13
Assise sur une chaise, les yeux fixés sur ses mains posées sur ses genoux, Narcisse écoutait sagement ses parents lui hurler dessus à tour de rôle. D'habitude, dans ce genre de situation, elle répliquait et provoquait à son tour, mais ce soir-là, elle garda le silence. Ses parents étaient venus la chercher au commissariat tout de même, et elle ne voulait pas envenimer la situation déjà délicate. Elle avait conscience qu'elle avait fait une énorme erreur en partant de la sorte, et elle savait pertinemment qu'elle été arrivée comme une tornade dans la vie de chacun. Elle était partie des rêves plein les poches, mais elle les avait tous perdu en chemin. Elle avait menti, blessé et abandonné tout le monde. A la place d'écouter les jérémiades de son père, son esprit était sans cesse tourné vers Shawn. Elle revoyait le regard chargé de mépris et de dégoût qu'il lui avait lancé. A cette simple pensée, son cœur se serra et son ventre se révulsa. Elle aurait tant voulu pouvoir lui expliquer et lui demander pardon. Elle aurait voulu rire avec lui de ce stupide, petit et ridicule mensonge. Elle aurait voulu rester à ses côtés, sentir son regard bienveillant sur elle et sa présence rassurante sur le canapé. Elle songea aussi à Alicia, ce moulin à parole auquel elle s'était tant attachée.
- Regarde-moi ! cria son père.
Elle leva des yeux remplis de colère vers lui. Il l'avait arrachée de force au monde qu'elle s'était créé à Colortown. Même si elle pouvait comprendre sa profonde inquiétude et sa colère, elle ne pouvait s'empêcher de le haïr. Il lui expliqua comme ils avaient eu des problèmes à cause elle. Ils avaient été accusés de sa disparition, et avaient été très critiqués. Tout le monde était mort de peur à l'idée de ce qu'elle avait pu devenir, et ils avaient dû faire appel à la police. Désormais, à cause d'elle, on ne parlait que de leur famille et de ses failles. On disait qu'ils étaient des parents négligents et elle une pauvre fille dévergondée et irresponsable.
Bien sûr, Narcisse se moquait totalement des soi-disant problèmes de ses parents. Ils n'avaient qu'à faire plus attention et elle et l'écouter. Rien ne se serait passé ainsi s'ils avaient accepté son rêve de chanteuse. Ils auraient dû savoir que rien n'arrête une jeune fille ambitieuse. Et encore moins quand elle est amoureuse.
Elle bredouilla des excuses hypocrites puis monta à sa chambre. Elle retrouva son lit immense, sa coiffeuse chargée de maquillage de marque et sa garde-robe hors de prix. Tout ce qui composait son bonheur autrefois lui semblait futile et superficiel. Elle observa à travers son immense fenêtre et vit le ciel bleu nuit où ne brillaient aucune étoile. Elle mit un pyjama, balança ses affaires par terre et s'allongea dans son lit moelleux. Elle regretta le vieux matelas de Shawn, dans lequel on s'enfonçait à peine et où on sentait les ressorts piquer votre dos. Elle était bien plus heureuse dans ce minuscule appartement que dans cette somptueuse villa. Ses parents n'avaient pas cherché à comprendre son acte. Ils ne lui avaient pas demandé comment elle se sentait, ni comment elle avait vécu cette fugue. Ils ne l'avaient pas questionné sur ce qu'elle avait fait pendant tout ce temps passé loin d'eux. Ils l'avaient juste sermonnée pour faire semblant d'être des parents autoritaires. De bons parents. Ses murs blancs, les beaux meubles, la piscine dans le jardin : tout ça la répugnait. Ses draps en lin lui brûlaient la peau. Elle n'appartenait pas à ce monde brillant et égoïste. Du moins, elle n'y appartenait plus. Elle voulait retourner à Colortown. Elle devait y retourner. Elle étouffait sous ce chic, ses parures dorés et ce froid glaçant qui s'en dégageait.
Alors elle songea que quitte à faire une folie, autant la faire jusqu'au bout. Comme Narcisse était totalement incapable de tirer une leçon des évènements qu'elle avait vécu, elle ramassa ses affaires par terre, les mit, ouvrit sa fenêtre et s'échappa une seconde fois de sa prison dorée. Elle était beaucoup trop impulsive et déterminée pour songer aux conséquences. Elle sauta par la fenêtre et atterrit sur le toit. De là, elle fit un bond et tomba dans le jardin. Elle aurait voulu atterrir de manière classe, mais ses genoux la lâchèrent en cours de route et le terme pour décrire son atterrissage était plus « s'écraser ». Mais elle s'était écrasée de manière classe. Elle se releva, épousseta son jean et courut le plus vite qu'elle put, bien que ses parents n'avaient pas encore remarqué son absence. Elle était partie tellement vite qu'elle n'avait absolument rien pris sur elle, même pas son portable. Elle s'arrêta de courir à l'arrêt de bus le plus proche, puis fouilla dans ses poches à la recherche de pièces pour payer son ticket. Le bus la déposa à 15 minutes de Colortown. Elle marcha à vive allure sans se démanteler jusqu'à arriver devant l'appartement de Shawn. Devant la porte, elle réalisa enfin ce qu'elle venait de faire. De 1, ses parents allaient réagir au quart de tour. De 2, elle ne pouvait pas se cacher définitivement dans cette petite ville pour fuir ses problèmes. De 3, comment allait réagir Shawn ? Elle était stupide de croire qu'il allait lui ouvrir naïvement sa porte de nouveau. Elle perdit soudainement toute son assurance et chaque partie de son corps se figea. Elle était effrayée. Elle avait fait un long chemin, sans doute pour rien. Elle ne voulait pas le perdre. Elle était horrifiée à l'idée qu'il lui glisse de nouveau entre les doigts. Elle se mit à respirer vite, très vite. Tout devint flou autours d'elle, si bien qu'elle dû s'asseoir sur les marches. Elle enfouit son visage dans ses mains et tenta de remettre ses idées en place. Narcisse était le genre de personne qui fonctionnait à l'adrénaline. Désormais, toute la tension ardente que son corps retenait était redescendue à plat, et Narcisse se trouvait comme une batterie vide. Elle agissait seulement sous le coup de violentes impulsions et ne réfléchissait qu'après ses actes. Elle était seule, n'avait pas un sou, se ferait détruire par ses parents en rentrant et se ferait probablement rejetée par Shawn et Alicia. Elle souffla pour essayer vainement d'extérioriser le sentiment de désordre et de déception qui s'était emparé d'elle. Il lui sembla que son impulsivité habituelle était une malédiction. Elle avait voulu atteindre les étoiles, mais tout ce qu'elle avait fait était d'éblouir son entourage pour mieux le brûler. Elle était en train de se morfondre sur son sort quand une voix familière la tira de sa déprimante réflexion.
- Ana ?
Elle leva la tête et se trouva face à Alicia. Elle se tenait debout, clefs à la main et yeux étonnés. Elle avait l'air plus fatiguée que d'habitude et ses traits étaient tirés par l'inquiétude et le malaise.
- Enfin, je veux dire Narcisse. Ajouta-t-elle à la hâte.
Elle se balançait d'un pied à l'autre l'air gêné. Narcisse se leva précipitamment, comme si quelque chose lui avait piqué les fesses. Elle était tellement désolée pour elle, désolée pour ce qu'elle lui avait fait.
- Alicia, je t'en supplie ne m'en veux pas, je peux t'expliquer, tu vas voir, ce n'est pas du tout ce que vous pensez, c'est juste un tout petit mensonge de rien du tout. Débita-t-elle à toute vitesse.
Pour une fois, c'était elle qui ne pouvait s'arrêter de parler. Alicia, l'air sage, posa une main sur son épaule et sourit.
- Monte, on va parler.
Narcisse, soulagée au plus haut point, la laissa la guider à l'intérieur, comme si elle était un petit robot et que c'était Alicia qui détenait la télécommande de ses émotions. Tandis qu'elles montaient les escaliers, Narcisse ne put s'empêcher de lui dire :
- On pourrait monter voir Shawn ? Il faut absolument que je le vois lui aussi. Comme ça, je pourrais vous expliquer à tous les deux.
- Shawn est parti.
La mine sombre d'Alicia fit monter en elle une vague d'inquiétude.
- Pourquoi ? Où est-il ?
- A l'hôpital.
- A l'hôpital ?! s'étouffa-t-elle.
Des scénarios plus horribles les uns que les autres défilèrent à toute vitesse dans son esprit. Elle sentit ses mains devenir subitement moites. Le peu de calme qu'elle avait gagné se dilua dans la mare d'inquiétude de son esprit et disparut totalement.
- Ce n'est pas pour lui, vu que c'est ça qui a l'air de t'affecter. On dirait un lapin qui se retrouve face au fusil de chasseur et qui ne sait plus quoi faire.
Elle éclata d'un rire qui collait peu à la situation.
- Il rend visite à sa sœur. Elle est très malade, et elle est récemment tombée dans le coma. Shawn est mort de peur.
Même si c'était affreux et égoïste, elle se sentit profondément soulagée, comme libérée d'un poids. Elles arrivèrent devant la porte d'Alicia, que celle-ci ouvrit. Comme d'habitude, l'appartement était dans le désordre le plus total. Des emballages oubliés jonchaient le sol, ainsi que des livres et des boîtes de jeux vidéo vides. Alicia la fit asseoir sur le canapé à côté d'elle.
- Dis-moi tout. Fit-elle en lui pressant le bras.
Elle paraissait plus à l'écoute qu'en colère. Narcisse vida son sac et lui expliqua tout de A à Z. Elle lui raconta comment elle avait été prise dans une spirale de mensonge dans laquelle elle s'enfonçait un peu plus chaque jour. A la fin de son récit, Alicia hocha simplement la tête.
- Je peux comprendre, il me semble. Mais, comment je dois t'appeler du coup ?
Narcisse éclata de rire, elle ne s'attendait pas à cette question.
- Comme tu veux.
Alicia prit un air soucieux, et passa une main dans les cheveux.
- Moi ça va, mais Shawn... Il était vraiment déçu et en colère. Tu l'as vraiment blessé tu sais. Je crois que tu avais remarqué que c'était un garçon soucieux et sensible. Il s'est imaginé que tu étais un bandit en cavale.
Narcisse masqua sa gêne sous un sourire tremblant. Elle sentit une boule se former dans sa gorge, lui coupant sa respiration et lui rappelant de se sentir profondément coupable. Elle ne trouva rien à ajouter à ce qu'Alicia venait de dire. Que répondre ? Ce qui était fait est fait. La brune se rapprocha et posa une main rassurante sur son épaule. Elle planta son regard sévère dans le sien.
- Maintenant, tu dois retrouver Shawn, ok ? Parce que lorsque je me trouve face à une histoire d'amour comme la vôtre, je ne peux pas la laisser filer. C'est clair ?
- Ce n'est pas une histoire d'amour... bafouilla Narcisse.
Mais son visage disait totalement le contraire. C'était plus que probable qu'elle ait développé des sentiments pour Shawn durant tout ce temps passé avec lui. C'était assez inévitable, parce qu'il avait ces yeux noisettes incroyables, cet air si adorable lorsqu'il s'inquiétait pour elle, et cette façon si spéciale et unique de la regarder. Elle n'eut pas le temps de nier d'avantages que Alicia la trainait déjà par le bras.
- Ne perdons pas de temps ! s'écria-t-elle.
- Mais que va-t-il penser de moi ?
Elles dévalaient les escaliers à toute vitesse, comme si, soudainement, le temps s'était mis à manquer et que la Terre allait exploser si elles ne se dépêchaient pas.
- Si j'ai compris il comprendra.
Elle hocha la tête avec consentement, pourtant elle sentait une main mesquine lui pincer le cœur sans relâche. Elles prirent les transports en commun car aucune des deux ne savaient conduire. Durant tout le trajet, Alicia la bombarda de question sur ses rêves et sa vie en-dehors de Colortown, auxquelles elle s'efforça de répondre sans montrer son profond agacement. Plus elle s'approchait de l'hôpital, et plus elle sentait l'appréhension monter en elle. Narcisse qui était réputée pour avoir le contrôle de ses émotions, était en train de laisser le stress prendre le pouvoir sur elle et grignoter les autres émotions. Plus d'hâte de rencontrer Shawn, plus de joie de s'être réconciliée avec Alicia, plus de soulagement de s'être libérée de ses parents, non, plus rien, juste l'angoisse d'être repoussée par celui qu'elle aimait.
Elles arrivèrent enfin, et Narcisse se frotta les mains contre son short pour essayer d'en enlever la moiteur. Alicia s'avança vers l'accueil, et là, son cerveau se déconnecta complètement. Elle laissa son amie parler et la guider dans les couloirs tandis que son esprit voguait sur les différentes raisons de se sentir angoissée et tout ce qui pourrait pousser Shawn à la rejeter. Soudain, Alicia se stoppa face à une porte et elle redescendit son Terre. Elle se tourna vers elle, et chuchota avec gentillesse et patience :
- Laisse-moi d'abord entrer.
Elle toqua, et la voix de Shawn lui répondit qu'elle pouvait entrer. Rien que d'entendre sa voix de nouveau la mettait dans tous ses états. Son ventre était retourné et son cœur battait la chamade. Elle avait totalement perdu le contrôle, et elle en avait parfaitement conscience. Alicia ouvrit le porte et entra en saluant Shawn. Du coin où elle était cachée, elle put le voir assis sur une chaise, tenant désespérément la main d'une jeune fille endormie. Narcisse lui donnait 13 ans, 14 tout au plus. Tandis qu'Alicia parlait avec Shawn, elle eut tout le loisir de le détailler de la tête aux pieds. Ses traits étaient tendus, il avait l'air profondément fatigué et son dos était vouté. Lui qui était d'habitude tiré à quatre épingles portait une chemise à carreaux froissée ouverte sur un tee-shirt noir avec une tâche de café dessus. Narcisse avait envie de courir vers lui et de le prendre dans ses bras.
Alicia se tourna vers elle, et fit :
- Je ne suis pas venue toute seule Shawn. Quelqu'un d'autre voulait s'assurer que tu allais bien.
Narcisse comprit que c'était le moment. Elle s'avança timidement, la respiration rapide et le cœur battant à un rythme anormal. Shawn ne la regarda à peine et jeta un regard rempli de colère à Alicia. Les poings serrés, il se leva subitement.
- Tu sais bien que c'était la dernière personne que j'avais envie de voir en ce moment ! cracha-t-il.
Elle sentit son cœur bondir dans sa poitrine et soudainement se dégonfler comme s'il n'y avait plus de vie à l'intérieur. Elle aurait encore préféré qu'il lui donne un coup de poing dans la mâchoire plutôt que cette réaction.
- Je sais que tu es en colère contre elle mais tu ne lui a même pas laissé la chance de s'expliquer. Ca ne te ressemble d'agir comme ça.
Les poings toujours serrés et la mâchoire crispée, il daigna adresser un regard à Narcisse. Un regard, bien sûr, chargé d'électricité et de colère. Jamais elle n'aurait cru qu'elle pouvait à ce point décevoir une personne. C'était douloureux de se rendre compte qu'il tenait assez à elle pour réagir de manière si grandiose.
- On va parler dans le couloir. Décida-t-il.
Obéissante, elle sortit de la chambre et ne tarda pas à être rejointe par Shawn. Elle allait ouvrir la bouche pour tout lui raconter mais il cria avant elle.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu te rends compte de ce que j'ai pu ressentir quand tu es partie comme ça, si vite ? Tu t'étais évaporée dans la nature ! J'ai cru que je ne te verrais plus jamais de ma vie ! De quel droit tu pars et tu viens dans la vie des gens, An, Narcisse ?
Il semblait hors de lui et de son côté, elle ne savait plus où se mettre. Shawn avançait vers elle, la surplombant de toute sa hauteur. Elle avait envie de se recroqueviller sur elle-même pour éviter les éclairs que ses yeux lançaient. Reculant à chaque fois qu'il avançait, elle se retrouva rapidement contre le mur froid et blanc de l'hôpital.
- Je suis venue te demander pardon ! hurla-t-elle malgré elle.
Dès que quelqu'un haussait le ton, elle se sentait obligée de la faire aussi.
- Rien ne s'est passé comme je le voulais, ok ? Je n'ai jamais voulu faire de mal à personne en venant ici, mais la situation a dérapé. Quand je suis venue à Colortown, je voulais commencer une nouvelle vie, alors je me suis inventée une autre identité. C'était une erreur, je l'avoue, mais c'est la seule chose sur laquelle j'ai menti, tu peux me faire confiance. Tout le reste était vrai. J'ai fugué de chez moi, et mes parents ont lancé des recherches pour me retrouver. C'est pour ça que des policiers sont venus me chercher. Je suis revenue chez moi avec mes parents. Mais tu sais quoi ? Dès que j'ai pu j'ai couru jusqu'ici pour vous retrouver, Alicia et toi.
Tout ce qu'elle put lire dans le visage de Shawn était le désarroi. Elle avait vidé son sac et elle savait que ça ne suffisait pas. Pas pour Shawn. Parce qu'en l'accueillant, il lui avait donné une petite partie de lui, et elle n'avait pas le droit de partir comme ça avec. Il était blessé, bien plus qu'elle ne l'avait fait auparavant lors de leurs précédentes disputes. C'était une blessure bien plus profonde, le genre qui s'inscrivent dans l'âme.
- Mais pourquoi Narcisse ? Pourquoi tu reviens comme ça, pour partir ensuite ? On sait tous les deux que ça ne rime à rien. Peut-être que tu as berné Alicia, mais ça ne marche pas avec moi. Tu sais aussi bien que moi qu'on ne peut pas compter sur toi. T'es comme un fantôme. Tu files comme le vent, tu t'immisces dans la vie des gens sans qu'on ne puisse rien y faire, puis tu t'en vas un beau matin, pour revenir dès que ça te chante. Mais ce n'est pas ça la vie. Moi j'ai besoin de quelqu'un sur qui je peux m'appuyer. Et tu n'es pas cette personne
Elle fut frappée par la vérité de ses paroles. La question du lendemain, du « ensuite ? », la dérangeait toujours. Quel avenir instable leur réservait-elle en restant avec eux ? Alors oui, pourquoi ? Pourquoi revenir, tourner en rond autours des mêmes problématiques ? « Parce que je t'aime ». Elle ne pouvait décemment pas lui avouer ses sentiments. Les mots restaient coincés dans sa gorge.
- Pourquoi ? répéta-t-il.
Il était de plus en plus en rage. Narcisse s'inscrivait de plus en plus dans le silence. Elle le regardait avec de grands yeux implorant, essayant de communiquer avec le regard. Il lui saisit les épaules. Pas comme un grand frère inquiet, non, comme un jeune homme en colère. Narcisse avait de plus en plus de mal à le reconnaitre, une nouvelle facette de Shawn s'offrait à elle.
- C'est bon, ok ! cria-t-elle à son tour. Je suis venue ici pour vous expliquer ce qui s'était passé et vous demander pardon. Maintenant, c'est fait. Si tu veux que je parte, que je disparaisse à jamais de ta vie, demande-le-moi, je le ferais. Je n'en ai pas forcément envie, mais je le ferais, si ça te permet de te sentir mieux.
Elle planta avec conviction ses yeux verts dans ses yeux (irrésistibles) noisettes. Il y avait tellement de tension entre eux et dans tout l'atmosphère qui les entourait qu'elle crut qu'elle allait exploser. Résistant à la pression pesante et aux tremblements nerveux de ses mains en colère, elle ne détourna pas le regard. Elle en avait assez de détourner les yeux de la réalité. La vérité se trouvait dans les yeux de Shawn, elle en avait l'intime conviction.
- Tu ne comprends rien. Lâcha-t-il.
Il avait baissé d'un ton mais il était toujours aussi énervé.
- Mais qu'est-ce que...
Elle avait envie de lui demander ce qu'il voulait à la fin, mais sa phrase resta en suspens. Shawn la plaqua contre le mur et écrasa ses lèvres brûlantes sur les siennes. Tout ce qui était froid auparavant dans cet hôpital devint ardent. Contrairement à ce qu'elle aurait pensé, son baiser n'était ni doux, ni bienveillant. Il était mêlé de passion écarlate et de colère noir, et les lèvres de Shawn avait le goût des larmes. Ce n'est pas pour autant qu'il était désagréable, loin de là. Tout le corps de Narcisse ne devint que braises incendiaires. Elle ferma les yeux et se laissa aller. Les mains de Shawn quittèrent ses épaules pour rejoindre sa nuque. Il retrouvait petit à petit sa douceur habituelle. Elle finit par se détacher de lui pour reprendre son souffle. Décontenancée, elle murmura :
- Mais qu'est-ce que tu veux à la fin ?
Shawn prit du temps pour reprendre. Son regard lui brûlait la peau.
- Je te veux toi.
A ces mots qu'elle avait tant attendu, elle ne put empêcher son corps de sauter dans les bras de Shawn et de l'embrasser une seconde fois. Cette fois-ci, leur baiser était beaucoup plus doux. Elle avait une impression de sécurité inébranlable dans les bras de Shawn. Comme si le monde pouvait s'écrouler sans qu'elle sans aperçoive tant que ses bras étaient enroulés autours de sa taille.
Elle entendit un raclement de gorge venant de derrière Shawn, la poussant à se reculer. Alicia se tenait sur le pas de la porte de la chambre, un sourire amusé aux lèvres.
- Vous avez fini les tourtereaux ? Ce n'est pas que ça ne me fait pas plaisir pour vous, parce que, mon dieu, ça fait tellement longtemps que j'attends ce moment si vous saviez ! J'ai toujours su que vous étiez faits l'un pour l'autre. Mais là, vous êtes dans un couloir d'hôpital et tous les regards sont tournés vers vous, ce que je trouve, personnellement, assez gênant. Donc, si vous vouliez bien entrer dans la chambre avec moi sans vous sauter dessus, ça m'aiderait.
Elle échangea un regard amusé avec Shawn. Il lui prit la main et l'entraina à la suite d'Alicia.
Elle avait bien fait de fuguer une seconde fois.
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