ⅩⅩⅠⅠⅠ - Me comprendre

『 Chapitre 23 ⋄ Me comprendre 』

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Je ne respirais plus réellement. Ma tête ne se taisait pas, je me mélangeais. Peut-être brûlais-je aussi en même temps. Le monde s'enflammait, en tout cas. Que je le voulusse ou non, le brasier m'atteignait. Moi, je désirais m'éteindre. Il faisait bien chaud pour que mon bourgeon éclose. Il était pétrifié, se terrait dans l'arrivée de l'automne, prêt à l'hibernation.


Aujourd'hui, je ne savais toujours pas si j'étais une bonne personne. J'entendais des cris qui me disaient que non, mais tout cela restait empoisonné par les traumatismes du passé. Avançais-je ? Oui, comme toujours. Pour aller où ? Aucune idée.


Les choses se ressemblaient tellement qu'elles ne faisaient plus aussi douleur. Cependant, je n'appréciais pas ça. Non. Je détestais ça.


J'aimerais refroidir. Le monde s'enflammait et me brûlait avec lui.


Alors que le vent soufflait fort aujourd'hui, mes yeux fixaient un point inconnu. J'avais du mal à discerner les gestes de Mina qui jouait avec mes cheveux. Je me trouvais allongé au sol, la tête reposant sur ses cuisses tandis que Agatha, juste à côté de la blondinette, tenait un livre entre ses mains.


Impossible de réfléchir quand une tornade ensevelissait les esprits. Elle abattait sa tempête sur le mien depuis le discours du major. Lorsque je m'étais rendu compte que le sacrifice de mes camarades avait été vain, voire considéré comme une victoire, j'avais bien du mal à penser par moi-même trop secouée par la haine. Mon sentiment indéniable envers mon caporal-chef n'aidait en rien.


Je brûlais, cette vérité était inéluctable.


La mission allait se dérouler demain. Seul le point d'action se dessinait dans mon âme et profonde. Exécuter, ne pas échouer, calculer, je ne me permettais pas de songer autrement. Depuis combien de temps n'arrivais-je plus à penser par moi-même ? Cette pression ne lâchait pas mon corps. Quand je fermais les yeux, je voyais les iris du major me pourfendre, me juger. Il avait une emprise sur moi et sur ce bataillon, le genre de prise que je ne pouvais pas enlever.


— Tu peux nous le dire, maintenant, non ? questionna soudainement Mina.


La jeune femme venait de briser le silence, attirant sur son visage de fausse-enfant nos regards. Agatha avait quitté son livre des yeux, quant à moi, je revenais à la surface. Elle me fixait, je fronçais les sourcils.


— Vous dire quoi ? répondis-je, perplexe.


— Que tu l'aimes, idiote, que tu sais que tu l'aimes, j'en peux plus de te pousser avec un bâton pour que tu ouvres les mirettes, tu n'es pas aussi stupide, non ? râla la jeune femme.


Tout en me redressant d'un seul coup, prise de court par la pique de mon amie, je devinais en fond le rire étouffé de Agatha.


Quelle plaie. Mina avait toujours le chic pour me mettre la vérité sous les yeux. Mon visage chauffait à cause de la surprise trop brutale, mais, en même temps, avais-je envie de mentir ? Je n'en avais même pas la force.


Je finissais par pousser un soupir, dos à elles, avant de faire :


— Oui, je suis amoureuse de lui.


Il y eut un silence, une pause, un instant suspendu qui m'appartenait. Le vent s'engouffrait dans mes cheveux, chatouillant ma nuque. Ils avaient légèrement grandi. Cela témoignait du temps que j'avais écoulé ici, parmi le bataillon d'exploration. Une nouvelle vie encastrée dans une ancienne, trop absorbée par ses démons. Ces temps-ci, il me semblait qu'ils me rattrapaient tous doucement.


— Incroyable, fit Agatha, qui brisa le silence.


Je venais de me retourner pour faire face à mes deux amies qui me contemplaient, les yeux ronds.


Leurs expressions ne pouvaient que me faire esquisser un nouveau rougissement. J'ouvris la bouche, en quête de protestation, voulant dire quelque chose, mais rien ne sortit. Je me mis à entortiller autour de mon doigt une mèche blanchâtre de mes cheveux, et alors, je perçus les deux femmes se rapprocher de moi.


Mina me planta son regard espiègle dans les yeux, Agatha témoignait de la même expression. Je me sentis légèrement acculée, mon cœur semblait battre plus fort tandis que mon poing se posait contre ma poitrine. Elle palpitait.


— Q-quoi ? protestais-je.


— Tu lui as dit ? enchaîna Mina.


— H-huh ? fis-je.


— Bien sûr que non, elle ne lui a pas dit ! beugla la caporale.


— L'espoir fait vivre !


— Il faut que tu lui dises ! répliqua la cheffe.


— Avec son air d'abrutie ?! Elle a le temps de s'emmêler les pinceaux avant de pouvoir faire une phrase qui a du sens !


— J'ai envie de dire qu'il n'est pas mieux.


— Ça, c'est clair...


— Comment ça il n'est pas mieux ?!


Je venais enfin d'en placer une parmi ce bazar. Leurs questions me donnaient le tournis, impossible de bien me concentrer. La mission me murmurait à l'oreille comme un démon, et il allait me rattraper, obligatoirement, car d'ici demain, j'aurai les fesses posées dans une carriole avec cet abruti de Jean déguisé.


Les deux femmes me fixaient, ahuries. Elles clignaient plusieurs fois des yeux avant d'éclater de rire, me faisant redoubler en rougissement.


— Ne... je... c'est si flagrant que ça ? les questionnais-je, en chuchotant.


Mes joues implosaient en rouge alors que je plaquais mes deux pommes tout contre. En repensant à la lettre de Petra, je me rappelais indéniablement qu'elle avait deviné en moi ce sentiment. Je le portais bien, de ce qu'elle en disait. Bon sang... étais-je si facile à lire que cela ?


En regardant enfin les pommettes de mes deux amies, rien qu'à leurs visages, je me sentis faillir. Je baissai la tête, plaquant pratiquement mon front au sol. Mon corps se rapprochait plus d'une immense flaque d'eau qu'autre chose, pour le moment.


— Ne dites rien, je ne veux rien savoir en fait, fis-je.


Leurs rires se mirent à résonner beaucoup plus fort dans l'entièreté de la cour du QG. Certains soldats épiaient par curiosité la scène. J'avais envie de me cacher 6 pieds sous terre. Il fallait croire que même sous les abysses, j'étais condamnée à me sentir espionner par les perles aciers du caporal-chef.


Maudis sois-tu, sentiment amoureux, pensais-je, au fond de mon cœur. Depuis qu'il m'était apparu, impossible pour moi d'être lucide. Je perdais la moindre de mes résolutions lorsque je me retrouvais sur le toit avec lui. Cette fougue s'emparait de moi, de ma gorge, de ma bouche et de mes mots. Ils sortaient sans aucun contrôle. Cela me paraissait dangereux, de plus en plus dangereux, même.


Alors que je m'enfouissais la tête la première avec le sol, les bras protecteurs d'Agatha me redressèrent, et la main de Mina se plaqua à mon épaule pour la tapoter délicatement. Elles souriaient, rien que cela, j'ignorais en quoi, me rassurait énormément.


— Tu as tout ton temps, Nell, on te charrie simplement, fit doucement la caporale.


— Il faut dire que tu sais choisir les hommes dont tu tombes amoureuse ! La personne la moins accessible de cette planète ! Mais tu sais quoi ? Je doute que tu échoues là-dedans, répliqua la blondinette, à son tour.


Je clignotais peut-être une fois, deux fois, trois fois des yeux sans être capable de répondre, fronçant les sourcils, je n'arrivais absolument pas à comprendre ce qu'elle me disait.


— Elle n'a rien compris, ça me désespère, abandonna Mina qui tomba le dos à la renverse, dans l'herbe, l'air désemparé.


Agatha éclata de rire, rien qu'à mon expression, elle touchait juste : rouge écarlate, les yeux grands ouverts à avoir été pris de court par mon amie.


Je détournais vivement la tête, plaquant mon coude à ma bouche pour tenter, un tant soit peu, de me camoufler derrière, en vain.


— C-ce que vous pouvez être énervantes ! rouspétais-je sous leurs ricanements confondus.

J'en avais du chemin à parcourir. Il allait être long, si long. Pour le moment, même les banalités m'apparaissaient en mystère. Je devais avoir l'air d'une abrutie à ne pas saisir ce genre de chose. Judith avait raison. Je me trouvais à des années lumières de me comprendre, autant d'appréhender ce monde-ci. 


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Fanart unique réalisé par th3t00th (instagram) merci de ne pas le voler.


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Des cernes se creusaient sous mes yeux verdoyants. Je n'avais pas beaucoup dormi. Lorsque l'aube s'était dessinée, je m'étais résolue à m'entraîner après le petit déjeuner. J'avais croisé mon caporal-chef, maudissant le hasard des choses de me retrouver si mal habillée. Je n'avais pas eu la force d'enfiler mon uniforme, optant pour le simple pantalon blanc, les bottes le constituant et un t-shirt large déjà porté la veille.


Nous nous étions regardés. Un clignement d'œil de mon côté, un du sien, j'avais souri maladroitement, il m'avait répondu par un hochement de tête pour que j'approche.


— Bien matinal, Urthël, m'avait-il fait remarquer.


— Je ne réussissais pas à dormir, avouais-je.


Je commençais mes étirements, essayant tant bien que mal d'éviter son regard. Il me fixait, je sentais son corps se dessiner contre mon dos, il y avait de quoi frémir.


— La mission ? questionna-t-il.


Je me retournais, fronçant légèrement les sourcils. Je ne pouvais pas m'empêcher de repenser à la discussion de la veille avec Agatha et Mina. Étais-je si simple à lire ? J'avais ouvert la bouche pour réagir, mais rien ne sortait. J'avais l'impression de mentir si j'avouais qu'il s'agissait de cela. Au fond, je savais qu'il était question d'autre chose, mais impossible de mettre des mots dessus.


J'allais répondre, mais prise de court, je me retrouvais bien plus proche de lui. Il s'était avancé, je sentais son souffle contre ma peau, et cela me faisait perdre la moindre de mes résolutions, explosant en rougeur. Je fis un pas en arrière malgré moi, mais le mur me fit obstacle, contraint à être pris au piège entre sa prestance et mes sentiments.


Oh bon sang.


Mon sang bouillonnait, chauffait, me montait jusqu'aux joues à me les faire imploser, je baissais ma tête, mais ses doigts agrippèrent mon menton, me forçant à lui faire face.


Oh bon sang.


Mon cœur voulait me lâcher, peut-être n'avait-il rarement battu aussi fort. Il ne me faisait pas mal, cependant, mais j'avais la ferme impression que j'allais m'évanouir dans ses bras. Mes jambes me paraissaient flageolantes.


Puis, d'un coup, il tourna ma tête sur la droite, sur la gauche, en bas, en haut. Son front se plaqua sur le mien, me laissant abrutie, n'arrivant pas à expliquer ce qui était en train de se passer.


Il me lâcha, fronça les sourcils en reculant, croisant les bras.


— Je ne comprends pas, fit-il.


Je ne parvenais même pas à lui répondre, seules des onomatopées pouvaient sortir de ma bouche. Comment réagir face à ça ? Était-ce simplement normal ?


— Je pensais que tu avais de la fièvre, tout va bien, Urthël ?


Je tombais des nues, les yeux exorbités. Je songeais à une blague, mais à en voir son expression, il paraissait terriblement sérieux. J'eu un sourire maladroit, pouffant plus par nervosité que par réel amusement. Mon dos, déjà plaqué contre le mur, se mit à glisser jusqu'au sol. Mes jambes ne soutenaient plus rien, je tremblais, je suais pratiquement alors que je ne pouvais pas m'empêcher de rire.


Il me toisait, roula des yeux avant de claquer de la langue, l'air confus, il finit par s'asseoir à mes côtés.


— Idiote, fit-il.


— Vous m'avez surprise, ripostais-je.


Il y eut un moment de silence, de quoi me donner du répit, de retrouver ma blancheur innée. Mes joues perdirent en rouge, mais mon cœur, lui, avait bien du mal à se calmer.


Quelque chose de nouveau s'imposait à moi lorsque je revoyais cette scène. Les petits détails me frappèrent. Je devinais son parfum enivrant de lavande, sa bouche fine, sévère, si proche de la mienne. Sans même m'en rendre compte, ma lèvre inférieure se repliait à l'intérieur pour croiser mes dents. Étrange sensation, cela sonnait comme un désir, mais lequel, aucune idée. J'avais envie de le sentir de nouveau aussi proche, mais d'un autre côté, j'en étais tétanisée.


—... Tu parais différente ces derniers jours, avouait-il.


Surpris, je tournais ma tête face à la sienne.


Différente ? Il avait peut-être raison. Moi-même je ne me reconnaissais pas en ce moment.


Je perdis plus ou moins mon sourire, il s'affaiblissait bien qu'il subsistait sur ma bouche. Alors que j'entortillais ma mèche, par réflexe, autour de mon doigt, je me rendais compte à quel point mon monde n'était plus le même depuis l'expédition.


— Je pense que je suis restée là-bas, pour tout vous dire... fis-je.


Il ne répondait pas. Il me regardait, m'écoutait. C'était peut-être la meilleure chose à faire dans ce type de moment. M'écouter, m'écouter quand moi-même je n'y arrivais pas.


— Je n'en sais rien, je m'en doutais avant de rentrer ici. Peut-être que j'ai été naïve, naïve de croire que j'étais capable de surmonter ce genre d'épreuve, continuais-je.


Quelque chose d'étrange se creusait au fond de ma poitrine. C'était diablement relaxant, bon. Mon corps, ma tête, tout semblait me remercier d'ouvrir la bouche, d'abandonner mon cœur. Il sortait par mes mots, je le laissais s'échapper.


— Pourtant les choses sont aussi terribles que dans les bas-fonds. J'ai l'impression d'avoir oublié, oublié à quel point les atrocités sont partout, même là-haut.


Mes genoux se plaquèrent contre mon torse alors que je regroupai mes bras autour. Ainsi, recroquevillée sur moi, j'ignorais en quoi, mais je me sentais en sécurité.


— J'ai sûrement trop idéalisé ma sortie. C'est affreux de se rendre compte que même à l'air pur, même face au soleil, on se retrouve devant autant d'épreuves, autant de sang, de haine de... de mort.


Une larme, une seule. Elle était suffisante pour refléter mon état. Avant même que je ne puisse la chasser, quelque chose de doux se colla contre ma joue pour l'effacer. Le caporal-chef venait de plaquer son fidèle mouchoir contre. Je lui avais souri, et lui, il paraissait plus détendu.


— Je te comprends, répondit-il.


Son œil, posté vers le plafond, semblait voir bien plus loin. Il devait certainement penser souvent à son passé, à sa vie, dans les souterrains. Si j'avais bien assimilé une chose en remontant à la surface, c'était bien le fait qu'ils restaient toujours quelque part en nous.


Les habitants des bas-fonds se comprenaient entre eux, en un simple regard. C'était ainsi que lui, comme moi, nous nous étions déchiffrés dès le premier jour.


— Mais on apprend à vivre avec tout ça. Tu verras, tu trouveras de nouvelles raisons de continuer, Ur...


Je fronçais les sourcils, voyant qu'il venait de tiquer face à mon nom de famille.


—... Nellas, finit-il.


Surprise d'entendre mon prénom, je me figeais en même temps que de sentir mon cœur reprendre de la vitesse.


Il semblait fuir mon regard, le coin de ses joues retrouvait une apparence de rosée. En plein jour, face à la lumière du matin, je percevais tellement mieux les détails de sa peau de porcelaine. Cette couleur se dessinait si bien sur son blanc immaculé, au même titre que le mien. Il me poussait à rougir à mon tour alors que, ensorcelée d'une fougue qui me ressemblait bien, j'osais lui répondre :


— J'aime quand vous m'appelez par mon prénom.


Il avait ouvert plus grand les yeux, s'était repris immédiatement en se raclant la gorge. Il se leva, reprenant ses airs impassibles, plus faussement impassibles désormais.


La situation m'amusait. Alors comme ça, même lui était capable de se trahir ?


— Reprenons l'entraînement... pesta-t-il dans sa barbe.


À mon tour je me levais, le cœur bien plus léger. Il possédait ce pouvoir sur moi. Celui de me contraindre à voir les choses d'une nouvelle manière. Gardiens de mes sens, il demeurait l'être le plus apte à me faire comprendre, que même l'esprit enfumé, même le corps submergé, je restais celle qu'il tenait fermement, et qu'il ne laisserait pas couler.


— À vos ordres, caporal ! 


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Petit mot de l'auteur

Incroyable, nous avons atteins les 1K de lecture !

C'est complètement fou ! 

Moi qui pensait que cette fiction n'allait jamais réellement décollé, vous faites une véritable heureuse. Je suis contente que vous prenez plaisir à découvrir l'histoire de ma petite Nellas. Elle me tient tellement à coeur, et ce, depuis déjà tant d'années !

J'espère que le chapitre vous aura plu of course, je suis tellement désolée du retard que je peux accumulée, je suis complètement acculée par la fin d'année, le rendu de dossiers, partiels et tout petit panel pas ouf qui demande du temps et des efforts.

Merci encore pour votre temps consacré à cette fiction, je vous souhaite tout le bonheur du monde.

Coeur sur vous.


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