. Mon bras commençait à me lancer et d'après la tonalité de cette charmante réunion, sauf rebondissement incroyable, nous devrions tous sortir indemnes de cette petite assemblée.
- J'en suis certain, ouais. Accablant, c'est le mot. Mais je ne veux rien connaître de plus. Je devais juste... savoir pour ça.
Je levai un peu mon bras blessé.
- Je n'étais pas certain que les antibiotiques suffiraient.
Adam opina.
- Les risques d'infections sont bien moins élevés que pour un animal... classique, disons, confirmant par la-même la nature de nos assaillants. Tu n'as pas en t'en faire, normalement. Aucune... contagion n'est possible.
J'en souris presque, soulagé au plus profond de moi.
- Bon à savoir, messieurs. Merci pour le manteau. Si c'était tout...
Adam fit des yeux ronds. Il ouvrit la bouche et fit mine de s'avancer vers moi mais son ami aux airs d'highlander lui attrapa le bras pour le stopper et confirma.
- C'était tout. Désolé du dérangement.
Adam sembla se reprendre et il m'évalua, les yeux plissés. Il semblait chercher ses mots mais finit par lâcher.
- Rien ne s'est passé, c'est bien noté. Mais Micah ? Sans toi, les choses auraient tourné très différemment. Je respecte ce que tu dis et comprends que tu préfères oublier tout ce qui s'est déroulé dans cette ruelle. Mais tu m'as sauvé la vie et moi, je ne l'oublierai pas.
Je hochai la tête et acceptai la promesse informulée. Ces mots paraissaient importants pour lui et je n'étais pas assez stupide pour l'insulter. Il me regarda une dernière fois et une tension chargée d'un soupçon de regrets passa entre nous. Puis, il fit demi-tour et sortit, de mon appartement et très probablement, de ma vie.
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