Ⅳ - Les inscriptions

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『 Chapitre 4 ⋄ Les inscriptions 』

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Les cordes de mon violon vibraient sous mes doigts. Les yeux fermés, essayant de m'imaginer un nouvel endroit à explorer, je sentais le vent chaud caresser mes cheveux et se faufiler entre mes vêtements. Quelques cliquetis s'entrechoquaient : des pièces claquant entre elles, tombant dans ma sacoche en toile. Les gens semblaient apprécier la mélodie. Certains étaient peut-être captivés par mes cheveux blancs, eux-mêmes résonnaient comme une invitation au spectacle. Moi, je n'en avais que faire. Je jouais. La musique se faufilait dans mes oreilles, et de mes tympans à mon corps, tout semblait se relier d'une manière impeccable, mélodieuse au possible. La musique avait le don de s'emparer de mon âme. J'étais ici sans l'être, profitant de chaque petite note qui pouvaient se glisser en moi.


La dernière note sonna comme le glas de l'église. Un coup fatal qui semblait m'avoir coupé le souffle, le fendre en deux. À respirer, inhaler profondément l'air qui m'entourait comme s'il me manquait. Mes yeux s'ouvraient sur un public de personnes, yeux ébahis, mains lovées contre leurs bouches, larmes pendantes aux prunelles. Je les avais touchés. Un moment de silence qui ne dura que quelques secondes avant que je ne me redresse, courbant légèrement mon corps, un rougissement qui gagnait mes joues. Je ne m'y faisais pas à ces faibles moments de gloire. Les applaudissements fusaient, d'autres pièces se rajoutaient à la bourse, et ils partaient comme ils vinrent tel un souffle de vent.


Les bas-fonds ne m'avaient jamais donné le luxe de jouir de ce talent. Je ne jouais souvent que pour moi, ne profitais que de maigres compliments qui sonnaient comme des invitations grotesques et louches. Ce type d'innocence réchauffait mon cœur, ma tête trop habituée à l'obscurité des souterrains. Lorsque ce genre de moment faisait surface, peut-être était-ce là que je me rendais réellement compte que je n'y étais plus : enterrée ci-bas.


L'avantage d'être musicienne était de pouvoir gagner quelques piécettes pour survivre. De quoi me payer le repas et la nuit de ce dernier soir. Lorsque je m'y attardais, je songeais que la semaine était passée comme un éclair, une pluie nocturne. J'y pensais, mais, il y en avait de nombreuses durant cet été. L'orage arrosait souvent la ville, il grondait, les gouttelettes frappant à la fenêtre de la chambre de l'auberge. Je fixais souvent ce spectacle pendant plusieurs heures, le soir, à me faire bercer par celles-ci. Le sommeil ne me gagnait que tardivement. Les cauchemars me guettaient comme des ennemis, des titans prêts à ouvrir leurs gueules pour m'avaler tout cru. Ils gagnaient toujours, même en dehors des souterrains. Le confort avait cependant ses formes fourbes. Le genre à très vite t'habituer au luxe d'un matelas confortable. La moindre normalité paraissait en grandes somptuosités, et les grandes somptuosités en portes du paradis. Au fond, toutes les nuits se ressemblaient.


Hermina ne changeait pas réellement de Yalkell. C'était une ville dans les mêmes teintes et sons. Le marché faisait autant de boucan que celui de l'autre district. Les étalages et les boutiques tenues par le même profil de personnes roturières. Ceux-là semblaient destinés à une vie paisible, longue, auprès de leur famille. Elles les attendaient dans l'une de ces maisons citadines, toutes collées, se faisant face d'une rue à l'autre. Je les avais observés de long en large lors de mes balades et de mon exploration.


Mes pieds avaient trouvé un semblant de repos : les plaies ne s'ouvraient plus, les bandages faisaient l'affaire et la douleur était moins vive, atroce. J'étais galvanisée par le souhait de réussir, d'arriver enfin à mes fins. Enfin, après m'être perdu dans mes songes, j'avais fait le tour de la grande place à la suite de ma prestation, camouflée dans une petite rue et ayant recouvert de nouveau ma chevelure de ma cape. Elle m'avait accueilli comme une vieille amie, m'avait souhaité la bienvenue de ses pavés usés à saluer les marchands et les promeneurs. J'avais moi-même fait mes pas dessus. Mes bottes claquaient. Je devinais le mur Sina se dessiner juste derrière le bâtiment le plus imposant de cette esplanade : le QG de la garnison. Chaque district en possédait un, Hermina n'échappait pas à la règle. Observant ce blason aux roses rouges écarlates. Il flottait dans les airs aux allures fières, si différente de ses soldats postés au pied de celle-ci à jouer aux cartes. Malgré la chute du mur de Shiganshina, les choses semblaient figées. Une vive colère me parcourut l'échine. Ce comportement m'exaspérait.


On crève de faim et sous les coups de ces ordures dans les bas-fonds, mais eux ne daignent même pas protéger cette cité, songeais-je quelque part.


Je n'appartenais plus aux bas-fonds. Les souvenirs trop récents me hantaient. À troquer le néant pour le soleil, j'en venais à oublier à quel point la différence pouvait être difficile à avaler. Je déglutis ne serait-ce que d'y penser. Pas le temps de défaillir. Le bataillon d'exploration me guettait comme un objectif. Il était la cible, j'étais la flèche.


Je fis volte-face, quittant la place, l'air plus déterminé que jamais. Demain je pourrais enfin parvenir à mes fins. C'était là le seul but auquel j'aspirais : intégrer le bataillon d'exploration.


Au fur et à mesure que mes pas martelaient le district, j'observais. Je discernais des enfants en train de jouer, ils courraient, se faisaient disputer par les quelques travailleurs portant de lourdes charges sur leurs épaules. La vie semblait battre de l'aile.


Pourquoi je n'arrive pas à ressentir quoi que ce soit ?


Scotchée et incapable de marcher, mes pieds ancrés sur ce sol de pierre ne semblaient pas vouloir faire un pas de plus. J'étais seule. Un vif sentiment inconfortable vint me broyer les organes. Il piquait. Mon cœur frappait contre ma poitrine et peut-être que mes joues se mirent à s'humidifier d'elles seules. Je pleurais.


Ah.


Impossible de les retenir. Elles ne m'obéissaient pas. Maladroite à tenir ma cape, le tissu se froissait sous mes poings. Je les jalousais. Quel terrible sentiment était-ce, celui-ci. Essayant de rabattre du mieux que je le pouvais mes pensées, de les restreindre, les absorber quelque part. Fermant les yeux quelques minutes à inhaler l'air qui m'entoure. J'en faisais abstraction du bruit environnant. Le soleil tapait mon front, il faisait tellement chaud qu'il séchait mes larmes d'un frôlement.


Un coup.


On venait de me heurter l'épaule assez violemment, j'en fis quelque pas en arrière, fronçant les sourcils de la douleur de mes pieds encore endommagés.


— Tck !


Je n'avais pu discerner qu'un claquement de langue, voyant s'échapper dans la foule de monde une cape verte, une chevelure noire se perdant dans les épaules et les torses. Il était petit de taille. Cet homme m'avait fait sacrément mal. Je tenais mon épaule de ma main, poussant un large soupir. Peut-être que tout cela n'avait duré qu'une petite seconde, mais les villageois s'excitaient autour de moi. C'était moi ou cet endroit venait de regrouper le double des personnes présentes juste avant ? Mes sourcils se fronçaient. Je me tournais à me tenir toujours l'épaule. Ce petit con m'avait balayé de son passage, ça, c'en était certain. Des regards admiratifs se perdaient sur les yeux de ces dames. Une personne célèbre était ici ?


— Ils sont ici ! hurlait quelqu'un à côté de moi.


Qui ça ?


— Poussez-vous ! Je n'arrive pas à voir le major ! beugla une dame dans mes oreilles.


Mon corps se fit plaquer de l'autre bout de la foule. On venait de me pousser à nouveau. Hors de question de risquer de nouveau mes pieds à se faire écraser. J'en avais désespérément besoin pour demain. Cependant, appuyée contre un muret de pierre, quelques caissons de bois plaqués tout contre, j'en venais à me repasser la phrase que je venais à peine d'entendre avant de me faire congédier : « Je n'arrive pas à voir le major ».


Le bataillon était présent et mon cœur se mit à louper un battement à m'imaginer avoir manquer celui que je vise. La main soudainement lovée contre ma poitrine, j'essayais de me percher le plus haut possible sur mes pieds, mais j'abandonnai rapidement l'idée face à la douleur aiguë de mes orteils. Un rire empâté se fit entendre, m'obligeant à tourner la tête vers un vieillard corpulent, au tablier sali.


C'peine perdue ma p'tite. Ces femmes-là n'sont pas prête de laisser l'chemin d'libre ! me fit-il d'un large sourire.


La scène semblait l'amuser, comme si c'était une habitude ici. Je me mis à gratter ma nuque nerveusement, levant mes prunelles vertes vers celui-ci qui fit de gros yeux, sûrement surpris de mon albinisme. Je commençais à connaître ce regard, à force d'habitude. Je feignis à mon tour un faible sourire, après tout la scène était divertissante vue d'ici.


Je vois ça. Je me suis fait envoyer valser deux fois en moins de deux minutes ! Il y a quelqu'un d'important ? le questionnais-je.


L'homme pouffa à ma remarque. Je devais vraiment avoir l'air d'une inconnue, le genre à avoir marqué sur le front que je n'étais pas du tout d'ici. Cela ne sonnait pas faux, cependant.


Les inscriptions civiles ont lieu d'main. Ils sont en train d'installer la place, l'bataillon d'exploration s'fait toujours remarquer, répondit-il tout en reportant son regard vers la foule.


Touché. Je me maudissais soudainement de m'être perdue dans mes pensées. J'en avais loupé le bataillon. Je poussai un large soupir, ce qui fit par ailleurs s'esclaffer le poissonnier. Il me donna une tape amicale sur le dos, me faisant presque recracher ma salive.


T'inquiète pas va ! Tu pourras les voir plus tard quand ça s'calmera !


Un rictus timide me prit aux lèvres. La seule chose dont j'avais envie était de rentrer après tant de péripéties. Je hochai la tête à sa remarque et empoignai ma capuche pour la remettre correctement sur mes cheveux.


Assez de magie pour aujourd'hui, ne me faites pas faux bond ! me disais-je, m'adressant à ma chevelure.


Je pressai le pas après tout ça, m'éloignant des cris et de la foule. Quelques rues à traverser et me voilà accompagnée de quelques personnes qui n'avaient pas abandonné leur poste de travail pour admirer la venue du bataillon.


Putain.


Je mordais ma lèvre inférieure sous cette simple pensée : celle que je les avais loupé. Puis, une autre tomba, un éclair de génie me traversa la tête. Je me dépêchais alors, en quête de regagner l'auberge, un léger sourire sur la bouche. Mes tâches étaient finies pour la journée, j'avais assez pour payer mon gite pour cette dernière nuit. Je pris cependant le temps de compter les pièces. Le résultat était net : j'avais un petit bénéfice qui m'autorisait à craquer pour troquer ces haillons pour une tenue convenable.


Je balayai mon regard vers les galeries marchandes et admirai les étalages. L'une d'elles m'intéressai d'emblée : des prix peu élevés, montrant des tenues tout à fait adéquates pour la saison. Une chemise propre, un pantalon qui n'était pas déchiré et des sous-vêtements convenables n'étaient pas de refus. Je me faufilais dans la boutique, la jeune vendeuse semblait avoir compris directement la raison de ma venue. Pas si compliqué vu l'état de mes vêtements actuels. Après quelques mots échangés sur ce que je recherchais, elle s'empressa de dénicher un petit tas de vêtements. Ils étaient simples, c'était tout ce que je voulais. Elle me montra ce pantalon noir profond à la taille haute, c'était un souhait sur lequel j'avais fortement appuyé : pas de robe, de jupe, par pitié. Pas que je ne trouvais pas ça joli, mais le manque de pratique pour s'entraîner suffisait à me faire à l'idée d'un pantalon. Celui-ci sembla particulièrement bien : assez élastique, de quoi supporter mes étirements farfelus. Le haut qu'elle avait sélectionné était un justaucorps dont le col était roulé, au tissu fin, efficace pour ce temps chaud. Sa couleur rouge profond me plaisait. Je rajoutais au panier une paire de chaussettes et un sous-vêtement.


Je découvris un plaisir que je ne connaissais qu'à peine : celui d'être capable de me payer de beaux vêtements. Ils respiraient la simplicité et pourtant ils furent les premiers que je possédais. Je tenais la lanière du sac de course où ils reposaient sagement pliés, et enfin, je repartis en direction de la pension.


Le soleil descendait beaucoup plus bas lorsque j'avais passé la porte du gite, faisant tintiller les clochettes de l'établissement sous le sourire habituel de l'aubergiste. Il avait appris à me connaître, à force, à passer la semaine entière ici. Je déposais sur son comptoir les pièces pour la nuit de plus passée ici.


Le repas sera à l'heure habituelle ma jolie. Tu repars demain alors ? disait-il en déposant l'argent dans sa caisse.


C'est bien ça. Ma dernière ici, promis, je ne viendrai plus vous embêter après ça. répondis-je, munie d'un petit sourire frêle et enfantin.


Karl, le directeur de l'établissement, était un bon vivant. Il ne parlait que trop, voulait tout savoir et son auberge n'accueillait presque personne en cette saison. Il s'était lié d'amitié avec moi pour me dénicher mes secrets. Il venait de m'ébouriffer les cheveux, d'ailleurs. Ce simple geste m'avait valu un rougissement en flèche à me rappeler l'habitude de Judith.


J'me fais pas de soucis pour toi. Tu vas réussir à l'intégrer ce bataillon. ajouta-t-il accompagné d'un pouce en l'air, clin d'œil charmeur et sourire franc.


Je balayais sa main rapidement, non sans retenir mon propre rire. Je l'aimais bien ce Karl. Il portait des allures d'un homme proche de sa famille, un genre de figure de père à laquelle me raccrocher. Il avait plus fait pour moi en quelques jours que n'importe quel individu dans les bas-fonds.


Je pris l'escalier à côté du comptoir, tombant sur le couloir à plusieurs portes. La quatrième était ma chambre. Je déposai mes affaires correctement et me débarrassai rapidement de mes vêtements pour les nettoyer en vitesse. Je m'étais résolue à prendre une douche le matin même qui suivait, ayant la volonté de ne rien laisser au hasard pour mon inscription. Me munissant de la large couverture du lit, je cachais ma nudité pour me percher sur la fenêtre, je pouvais me positionner facilement sur le toit qui se dégageait de ma petite lucarne. Emmitouflée dans ce drap à regarder la ville se mouver, je pouvais discerner au loin la place centrale et les soldats s'activer. Un songe m'échappa :


Bientôt, je serai ici, à leur place.


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Je m'étais préparée le plus tôt possible. L'ouverture se déroulait à 8h tapante. Bien qu'elle durait l'entièreté de la matinée et ne se terminait qu'à 12h, à 6h du matin je me trouvais déjà sur le qui-vive, me douchant avant d'enfiler mes nouveaux vêtements. Je me regardai bêtement dans la glace, me retournant en me retournant pour essayer de trouver un quelconque défaut. Mes joues prirent une teinte colorée à me voir dans de si belles affaires : aucun fil qui ne dépassait, les couleurs brillaient de leurs vives couleurs. C'était à peine si je me reconnaissais, j'arrivais même à me trouver jolie.


Je poussais un frêle soupir, essayant de me concentrer sur l'essentiel. Prenant le temps de constater l'état de mes pieds : prêts pour entamer la journée, le bandage de nouveau effectué, je les couvrais de mes nouvelles chaussettes et de mes bottes usées, faisant contraste avec le reste de mes habits. Le temps de remettre dans mon large sac l'intégralité de mes anciennes affaires et me voilà descendu dans le hall principal de l'auberge, non sans être accueillie par les railleries de Karl à me voir comme ça :


Eh bien madame s'est faite belle pour les inscriptions ?


La ferme. C'est déjà un miracle que mes vieux vêtements aient réussi à tenir le coup jusqu'ici, pestais-je en un roulement d'yeux.


Je me plaçai au comptoir du bar où il me servit un verre de jus de fruits ainsi qu'une part de pain frais. Il recommença évidemment avec ses discours interminables, je savourais mon petit déjeuner en l'écoutant d'une oreille. Au fond, mes songes étaient irrémédiablement tournés vers le bataillon. C'était à peine si je sentais mon cœur battre la chamade. Je me savais capable de réussir. Non. Je devais réussir.


Me voilà galvanisée, le ventre plein, et pleine de détermination. Le verre que je venais de finir cul sec vibra sur la table alors que je me levais d'un bond. Cela amusa Karl qui me fit une tape sur l'épaule.


Allez ma jolie. Impressionne-les et que j'te revois plus ici, me fit-il.


J'acquiesçai en lui offrant un sourire grandiose avant de percher mon sac sur mes épaules. Je quittais alors l'enceinte du gîte, avant de passer le bas de la porte, je tirai sur la capuche de ma cape afin de camoufler de nouveau mon albinisme, et enfin, j'entamai mes pas dans la ville : prête à gagner la place et à donner mon cœur au bataillon.


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8h tapante. La cloche de l'église centrale résonnait dans l'intégralité des rues. Me voilà en face de cette place que j'avais visitée la veille. Elle n'avait plus rien à voir : remplie de personnes, de soldats et de tentes improvisées. Des tables se dispersaient à droite et à gauche. Je percevais l'emblème imposant de la Garnison ainsi que sa queue qui se formait de volontaires. Ce n'était cependant pas ce que je cherchais. Mes yeux s'attardaient sur la vision des ailes de la liberté, symbole du bataillon d'exploration. Il avait fallu que je plisse les yeux pour en découvrir la table, au fond, dépourvue de volontaire. Quel contraste. Cela rendait la chose encore plus terrifiante. Dire qu'hier encore ils étaient acclamés de la foule, il n'y avait plus aucune personne pour se dévouer à la cause de l'humanité.


Je le savais, ils sont tous ridicules, me disais-je à moi seule.


Je pris une grande respiration avant d'enfin entamer mes pas vers la table. Il y avait trois personnes assises : au centre, l'imposant et strict major Erwin Smith, connu de tous. À sa droite se tenait un soldat dont je ne connaissais ni le visage ni le nom, mais à sa gauche, un visage terrifiant y logeait. Un regard aussi foudroyant que les orages qui avaient lieu la nuit, une chevelure de corbeau, prêt à t'égorger aux moindres mouvements. Il m'en faisait avaler ma salive avec difficulté.


Serait-ce lui, cet homme dont ils parlent tous en héros dans les bas-fonds ?


Cette pensée m'échappa. Je revoyais en flashback le nombre de bandits clamant un chef d'antan qui pouvait tuer n'importe qui. Livaï Ackerman. Voilà quel était son nom.


J'arrivais plus vite que je ne l'aurai cru devant la table, fixée de tous. Une boule dans mon ventre se forma, prête à m'attraper les organes pour me faire régurgiter l'intégralité de mon petit déjeuner.


Du calme, Nellas, tu as attendu ce moment toute ta vie.


Je fermai un instant les yeux pour regagner confiance, et enfin, de ma main, je dégageai ma capuche, révélant mes cheveux aussi blancs que la neige, sous la surprise du soldat, mais pas des deux dirigeants. Le contraire m'aurait étonné. Je posai devant le major mon passeport de citoyen, durement gagné : le travail de toute une vie réunie dans un petit bout de papier ridicule.


Je suis Nellas Urthël, monsieur ! Et je souhaite intégrer vos rangs ! fis-je le plus fort et le plus distinctement possible.


Je sentais mes yeux trembloter de détermination. J'avais réuni avec force mon poing contre ma poitrine pour effectuer le salut de respect. Ces deux hommes en face de moi, impossible de les analyser. C'était eux qui m'analysaient. Cependant, le regard du major se détourna du mien pour se poster sur ma fiche. Il se mit à la lire de manière plus concentrée que ce que j'aurai pu le penser, mais malgré ça, d'autres yeux ne me lâchaient pas. Ce ténébreux garçon semblait m'assassiner du regard. Il m'en causait presque des vertiges et de terribles questions tournaient en boucle dans mon esprit : et si j'avais dit quelque chose de travers ? Qu'un petit rien venait de tout gâcher ? C'était un supplice. Cette attente était un supplice, mais je ne bronchais pas. Je gardais mes yeux rivés, droite, imprenable. Enfin après une éternelle attente on me permit de respirer, le major venait de prendre la parole :


Urthël. Intéressant, commença-t-il en frôlant un sourire. Tu es arrivée bien tôt, voire en avance. Je ne doute pas de ta détermination à intégrer nos rangs. Mais dis-moi, as-tu bien conscience de ce qu'il t'attend ? reprit-il, le regard plus sévère.


Erwin venait de poser ses mains sous son menton, ses yeux perçants me passaient à travers l'âme. Il m'analysait, c'était bien certain. C'était à mon tour de briller, de prouver ma valeur. Je fis alors d'une voix assez audacieuse :


Croyez-moi j'ai vu ce que la mort décide de prendre. Les titans ne me font pas peur. Ce sont les Hommes qui m'inquiètent le plus dans ce monde. Je ne les laisserai pas m'attraper, me tuer, me bouffer. Ils ne me prendront jamais ni mes valeurs ni mes objectifs.


Mon cœur avait parlé pour moi. Peut-être venais-je de rentrer dans un jeu de joute avec ceux du major, mais après quelques secondes, il frôla un sourire avant de regarder son collègue à l'aura désastreusement sombre.


Occupe-toi d'elle, Livaï, venait-il de dire.


La bouche entrouverte, surprise, je laissais tomber le salut à entendre le grincement de chaise de cet homme sur la pierre, signe qu'il se levait, puis un :


Tck !


Passé par ses lèvres. Un flash immonde me revint en esprit, plus tôt, la veille, à me faire bousculer imprudemment par quelqu'un.


Oh bon sang.


Ce petit con était bien CE Livaï Ackerman ? 


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