11
- Hmmmm. Gargouilla Narcisse en se réveillant.
Comme tous les matins, elle inspecta minutieusement les rayons de soleil passant par la fenêtre. Il lui semblait que c'était un matin comme les autres, seulement, la sensation des draps sur sa peau semblait avoir changé. Sortant peu à peu de sa profonde léthargie, elle observa mieux les lieux. Son cœur se remplit alors d'un étonnement effrayé. Elle n'était pas dans sa chambre. Elle se mit à gesticuler dans son lit et à regarder autour d'elle à la recherche d'une quelconque réponse. Elle se trouvait dans le lit de Shawn. Pire que tout, quand elle essaya de fouiller dans sa mémoire pour y trouver des explications, elle n'y trouva rien. Les souvenirs de la veille baignaient dans un brouillard opaque. Que c'était-il passé ? Quelque chose de sérieux, entre elle et Shawn, s'était-il déroulé ? A la simple idée d'elle et de lui, à deux dans ce lit, elle rougit violemment. Elle fut prise d'une envie d'hurler hystériquement, mais préféra à la place jeter la couverture loin d'elle et de courir avec panique en dehors de la chambre. Elle traversa à toute vitesse l'appartement et arriva au niveau de la cuisine. Shawn y préparait son café en sifflotant.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? rugit-elle.
Sans aucune raison précise, elle était en colère contre le garçon. Elle avait l'impression de s'être fait manipulée. Il fronça les sourcils, ne semblant pas comprendre.
- De quoi tu parles ?
Elle recula un peu pour pointer du doigts sa chambre au loin.
- Pourquoi je me suis réveillée dans ton lit ?
Il eut un sourire amusé qui lui donna envie de prendre le premier objet qu'elle avait sous la main pour lui balancer à la figure.
- Ah, tu ne te souviens de rien. Déclara-t-il calmement.
Elle leva les yeux au ciel, trépignant comme une enfant. Elle serrait les poings et tapait du pied contre le sol.
- Mais qu'est-ce que tu attends pour me raconter ce qu'il s'est passé ? Accouche !
Elle s'attendait au pire. Surtout que, malgré tout, s'il s'était passé quelque chose entre eux, elle aurait bien aimé s'en souvenir. Soudain, un douloureux mal de tête vint lui vriller le crâne. Ses propres cris lui semblaient assourdissants.
- Si tu te poses la question, il ne s'est rien passé entre toi et moi. Fit-il, toujours avec la même sérénité.
Il prit une gorgée de café et posa son regard sur elle. Comment pouvait-il être si détendu quand elle avait l'impression que c'était la 3ème guerre mondiale dans sa tête ? Les mains posées sur ses tempes pour stopper la douleur, elle se laissa tomber sur sa chaise. Elle jeta un regard implorant à Shawn pour qu'il l'éclaire sur ce bazar gigantesque qu'était son esprit.
- Hier soir, en rentrant, tu as croisé Alicia et son nouveau petit ami, un type pas très net d'ailleurs, si tu veux mon avis. Il vous a proposé de vous payer des verres, alors tu as accepté. Mais, je ne sais pas ce que tu avais hier, mais tu n'as pas su t'arrêter. Alicia m'a dit que tu n'as fait qu'enchainer les verres. Elle est venue te déposer chez moi dans un état déplorable, tu tenais à peine debout.
Narcisse commençait peu à peu à se rappeler. Après le départ de Marcie, elle s'était soudainement sentie abattue. Elle avait eu envie de tuer Narcisse pour laisser place à Ana, alors elle avait décidé de la noyer sous un torrent d'alcool.
- Une fois à l'intérieur, tu t'es mise à dire des choses étranges. Appuyée sur mon épaule, tu m'as parlé de fugue, d'une grande villa, d'une Marcie et d'une certaine Narcisse. Ca n'avait aucun sens. Et puis là, tout à coup, tes jambes ont lâché et tu es tombée au sol comme une masse. Tu étais endormie, du coup, je t'ai prise dans mes bras. Mais, comme t'es pas légère légère, je t'ai porté jusqu'à la chambre la plus proche, la mienne. J'ai dormi dans le canapé.
Elle poussa un grognement désespéré et appuya son front contre la table. Elle était morte de honte à l'idée d'avoir offert un spectacle aussi pitoyable à Shawn.
- Je suis désolée. Geint-elle. Ca craint.
- Ne t'inquiète pas, ça arrive d'avoir un petit coup de mou. Répondit-il avec sa douceur habituelle.
Elle leva vers lui des yeux remplis de gratitude. Comme d'habitude, il avait pris soin d'elle tandis qu'elle s'efforçait de foutre sa vie en l'air. Puis, elle fronça les sourcils, craignant de s'être mise dans une situation inconfortable.
- Dis, tu te souviens de ce que j'ai dit à propos de Narcisse ?
- Oui, que c'était une menteuse, que tu voulais en finir avec elle. Tu as dit qu'elle était toi et que tu étais elle, et qu'à deux, vous étiez des menteuses, puis tu es complètement partie dans un débat assez flippant.
Il rit, mais elle n'avait pas du tout envie de faire de même.
- C'est qui, cette menteuse de Narcisse ? demanda-t-il.
- Personne. Elle fait partie du passé maintenant.
Comme il ne posa pas d'autres questions, elle comprit qu'il avait une confiance aveugle en elle. Une confiance qu'elle ne méritait pas. Encore une fois, elle se sentit extrêmement mal. Elle allait se décider à tout lui avouer quand soudain, son ventre se révulsa. Elle se leva précipitamment et couru vers les toilettes, où elle versa les restes du déjeuner de la veille.
- J'vais pas biiiiiiien. Gémit-elle d'une voix pâteuse.
- Ca va aller Ana.
Elle releva la tête de la cuvette, et essuya sa bouche du mieux qu'elle put. Shawn se rapprochait d'elle, alors elle cria :
- Non, arrête, je ne veux pas que tu me voies comme ça !
Il respecta son souhait et stoppa sa marche. Elle arrangea son allure du mieux qu'elle put, et sortit des toilettes. Elle avait une mine horrible. De longues cernes entouraient ses yeux, son teint était livide, elle avait les cheveux en pagaille et les yeux vitreux.
- Tu n'es pas en état d'aller au travail ce matin. Je vais appeler Joe pour lui dire que tu es malade.
Il posa la main dans le creux de son dos, et elle se laissa guidée jusqu'au canapé. A ce niveau-là, elle comprit qu'elle avait perdu tout crédibilité, et décida de s'affaler de manière très peu gracieuse.
- J'ai envie de mourir. Déclara-t-elle, en louchant sur Shawn qui était assis à côté d'elle.
Il sourit gentiment, et passa la main dans ses cheveux blonds qu'il caressa avec douceur.
- Je vais te chercher des médicaments pour ton mal de tête. Dit-il en se levant.
Il revint peu de temps après, un verre d'eau et un comprimé à la main. Elle se jeta dessus comme si sa vie en dépendait. Puis, Shawn regarda sa montre, et déclara :
- Il faut que j'ailles en cours. Je rentrerai à midi, ne meurs pas en attendant.
Elle n'eut pas la force de lui répondre, ni même de le retenir. Egoïstement, elle n'avait pas envie qu'il parte. Elle avait envie qu'il reste auprès d'elle, qu'il la rassure avec ses paroles sages et ses gestes minutieux, doux. Sans lui, elle avait peur. Peur des autres, et surtout peur d'elle-même. Shawn était toujours celui qui la ramenait à la raison, sans lui tout partait en vrille. Elle voulait qu'il reste pour qu'il la réchauffe, car tout était froid et vide quand il était loin.
Mais il était parti, et tout ce qu'elle avait, c'était la maigre consolation de la télévision.
Elle avait finalement fini par s'endormir sur le canapé. Elle baignait encore dans un épais sommeil quand elle entendit la porte s'ouvrir. Elle se réveilla alors, mais qu'à moitié. Elle avait conscience du monde qui l'entourait, mais n'avait pas la possibilité d'agir avec lui. Elle entendit des pas qui marchaient, et le tintement des clefs qu'on pose sur un meuble.
- Ana ?
Elle ne répondit rien. Et puis, de toute façon, elle était Narcisse. Les pas se rapprochaient et elle eut la dérangeante impression que des yeux étaient posés sur elle. Petit à petit, ses yeux bougèrent sous ses paupières jusqu'à ce qu'elle les ouvre enfin. Shawn était à côté d'elle, deux boîtes de pizza à la main, et l'observait avec un air soucieux. Elle sourit à cette vision, et commença à se relever doucement.
- Ca va mieux Ana ?
Elle plissa les yeux et se gratta la tête, l'esprit encore embrouillé.
- Mais c'est qui cette Ana ?
Il fronça les sourcils. Il semblait hésiter entre amusement et questionnement.
- Bah c'est toi.
Elle éclata d'un immense rire pour masquer ça gêne.
- Qu'est-ce que je peux être bête ! Décidemment je ne me remets pas de ma cuite !
Elle se mit à glousser comme une parfaite imbécile en fixant Shawn jusqu'à ce qu'il paraisse convaincu. Finalement, il déposa les boîtes sur la table.
- Bon appétit.
Elle mangea seulement deux parts de sa pizza (alors que d'habitude, elle l'engloutissait goulument toute entière) car manger lui donnait envie de vomir. Shawn s'inquiéta de son état (comme d'habitude) lui proposa son aide, lui demanda s'il pouvait faire quelque chose pour elle. Elle posa sa main sur son épaule en souriant.
- Shawn, tu as d'autre chat à fouetter que moi. Ca fait combien de temps que tu ne t'es pas occupé de toi ?
Il sourit timidement et haussa les épaules.
- Mais tu sais, moi, je n'ai pas de problèmes.
- Tout le monde a des problèmes.
Comme s'il évitait le sujet, il déclara :
- Mais pour l'instant c'est toi qui en a. Dois-je te rappeler que tu es complètement fauchée, que tu as la gueule de bois et que tu as l'esprit sincèrement embrouillé ?
Elle éclata de rire. En plus, il avait oublié d'ajouter que, plus grave encore, là où elle habitait, la police la recherchait.
- Ce n'est rien. Arrête de te faire du mauvais sang pour moi. Assura-t-elle.
Mais plus les jours avançaient, plus elle trouvait difficile d'ignorer l'angoisse qui montait peu à peu en elle. Il posa la main sur son épaule, là où reposait toujours la sienne. Il la caressa délicatement pour lui donner un peu de force et de courage, pour lui montrer son soutien.
- Je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter toujours pour toi.
Puis il se releva soudainement et regarda l'heure.
- Je dois filer, à plus.
Il déposa un rapide baiser sur le haut de son crâne et partit en trottinant pour aller plus vite.
Narcisse l'avait trouvé bien tactile ce jour-là. Connaissant Shawn, il n'était pas difficile d'établir cette hypothèse : la voyant si vulnérable, son instinct protecteur l'avait irrésistiblement poussé vers elle. Elle ne voyait que ça comme solution.
Ce fut son tour de scruter l'heure, et elle se rendit compte qu'elle aussi ferait mieux de courir si elle voulait se rendre au travail cet après-midi. Elle se sentait revigorée, et question argent, elle ne devait pas manquer trop de journées de travail.
A cause de son absence le matin, elle fit des heures sups le soir. Quand elle entra dans l'appartement, lunettes de soleil perchées sur le nez pour cacher sa mauvaise mine, Shawn était déjà là. Il avait installé sur la table basse du salon des bols remplis de chips, d'olive et d'autres aliments apéritifs. Elle se frotta les mains à l'idée de la dégustation qui l'attendait.
- Chouette ! s'exclama-t-elle.
Shawn sursauta et se tourna vers elle avec un sourire tendre.
- Tu es l'homme parfait. Assura-t-elle en se laissant tomber sur le canapé.
Sans plus attendre, elle piocha une grande poignée de chips qu'elle engloutit aussitôt. Ils grignotèrent, discutant de tout et de rien dans une ambiance légère. C'était un instant agréable et simple qu'elle était heureuse de partager avec Shawn. Plus leur conversation s'intensifiait, et plus elle sentait qu'ils se rapprochaient, que ce soit physiquement ou moralement. C'était l'instant parfait pour lui avouer sa véritable identité, mais les mots restaient coincés au fond de sa gorge, trop peureux pour sortir. Soudain, ils furent coupés par la sonnerie qu'il retentit. Ils se levèrent tous deux pour ouvrir la porte.
- Bonjour. Je recherche Narcisse Miller. Déclara fermement le policer, planté sur le pas de la porte.
Voilà, un petit chapitre pour vous faire patienter un peu durant ma longue absence :) J'espère que ça vous aura plu. Surtout, n'hésitez vraiment pas à commenter ou m'ajouter dans votre liste de lecture, car c'est vraiment ce qui m'aide et me pousse à écrire :)
En tout cas, un énorme merci d'avoir lu jusqu'ici, vous êtes géniaux ! <3
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