Chapitre 27

Micah

La voix ne m'était pas familière, ce qui n'était pas surprenant en soi. J'avais croisé pas mal des sbires de Sergueï mais je ne les avais pas côtoyé d'assez prêt pour les reconnaître à l'oreille. Les murs de la maison étaient épais et les volets fermés aussi, je dus me concentrer pour comprendre ce que le connard nous hurlait à travers l'épais accent russe qui colorait ses mots.

- Léooo! Sors tout de suite si aimes tes amis! Ty trus ! Je jure que nous ne leur ferons pas mal si tu viens sans faire d'histoires ! Il y a enfants ici, vouloir vraiment mettre en danger?

J'inspirai vivement. Le tueur à l'extérieur avait facilement mis le doigt sur ma plus grande crainte, cet enfoiré. Me faire traiter de lâche ne me faisait ni chaud ni froid mais mettre mes hôtes en péril? Mon cœur battait vivement dans ma poitrine et je fermai les yeux un instant, les poings serrés. Si je sortais, j'étais mort, c'était clair et net. Mais est-ce que ma vie valait de faire courir autant de risques aux lycans innocents qui m'avaient accueilli chez eux? Est-ce que rester à l'abri ne faisait pas de moi un monstre tout autant que mes poursuivants? Si j'avais été quelqu'un de bien, je serais parti depuis des jours, malgré mon envie de rester et malgré les promesses d'Adam. Contrairement à lui, je mesurais exactement les dangers que je faisais courir à mes hôtes et je n'avais aucune excuse à ce sujet. Malgré moi, j'amorçai un mouvement vers la porte d'entrée, sur le point de céder aux menaces. Léon surprit mon geste et me retourna un regard inquiet puis siffla vertement entre ses dents :

- Ne l'écoute pas! Putain, Micah. Myriam sera bientôt là, nous devons attendre et rester en sécurité.

Je grimaçai, l'estomac retourné.

- Il dit la vérité. À cause de moi les enfants sont en danger. Je ne voulais pas ça, merde!

Léon allait répliquer lorsque l'enfoiré dehors se remit à beugler :

- Est-ce que eux savoir qui protègent, tes nouveaux amis? Eux savoir qui tu es, Léo? Vouloir vraiment risquer la vie de petits rebenok pour sauver petit cul de pute? Nouveaux amis d'accords avec ça? Pas savoir que tu es bliad et podonok et voleur? Pas savoir que tu vends ton cul à qui veut et que protègent pute et enfoiré?

Je déglutis et glissai un regard vers Léon, attendant sa réaction. Il me dévisageait, yeux plissés et lèvres serrées, mais il secoua la tête et rétorqua d'un ton déterminé :

- Bordel, Micah, je ne sais pas ce qu'il se passe, pourquoi ces  mecs t'en veulent et pourquoi ils te donnent un autre nom mais je suppose qu'Adam est au courant de tout?

Je hochai la tête de manière imperceptible et il me rendit un sourire crispé d'anxiété.

- Notre alpha savait donc ce qu'il faisait en t'accueillant parmi nous. Nous sommes des lycans et je te l'ai déjà dis, nous ne laissons personne derrière. Surtout pas si cette personne a été approuvée par Adam. Je ne suis pas Lucius mais je suis capable de montrer à ces tarés de quoi je suis capable, n'en doute pas. Nous allons tenir bon.

J'avais envie de pleurer, déchiré entre deux élans opposés. Je n'avais pas envie de mourir. Pas après avoir passé autant de temps à fuir et lutter pour préserver ma vie. Pas après avoir enfin eu une vie. Mais si l'un de mes amis devait payer mon choix, je ne me le pardonnerais jamais. Dehors, le porte-parole des mafieux continuait de me haranguer mais sous le regard féroce et convaincu de Léon, je fermai les yeux, décidé à l'ignorer. Après quelques minutes, il finit toutefois par se taire. Le silence soudain après de longues minutes d'insultes, accusations et menaces aurait dû être un soulagement mais ce fut l'inverse et je me crispai. La phase deux de l'assaut n'allait pas tarder à débuter. J'espérais que Karen se tenait à son poste et prête à tirer. Le bruit des moteurs enfla de nouveau et je prévins Léon, l'anticipation accélérant mon sang dans mes veines :

- Ils vont essayer de passer par la terrasse véranda qui mène au salon, c'est ce que je ferais à leur place. Le verre va voler. Cache-toi derrière les meubles et fais attention, ils seront armés. Ne fais pas de quartier, ils n'en auront aucun pour nous.

Le lycan opina et s'accroupit derrière l'imposant canapé bleu canard où les lycans costauds pouvaient s'étaler confortablement et qui coupait la pièce en deux. Flingue bien stable en main, je me déplaçai à l'angle de la pièce, protégé à moitié par l'imposante bibliothèque. J'avais aussi vue sur la cuisine et je couvrais la plupart des angles vitrés du rez-de-chaussée. J'adressai une dernière pensée d'excuse à Adam, loin d'ici, espérant qu'il parviendrait à me pardonner la folie que je faisais entrer dans sa vie et celle de ses loups puis soufflai, concentré. Je fis le vide dans mon esprit, comme Andreï me l'avait appris et une bulle de calme m'envahit, chassant mes angoisses et mes remords pour n'y laisser que la détermination la plus pure. Il n'était plus temps pour les regrets. Mes muscles se relâchèrent, mon esprit s'aiguisa et la rage maîtrisée du combat emplit mes veines d'une sérénité létale et addictive. J'avais fait mon choix, celui de rester et de me battre et si ces salauds espéraient que je leur facilite la tâche, ils allaient vite déchanter. Ils allaient comprendre ce en quoi Andreï m'avait transformé. 

Le mugissement du 4X4 fit trembler les murs et je me campai sur mes pieds, prêt pour l'impact. Comme je l'avais prédit, le véhicule fonça droit dans la verrière du salon de toute la puissance de son moteur surgonflé et le choc fut d'une violence inouïe. Le boucan infernal me fit trembler, tout comme les fondations de la demeure, et de l'autre côté de la pièce, je vis Léon secouer douloureusement la tête malgré la protection de ses mains sur ses oreilles trop sensibles. Le volet métallique se déforma sous la percussion et vint frapper la vitre renforcée dans une réaction en chaîne de destruction. Le verre épais vacilla et vibra de tout son long sous la pression mais tint bon au premier coup, témoin de la qualité des matériaux utilisés par Adam lorsqu'il avait conçu son foyer. La voiture débraya dans un raclement métallique qui me vrilla les tympans et recula, entraînant derrière elle la moitié des lattes du volet dans un affreux bruit de déchirure. Je maîtrisai mon souffle et déglutis, attendant la suite. Et lorsque le moteur gronda à nouveau dans un grincement de pneus et d'aluminium broyé, prenant de l'élan pour attaquer, je carrai la mâchoire et relevai mon arme, prévoyant que cette fois, la véranda allait céder.

La vitre explosa dans un vacarme épouvantable et des éclats de verre épais et tranchants se mirent à voler dans la pièce. Je me plaquai contre le mur pour les éviter. Le véhicule pénétra de plusieurs mètres dans le living en éjectant dans son sillage les fauteuils cosy et la table légère. Il roula sur le tapis, suivi d'un nuage de pot d'échappement, de plâtre et de terre volante, et finit par déraper sur le parquet bien ciré avant d'emboutir la demie-cloison menant au coin cheminée. Karen s'était mise à tirer d'en haut et j'entendis des échanges nourris de coups de feu entre elle et les hommes de main restés à l'extérieur. Je croisai les doigts pour qu'elle soit en sécurité et sans hésiter, je m'avançai d'un pas dans la pièce. Le conducteur du 4x4 n'eut pas le temps de se demander ce qu'il lui arrivait, ni d'esquisser un geste vers sa portière, qu'une de mes balles précise ne lui emporta la moitié du crâne dans une déflagration de sang et de matière cervicale qui jaillit sur le pare-brise troué. Il était seul dans le véhicule, sans doute un pauvre larbin dont ses chefs estimaient pouvoir se passer et qu'ils nous avaient envoyé, telle de la chair à canon facile à sacrifier.  

Une rafale m'obligea à reculer d'un bond et je m'accroupis entre le mur et un bureau de bois épais, le cœur battant dans mes oreilles. Dans les décombres de la véranda, trois hommes s'avançaient du jardin, annonçant leur avancée d'un déluge de projectile. Sous leurs pieds, les débris de verre, de plâtre et de métal crissaient et couvraient le bruit de mon souffle précipité. Ils étaient supposés me vouloir vivant mais clairement, n'avaient pas l'intention d'y laisser des plumes. Je raffermis ma prise sur mon arme et me préparai à jaillir de ma cachette précaire pour les dégommer mais je n'en eus pas le temps. Avec une rapidité et une agilité surhumaine, Léon se redressa sur ses pieds et d'un bond de deux mètres par dessus le sofa, il sauta sur le premier assaillant. Je le vis choir et son arme s'envola sur le parquet, dérapant jusqu'à disparaître sous une banquette. Je n'avais aperçu qu'une silhouette agile grognant de rage avant que le russe et le lycan en pleine lutte ne soient dissimulés derrière le canapé mais à en croire les cris étranglés qui me parvenaient, et les tressautements spasmodiques des pieds chaussés de cuir qui dépassaient, un Léon furieux n'était pas une force à prendre à la légère. Profitant du léger flottement qu'avait provoqué l'attaque de mon camarade, je me redressai, à nouveau à découvert, et tirai à plusieurs reprises en direction de nos assaillants. Un homme trébucha dans un cri étranglé mais une rafale d'automatique me frôla d'un centimètre à peine et en reculant, je me pris les pieds dans le tapis. Seul mon instinct, et les centaines d'heures d'entraînement qu'Andreï m'avait infligé, me sauvèrent. Sans chercher à ralentir ma chute et stopper mon mouvement, je lançai mes coudes en arrière pour amortir l'impact et roulai sur moi-même en une boule compacte de muscles explosifs. Dès que je sentis le sol dur sous mes pieds, je me relevai, porté par mon élan, et bondis en direction du couloir. Du plâtre et du béton jaillirent de la cloison mais j'étais derrière et je me jetai au sol, attendant une opportunité de riposter. Je respirais vite et chacune de mes cellules frémissait de peur et d'adrénaline mais je me forçai à me calmer. Un léger blanc se produisit alors, seulement entrecoupé de gargouillis suspects en provenance du coin où Léon était occupé, et j'hésitai. Les armes automatiques ne fonctionnent pas comme dans les films où les héros enchaînent les rafales durant des heures sans jamais être à court ni manquer de munitions mais il me semblait un peu tôt pour que mes assaillants soient déjà au stade de recharger. Je tendis l'oreille et distinguai des pas prudents qui s'approchaient du pan de mur derrière lequel je me blottissais. Je pris une grande inspiration, me relevai et je fis un pas en avant. Mes yeux entraînés distinguèrent cinq silhouettes et je tirai dans le tas avant de reculer à nouveau, récompensé de cris de douleur et d'agonie. Karen avait entendu neuf hommes marcher dehors, onze peut-être, si les conducteurs étaient alors restés au volant. J'en avais eu deux et un de plus maintenant, Léon un, il en restait cinq. Ou sept. Dont quatre tout prêts de moi. De nouveaux tirs répondirent à mon attaque et deux balles traversèrent la cloison à quelques centimètres à peine de moi, avant de se ficher dans le mur en face. Adam allait vraiment me tuer s'il fallait refaire toute la décoration intérieure.

Bordel, mais que faisait Léon? Les mercenaires s'approchaient avec prudence mais d'ici quelques instants, ils allaient me coincer et à part fuir dans les étages, où j'allais les mener à Harry et aux enfants, ou me retrancher dans la cuisine où toutes les issues étaient verrouillées, j'allais me retrouver coincé.

Cette pensée m'avait à peine traversé qu'un grondement furieux, impossible à produire pour une gorge humaine, retentit dans le salon transformé en champs de bataille. Léon avait abandonné sa première victime et les yeux fous, il avait sauté dans le dos d'un des mafieux qui m'acculaient, l'écroulant sur le parquet. Il enfonça sa bouche plus vraiment humaine dans le cou épais du tueur et un hurlement horrible retentit, couvrant les bruits de coups de carabine qui résonnaient à nouveau au-dessus de nos têtes. Je profitai de la confusion pour viser à nouveau. Malgré leur expérience et leur entraînement,  les hommes de Sergueï n'avaient pas été formé à gérer des hommes prêts à attaquer à mains-nus, munis de grandes griffes et de dents luisantes dépassant de leurs mâchoires déformées, des lambeaux de chairs encore coincés entres les canines, et leur incompréhension et leur frayeur me donnait un minuscule créneau. 

Je fis un nouveau mouvement à découvert et avec le sang-froid que des heures et des heures d'exercices sous la coupe de mon mentor m'avaient donné, je brandis mon arme. Je tirai une fois, deux fois, trois fois. Une balle me frôla à nouveau et je sentis une traînée brûlante déchirer mon flanc mais je ne m'en préoccupai pas. Le dernier tireur que j'avais blessé à l'épaule reçut un projectile supplémentaire et s'effondra sur le sol dans un juron douloureux. J'inspirai profondément et avançai dans la pièce ravagée en rechargeant mon arme. Je gardais la véranda défoncée à l'œil, à l'affut de nouveaux ennemis dont d'après mes comptes, je pensais qu'il en restait à l'extérieur. Deux mafieux touchés bougeaient encore et sans même réfléchir à mes actes, je les achevai d'un tir précis. Le bruit sec d'une nuque brisée résonna dans la pièce et Léon se releva, l'air horrifié. Je jetai un regard rapide au corps qui gisait à côté de ses pieds et ne put réprimer une légère grimace. Le lycan n'était pas un combattant expérimenté et dans l'affolement de l'affrontement, il avait utilisé ses atouts de manière, disons... désordonnée. Le mort arborait plusieurs traces de morsures et griffures aléatoires qui n'auraient pas été fatales sous la forme principalement humaine de mon allié, raison pour laquelle il l'avait terminé en lui tordant le cou. Mais le résultat final en était sérieusement sanglant et le teint blême et les tremblements convulsifs de Léon montrait à quel point ses actions l'avaient affecté. Un début de transformation, sous l'effet du stress, sans doute, déformait son visage et ses articulations et quand il se releva, son échine tordue et les angles de ses genoux étranges me firent déglutir de malaise. J'avais trouvé la forme de loup d'Adam magnifique mais cet entre-deux à peine esquissé donnait à ma conscience humaine des envies de dégobiller. Il grognait et gémissait, incapable de parler avec une bouche remplie de dents et dégoulinante de salive rougeâtre, et me dévisageait d'un air suppliant. Merde, il n'allait pas bien. Je devais l'aider à se calmer.

Je faisais un pas vers lui en espérant que ma voix ou mon contact seraient susceptibles de l'apaiser, lorsqu'une détonation sèche explosa dans le calme précaire, me figeant sur place. Horrifié, je vis une tâche pourpre s'épanouir sur le tee-shirt déjà bien amoché du lycan. Il baissa des yeux troubles sur la blessure d'où un flot carmin jaillissait et sous mon regard éperdu, trébucha sur ses propres pieds. Il vacilla et se rattrapa à une console de bois clair mais le meuble fragile se renversa sous son poids et il s'effondra sur le tapis en l'emportant avec lui. 

Je ne mis même pas une fraction de seconde à pivoter d'un geste fluide, le canon de mon Sig Sauer pointé vers le couloir derrière moi. Mais il était trop tard. Pendant que je défendais le front ouvert dans le salon, ces salauds étaient parvenus à ouvrir la porte de la cuisine et me prenais maintenant à revers, profitant de ma distraction et mon attention envers Léon. Je me maudis de mon inattention et les jurons courroucés d'Andreï résonnèrent dans mon esprit, rappel douloureux de l'erreur grossière et impardonnable que je venais de commettre. Voilà ce qui arrivait lorsqu'on se préoccupait plus de l'état émotionnel de ses alliés que d'assurer sa propre sécurité. Dans un silence de port, je me retrouvai face à deux semi-automatiques, l'un braqué sur moi, l'autre sur la silhouette de mon ami blessé qui gisait sur le sol dans une mare rouge qui s'élargissait. Ma main ne tremblait pas malgré le vrombissement convulsif de mon cœur et mon besoin frénétique de me jeter sur Léon pour endiguer l'hémorragie qu'il subissait. Nous nous dévisageâmes, dans une posture classique de film d'action, mais ils étaient deux et j'étais en minorité. Et surtout, l'arme mortelle dirigée vers le corps blessé qui souffrait et saignait sur le sol ne me laissait guère de choix. Peut-être que Léon pourrait survivre à des tirs supplémentaires. Il était un lycan, après tout, et selon Adam, ils n'étaient pas faciles à tuer. Mais j'avais réussi, dans cette ruelle des mois auparavant. J'avais donné la mort à des lycans sous leur forme animale avec mes armes humaines et je savais donc que c'était possible. Je ne pouvais courir le risque que Léon subisse le même sort. 

L'un des mafieux, une grande baraque au crâne rasé, aux traits rudes et au sourire sardonique, leva un sourcil presque amusé en ma direction, conscient de sa position de force, et très doucement, je lâchai mon arme. Un grand frisson me parcourut l'échine en entendant le son sourd du métal sur le parquet, symbole de ma défaite. Son second acolyte se détourna de mon ami, inoffensif et mourant, pour ce qu'il en savait, et la ramassa sans me lâcher du regard. Je ne lui fis pas le plaisir de manifester ma peur et ma rage et restai impassible pendant qu'il déchargeait mon Sig et le rangeait dans son jean, écartant toute possibilité pour moi de le récupérer. 

- Te voilà enfin, suka, ricana le premier tueur et je reconnus celui qui m'avait provoqué. Tu as donné du mal. Beaucoup de morts. Sergueï content de te le faire payer. 

- Pochol na houille, crachai-je, sans me soucier de mon accent russe très moyen. Tu as ce que tu voulais alors partons et laissons mes amis tranquilles.

Il gloussa méchamment, insensible à mon insulte.

- Partir maintenant? Je sais pas. J'ai entendu bruits de pizda à l'étage. Peut-être monter voir ce qui se cache là haut? Blin, suis sûr possible bien s'amuser.

Je grinçai des dents, tous mes muscles bandés. C'était bien le genre de Sergueï de s'entourer des pires psychopathes, violeurs et pervers qu'il était capable de dégoter et j'étais prêt à tout pour empêcher l'homme dont les yeux brillaient d'une lueur malsaine de s'approcher de Karen et des enfants. Son comparse éclata d'un rire gras, le conduisant à baisser son semi-automatique, et récolta une œillade noire pour sa peine :

- Dourak, fouille-le au lieu rire comme hyène! C'est élève de Andreï, pas relâcher attention!

Je jurai furieusement dans ma tête. J'avais toujours mes couteaux sur moi et avais compté sur la tendance des russes à me sous-estimer pour les conserver et m'échapper plus tard. Mais ce plan précaire avait fait long feu et j'allais devoir sauter sur ma dernière occasion de passer à l'action. Je me tendis, mobilisant mes forces tout en gardant le visage le plus relâché possible. De toute façon, il était hors de question pour moi de me laisser emmener désarmé. La mort par torture, très peu pour moi, j'aimais autant me vider de mon sang sur le joli sol vernis de la première maison où je m'étais senti chez moi. Si mes comptes étaient corrects, ces deux-là étaient sans doute les derniers survivants de l'attaque alors si, en prime, je pouvais m'assurer qu'ils ne touchent pas un cheveux des innocents réfugiés à l'étage, j'allais saisir ma chance.

L'homme de main m'approcha avec précaution, me tenant toujours dans sa ligne de mire, et je gardai mon calme. Je devais attendre qu'il soit prêt, tout prêt. Suffisamment prêt pour me couvrir des tirs de son comparse. Alors, seulement, je pourrais frapper. C'était là une manœuvre désespérée mais la seule qui me restait. Je visualisais chaque mouvement à venir dans ma tête comme Andreï me l'avait enseigné quand soudain, le temps parut se figer. Tout proche, vraiment tout proche, un capharnaüm inespéré et incroyablement réconfortant retentissait et me tira un large sourire incrédule. Un hurlement féroce de loup résonnait dans le jardin, aussitôt suivi d'un deuxième, d'un troisième. La meute était arrivée.

Les mafieux échangèrent un regard empli de stupeur et se tournèrent de concert vers la baie vitrée béante mais ils n'eurent pas le temps de comprendre ce qui se passait. L'instant d'après, une marée de fourrures rugissantes s'abattait sur eux et dans un concert de cris de douleur et de grognements de rage, ils se retrouvèrent ensevelis sous les lycans fous de colère. Les renforts étaient enfin là. Soulagé au delà de toute expression, vidé de toute énergie, je me laissai glisser à terre, au bord des larmes. J'avais réussi. Certes la maison était à moitié détruite, certes Léon était blessé, mais malgré les chances contraires, je n'avais pas sur la conscience la mort d'un de mes alliés.

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